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Décisions

CA Colmar, ch. 1 a, 24 septembre 2025, n° 24/01150

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 24/01150

24 septembre 2025

MINUTE N° 396/25

Copie exécutoire à

- Me Laurence FRICK

- Me Orlane AUER

Le 24.09.2025

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 24 Septembre 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/01150 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IIO4

Décision déférée à la Cour : 16 Février 2024 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe du contentieux commercial

APPELANTE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL UFFRIED NORD

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

INTIMEE :

Madame [K] [M]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Orlane AUER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 31'août 2020, par laquelle la Caisse de Crédit Mutuel (CCM) Uffried Nord, ci-après également dénommée 'le Crédit Mutuel' ou 'la banque', a fait citer Mme [K] [M] devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg,

Vu le jugement rendu le 16'février 2024, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg, à compétence commerciale,'a, sous bénéfice de l'exécution provisoire, débouté la banque de ses fins et conclusions, la condamnant aux frais et dépens et au paiement à Mme [M] d'une indemnité de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

aux motifs, notamment, que':

- s'agissant du contrat de prêt du 8'septembre 2017, souscrit par une société en cours d'immatriculation et non pour son compte, l'engagement de Mme [M] ne pouvant exister que sur une obligation valable est nul et de nul effet,

- faute de preuve du dépôt de l'état des créances, la demanderesse ne peut opposer à Mme [M] l'autorité de chose jugée de cet état.

Vu la déclaration d'appel formée par la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord contre ce jugement et déposée le 14'mars 2024,

Vu la constitution d'intimée de Mme [K] [M] en date du 4'avril 2024,

Vu les dernières conclusions en date du 13'mai 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord demande à la cour de':

'DECLARER l'appel recevable,

LE DECLARER bien fondé,

INFIRMER le jugement du 16 février 2024 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

DECLARER irrecevable la demande de tendant à voir 'DECLARER irrecevable la demande de restitution de la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord'

CONDAMNER Madame [K] [M] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL UFFRIED NORD un montant de 34 670,21 euros augmenté des intérêts au taux légal et des cotisations d'assurance-vie au taux de 0,50 % l'an à compter du 5 août 2020, et ce dans la limite de 42 000 euros,

CONDAMNER Madame [K] [M] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL UFFRIED NORD un montant de 1 953,42 euros augmenté des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, au titre de l'indemnité conventionnelle, et ce dans la limite de 42 000 euros,

ORDONNER la capitalisation annuelle des intérêts de retard, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil,

DEBOUTER Madame [K] [M] de l'intégralité de ses fins et conclusions,

CONDAMNER Madame [K] [M] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel,

CONDAMNER Madame [K] [M] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL UFFRIED NORD une somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du CPC'

et ce, en invoquant notamment':

- la validité du prêt, souscrit par la société en formation, représentée par sa gérante, la lecture des différentes clauses du prêt d'une part, des statuts d'autre part, révélant que Mme [M] aurait bien agi en sa qualité de représentante de la société en formation, mandatée à cet effet par la société elle-même,

- l'absence de contestation de la déclaration de créance par le liquidateur ou par Mme [M] et la valeur juridique attachée au certificat d'irrecouvrabilité en l'état du droit applicable et non des dispositions invoquées par la partie adverse justifiant l'opposabilité de la créance à la caution au titre de l'autorité de chose jugée,

- la responsabilité de Mme [M] en qualité de fondatrice de la société,

- l'obligation de restitution incombant à la caution si la nullité du prêt devait être retenue, demande recevable en appel, celle-ci découlant de la nullité retenue par les premiers juges, non contestée au dispositif par l'intimée dans ses premières conclusions et n'étant pas une demande nouvelle, mais une conséquence procédurale permise par l'article 564 du CPC, en tout état de cause non invoqué dès ses premières écritures d'appel par Mme [M],

- la régularité formelle de la mention manuscrite de Mme [M], conforme à l'article L.'331-3 du code de la consommation et l'absence d'impact de formulations grammaticales mineures sur la compréhension de son engagement,

- l'absence de disproportion manifeste de l'engagement de caution, eu égard à sa situation patrimoniale au moment de son engagement, en tenant compte de la situation du couple et de la valeur de ses parts de SCI,

- le solde dû par Mme [M], fixé à 34 670,21 euros, après déduction des règlements partiels et du nantissement, montant qui doit porter intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 août 2020,

- la validité de la clause pénale de 1'953,42 euros, représentant 5 % du montant dû, non excessive au regard des standards légaux (8 % pour les crédits à la consommation),

- l'absence de justification par Mme [M] de sa situation financière actuelle, interdisant l'octroi de délais de paiement, d'autant qu'elle partage les charges avec un conjoint ayant des revenus supérieurs.

Vu les dernières conclusions en date du 5'juin 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles Mme [K] [M] demande à la cour de':

'A titre liminaire :

DÉCLARER irrecevable la demande de restitution de la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord ;

A titre principal :

DECLARER l'appel formé par la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord irrecevable et mal fondé ;

CONFIRMER le jugement de première instance en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

CONDAMNER la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord à verser à Madame [K] [M] une somme de 4.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

CONDAMNER la caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

A titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement de première instance :

CONSTATER, DIRE ET JUGER que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL UFFRIED NORD ne peut solliciter auprès de Madame [K] [M] le paiement des intérêts échus, des pénalités et des intérêts de retard ;

OCTROYER à Madame [K] [M] un délai de grâce de 24 mois pour le remboursement de sa dette,

RÉDUIRE le quantum de la clause d'indemnité conventionnelle à hauteur d'un euro symbolique ;

CONSTATER, DIRE ET JUGER que la condamnation de l'intimée ne peut en aucun cas dépasser la somme de 14.863,53€'

et ce, en invoquant notamment':

- l'irrégularité, insusceptible de régularisation, du prêt contracté par une société en formation et non, comme l'affirme la banque, en son nom et pour son compte et sans que les statuts ne permettent la reprise d'un acte qui n'a pas été passé par l'un des associés agissant à ce titre, ni que l'article L. 210-6 du code de commerce ne puisse être invoqué, dès lors que la concluante n'aurait été tenue à titre personnel que dans l'hypothèse où elle aurait signé l'acte au nom et pour le compte de la société en cours de formation et qu'aucune reprise n'aurait été opérée par la suite par l'entité commerciale postérieurement à son immatriculation,

- l'irrecevabilité de la demande de restitution formée pour la première fois en appel, constituant une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, qui n'avait pas à être invoquée dès les premières écritures d'appel de la concluante, la banque n'ayant jamais sollicité le prononcé de la nullité du prêt dont elle doit découler, outre qu'elle ne saurait invoquer un fait nouveau tiré d'une nullité qu'elle ne pouvait ignorer, ces conditions étant réunies depuis l'origine,

- l'absence d'autorité de chose jugée de l'état des créances dont la preuve de la publication au BODACC n'aurait jamais été apportée par l'appelante et sans emport de l'autorité de la chose jugée de l'admission d'une créance à l'encontre des codébiteurs solidaires, qui obéit à un régime différent et en l'absence de délai de réclamation ayant commencé à courir,

- subsidiairement, l'irrégularité manifeste de l'engagement de caution souscrit par la concluante, tant en raison de l'imprécision de la formule manuscrite que du défaut de mention du terme 'caution solidaire' et d'un montant précis conforme aux exigences de l'article L.'331-1 du code de la consommation,

- plus subsidiairement, le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la concluante, compte tenu de ses revenus, de son endettement ou encore de l'importance des hypothèques grevant le bien commun, dont l'évaluation adverse est contestée et alors que, s'agissant de la SCI [Adresse 7], il ne serait pas démontré que la valeur du bien dont elle est propriétaire dépasserait significativement le montant des inscriptions hypothécaires qui le grèvent, ni que la valeur de la seule nue-propriété des 51 parts sociales détenues par la concluante lui permettrait de faire face à son engagement de caution,

- l'absence de responsabilité de 'l'associé fondateur', la société en formation étant la souscriptrice du prêt,

- plus subsidiairement encore, le défaut de justification de l'information annuelle de la caution,

- le caractère manifestement excessif de la clause pénale, eu égard aux frais réclamés par ailleurs par la banque, notamment au titre de l'article 700 du CPC,

- le cas échéant, une actualisation de la somme réclamée tenant compte de la mobilisation du nantissement d'un compte bancaire,

- l'octroi, s'il y a lieu, de délais de grâce, eu égard à la situation de revenus et charges justifiée par la concluante.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 18'juin 2025,

Vu les débats à l'audience du 23'juin 2025,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la validité du prêt et de l'acte de cautionnement :

Aux termes de l'article 2289 du code civil, le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable.

On peut néanmoins cautionner une obligation, encore qu'elle pût être annulée par une exception purement personnelle à l'obligé ; par exemple, dans le cas de minorité.

En l'espèce, le cautionnement donné à la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord par Mme [M] a pour objet de garantir l'exécution du contrat de prêt consenti par la banque, le 8'septembre 2017, à la société Magic In The Air, en cours de formation, représentée par Mme [M]. Il convient de vérifier la régularité de cet acte de prêt, argué de nullité par la partie appelante, étant relevé au préalable que la partie appelante ne justifie pas davantage que devant le tribunal de l'insertion au BODACC de l'avis de dépôt de l'état des créances de la société Magic In The Hair et donc de l'autorité de chose jugée de cet état des créances, qui n'apparaît d'ailleurs pas mentionné sur la fiche BODACC de la société éditée en date du 13'janvier 2022. Elle ne peut l'opposer à la caution contestant la validité de son engagement (voir Com., 22'juin 2010, pourvoi n°'09-15.972).

Il y a lieu de rappeler que l'article L.'210-6 du code de commerce dispose que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés et que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation, avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale, sont tenues

solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.

En outre, l'article 1843 du code civil énonce que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation, avant l'immatriculation, sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci.

Aussi, un acte antérieur à l'immatriculation d'une société est, en principe, nul, de nullité absolue et, à ce titre, insusceptible de régularisation postérieurement à l'immatriculation de la société, pour avoir été passé par une entité dépourvue de personnalité juridique (voir Cass. Com, 10 juin 2020, pourvois n°'18-20.733 et 18-16.441, et Com., 19 janvier 2022, pourvoi n°'20-13.719).

Cela étant, il appartient au juge, notamment en cas d'ambiguïté lié au fait qu'un acte ne peut, à la fois, être accompli 'par' la société et 'pour son compte', d'apprécier, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits (voir, notamment, Cass. Com. 29 novembre 2023, pourvoi n°'22-21.623, publié'; 3ème Civ., 11 janvier 2023, pourvoi n°21-23.735).

En l'espèce, ainsi qu'il a été rappelé, le contrat de prêt a été souscrit en date du 8'septembre 2017 par la société Magic in the Hair qui n'a été immatriculée que le 20'décembre 2017 et qui était donc dépourvue de la personnalité juridique au moment de la conclusion du prêt. La seule mention de la représentation de la société par Mme [K] [M] n'est pas de nature à établir que cette dernière agissait au nom et pour le compte de ladite société.

Pour autant, l'article 6.1 du contrat de prêt stipule notamment que 'les soussignés associés de la société bénéficiaire du présent crédit s'engagent personnellement et solidairement envers le prêteur à faire immatriculer la société, et se portent fort de la ratification du contrat de crédit par la société après son immatriculation définitive au Registre du Commerce et des Sociétés.

Si pour quelque raison que ce soit, la société ne pouvait être immatriculée, les associés seront tenus personnellement et solidairement de l'intégralité des obligations au titre du ou des crédits objet des présentes.

L'immatriculation définitive de la société vaudra ratification du contrat de crédit par la société avec effet à la date de la signature du contrat.

S'il est prévu un cautionnement solidaire en garantie du ou des crédits objets du présent contrat, il est expressément stipulé que ce cautionnement est constitué à la garantie des engagements de la société sous la condition suspensive de l'immatriculation de celle-ci au Registre du Commerce et des Sociétés.'

Par ailleurs, l'article 34 des statuts de la société, signés en date du 4'septembre 2017, prévoit que 'Pouvoir est donné au gérant, respectivement à chaque co-gérant en cas de pluralité de gérants chacun des co-gérants pouvant agir séparément, de conclure au nom et pour le compte de la société, pendant la période constitutive, tous actes, engagements et contrats entrant dans l'objet social, notamment, mais sans que cette liste soit limitative, les actes, engagements et contrats suivants : (') le contrat d'emprunt bancaire à contracter pour financer l'acquisition, l'aménagement, l'agencement et les équipements du salon de coiffure sis [Adresse 2] à [Localité 3] d'un montant de 65 000 euros au taux de 1,80 % l'an hors assurance, remboursable en 60 mensualités de 1 156,38 euros (terme

assurance comprise) assorti des garanties suivantes : nantissement de CAT consenti par les époux [S], cautionnement personnel et solidaire à hauteur de 42 000 euros consenti par chaque associée, avalisé par les conjoints, décès invalidité + ITT supérieur à 90 jours pour Madame [M] (22,75 euros par mois) ' frais de dossier 500 euros.'

L'article 33 des mêmes statuts, relatif aux actes accomplis pour le compte de la société en formation, renvoie, lui, à un état annexé, signé des associés fondateurs et mentionnant l'acquisition du fonds de commerce, sous la condition suspensive, notamment, de l'obtention du financement de l'acquisition du fonds.

Au total, il n'en demeure cependant pas moins que':

- l'emprunteur est bien désigné de manière constante comme étant la société Magic In The Air, fût-elle représentée par Mme [K] [M],

- l'engagement pris par les associés de procéder à la ratification du contrat de crédit, est pris au titre d'une promesse de porte-fort, régie par l'article 1204 du code civil et non en vertu des dispositions précitées de l'article 1843du même code qui n'engageraient que Mme [M] seule,

- la mention d'une ratification devant intervenir automatiquement à l'immatriculation de la société ne peut avoir pour effet d'engager cette dernière une fois immatriculée, en l'absence d'expression non équivoque de son consentement qui ne peut résulter, au regard des dispositions précitées, prévues et comme l'ont rappelé les premiers juges et comme cela vient encore d'être rappelé, de nullité absolue, de la seule exécution du contrat de prêt,

- la rédaction des statuts ne saurait suffire, au regard des stipulations du prêt, telles qu'elles viennent d'être rappelées, à attester de la commune intention des parties, alors même par ailleurs, que les articles 33 et 34 desdits statuts ne renvoient pas aux mêmes actes, l'obtention du financement dans l'article 33 n'apparaissant que comme condition suspensive.

Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le contrat de prêt était entaché de nullité, affectant par voie de conséquence la validité de l'acte de cautionnement, fondant l'engagement de Mme [M].

Sur la responsabilité financière de Mme [M] en qualité de fondateur :

L'appelante invoque une jurisprudence en vertu de laquelle restent tenus à titre personnel les fondateurs de la société qui se sont engagés à la fois au nom de la société en formation et à titre personnel.

Or, Mme [M] ne s'étant engagée qu'en tant que caution et non, comme l'exige l'article 1843, précité, du code civil, au nom et pour le compte de la société, ni à titre personnel s'agissant de l'engagement principal dépourvu de validité, sa responsabilité financière ne saurait donc être recherchée de ce chef.

Sur l'obligation de restitution de la caution :

Tout d'abord, la cour rappelle qu'en vertu des articles 122 et 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir qui tendent à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Si l'article 910-4 du même code prescrit aux parties à l'appel de présenter dans leurs conclusions initiales l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, les fins de non-recevoir, en ce qu'elles tendent, comme cela vient d'être rappelé, à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, ne sont pas des prétentions sur le fond et ne sont donc pas soumises à cette obligation (Cass., 2ème Civ., 4 juillet 2024, pourvoi n° 21-20.694, publié).

Aussi la fin de non-recevoir soulevée par la partie intimée, envers la prétention adverse en restitution, est recevable.

Par ailleurs, selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. En outre, il résulte des articles 565 et 566 du même code que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si leur fondement juridique est différent, les parties pouvant aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises aux premiers juges et ajouter à celles-ci, toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

En l'espèce, la demande de la banque tend aux mêmes fins que celle formulée en première instance, à savoir obtenir paiement, certes sur un fondement différent, mais sans modifier l'objet de la demande, les premiers juges s'étant, du reste, bornés, dans le dispositif de leur décision, à rejeter la demande en paiement de la banque.

Pour autant, Mme [M], qui n'est pas la signataire, à titre personnel, ni même pour le compte de la société en formation, du contrat de prêt litigieux, ne saurait donc être tenue à restitution.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la Caisse de Crédit Mutuel de sa demande en paiement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord , succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande, en outre, de mettre à la charge de l'appelante une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 3'000 euros au profit de l'intimée, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16'février 2024 par le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Y ajoutant,

Déclare Mme [K] [M] recevable en sa fin de non-recevoir dirigée contre la demande de la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord au titre de l'obligation de restitution,

Déclare la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord recevable en sa demande de condamnation au titre de l'obligation de restitution,

Déboute la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord de cette demande,

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord aux dépens de l'appel,

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord à payer à Mme [K] [M] la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la Caisse de Crédit Mutuel Uffried Nord.

Le cadre greffier : le Président :

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