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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 8 octobre 2025, n° 22/04003

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 22/04003

8 octobre 2025

5ème Chambre

ARRÊT N°-199

N° RG 22/04003 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S4QA

(Réf 1ère instance : 19/00003)

S.A.S. LARDIS

C/

S.C.I. [Adresse 4]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

Assesseur : Madame Marie-France DAUPS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Juillet 2025

devant Madame Virginie PARENT et Madame Virginie HAUET, magistrats rapporteurs, tenant seules l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. LARDIS

ET INTIMEE

'[Adresse 8]'

[Localité 3]

Représentée par Me Vincent BERTHAULT de la SELARL HORIZONS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.C.I. [Adresse 4] société civile immobilière immatriculée sous le numéro 443 909 395 du registre du commerce et des sociétés de Lorient, agissant poursuite et diligences de son représentant légal domicilié audit siège,

ET APPELANTE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Elsa BEUCHER-FLAMENT de la SELARL QUESNEL DEMAY LE GALL-GUINEAU OUAIRY-JALLAIS BOUCHER BEUCHER -FLAMENT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Par acte authentique en date du 22 juillet 1980, la SCI du Centre a donné à bail à construction à la société Larmor distribution, aux droits de laquelle vient la société Lardis, un terrain situé à Larmor-Plage au lieu-dit Quelisoy, pour une durée de 30 ans qui s'est terminée le 18 mars 2010, sachant qu'au terme de ce bail, les constructions édifiées par le preneur sont devenues les propriétés du bailleur.

Le 19 mars 2010, un bail commercial a été conclu entre la SCI [Adresse 4] et la société Lardis. Il porte sur un ensemble immobilier à usage de centre commercial exploité sous l'enseigne Centre Leclerc, pour une durée de 9 ans, moyennant un loyer annuel HT de 201 450 euros hors taxes et hors charges, révisable annuellement en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction. Ce bail commercial autorise toute activité commerciale.

Par acte d'huissier de justice en date du 10 septembre 2018, la SCI [Adresse 4] a notifié à la société Lardis un congé avec offre de renouvellement, moyennant un loyer annuel, hors taxes et hors charges locatives récupérables de 650 000 euros.

Par acte d'huissier de justice en date du 26 juin 2019, la société Lardis a fait assigner la SCI [Adresse 4] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Lorient.

Par jugement en date du 20 janvier 2020, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Lorient a ordonné avant-dire droit une expertise confiée à M. [F] qui a déposé son rapport le 26 juillet 2021.

Par jugement en date du 21 février 2022, tel que rectifié par le jugement en date du 28 mars 2022, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Lorient a :

- constaté que le bail commercial conclu entre les parties a été renouvelé pour une durée de 9 ans à compter du 19 mars 2019 aux clauses et conditions du bail expiré, à l'exception de celles contraires aux dispositions d'ordre public de la loi n°2014-126 du 18 juin 2014 et du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014,

- rejeté la demande de la SCI du Centre en fixation d'un loyer annuel de 609 000 euros hors taxes et hors charges au titre du bail renouvelé,

- fixé à 225 913,57 euros hors taxes et hors charges le montant du dernier loyer annuel à la fin du premier bail,

- constaté que la modification totale des obligations des parties justifie le déplafonnement du loyer annuel qui ne peut être supérieur, pour une année, à 10% du loyer acquitté au cours de l'année précédente,

- renvoyé les parties à fixer le loyer renouvelé dans les limites de cette augmentation,

- condamné la SCI [Adresse 4] à payer à la société Lardis une indemnité de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI [Adresse 4] aux entiers dépens incluant les frais de l'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la société Depasse Daugan Quesnel Demay,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 28 juin 2022, la société Lardis a interjeté appel de la décision du 21 février 2022 rectifiée par la décision du 28 mars 2022.

Le 1er juillet 2022, la SCI [Adresse 4] a interjeté appel de la décision du 21 février 2022 et de la décision rectificative du 28 mars 2022.

Par ordonnance du 7 juillet 2022, le magistrat de la mise en état de la cour d'appel de Rennes a ordonné la jonction de ces deux procédures.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 18 novembre 2022, la société Lardis demande à la cour de :

- A titre principal, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* constaté que la modification notable des obligations des parties justifiait le déplafonnement du loyer annuel,

* constaté que le bail commercial conclu entre les parties a été renouvelé pour une durée de 9 ans, à compter du 1er janvier 2019 aux clauses et conditions du bail expiré à l'exception de celles contraires aux dispositions d'ordre public de la loi n°2014-126 du 18 juin 2014 et du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014,

Et statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu à déplafonnement,

- débouter la SCI [Adresse 4] de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce compris sa demande de déplafonnement du loyer du bail commercial et sa demande de fixation du loyer annuel à 609 000 euros,

- fixer le loyer applicable au 18 mars 2019 à la somme de 225 913,57 euros hors taxes et hors charges,

A titre subsidiaire, et si le déplafonnement du loyer devait être confirmé, et application faite de l'article R.145-30 du code de commerce, confirmer le jugement en ce qu'il a :

* constaté que la modification notable des obligations des parties justifiait le déplafonnement du loyer annuel qui ne peut être supérieur pour une année à 10% du loyer acquitté au cours de l'année précédente,

* renvoyé les parties à fixer le loyer renouvelé dans les limites d'une augmentation du loyer égale à 10% du loyer de l'année précédente,

En tout état de cause,

- condamner la SCI du Centre à lui payer une indemnité de 8 500 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont les frais de l'expertise judiciaire.

Par dernières conclusions notifiées le 27 septembre 2022, la SCI [Adresse 4] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 21 février 2022 en ce qu'il a jugé que la modification notable des obligations respectives des parties justifiait le déplafonnement du loyer,

- réformer les jugements du 21 février 2022 et du 28 mars 2022 pour le surplus et :

- dire et juger que la modification notable des obligations respectives des parties justifiait le déplafonnement du loyer,

- constater que le bail commercial du 19 mars 2010 a été renouvelé pour une durée de 9 années à compter du 19 mars 2010 aux clauses et conditions du bail expiré (à l'exception de celles contraires aux dispositions d'ordre public instaurées par la loi Pinel n°2014-626 du 18 juin 2014),

- fixer à 609 000 euros hors taxes et hors charges le loyer annuel du bail renouvelé,

- juger que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence,

- juger que le loyer fixé portera intérêts au taux légal de plein droit à compter de chacune des échéances contractuelles sur la différence entre le loyer payé et celui judiciairement fixé et jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation de ceux dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil,

- débouter la société Lardis de toutes demandes, fins et prétentions et annuler la condamnation prononcée à son encontre en première instance au titre des frais irrépétibles,

- condamner la société Lardis au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance, y compris les frais et honoraires de l'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la société Depasse Daugan Quesnel Demay.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les parties s'accordent sur le fait que le bail commercial du 19 mars 2010 a été renouvelé pour une durée de 9 ans à compter du 19 mars 2019.

- Sur la demande de déplafonnement

La société Lardis rappelle les textes applicables et les conditions du déplafonnement.

Elle invoque les conclusions de l'expert judiciaire qui a retenu :

- l'absence de modification des caractéristiques du local. Elle précise qu'il n'y a eu aucune modification de la surface des locaux au cours du bail expiré ni travaux effectués dans l'immeuble par le bailleur au cours du bail expiré,

- l'absence de modification de sa destination depuis le début du bail en mars 2010,

- l'absence de modification des obligations respectives des parties en cours de bail,

- l'absence d'évolution des facteurs locaux de commercialité susceptibles de bénéficier à l'activité commerciale. Elle indique, à ce titre, que l'évolution démographique de la commune de [Localité 5] stagne voir régresse et que les conditions de trafic et d'accessibilité ne se sont pas améliorées avec la construction d'un tunnel qui, au-delà des ralentissements provoqués, est à l'origine d'une perte de visibilité par les véhicules qui empruntent le tunnel et qui ne voient pas le magasin de la société Lardis mais son concurrent, le magasin Géant. Elle ajoute que les travaux du Parc de l'Océan n'ont toujours pas commencé, que la résidence de tourisme et des commerces de la société Séquoia n'a pas été construite entre 2010 et 2019 et que la fermeture du camping a provoqué une baisse des flux de vacanciers susceptibles de fréquenter le magasin Leclerc qui n'a pas été compensée par la création du casino aux lieux et place du camping. Enfin, elle argue que la présence de résidences secondaires à [Localité 5] est un élément défavorable puisqu'à l'origine de fréquentations saisonnières et non annuelles.

S'agissant des prix pratiqués dans le voisinage, elle soutient que la référence aux prix pratiqués dans les communes avoisinantes n'est pas pertinente.

Elle acquiesce aux conclusions de l'expert qui a considéré qu'à défaut de motif de déplafonnement, le loyer applicable au renouvellement du bail en mars 2019 devait être déterminé par les clauses du bail soit au 18 mars 2019, un loyer de 225 913,57 euros.

Elle reproche au bailleur de se fonder sur l'expertise non contradictoire de M. [H] qui est datée du 21 juin 2018 alors que l'évolution à analyser est comprise entre le 19 mars 2010 et le 19 mars 2019.

Elle critique le jugement qui a prononcé le déplafonnement du loyer au motif pris d'une modification des obligations respectives des parties en considération des dispositions de l'article R.145-35 du code de commerce prévoyant désormais que les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ne pouvaient plus être imputées au locataire. Elle fait valoir que, sauf à considérer que tous les baux commerciaux renouvelés à compter de la publication du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 encourent le déplafonnement par l'effet de la loi, le tribunal a commis une erreur qui doit imposer la réformation du jugement entrepris.

Elle considère que le tribunal a commis une seconde erreur en écartant les considérations factuelles dont l'examen aurait dû l'amener à conclure que les obligations respectives des parties n'ont pas évolué. Elle rappelle, à ce titre, que l'expert judiciaire a pris le soin de décrire le bien immobilier et n'a relevé aucun travaux d'envergure au sens de l'article 606 précité, les travaux à la charge de la société Lardis ayant été détaillés et leur montant précisé dans l'expertise. Elle ajoute que la SCI [Adresse 4] n'a pas produit l'état prévisionnel des travaux qu'elle envisage de réaliser durant les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel et de l'état récapitulatif des travaux réalisés dans les trois années précédentes et de leur coût et ce conformément aux dispositions de l'article L.145-40-2 du code de commerce. Elle rappelle également que la SCI du Centre lui avait donné un bail à construction d'un terrain pour une durée de 30 ans et venant à terme au 18 mars 2010 et que ce bail à construction prévoyait que les constructions édifiées et tous travaux et aménagements effectués par le preneur deviendraient sa propriété de plein droit à l'expiration du bail.

A titre subsidiaire si la cour devait confirmer le déplafonnement, elle demande de faire application des dispositions de l'article R.145-30 du code de commerce qui empêche que le loyer déplafonné n'augmente de plus de 10% par rapport au loyer payé l'année précédente et qui s'appliquent aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, comme en l'espèce.

Enfin, elle rappelle que le mécanisme de lissage est distinct de celui de la fixation du loyer de sorte que le juge des loyers commerciaux n'est pas compétent pour établir l'échéancier d'augmentation du loyer déplafonné qu'il appartient aux parties de prévoir dans les limites d'une augmentation du loyer égale à 10% du loyer de l'année précédente. Elle demande à la cour de confirmer le jugement sur ce point s'il devait y avoir lieu à déplafonnement.

La SCI [Adresse 4] demande de confirmer le jugement qui a retenu que la modification notable des obligations des parties justifie le déplafonnement du loyer mais sollicite son infirmation en ce qu'il a écarté le déplafonnement en raison de la modification des facteurs locaux de commercialité.

S'agissant de la modification notable des obligations des parties, elle rappelle que le bail initial mettait à la charge du preneur les réparations afférentes à l'immeuble y compris celles de l'article 606 du code civil et qu'en contrepartie, les parties s'étaient accordées pour fixer le loyer en dessous de la valeur du marché.

Elle considère que l'entrée en vigueur de la loi Pinel au cours dudit bail rend inapplicable cette stipulation et met à la charge du bailleur les grosses réparations alors qu'il continue de percevoir un faible loyer. Elle critique l'expertise judiciaire qui n'a pas tenu compte de cette modification des obligations respectives des parties comme motif de déplafonnement en arguant que cette modification résulte de la loi et non de la volonté des parties. Elle cite un arrêt de la cour d'appel de [7] du 3 avril 2019 (n°17/21462) qui aurait considéré que les modifications apportées par la loi aux clauses du bail renouvelé, quant à la charge des travaux, sont de nature à entraîner un déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé si elles présentent un caractère notable. Elle précise qu'avant l'entrée en vigueur de cette loi, elle n'assumait aucune réparation de quelque nature que ce soit, que l'immeuble est ancien et présente une certaine vétusté et qu'il devra probablement, au cours du bail renouvelé, devoir assumer d'importantes réparations liées à l'ancienneté de l'immeuble.

S'agissant de la modification notable des facteurs de commercialité, elle indique que l'expert judiciaire a relevé une évolution de la zone d'activité où est implanté le centre commercial et que la commune développe son attractivité touristique et bénéfice de la qualification de station classée de tourisme avec un nombre croissant de logements de tourisme.

Elle considère que la création d'un axe routier a un impact favorable sur le commerce exploité outre le fait que l'implantation de locomotives commerciales dans la zone tel que Leclerc Sport en 2015 attire nécessairement le chaland.

Elle ajoute que l'expert a omis de faire état de l'édification d'un centre de santé et de bien-être en 2018, d'un immeuble de bureaux et d'une résidence de tourisme en 2020 qui contribuent au développement et à l'attractivité de la zone commerciale de l'hypermarché qui a d'ailleurs vu son chiffre d'affaires augmenté entre 2011 et 2019 de plus de 12,7%.

En ce qui concerne la détermination du montant du loyer, elle critique le jugement qui a commis, selon elle, une erreur d'analyse en renvoyant à la discussion des parties la fixation du loyer renouvelé dans les limites d'une augmentation du loyer égale à 10% du loyer de l'année précédente alors qu'il ne devait renvoyer aux parties que la liberté de fixer les conséquences du lissage du déplafonnement dans le temps en respectant toutefois le principe selon lequel cette augmentation ne pouvait pas être supérieure à 10% pour une année. Elle indique qu'il appartient toujours au juge, avant et après l'entrée en vigueur du dernier alinéa de l'article L.145-34 du code de commerce, de fixer le montant du loyer déplafonné.

Elle demande de voir fixer la valeur locative à la somme de 609 000 euros HT HC, qui constituera le loyer annuel du bail renouvelé au 19 mars 2019, au vu de la surface pondérée de 6 291,20 euros retenu par l'expert qu'elle a commis et la valeur locative des cellules commerciales exploitées dans le bâtiment d'origine.

Aux termes de l'article L.145-34 du code de commerce : 'À moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié'.

L'article L.145-33 prévoit pour sa part que : ' le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;

2 La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ;

Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments.'

Le déplafonnement du loyer du bail commercial renouvelé et sa fixation à la valeur locative, est possible dès lors qu'une modification notable d'au moins un des quatre premiers critères d'évaluation de la valeur locative prévus par l'article L.145-33 est établie.

Les parties discutent sur le principe d'un déplafonnement du loyer du bail renouvelé au 19 mars 2019 en raison d'une modification notable des obligations respectives des parties et des facteurs locaux de commercialité.

* Sur les obligations respectives des parties

Aux termes des dispositions de l'article R.145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

Il est constant que :

- jusqu'à l'application de cette réforme législative, les parties étaient libres de fixer comme elles l'entendaient la répartition des charges et des travaux entre elles, et d'en transférer au preneur la charge finale quand bien même celle-ci incomberait normalement au bailleur,

- le montant du loyer initial était fixé en tenant compte de cette répartition et il en était de même lors de la fixation de la valeur locative lors des renouvellements successifs, hormis les cas où le montant du loyer du bail renouvelé restait fixé au loyer plafonné.

En l'espèce, le bail initial prévoyait que les grosses réparations telles que définies à l'article 606 du code civil étaient à la charge du preneur.

Le bail renouvelé est, en l'espèce, soumis aux dispositions nouvelles en ce qui concerne la charge des travaux et la répartition des charges et notamment de l'article R.145-35 du code de commerce dont les dispositions d'ordre public s'appliquent aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret du 3 novembre 2014 et donc au contrat de bail en cause qui dispose notamment que ne peuvent être imputés au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent.

Dans ces conditions, il y a bien eu une modification, au sens de l'article R.145-8 du code de commerce, des obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du loyer, le bailleur ne pouvant plus comme auparavant transférer au preneur la totalité de ses obligations.

Les modifications apportées par la loi aux clauses du bail renouvelé, quant à la charge des travaux, sont de nature à entraîner un déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé si elles présentent un caractère notable.

C'est donc à tort que le premier juge a considéré que les obligations respectives des parties avaient été modifiées du seul fait de la loi nouvelle et que celles de la SCI [Adresse 4] se trouveront alourdies sans vérifier si ces modifications présentaient un caractère notable.

En l'espèce, il appartient à la SCI du Centre de démontrer ce caractère notable pour justifier d'une modification des obligations des parties susceptible de constituer un motif de déplafonnement du loyer renouvelé. Or le bailleur se contente d'affirmer que les parties édifiées en 1980 et 1982 présentent une certaine vétusté d'après l'expertise non contradictoire de M. [B] et qu'il devra 'probablement, au cours du bail renouvelé, devoir assumer d'importantes réparations liées à l'ancienneté de l'immeuble.'

La cour relève que la vétusté des locaux n'est pas démontrée et qu'au contraire, l'expertise non contradictoire de M. [B], produite par le bailleur lui-même, décrit l'ensemble des bâtiments comme étant en bon état général d'entretien tout comme l'expertise judiciaire contradictoire qui mentionne que le bâtiment, édifié au début des années 1980, est en bon état, sans désordre particulier, disposant d'équipements propres à ce type de structure pour le commerce exercé avec un dispositif anti-incendie et un chauffage par aérotherme dont l'entretien semble régulier et l'absence de problèmes électriques au vu du rapport de la Socotec énoncé par le preneur.

De plus, la SCI [Adresse 4] n'évoque nullement la réalisation ou le projet d'éventuelles grosses réparations qu'elle devra supporter depuis l'entrée en vigueur de l'article R.145-35 du code de commerce.

De surcroît, la société Lardis relève justement que le bailleur n'a pas produit l'état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser durant les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel et de l'état récapitulatif des travaux réalisés dans les trois années précédentes et leur coût et ce conformément aux dispositions de l'article L.145-40-2 du code de commerce qui le lui imposent.

Echouant à démontrer le caractère notable de la modification des obligations respectives des parties, la SCI [Adresse 4] sera déboutée de sa demande de déplafonnement à ce titre. Le jugement, qui avait considéré que la modification notable des obligations des parties justifiait le déplafonnement du loyer annuel, sera infirmé.

Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé présentée de ce chef.

* Sur les facteurs locaux de commercialité

Aux termes de l'article R.145-6 du code précité, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire. Une modification notable des facteurs locaux de commercialité ne peut constituer un motif de déplafonnement qu'autant qu'elle est de nature à avoir une incidence favorable sur le commerce considéré et plus précisément pour le commerce exercé dans les lieux loués.

Il est constant que l'appréciation de la modification des facteurs locaux de commercialité doit se faire in concreto en fonction de l'intérêt que représente cette évolution pour le commerce considéré, le déplafonnement ne pouvant intervenir que si la modification des facteurs locaux de commercialité est notable, qu'elle est de nature à avoir une incidence favorable à l'activité commerciale exercée par le preneur et qu'elle doit être intervenue au cours du bail expiré soit entre le 19 mars 2000 et le 18 mars 2009.

L'expert judiciaire indique que le local commercial a été édifié en 1980 avec deux agrandissements en 1982 et 2006 constitué d'un soubassement béton avec ossature métallique et bardage bac acier ou béton en partie avec une couverture en tôle bac acier. Il est situé au Nord Est de la commune de [Localité 5] dans un secteur résidentiel en limite de zone d'activité mais bénéficiant d'un accès direct à la route départementale 29 reliant [Localité 6] à [Localité 5].

L'expert judiciaire précise que le local est facilement visible et accessible depuis la route départementale 29, deux fois deux voies reliant [Localité 5] au sud de [Localité 6].

La société Lardis soutient que la visibilité du local a été réduite depuis la création d'un tunnel reliant [Localité 5] à [Localité 6] et que ce tunnel amène les automobilistes directement sur son concurrent, l'hypermarché Géant de [Localité 6]. Or l'expert a rappelé que si le tunnel permettait d'éviter le rond-point séparant le local du reste de la zone commerciale, il ressortait néanmoins au niveau du local sur la route en direction de [Localité 6] de sorte que la visibilité n'était que légèrement réduite. De plus, la cour relève que la photographie aérienne du local commercial et de ses accès routiers, figurant sur la première page du rapport d'expertise du cabinet [U] produite par la société Lardis, permet de constater que le tunnel se situe au niveau de la partie du parking la plus éloignée du centre commercial et que les automobilistes peuvent emprunter les voies d'accès de dégagement situées sur les deux côtés du tunnel pour se rendre dans le centre commercial de sorte que la réduction de visibilité du local invoquée par le preneur n'est effective que pour les automobilistes venant de [Localité 5] en direction de [Localité 6].

L'expert judiciaire indique que la commune de [Localité 5] connaît une population stable depuis 2012 avec utilisation des logements de la commune relativement stable avec 77,7% de résidences principales et 20% de résidences secondaires. Il expose que la commune offre une belle façade sur le littoral et développe son attractivité touristique en retenant que cette évolution améliore les offres en saison estivale sans pour autant profiter substantiellement au commerce exercé dans le local étudié. La SCI [Adresse 4] n'oppose pas d'argument à cette conclusion de l'expert judiciaire.

L'expert a considéré que l'évolution de la zone d'activité avec l'implantation d'un Leclerc Sport et la rénovation des Brico Leclerc et Jardi Leclerc n'ont pas d'influence sur la fréquentation du local considéré car la zone de chalandise est la même.

La SCI [Adresse 4] invoque l'expertise non contradictoire de M. [H] qui a considéré que l'agrandissement de la zone d'activité de Kerhos avec l'implantation du Leclerc Sport en 2016 et l'agrandissement des Brico Leclerc et Jardi Leclerc a pour effet d'augmenter les flux dans ce secteur. Or cette expertise a été réalisée le 21 juin 2018 et la société Lardis fait justement remarquer que l'évolution à analyser est comprise entre mars 2010 et mars 2019 soit en partie pour une période postérieure à l'expertise non contradictoire de M. [H] qui n'est, dès lors, pas suffisamment probante. De plus, la cour relève que la SCI [Adresse 4] ne précise pas en quoi l'installation et la rénovation de commerces Leclerc Sport, Brico Leclerc et Jardi Leclerc présentent un intérêt pour le commerce considéré.

La SCI [Adresse 4] reproche à l'expert de ne pas avoir fait état de l'édification à compter de 2018 d'un centre de santé et de bien-être et d'espaces tertiaires pour une surface plancher de 2 558m2 et d'un immeuble de bureaux et de résidence de tourisme de 78 suites en 2020. Or ces éléments ne sont pas pertinents. En effet, s'agissant du centre de santé, le bailleur ne précise pas la date d'ouverture de ce centre et l'édification de l'immeuble de bureaux et de la résidence de tourisme ne peut être retenue en ce qu'elle est postérieure au bail expiré le 18 mars 2019.

Au vu de ces éléments, l'évolution des facteurs locaux de commercialité ne sont pas notables ni suffisants pour avoir une incidence favorable à l'activité commerciale exercée par le preneur et ne peuvent ainsi justifier le déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

La cour relève que le bailleur n'a pas soulevé l'existence d'un motif de déplafonnement tiré des prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Par conséquent, il n'y a pas lieu à déplafonnement du loyer et la SCI du Centre sera déboutée de sa demande de déplafonnement et de sa demande de fixation du loyer annuel à la somme de 609 000 euros. Le loyer applicable au 19 mars 2019 sera fixé à la somme de 225 913,57 euros HT HC conformément aux dispositions du bail.

Le jugement sera infirmé.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant, la SCI [Adresse 4] sera condamnée à verser la somme de 5 000 euros à la société Lardis au titre des frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel. Les dispositions des jugements entrepris relatifs aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Confirme les dispositions des jugements entrepris relatifs aux frais irrépétibles et aux dépens ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déboute la SCI [Adresse 4] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Dit n'y avoir lieu à déplafonnement du loyer du bail renouvelé ;

Fixe le loyer applicable au 19 mars 2019 à la somme de 225 913,57 euros HT HC ;

Condamne la SCI du Centre à payer la somme de 5 000 euros à la société Lardis au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SCI [Adresse 4] aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, La présidente,

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