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Décisions

CA Metz, 6e ch., 23 septembre 2025, n° 24/01664

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 24/01664

23 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 24/01664 - N° Portalis DBVS-V-B7I-GHMV

Minute n° 25/00129

S.A. BANQUE CIC EST

C/

S.A.R.L. ACF NEOBRIDGE, S.E.L.A.R.L. MJ AIR

Ordonnance Au fond, origine TJ à compétence commerciale de METZ, décision attaquée en date du 26 Août 2024, enregistrée sous le n° 23/00241

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2025

APPELANTE :

S.A. BANQUE CIC EST , représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

S.A.R.L. ACF NEOBRIDGE, représentée par son représentant légal,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Non représentée

S.E.L.A.R.L. MJ AIR prise en la personne de Me [N] [F], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL ACF NEOBRIDGE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Non représentée

DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Mai 2025 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 23 Septembre 2025, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nejoua TRAD-KHODJA

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

M. MICHEL, Conseillère

ARRÊT : Rendu par défaut

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Cathertine DEVIGNOT Conseillère pour la Présidente de Chambre empêchée et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 3 mai 2023 du tribunal judiciaire de Metz, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la SARL ACF Neobridge et la SELARL MJ Air, prise en la personne de M. [N] [F] a été désignée ès qualités de mandataire judiciaire.

La SA Banque CIC Est a, par courrier du 18 juillet 2023, déclaré une créance de 129.493,70 euros à titre privilégié concernant un prêt professionnel et une créance de 5.305,06 euros à titre chirographaire au titre du solde débiteur d'un compte courant.

Le 15 janvier 2024, le mandataire judiciaire a formulé une proposition de rejet partiel de la créance pour un montant de 8.141,58 euros à titre privilégié, au motif que ce montant correspondrait à une clause pénale non échue à l'ouverture de la procédure.

Par ordonnance contradictoire rendue le 26 août 2024, le juge commissaire du tribunal judiciaire de Metz a :

dit la clause d'indemnité de défaillance non écrite

rejeté partiellement pour un montant de 8.141,58 euros la créance déclarée par la SA Banque CIC Est

déclaré admise au seul titre chirographaire la créance déclarée par la SA Banque CIC Est pour un montant de 121.352,12 euros

dit que la présente ordonnance serait notifiée par les soins du greffe conformément aux dispositions du code de commerce.

Pour se déterminer ainsi, le juge commissaire a considéré que, en l'absence de dette échue au jour du jugement d'ouverture, l'application de l'indemnité de défaillance aggravait les obligations du débiteur du seul fait de l'ouverture de la procédure collective de sorte que la clause devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article L622-13 du code de commerce.

Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Metz le 2 septembre 2024, la SA Banque CIC Est a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement, d'infirmation de cette ordonnance et visé toutes ses dispositions, reprises dans la déclaration d'appel, sauf celle concernant les modalités de notification.

Par conclusions du 10 octobre 2024, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Banque CIC Est demande à la cour de :

recevoir l'appel

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré admise au seul titre chirographaire la créance déclarée par le CIC EST pour un montant de 121.352,12 euros, au titre du solde du prêt professionnel et omis de statuer sur la créance déclarée d'un montant de 5.305,06 euros, au titre du solde débiteur du compte courant professionnel

Et statuant à nouveau,

admettre à titre privilégié la créance déclarée par la SA Banque CIC EST au titre du solde du prêt professionnel pour un montant de 121.352,12 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 1,80 % l'an, à compter du 3 mai 2023

admettre à titre chirographaire la créance déclarée par la SA Banque CIC EST au titre du solde du compte courant professionnel pour un montant de 5.305,06 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2023

dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

La SA Banque CIC Est expose que la créance relative au compte courant professionnel pour un montant de 5.305,06 euros, qui n'a jamais été contestée et est incontestable, a été manifestement omise par le juge commissaire. L'appelante soutient que la cour doit pallier cette carence et admettre cette créance à titre chirographaire.

Concernant la créance relative au prêt professionnel, la SA Banque CIC Est accepte la réduction de sa créance à la somme de 121.352,12 euros mais conteste son admission à titre chirographaire et non privilégié comme déclaré, alors que ce privilège n'avait pas été contesté par le mandataire judiciaire. La SA Banque CIC Est affirme que le prêt a été garanti par l'inscription d'un nantissement sur le fonds de commerce de la SARL ACF Neobridge et prétend le justifier par un acte notarié et par un bordereau d'inscription du privilège de nantissement du 1er mars 2022 enregistré par le greffe du tribunal judiciaire de Metz le 8 mars 2022.

La SA Banque CIC Est ajoute que la créance doit être assortie des intérêts contractuels au taux de 1,80% l'an, s'agissant d'intérêts résultant du contrat de prêt d'une durée supérieure ou égale à un an, conformément aux prescriptions de l'article L622-28 du code de commerce.

Malgré signification de la déclaration et des conclusions d'appel le 17 octobre 2024 à la SARL ACF Neobridge par dépôt en l'étude du commissaire de justice et le 18 octobre 2024 à la SELARL MJ Air à personne, celles-ci n'ont pas constitué avocat à hauteur d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 mars 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est relevé que la SA Banque CIC Est, dans le dispositif de ses dernières conclusions, ne sollicite pas l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a dit la clause d'indemnité de défaillance non écrite et rejeté partiellement, pour un montant de 8.141,58 euros, la créance déclarée par la SA Banque CIC Est, alors même qu'elle vise ces dispositions dans sa déclaration d'appel. La SA Banque CIC Est ne formule par ailleurs aucune autre demande en ce sens à hauteur de cour et admet au contraire la déduction de sa créance à la somme de 121.352,12 euros.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'en est donc pas saisie et n'a donc pas à statuer sur ces points.

I- Sur la non constitution des intimés

L'article 542 du code de procédure civile dispose que « l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction de premier degré à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel ».

Selon le dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, «la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ».

En application des articles susvisés, il appartient à l'appelant, lorsque l'intimé ne comparaît pas, de démontrer que l'analyse des pièces et éléments de la cause effectuée dans la décision dont il est fait appel est, le cas échéant, erronée et de produire toutes pièces utiles à cette fin, y compris au besoin celles que l'intimé avait produites en première instance.

En l'espèce, il faut ainsi considérer que SARL ACF Neobridge et la SELARL MJ Air ès qualités de mandataire judiciaire, qui n'ont pas constitué avocat en appel, sont réputées s'approprier les motifs de l'ordonnance. Il appartient donc à la SA Banque CIC Est de démontrer que l'analyse du juge-commissaire est erronée.

II- Sur la demande d'admission de la créance de la SA Banque CIC Est

L'article L624-2 du code de commerce, applicable à la procédure de liquidation judiciaire en vertu de l'article L641-14 du même code, dispose que «au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission ».

En l'espèce, la SA Banque CIC Est a déclaré par courrier du 17 juillet 2023 deux créances. L'une à titre privilégié, correspondant à un prêt N°33304 207602 05 pour un montant de 129.051,86 euros, et l'autre à titre chirographaire, correspondant à une créance sur le compte courant n°33304 207602 01 pour un montant de 5.305,06 euros.

Sur la créance au titre du prêt n°33304 207602 05

Il est précisé sur la déclaration de créance que cette dernière est garantie par un nantissement du fonds de commerce pour un montant de 150.000 euros souscrit le 15 février 2022, le caractère privilégié de cette créance étant justifié devant la cour par la production de l'acte notarié, du bordereau d'inscription du nantissement et de son enregistrement au tribunal judiciaire de Metz le 8 mars 2022.

Il est donc établi que le caractère privilégié de la créance a été indiqué dès la déclaration de celle-ci.

Il convient de préciser que la SA Banque CIC Est ne remet pas en cause le montant de la créance admise à hauteur de 121.352,12 euros, qu'elle déclare accepter, mais conteste uniquement la nature chirographaire de la créance admise.

Or, dans son courrier du 23 mai 2024 adressé au juge-commissaire, le mandataire judiciaire conteste exclusivement le montant de la créance. La contestation ne porte donc pas sur le caractère privilégié de la créance.

En admettant la créance à titre chirographaire, le juge commissaire a statué ultra petita.

La créance susvisée doit donc être admise à titre privilégié.

L'article L622-28 alinéa 1 dispose que « le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa. Nonobstant les dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts ».

En l'espèce, la créance déclarée porte sur un prêt dont il est constant qu'il a été conclu pour une durée supérieure à un an. La procédure collective n'a donc pas suspendu le cours des intérêts.

Néanmoins, il est relevé que la créance telle que déclarée et admise pour la somme de 121.352,12 euros comprend déjà les intérêts à échoir.

Il n'y a donc pas lieu d'ajouter des intérêts au taux de 1,8% comme le sollicite l'appelante. Cette demande sera rejetée.

Il convient ainsi d'admettre la créance de la SA Banque CIC Est au passif de la procédure collective de la SARL ACF Neobridge pour un montant de 121.352,12 euros à titre privilégié.

L'ordonnance sera dès lors infirmée en ce qu'elle a admis cette créance pour la somme de 121.352,12 euros à titre chirographaire.

Sur la créance au titre du compte courant n°33304 207602 01

S'agissant de la créance au titre du compte courant n°33304 207602 01 pour un montant de 5.305,06 euros, si elle a été déclarée en même temps que la créance au titre du prêt, il ne ressort ni de l'ordonnance dont appel, ni du courrier du 23 mai 2024 que celle-ci ait fait l'objet d'une quelconque contestation de sorte qu'il y a lieu de l'admettre à titre chirographaire pour le montant déclaré, étant observé en outre qu'aucun élément ne permet d'établir qu'il a déjà été statué sur l'admission de cette créance.

Cette admission sera ajoutée à l'ordonnance qui a omis de statuer sur ce point.

III- Sur les dépens

Dans la mesure où il est fait droit à la contestation, il convient de fixer les dépens au passif de la procédure collective. Cette disposition sera ajoutée à l'ordonnance du juge-commissaire qui a omis de statuer à ce titre.

Pour les mêmes motifs, les dépens de l'appel seront également fixés au passif de la procédure collective de la SARL ACF Neobridge.

Par application des dispositions de l'article L622-17 du code de commerce, la demande tendant à ce que les frais et dépens soient employés en frais privilégiés de la procédure collective, sera rejetée, tant en première instance qu'en appel, dans la mesure où il n'est pas démontré que ces dépens ont permis le bon déroulement de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance rendue le 26 août 2024 par le juge commissaire du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'elle a déclaré admise au seul titre chirographaire la créance déclarée par la SA Banque CIC Est pour un montant de 121.352,12 euros ;

Statuant à nouveau,

Admet, à titre privilégié, au passif de la procédure collective de la SARL ACF Neobridge, la créance de la SA Banque CIC Est au titre du prêt n°33304 207602 05 pour la somme de 121.352,12 euros ;

Y ajoutant,

Admet, à titre chirographaire, au passif de la procédure collective de la SARL ACF Neobridge, la créance de la SA Banque CIC Est au titre du compte courant n°33304 207602 01 pour la somme de 5.305,06 euros ;

Déboute la SA Banque CIC Est du surplus de sa demande formée au titre des intérêts ;

Fixe les dépens de première instance et d'appel au passif de la procédure collective de la SARL ACF Neobridge ;

Rejette la demande tendant à ce que les dépens, tant en première instance qu'en appel, soient employés en frais privilégiés de la procédure collective.

La Greffière La Conseillère pour la présidente de

chambre empêchée

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