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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 8, 8 octobre 2025, n° 22/01744

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/01744

8 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2025

(n° 2025/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01744 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFDCF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 janvier 2022 - Tribunal de Commerce de Créteil- RG n° 2020F000576

APPELANTES

S.A.S. [X] PRODUITS FRAIS FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 672 039 971

[Adresse 3]

[Localité 7]

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE, société de droit européen, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 487 424 608

[Adresse 1]

[Localité 6]

Toutes deux représentées par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, ayant pour avocat plaidant Me Vy-Loan HUYNH-OLIVIERI, avocat au barreau de PARIS, toque : P132, substitué à l'audience par Me Camille DE TUGNY, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

S.A.S. [P] [I], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le numéro 519 089 858

[Adresse 13]

[Localité 4]

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS du MANS sous le numéro 775 652 126

[Adresse 2]

[Localité 5]

Toutes deux représentées par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09, ayant pour avocat plaidant Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON, substitué à l'audience par Me Etienne VIRAPIN, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Madame FAIVRE, Présidente de Chambre

Monsieur SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme FAIVRE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Madame DEVIN

Greffier lors de la mise à disposition : Madame F. MARCEL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame F. MARCEL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE du LITIGE

FAITS

La société [X] PRODUITS FRAIS FRANCE ([X] PFF) est une entreprise spécialisée dans la fabrication et la distribution de produit laitiers. Elle exploite plusieurs sites (production, vente) en France et en Europe, entre lesquels elle fait transiter sa production.

Afin de se garantir contre les dommages subis par les produits en cours de transport, elle est assurée auprès de la compagnie ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE (ALLIANZ GLOBAL CORPORATE ) au titre d'une police n° FRM20485219BM.

Pour organiser sa chaîne logistique, elle a conclu, par l'intermédiaire de sa maison mère DANTRADE, avec la société [P] [I], le 4 janvier 2018, un contrat-cadre de prestations de transport.

Le 1er mai 2019, la société [X] PFF a confié à la société [P] [I] le transport de 33 palettes de produits laitiers frais, sous température dirigée, depuis son usine de production de [Localité 16] (38) jusqu'à son site de [Localité 14] (94).

La société [P] [I] a pris en charge les marchandises le 1er mai 2019 sous couvert d'une lettre de voiture nationale n°0122188, avec instruction de les conserver à une température de +2° C au cours du transport.

Le 2 mai 2019, lors de la livraison sur son site, la société [X] PFF a constaté que la température des marchandises n'était pas conforme aux prescriptions données à la société [P] [I] et a émis des réserves sur la lettre de voiture.

Une expertise amiable diligentée par ALLIANZ GLOBAL CORPORATE a eu lieu contradictoirement avec les experts de chacune des parties contractantes.

Le 22 avril 2020 et le 3 juillet 2020, les sociétés [X] PFF et ALLIANZ ont réclamé à la société [P] [I] et son assureur MMA la réparation de leur entier préjudice, qu'elles estiment à la somme de 54 188,69 euros.

Le 3 septembre 2020, les sociétés [P] [I] et MMA ont adressé une offre transactionnelle, que les sociétés [X] PFF et ALLIANZ ont rejetée.

PROCÉDURE

Par actes d'huissier signifiés respectivement les 3 août et 7 août 2020, les sociétés ALLIANZ et [X] PFF ont assigné les sociétés [P] [I] et MMA devant le tribunal de commerce de Créteil.

Par jugement du 11 janvier 2022, le tribunal de commerce de Créteil a :

- Rejeté la fin de non-recevoir opposée par les sociétés [P] [I] et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES pour subrogation irrégulière de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE et pour défaut de qualité et d'intérêt à agir des parties demanderesses ;

- Dit les sociétés [P] [I] et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES irrecevables en leur demande au visa de l'article L.442-1 du code de commerce et les a invitées à mieux se pourvoir sur ce point ;

- Condamné in solidum les sociétés [P] [I] et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer à la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE la somme de 26 750,44 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 22 avril 2020, dans la limite de la somme de 20 000,00 euros pour la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, et a débouté les parties demanderesses et les parties défenderesses du surplus de leurs demandes ;

- Dit les sociétés [P] [I] et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES mal fondées en leur demande de qualifier l'article 2.13 du contrat-type de clause pénale et les en a déboutés ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 3 août 2020, pourvu que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière ;

- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de leur demande formée de ce chef ;

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

- Condamné la partie demanderesse aux dépens [...].

Par déclaration électronique du 20 janvier 2022, enregistrée au greffe le 1er février 2022, ALLIANZ et [X] PFF ont interjeté appel tendant à la réformation du jugement en ce qu'il a :

- limité la condamnation in solidum des sociétés [P] [I] et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer à la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE à la somme de 26 750,44 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2020, dans la limite de 20 000 euros pour la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et débouté les parties demanderesses du surplus de leurs demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les demanderesses de leur demande formée de ce chef,

- condamné la partie demanderesse aux dépens.

Par conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 4 avril 2025, ALLIANZ et [X] PFF demandent à la cour de :

« Vu notamment :

- les articles L133-1 et suivants du code de commerce,

- l'article 8.2. du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises périssables sous température dirigée

- l'article 1346-1 du code civil,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de [P] [I] et MMA, mais le réformer en ce qu'il a limité le préjudice mis à la charge de ces dernières à la somme de 26 750,44 euros,

Et statuant de nouveau,

- Condamner [P] [I] et MMA à payer solidairement à ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE la somme en principal de 49 188,69 euros, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2020, avec capitalisation, - Condamner [P] [I] et MMA à payer solidairement à [X] PRODUITS FRAIS FRANCE la somme en principal de 5 000 euros, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2020, avec capitalisation,

- Débouter les sociétés [P] [I] et MMA de l'intégralité de leurs demandes,

- Condamner [P] [I] et MMA à payer solidairement à ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE et [X] PRODUITS FRAIS FRANCE la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. »

Par conclusions d'intimé récapitulatives n°2 avec appel incident notifiées par voie électronique le 9 avril 2025, la SAS [P] [I] et MMA demandent à la cour de :

« Vu les articles 1231-1 et suivants du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

A TITRE PRINCIPAL,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

« Condamné in solidum les sociétés [P] [I] et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer à la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE la somme de 26 750,44 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 22 avril 2020 et dans la limite de la somme de 20 000,00 euros pour la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,

Ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 3 août 2020, pourvu que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,

Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de leur demande formée de ce chef,

Condamné la partie demanderesse aux dépens »,

En conséquence,

- Débouter les sociétés ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE et [X] PRODUITS FRAIS FRANCE de leur appel mal fondé et de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

A TITRE SUBSIDIAIRE, dans l'hypothèse où la cour estime que la grille tarifaire est opposable,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

« Dit les sociétés [P] [I] et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES mal fondées en leur demande de qualifier l'article 2.13 du contrat de clause pénale et les en a débouté ;

Et statuant de nouveau,

- Juger que l'article 2.13 de l'annexe 2 du contrat cadre qui renvoie à la grille tarifaire doit être qualifiée de clause manifestement excessive révisable par le juge eu égard à la différence entre le préjudice réel et la somme réclamée,

- Juger que la clause doit être réduite et que l'indemnité due aux sociétés [X] PRODUITS FRAIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE ne saurait excéder la somme de 24 686,46 €, en application de l'article 1231-5 du code civil,

- Débouter [X] PRODUITS FRAIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE du surplus de leurs demandes,

EN TOUS LES CAS,

- Débouter [X] PRODUITS FRAIS FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE du surplus de leurs demandes, y compris au titre de l'article 700 manifestement disproportionné et injustifié,

- Juger que la garantie de la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES est acquise à la société [P] [I] sous déduction d'une franchise contractuelle de 4 000 €, et des frais de destruction de 1 575,44 € restant à charge de la société [P] [I],

- Condamner in solidum la société [X] PRODUITS FRAIS FRANCE et son assureur ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE à payer à la société [P] [I] et son assureur la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES la somme de 6 000 € chacune par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner in solidum la société [X] PRODUITS FRAIS FRANCE et son assureur ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE aux entiers dépens de l'instance et de ses suites avec application de l'article 699 au profit de Maître Guillaume DAUCHEL, avocat au barreau de Paris sur son affirmation de droit. »

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mai 2025.

Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ressort de la déclaration d'appel et des dispositifs des conclusions des parties, que l'appel ne porte que sur le montant de l'indemnité du préjudice causé par le transporteur.

I Sur l'évaluation du préjudice et la garantie de l'assureur du transporteur

A l'appui de leur appel, le donneur d'ordre [X] PFF et son assureur, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE font valoir que la méthode utilisée pour effectuer le chiffrage du préjudice avait été acceptée par la société [P] [I] par la signature du contrat-cadre le 4 janvier 2018. Ils expliquent qu'une valeur de référence selon la grille tarifaire officielle des produits [X] PFF avait été stipulée entre le donneur d'ordre et le transporteur afin de définir la valeur des cargaisons confiées. Ils ajoutent qu'il ne s'agissait pas d'un transport intragroupe entre deux filiales mais entre deux établissements de [X] PFF, de sorte qu'aucune facture ou document comptable n'avait encore été établi et que pour cette raison, la stipulation contractuelle a prévu de désigner la grille tarifaire comme unique référence pour déterminer la valeur des indemnités dues par le transporteur en cas de perte de marchandises. Il s'agit d'un accord litige. Ils précisent que la société [P] [I] n'avait pas contesté cette méthode lors de la négociation du contrat et d'ailleurs, la page de l'annexe 4 du contrat cadre, comporte son paraphe. Ils en concluent que la grille tarifaire mentionnant une colonne tarif C, qui est communiquée aux débats, est opposable à la société [P] [I].

En réplique, le transporteur, la société [P] [I], et son assureur MMA reconnaissent la responsabilité de [X] PFF mais ils font valoir que la grille tarifaire invoquée par [X] PFF leur est inopposable. La société [P] [I] ne conteste pas que l'annexe 2 du contrat cadre ait bien été paraphée par elle mais elle fait observer que la grille tarifaire n'est pas intégrée au contrat- cadre et qu'elle n'a jamais été signée ou paraphée par [X] PFF, qu'elle n'a pas non plus reçue les éventuelles mises à jour, qu'il en résulte que la grille tarifaire est donc inopposable.

Sur ce,

1) Sur l'indemnité principale

Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit';

Vu l'article L.1432-4 du code des transports aux termes duquel, «'A défaut de convention écrite et sans préjudice de dispositions législatives régissant les contrats, les rapports entre les parties sont, de plein droit, ceux fixés par les contrats-types prévus à la section 3'».

Vu l'article D. 3322-5 du même code et le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises périssables sous température dirigée, établi en application de l'article L. 1432-4, figurant en annexe V à la présente partie et notamment les articles 2-12, 2-13, 3 et 20';

Au préalable, la cour relève que la société [P] [I] ne conteste pas sa responsabilité à l'égard de [X] PFF au titre du préjudice causé à la marchandise transportée sous température dirigée le 1er mai 2019.

Elle conteste, en revanche, l'évaluation du préjudice sur la base d'une grille tarifaire dont elle estime qu'elle ne lui est pas opposable.

Les parties reconnaissent qu'un contrat cadre a été convenu entre la société DANTRADE, maison-mère de [X] PFF, et la société [P] [I] le 4 janvier 2018. (pièce 7 - [X] PFF)';

Ce contrat comprend des annexes dont les annexes 2 et 4.

La cour précise que le contrat cadre lui a été communiqué en anglais, à l'exception de l'annexe 2, et sur demande du président d'audience, communiqué en français en traduction libre.

L'annexe 2 du contrat-cadre intitulé Spécifications détaillées [X] PFF stipule en son article 2.13 intitulé Gestion des sinistres': « En cas d'incident (casse produit) ou de sinistre survenu lors des opérations confiées au Transporteur, [X] lui présentera une réclamation du montant des Produits endommagés non commercialisables ainsi que la prise éventuelle en charge des pénalités facturées par le client distributeur ou grossiste à [X].

[']

Cette indemnité est calculée sur la base de la valeur du Produit telle qu'indiqué au tarif (colonne tarif C) de [X] en vigueur avec un abattement de 15% ou pour les produits de tiers, au tarif de ces sociétés.

A titre indicatif, le tarif de [X] au 1er janvier 2014 est joint en annexe 4 du contrat-cadre ».

L'annexe 4 est ainsi traduite en français':

«'Annexe 4 Liste des prix 2018

*** Le transporteur fournira une capacité en fonction du volume de chargements annuels convenu contractuellement

** Les prix sont exprimés en monnaie bid :

Nombre moyen de camions / rang / semaine FOURNISSEUR Première ville de chargement Ville de livraison finale [Localité 11] 2015 [Localité 11] 1 [Localité 11] 2 [Localité 11] 3 [Localité 11] 4 Total estimé Volumes hebdomadaires (camions/semaine)

[P]

[Adresse 15]

[Localité 10]

Rang 2 & 4

6

A confirmer

6

Partie du gazole pour le calcul du mécanisme diesel flottant (voies déchargées en France) basé sur l'annexe 4 : P-25%.

Conditions :

Cette annexe est générée pour le renouvellement de l'accord-cadre de transport [X] commençant de : Janvier 2018 jusqu'au 31 décembre 2018, y compris les annexes jointes à l'accord-cadre de transport [X].

Les clauses de l'accord-cadre de transport [X] qui s'écartent de l'original seront spécifiées dans un addendum'».

La cour relève que chaque page du contrat cadre est paraphée par la société [P] [I] et que l'annexe 4 est signée par le transporteur.

Il est constant qu'en matière de transport routier de marchandises, l'étendue de la réparation en cas d'avarie est prévue par les dispositions réglementaires du contrat-type, que toutefois, les parties peuvent convenir d'étendre l'indemnisation par une déclaration de valeur et celle-ci pour être opposable au transporteur, doit avoir été clairement formulée avant l'exécution du contrat de transport et ne doit pas être équivoque.

En l'espèce, les parties ont convenu qu'en cas d'avarie imputable au transporteur, l'indemnité réparatrice est prévue à l'avance selon une méthode de calcul basée sur «'la valeur du Produit telle qu'indiqué au tarif (colonne tarif C) de [X] en vigueur avec un abattement de 15% ou pour les produits de tiers, au tarif de ces sociétés'».

Si la cour constate que la liste des prix 2018 n'est pas insérée dans l'annexe 4, pas davantage que le tarif de [X] PFF au 1er janvier 2014 n'est joint en annexe 4 du contrat-cadre, ainsi que le stipulait l'annexe 2, que [X] PFF pour justifier du montant de l'indemnité réclamée dans le présent litige, communique en pièce 8, «'le tarif HT applicable aux livraisons à compter du 01 mars 2019'» et que la lettre de voiture communiquée en pièce 1 par [X] PFF, dont le numéro n'est pas lisible, ne contient aucune déclaration de valeur, il est cependant établi que le transporteur lors de la signature de l'accord-cadre avait donné son accord à une déclaration de valeur basée sur la liste annuelle de prix de son donneur d'ordre.

Dès lors, la cour considère que le transporteur en acceptant ladite référence au tarif de livraison pour le mode de calcul de la déclaration de valeur, en avait eu connaissance avant l'exécution de sa prestation.

Contrairement à l'analyse soutenue par la société [P] [I] et MMA, l'article 2.13 de l'annexe 2 susvisée, ne saurait être qualifiée de clause pénale dans la mesure où cette clause ne prévoit pas une indemnité forfaitaire mais une indemnité calculée d'après la valeur des marchandises transportées telle qu'elle ressort du tarif, accepté par la société [P] [I].

A titre subsidiaire, la société [P] [I] et MMA demandent l'application de l'article 20 dernier alinéa du contrat type susvisé qui énonce que 'En tout état de cause, l'indemnité est réduite d'un tiers lorsque le donneur d'ordre impose la destruction de la marchandise laissée pour compte, pour autant consommable, ou en interdit le sauvetage'.

Mais le tribunal a rejeté à juste l'application de cette disposition en considèrant que le dysfonctionnement du groupe frigorifique étant établi ainsi que l'absence de relevé de température pendant tout le voyage du fait de l'absence d'imprimante dans le véhicule, le transporteur ne justifiait pas que seule une partie de la cargaison de yaourts était endommagée. Ces marchandises étant destinées à la consommation humaine, [X] PFF, dans le doute sur les qualités organoleptiques et sanitaires de ces produits, était fondée à les détruire en totalité.

En conséquence, en application du tarif HT applicable aux livraisons à compter du 1er mars 2019, il y a lieu de condamner la société [P] [I] à payer à ALLIANZ GLOBAL CORPORATE la somme de 49 188,69 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, le 3 août 2020.

En définitive, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que l'article 2.13 de l'annexe 2 de la convention cadre ne constituait pas une clause pénale et en ce qu'il a fait droit à la demande de capitalisation des intérêts, en revanche il sera infirmé sur le montant de l'indemnité et du point de départ des intérêts.

2) Sur les frais annexes

L'article 2.13 de l'annexe 2 du contrat cadre précise que « les éventuels pénalités, frais de tri, d'huissier, de transport supplémentaire et de destruction incomberont au Transporteur responsable ainsi que les honoraires et frais de l'expert [X]. »

Le tribunal a constaté que dans son rapport d'expertise du 7 juillet 2020, la société d'expertise DELTA SURVEYS mandatée par MMA validait les frais de manutention à quai de 150,00 euros HT ainsi que les frais de destruction de 1 575,44 euros HT précisant « selon facture SUEZ RV LOURCHES n°1581018768 du 31/05/20219, conforme au prorata du tonnnage traité pour la présente affaire ».

Les sociétés ALLIANZ GLOBAL CORPORATE et [X] PFF versent aux débats la facture relative à la mission d'expertise de la société FRENCH MARINE SURVEYOR pour un montant de 1 025,00 euros (facture n°2630 du 21 novembre 2020), que le tribunal a admis. (pièce 10)

En revanche, si l'attestation de destruction est communiquée par [X] PFF (pièce 3) le montant des frais de constat de destruction applicable à la livraison litigieuse, n'est pas déterminable au vu de la facture globale versée aux débats.

En définitive, la cour approuve le tribunal qui a fixé le montant des frais annexes à 2 750,44 euros.

3) Sur la garantie de l'assureur du transporteur

MMA ne conteste pas sa garantie sous réserve de l'application des limites de franchise.

Sur les franchises du contrat d'assurance

Il est énoncé au jugement que les sociétés [P] [I] et MMA justifient de la police d'assurance qui atteste de la garantie de la société MMA sous réserve d'une franchise à la charge de son assuré d'un montant de 4 000 euros, outre le montant des frais annexes dans la limite d'une franchise de 3 000 euros.

En conséquence, il y a lieu d'approuver le tribunal qui a jugé que la société [P] [I] conserverait à sa charge le montant de 6 750,44 euros.

Il en résulte que MMA doit sa garantie à la société [P] [I] pour un montant de 49 188,69 euros + 2 750,44 - 6 750,44 euros = 45 188,69 euros.

Le jugement déféré sera infirmé sur le montant de la garantie due par MMA.

II Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l'issue du litige, la disposition du jugement relative aux dépens est confirmée et la société [P] [I] et MMA sont condamnées aux dépens de première instance.

Parties perdantes en appel, la société [P] [I] et MMA sont condamnées aux dépens d'appel et à payer à [X] PFF et à ALLIANZ GLOBAL CORPORATE , ensemble, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 4 000 euros.

La société [P] [I] et MMA sont déboutées de leur demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement en en ce qu'il a jugé que l'article 2.13 de l'annexe 2 de la convention cadre conclue entre [X] PFF et la société [P] [I] ne constituait pas une clause pénale, en ce qu'il a fait droit à la demande de capitalisation des intérêts et en ce qu'il a rejeté la demande au titre des frais irrépétibles de première instance ;

L'infirme :

en ses dispositions relatives au montant de l'indemnité, au point de départ des intérêts légaux, au montant de la garantie due par MMA à la société [P] [I]'et aux dépens ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum la société [P] [I] et MMA à payer à ALLIANZ GLOBAL CORPORATE la somme de 49 188,69 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, le 3 août 2020, MMA étant condamnée dans la limite de la garantie due à la société [P] [I]';

Condamne la société [P] [I] à payer à ALLIANZ GLOBAL CORPORATE la somme de 2 750,44 euros au titre de l'indemnité des frais annexes';

Dit que MMA doit sa garantie à la société [P] [I] à hauteur de 45 188,69 euros';

Condamne la société [P] [I] et MMA aux dépens de première instance';

Condamne la société [P] [I] et MMA aux dépens d'appel';

Condamne in solidum la société [P] [I] et MMA à payer à [X] PFF et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE, ensemble, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Déboute la société [P] [I] et MMA de leur demande formée de ce chef.

La greffiere La présidente de chambre

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