CA Versailles, ch. com. 3-1, 24 septembre 2025, n° 23/06165
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 58E
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/06165 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WCAT
AFFAIRE :
S.A.S. BOUCHERIES NIVERNAISES [Localité 8]
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Versailles
N° chambre : 3
N° RG : 22/00188
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mathieu CENCIG
Me Christophe DEBRAY
TJ [Localité 9]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. BOUCHERIES NIVERNAISES [Localité 8]
RCS [Localité 9] n° 389 817 677
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Mathieu CENCIG, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 303 et Me Jimmy SERAPIONIAN du cabinet TENEO AVOCATS, avocat plaidant
APPELANTE
****************
S.A. AXA FRANCE IARD
RCS [Localité 6] n° 722 057 460
[Adresse 2]
[Localité 4]
Société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE
n° SIREN : 775 699 309
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentées par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Pauline ARROYO du cabinet HFW, plaidant, avocat au barreau de Paris
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mai 2025, Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT
EXPOSE DU LITIGE
La société Boucheries nivernaises [Localité 7] II (ci-après la société Boucheries nivernaises) exploite un fonds de commerce dénommé Boucheries nivernaises, situé dans le centre commercial [Localité 7] II au [Localité 5] (78), dédié à l'activité de commerce de détail et demi-gros de viandes de boucherie fraîches, congelées ou surgelées, en morceaux et produits à base de viande.
Le 26 mars 2009, elle a souscrit auprès des sociétés Axa France Iard et Axa assurances Iard mutuelle (ci-après les sociétés Axa), par l'intermédiaire du courtier Satec, une police d'assurance « Multirisque de l'entreprise » prenant effet à compter du 1er janvier 2009, reconductible d'année en année par tacite reconduction.
Invoquant d'importants préjudices financiers consécutifs à la crise sanitaire liée à la propagation du virus Covid-19, la société Boucheries nivernaises a, le 10 juillet 2020, saisi le courtier Satec d'une déclaration de sinistre.
Par courrier du 22 octobre 2020, les sociétés Axa lui ont opposé un refus de prise en charge du sinistre, au motif qu'aucune des garanties du contrat n'avait vocation à s'appliquer.
Par actes du 29 décembre 2021, la société Boucheries nivernaises a fait assigner les sociétés Axa devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins de voir juger que la garantie « Tous risques sauf » est mobilisable et de voir condamner ses assureurs à lui payer la somme de 209.785 euros au titre des dommages immatériels subis et celle de 9.385 euros correspondant aux honoraires de l'expert d'assuré.
Par jugement du 27 juillet 2023, le tribunal a rejeté l'ensemble des demandes de la société Boucheries nivernaises, l'a condamnée aux dépens et a dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 24 août 2023, la société Boucheries nivernaises a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 3 novembre 2023, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et, statuant à nouveau, de :
- condamner solidairement à défaut in solidum les sociétés Axa à lui verser la somme de 219.170 euros décomposée comme suit : 209.785 euros au titre des dommages matériels et immatériels subis, 9.385 euros au titre des honoraires de l'expert d'assuré tels que garantis ;
- condamner solidairement à défaut in solidum les sociétés Axa à lui verser des dommages et intérêts consistant dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 4 décembre 2020 et ce jusqu'à l'exécution de la décision ;
- condamner solidairement à défaut in solidum les sociétés Axa à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 janvier 2024, les sociétés Axa demandent à la cour à titre principal, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Boucheries nivernaises de ses demandes, éventuellement par substitution de motifs et, à titre subsidiaire, si le jugement était infirmé, de :
- débouter la société Boucheries nivernaises de ses demandes au titre des honoraires d'expert et de la perte alléguée du stock de viande ;
- subsidiairement, avant dire droit, désigner tel expert avec mission notamment d'examiner et chiffrer les pertes de stocks de marchandises périssables subies par la société Boucheries nivernaises à la date à laquelle la cour aura fixé la survenance du sinistre qu'elle aura considéré comme garanti, mettre les frais d'expertise à la charge de la société Boucheries nivernaises, surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires de la société Boucheries nivernaises et, après dépôt du rapport d'expertise, faire application des dispositions contractuelles pour la fixation du montant de l'indemnité ainsi que des plafonds et limites de garantie ;
- débouter la société Boucheries nivernaises de ses demandes au titre des préjudices immatériels ;
- subsidiairement, si la cour retient que la société Boucheries nivernaises est fondée à solliciter une indemnisation au titre de la perte de valeur de la clientèle et du stock inexistant, avant dire droit, désigner tel expert avec mission notamment d'examiner la variation de valeur de la clientèle de la société Boucheries nivernaises et du stock de produits qu'elle n'a pas pu constituer du fait de l'événement causal constitutif du sinistre garanti, mettre les frais d'expertise à la charge de la société Boucheries nivernaises, surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires de la société Boucheries nivernaises et, après dépôt du rapport d'expertise, faire application des dispositions contractuelles pour la fixation du montant de l'indemnité ainsi que des plafonds et limites de garantie ;
- plus subsidiairement encore, si la cour retient que la société Boucheries nivernaises est fondée à solliciter une indemnisation de pertes financières, avant dire droit, désigner tel expert avec mission notamment d'examiner les pertes d'exploitation garanties par le contrat d'assurance résultant de l'événement causal constitutif du sinistre garanti et dans la limite de la période durant laquelle cet évènement causal a eu une incidence sur la marge brute de la société Boucheries nivernaises, mettre les frais d'expertise à la charge de la société Boucheries nivernaises, surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires de la société Boucheries nivernaises dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et, après dépôt du rapport d'expertise, faire application des dispositions contractuelles pour la fixation du montant de l'indemnité ainsi que des plafonds et limites de garantie ;
- à titre infiniment subsidiaire, faire application du plafond de garantie de 200.000 euros prévu en cas de mise en 'uvre de la clause « Tous risques sauf » ;
en tout état de cause,
- débouter la société Boucheries nivernaises de sa demande au titre des intérêts au taux légal ;
- débouter la société Boucheries nivernaises de toutes demandes plus amples ou contraires ;
- condamner la société Boucheries nivernaises à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 décembre 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la mobilisation de la garantie « Tous risques sauf »
La société Boucheries nivernaises sollicite la mobilisation de la garantie « Tous risques sauf » aux fins d'indemnisation des dommages matériels et immatériels résultant des événements survenus depuis mars 2020 et ayant notamment affecté ses stocks et sa clientèle. Elle précise que la garantie « Tous risques sauf » ne saurait se confondre avec la garantie « Perte d'exploitation » dont elle ne demande pas l'application.
Elle soutient que les quatre conditions d'application de la clause « Tous risques sauf » sont réunies ; que le sinistre à l'origine des dommages subis est la pandémie de Covid-19 ainsi que ses conséquences directes et indirectes dont notamment la crise sanitaire, le confinement de la population, la limitation des déplacements, les difficultés voire les impossibilités d'approvisionnement, la fermeture administrative des restaurants ; qu'aucun de ces évènements n'est exclu par la police et est donc de facto assuré ; que la pandémie et ses conséquences lui ont causé des dommages matériels (perte de stocks et impossibilité de les reconstituer en raison de la perturbation des flux d'approvisionnement) et des dommages immatériels (perte momentanée de la clientèle, perte de résultat) ; qu'il convient de ne pas confondre, comme le font les assureurs, la notion de perte d'exploitation avec celle de dommage immatériel, qui est d'ailleurs définie par la police ; qu'aucune stipulation contractuelle ne limite la garantie « Tous risques sauf » aux dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel de sorte que tous les dommages sont garantis ; que les biens affectés par le sinistre sont les stocks de viande, qui n'ont pu être vendus et ont péri, et la clientèle, tant professionnelle que particulière, qui constitue un bien meuble incorporel ; qu'enfin aucune exclusion ne lui est opposable.
Elle fait valoir que l'exclusion des « dommages résultant d'une décision des autorités civiles ou judiciaires » n'est pas applicable, dès lors que le sinistre allégué n'est pas la fermeture administrative ou le confinement mais la pandémie de Covid-19 elle-même ; que son préjudice a d'ailleurs débuté avant l'édiction de toute décision administrative ; que les mesures prises pour lutter contre la propagation du virus sont des décisions administratives prises par des autorités administratives, qui ne sont ni des autorités civiles ni des autorités judiciaires ; qu'en toute hypothèse, la police ne définit pas ce qu'est une autorité judiciaire ou une autorité civile, ce qui doit conduire à interpréter le contrat au bénéfice de l'assuré, conformément à l'article 1190 du code civil. Elle ajoute, au visa de l'article L.113-1 du code des assurances, que l'exclusion n'étant ni formelle ni limitée, elle doit être écartée.
Les sociétés Axa répliquent que la société Boucheries nivernaises, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas que les conditions d'application de la garantie « Tous risques sauf » sont réunies.
Après avoir relevé que la société Boucheries nivernaises sollicite l'infirmation du jugement pour des motifs substantiellement différents de ceux invoqués en première instance, elles font valoir que la police est une police à périls dénommés ; que la clause « Tous risques sauf », qui vient étendre la liste des événements assurés au-delà de ceux dénommés dans la police doit se lire et s'appliquer à la lumière des autres dispositions de la police ; que la société Boucheries nivernaises se prévaut d'évènements couverts par d'autres clauses du contrat, rendant inapplicable la garantie « Tous risques sauf » ; qu'ainsi, le dommage matériel allégué pour la première fois en cause d'appel, constitué par la perte de son stock de viande, relève de l'évènement dénommé « Perte de marchandises en chambre froide » ; que la condition de la garantie « Tous risques sauf » tenant à l'existence d'un dommage matériel ayant affecté un bien garanti, n'est pas remplie en ce qui concerne les préjudices immatériels, les préjudices financiers allégués par la société Boucheries nivernaises n'étant pas consécutifs à la perte de son stock de marchandises périssables mais aux conséquences de la pandémie en termes de fluidité des flux logistiques et de restrictions de déplacements ou d'activités des clients ; qu'en outre la clientèle et le stock « inexistant » (car non reconstitué) de la boucherie ne sont pas des biens garantis par la police.
Elles considèrent que l'argumentaire de la société Boucheries nivernaises a pour seul but de contourner les conditions d'application de la garantie « Pertes d'exploitation » alors qu'elle tente précisément d'obtenir l'indemnisation de pertes d'exploitation. Elles précisent que la garantie « Tous risque sauf » n'a pas vocation à suppléer la garantie « Pertes d'exploitation » lorsque ses conditions ne sont pas remplies et que la police d'assurance étant un contrat de gré à gré, il convient de l'interpréter en faveur du débiteur, soit l'assureur, conformément aux articles 1110, 1188, 1189 et 1190 du code civil.
Elles indiquent qu'en tout état de cause, la garantie « Tous risque sauf » est assortie d'une clause excluant « les dommages matériels résultant d'une décision des autorités civiles ou judiciaires » qui s'applique aux préjudices invoqués par la société Boucheries nivernaises dès lors que les différentes décisions prises par le Gouvernement pour lutter contre l'épidémie de coronavirus constituent des décisions d'autorités civiles. Elles soutiennent que la clause d'exclusion est formelle et limitée et qu'elle ne nécessite aucune définition ni interprétation.
Sur ce,
L'article 1315 devenu article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. En application de ce texte, il appartient à l'assuré de démontrer que les conditions d'application de la garantie sont remplies, sachant que la charge de la preuve repose sur l'assureur lorsqu'il entend opposer à l'assuré une clause d'exclusion de garantie.
L'article 1161 ancien de ce code précise que « toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ».
En l'espèce, la police n°4169656404 « Multirisque de l'entreprise » souscrite auprès de la société Axa, par l'intermédiaire du courtier Satec, est composée des documents contractuels suivants :
- les conditions particulières à en-tête Axa signées le 26 mars 2009 et prenant effet le 1er janvier 2009,
- l'intercalaire établi par le courtier Satec,
- les conventions spéciales n°460646 et n°460647,
- les conditions générales n°460645.
L'intercalaire Satec contient notamment les déclarations de l'assuré, ainsi que le tableau des garanties (descriptif des garanties page 5 à 8), qui précise quelles garanties ont été souscrites et quels sont les plafonds et franchises applicables à chacune d'elles.
La police litigieuse n'est pas une police « Tous Risques Sauf » mais une police à périls dénommés. Elle contient différentes garanties qui s'appliquent en cas de survenance de certains événements précisés pour chacune de ces garanties.
Le tableau des garanties vise ainsi 12 types de garanties :
I- Incendie, risques annexes et spéciaux ;
II- Vol ;
III- Bris de glaces et enseignes lumineuses ;
IV- Bris de machines et appareils professionnels ;
V- Pertes d'exploitation ;
VI- Valeur vénale ;
VII- Catastrophes naturelles ;
VIII- Tous risques sauf ;
IX- Pertes de marchandises en chambre froide ;
X- Marchandises transportées ;
XI- Responsabilité civile exploitation et professionnelles ;
XII- Défense recours.
Ces garanties sont ensuite reprises et explicitées au chapitre « Evénements garantis » du document (pages 15 et suivantes).
Tous les événements garantis sont des événements qui occasionnent des dommages matériels aux biens nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce et les frais et pertes mentionnés aux pages 18 et suivantes sont les conséquences directes des dommages matériels subis.
Ainsi, notamment, l'assureur garantit les pertes d'exploitation résultant de « la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité de l'entreprise » et de « l'engagement de frais supplémentaires », qui sont « la conséquence directe des dommages matériels causés par les événements garantis dans les locaux de l'assuré » (pages 28 et 29).
De même, au titre de la garantie « Valeur vénale », l'assureur garantit « la perte totale des éléments incorporels du fonds de commerce consécutive à la destruction des locaux d'exploitation à la suite d'un sinistre garanti par le présent contrat » (page 32).
L'appelante demande toutefois la mobilisation de la garantie « Tous risques sauf » définie en page 35 de l'intercalaire Satec comme suit :
« La présente annexe a pour objet de garantir l'ASSURE contre TOUT DOMMAGE MATERIEL DIRECT et IMMATERIEL résultant d'événements autres que ceux définis aux annexes précédentes, assurés ou non, affectant les biens énumérés aux Conditions Particulières et sous réserve des EXCLUSIONS ci-après (...) » (souligné par la cour)
Cette garantie « Tous risques sauf » a pour objet de faire bénéficier l'assuré de garanties pour des dommages résultant d'événements non explicitement mentionnés ailleurs dans la police et non exclus. Elle vient ainsi étendre la liste des événements assurés au-delà de ceux dénommés dans la police.
Pour qu'elle puisse s'appliquer, cette clause exige, notamment, un événement affectant un bien assuré, soit un dommage matériel.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'absence d'exclusion du risque pandémique ou épidémique ne signifie pas que la garantie « Tous risques sauf » est mobilisable du seul fait que le risque pandémique se réalise.
La société Boucheries nivernaises invoque tout d'abord un dommage matériel constitué par la perte de son stock de viande.
Cependant, outre que ce préjudice est invoqué pour la première fois en cause d'appel, il ne peut être rattaché à la clause « Tous risques sauf » car il relève d'un événement par ailleurs garanti, soit l'événement IX dénommé « Perte des marchandises en chambre froide », l'assureur garantissant, à hauteur de 40.000 euros, « les pertes ou avaries totales ou partielles causées aux marchandises entreposées dans les installations frigorifiques » (pages 6 et 22 de l'intercalaire Satec). En effet, les stocks de viande sont bien des marchandises devant être conservées à basses températures dans des installations frigorifiques, comme prévu dans la définition de la garantie.
Or, la garantie « Perte des marchandises en chambre froide » n'est pas sollicitée par l'appelante.
La demande de mobilisation la garantie « Tous risques sauf » aux fins d'indemniser la perte de son stock de viande ne peut donc qu'être rejetée.
La société Boucheries nivernaises invoque ensuite :
- un préjudice tenant au fait de ne pas avoir pu reconstituer ses stocks en raison de tensions sur les flux d'approvisionnement liées à la pandémie ;
- et/ou un préjudice immatériel tenant au fait que sa clientèle n'a pas pu continuer à s'approvisionner auprès d'elle du fait des restrictions apportées aux déplacements individuels (clientèle de particuliers) ou des interdictions d'accueil du public pour les restaurants (clientèle professionnelle).
Or, ces préjudices allégués ne sont pas consécutifs à un dommage matériel puisqu'ils sont la conséquence de la crise sanitaire et des mesures qui ont été prises pour enrayer l'épidémie de Covid-19.
En outre, la clientèle n'est pas un bien garanti par la police, qui couvre uniquement les bâtiments, les mobiliers, matériels et marchandises. Seule la garantie « Valeur vénale » (page 32 de l'intercalaire Satec), qui n'est pas invoquée par l'assurée, vise les éléments incorporels du fonds de commerce et elle suppose « la destruction des locaux d'exploitation ».
Le stock de marchandises qui, selon l'appelante, n'aurait pu être reconstitué, n'est pas non plus un bien garanti par la police puisque, de fait, il n'était pas en possession de l'assurée.
Ces dommages immatériels ne peuvent dès lors pas être rattachés à la clause « Tous risques sauf ».
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les conditions de mobilisation de la clause « Tous risques sauf » dont se prévaut la société Boucheries nivernaises au soutien de ses demandes indemnitaires ne sont pas remplies.
Il sera ajouté à titre surabondant que la clause d'exclusion dont est assortie la garantie « Tous risques sauf » est en tout état de cause opposable à la société Boucheries nivernaises. Cette clause est valide, en ce qu'elle est mentionnée en caractères gras très apparents et en ce qu'elle est formelle et limitée, ne nécessitant ni définition ni interprétation. S'agissant plus précisément de l'exclusion relative aux « dommages résultant d'une décision des autorités civiles ou judiciaires » (g), les termes employés renvoient bien aux différentes décisions de confinement et/ou de fermetures administratives prises par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire pour lutter contre l'épidémie de coronavirus, qui constituent des décisions d'autorités civiles.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Boucheries nivernaises de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, en ce compris sa demande de remboursement de la somme de 19.278 euros au titre des honoraires de l'expert.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Boucheries nivernaises, qui succombe, supportera les dépens d'appel. Elle sera en outre condamnée à verser aux sociétés Axa une indemnité globale de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles que celles-ci ont exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne la société Boucheries nivernaises [Localité 7] II aux dépens d'appel ;
Condamne la société Boucheries nivernaises [Localité 8] à verser aux sociétés Axa France Iard et Axa assurances Iard mutuelle la somme globale de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Boucheries nivernaises [Localité 8] de sa demande de ce chef.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 58E
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 SEPTEMBRE 2025
N° RG 23/06165 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WCAT
AFFAIRE :
S.A.S. BOUCHERIES NIVERNAISES [Localité 8]
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Versailles
N° chambre : 3
N° RG : 22/00188
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mathieu CENCIG
Me Christophe DEBRAY
TJ [Localité 9]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. BOUCHERIES NIVERNAISES [Localité 8]
RCS [Localité 9] n° 389 817 677
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Mathieu CENCIG, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 303 et Me Jimmy SERAPIONIAN du cabinet TENEO AVOCATS, avocat plaidant
APPELANTE
****************
S.A. AXA FRANCE IARD
RCS [Localité 6] n° 722 057 460
[Adresse 2]
[Localité 4]
Société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE
n° SIREN : 775 699 309
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentées par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Pauline ARROYO du cabinet HFW, plaidant, avocat au barreau de Paris
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mai 2025, Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT
EXPOSE DU LITIGE
La société Boucheries nivernaises [Localité 7] II (ci-après la société Boucheries nivernaises) exploite un fonds de commerce dénommé Boucheries nivernaises, situé dans le centre commercial [Localité 7] II au [Localité 5] (78), dédié à l'activité de commerce de détail et demi-gros de viandes de boucherie fraîches, congelées ou surgelées, en morceaux et produits à base de viande.
Le 26 mars 2009, elle a souscrit auprès des sociétés Axa France Iard et Axa assurances Iard mutuelle (ci-après les sociétés Axa), par l'intermédiaire du courtier Satec, une police d'assurance « Multirisque de l'entreprise » prenant effet à compter du 1er janvier 2009, reconductible d'année en année par tacite reconduction.
Invoquant d'importants préjudices financiers consécutifs à la crise sanitaire liée à la propagation du virus Covid-19, la société Boucheries nivernaises a, le 10 juillet 2020, saisi le courtier Satec d'une déclaration de sinistre.
Par courrier du 22 octobre 2020, les sociétés Axa lui ont opposé un refus de prise en charge du sinistre, au motif qu'aucune des garanties du contrat n'avait vocation à s'appliquer.
Par actes du 29 décembre 2021, la société Boucheries nivernaises a fait assigner les sociétés Axa devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins de voir juger que la garantie « Tous risques sauf » est mobilisable et de voir condamner ses assureurs à lui payer la somme de 209.785 euros au titre des dommages immatériels subis et celle de 9.385 euros correspondant aux honoraires de l'expert d'assuré.
Par jugement du 27 juillet 2023, le tribunal a rejeté l'ensemble des demandes de la société Boucheries nivernaises, l'a condamnée aux dépens et a dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 24 août 2023, la société Boucheries nivernaises a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 3 novembre 2023, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et, statuant à nouveau, de :
- condamner solidairement à défaut in solidum les sociétés Axa à lui verser la somme de 219.170 euros décomposée comme suit : 209.785 euros au titre des dommages matériels et immatériels subis, 9.385 euros au titre des honoraires de l'expert d'assuré tels que garantis ;
- condamner solidairement à défaut in solidum les sociétés Axa à lui verser des dommages et intérêts consistant dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 4 décembre 2020 et ce jusqu'à l'exécution de la décision ;
- condamner solidairement à défaut in solidum les sociétés Axa à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 janvier 2024, les sociétés Axa demandent à la cour à titre principal, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Boucheries nivernaises de ses demandes, éventuellement par substitution de motifs et, à titre subsidiaire, si le jugement était infirmé, de :
- débouter la société Boucheries nivernaises de ses demandes au titre des honoraires d'expert et de la perte alléguée du stock de viande ;
- subsidiairement, avant dire droit, désigner tel expert avec mission notamment d'examiner et chiffrer les pertes de stocks de marchandises périssables subies par la société Boucheries nivernaises à la date à laquelle la cour aura fixé la survenance du sinistre qu'elle aura considéré comme garanti, mettre les frais d'expertise à la charge de la société Boucheries nivernaises, surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires de la société Boucheries nivernaises et, après dépôt du rapport d'expertise, faire application des dispositions contractuelles pour la fixation du montant de l'indemnité ainsi que des plafonds et limites de garantie ;
- débouter la société Boucheries nivernaises de ses demandes au titre des préjudices immatériels ;
- subsidiairement, si la cour retient que la société Boucheries nivernaises est fondée à solliciter une indemnisation au titre de la perte de valeur de la clientèle et du stock inexistant, avant dire droit, désigner tel expert avec mission notamment d'examiner la variation de valeur de la clientèle de la société Boucheries nivernaises et du stock de produits qu'elle n'a pas pu constituer du fait de l'événement causal constitutif du sinistre garanti, mettre les frais d'expertise à la charge de la société Boucheries nivernaises, surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires de la société Boucheries nivernaises et, après dépôt du rapport d'expertise, faire application des dispositions contractuelles pour la fixation du montant de l'indemnité ainsi que des plafonds et limites de garantie ;
- plus subsidiairement encore, si la cour retient que la société Boucheries nivernaises est fondée à solliciter une indemnisation de pertes financières, avant dire droit, désigner tel expert avec mission notamment d'examiner les pertes d'exploitation garanties par le contrat d'assurance résultant de l'événement causal constitutif du sinistre garanti et dans la limite de la période durant laquelle cet évènement causal a eu une incidence sur la marge brute de la société Boucheries nivernaises, mettre les frais d'expertise à la charge de la société Boucheries nivernaises, surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires de la société Boucheries nivernaises dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et, après dépôt du rapport d'expertise, faire application des dispositions contractuelles pour la fixation du montant de l'indemnité ainsi que des plafonds et limites de garantie ;
- à titre infiniment subsidiaire, faire application du plafond de garantie de 200.000 euros prévu en cas de mise en 'uvre de la clause « Tous risques sauf » ;
en tout état de cause,
- débouter la société Boucheries nivernaises de sa demande au titre des intérêts au taux légal ;
- débouter la société Boucheries nivernaises de toutes demandes plus amples ou contraires ;
- condamner la société Boucheries nivernaises à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 décembre 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la mobilisation de la garantie « Tous risques sauf »
La société Boucheries nivernaises sollicite la mobilisation de la garantie « Tous risques sauf » aux fins d'indemnisation des dommages matériels et immatériels résultant des événements survenus depuis mars 2020 et ayant notamment affecté ses stocks et sa clientèle. Elle précise que la garantie « Tous risques sauf » ne saurait se confondre avec la garantie « Perte d'exploitation » dont elle ne demande pas l'application.
Elle soutient que les quatre conditions d'application de la clause « Tous risques sauf » sont réunies ; que le sinistre à l'origine des dommages subis est la pandémie de Covid-19 ainsi que ses conséquences directes et indirectes dont notamment la crise sanitaire, le confinement de la population, la limitation des déplacements, les difficultés voire les impossibilités d'approvisionnement, la fermeture administrative des restaurants ; qu'aucun de ces évènements n'est exclu par la police et est donc de facto assuré ; que la pandémie et ses conséquences lui ont causé des dommages matériels (perte de stocks et impossibilité de les reconstituer en raison de la perturbation des flux d'approvisionnement) et des dommages immatériels (perte momentanée de la clientèle, perte de résultat) ; qu'il convient de ne pas confondre, comme le font les assureurs, la notion de perte d'exploitation avec celle de dommage immatériel, qui est d'ailleurs définie par la police ; qu'aucune stipulation contractuelle ne limite la garantie « Tous risques sauf » aux dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel de sorte que tous les dommages sont garantis ; que les biens affectés par le sinistre sont les stocks de viande, qui n'ont pu être vendus et ont péri, et la clientèle, tant professionnelle que particulière, qui constitue un bien meuble incorporel ; qu'enfin aucune exclusion ne lui est opposable.
Elle fait valoir que l'exclusion des « dommages résultant d'une décision des autorités civiles ou judiciaires » n'est pas applicable, dès lors que le sinistre allégué n'est pas la fermeture administrative ou le confinement mais la pandémie de Covid-19 elle-même ; que son préjudice a d'ailleurs débuté avant l'édiction de toute décision administrative ; que les mesures prises pour lutter contre la propagation du virus sont des décisions administratives prises par des autorités administratives, qui ne sont ni des autorités civiles ni des autorités judiciaires ; qu'en toute hypothèse, la police ne définit pas ce qu'est une autorité judiciaire ou une autorité civile, ce qui doit conduire à interpréter le contrat au bénéfice de l'assuré, conformément à l'article 1190 du code civil. Elle ajoute, au visa de l'article L.113-1 du code des assurances, que l'exclusion n'étant ni formelle ni limitée, elle doit être écartée.
Les sociétés Axa répliquent que la société Boucheries nivernaises, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas que les conditions d'application de la garantie « Tous risques sauf » sont réunies.
Après avoir relevé que la société Boucheries nivernaises sollicite l'infirmation du jugement pour des motifs substantiellement différents de ceux invoqués en première instance, elles font valoir que la police est une police à périls dénommés ; que la clause « Tous risques sauf », qui vient étendre la liste des événements assurés au-delà de ceux dénommés dans la police doit se lire et s'appliquer à la lumière des autres dispositions de la police ; que la société Boucheries nivernaises se prévaut d'évènements couverts par d'autres clauses du contrat, rendant inapplicable la garantie « Tous risques sauf » ; qu'ainsi, le dommage matériel allégué pour la première fois en cause d'appel, constitué par la perte de son stock de viande, relève de l'évènement dénommé « Perte de marchandises en chambre froide » ; que la condition de la garantie « Tous risques sauf » tenant à l'existence d'un dommage matériel ayant affecté un bien garanti, n'est pas remplie en ce qui concerne les préjudices immatériels, les préjudices financiers allégués par la société Boucheries nivernaises n'étant pas consécutifs à la perte de son stock de marchandises périssables mais aux conséquences de la pandémie en termes de fluidité des flux logistiques et de restrictions de déplacements ou d'activités des clients ; qu'en outre la clientèle et le stock « inexistant » (car non reconstitué) de la boucherie ne sont pas des biens garantis par la police.
Elles considèrent que l'argumentaire de la société Boucheries nivernaises a pour seul but de contourner les conditions d'application de la garantie « Pertes d'exploitation » alors qu'elle tente précisément d'obtenir l'indemnisation de pertes d'exploitation. Elles précisent que la garantie « Tous risque sauf » n'a pas vocation à suppléer la garantie « Pertes d'exploitation » lorsque ses conditions ne sont pas remplies et que la police d'assurance étant un contrat de gré à gré, il convient de l'interpréter en faveur du débiteur, soit l'assureur, conformément aux articles 1110, 1188, 1189 et 1190 du code civil.
Elles indiquent qu'en tout état de cause, la garantie « Tous risque sauf » est assortie d'une clause excluant « les dommages matériels résultant d'une décision des autorités civiles ou judiciaires » qui s'applique aux préjudices invoqués par la société Boucheries nivernaises dès lors que les différentes décisions prises par le Gouvernement pour lutter contre l'épidémie de coronavirus constituent des décisions d'autorités civiles. Elles soutiennent que la clause d'exclusion est formelle et limitée et qu'elle ne nécessite aucune définition ni interprétation.
Sur ce,
L'article 1315 devenu article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. En application de ce texte, il appartient à l'assuré de démontrer que les conditions d'application de la garantie sont remplies, sachant que la charge de la preuve repose sur l'assureur lorsqu'il entend opposer à l'assuré une clause d'exclusion de garantie.
L'article 1161 ancien de ce code précise que « toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ».
En l'espèce, la police n°4169656404 « Multirisque de l'entreprise » souscrite auprès de la société Axa, par l'intermédiaire du courtier Satec, est composée des documents contractuels suivants :
- les conditions particulières à en-tête Axa signées le 26 mars 2009 et prenant effet le 1er janvier 2009,
- l'intercalaire établi par le courtier Satec,
- les conventions spéciales n°460646 et n°460647,
- les conditions générales n°460645.
L'intercalaire Satec contient notamment les déclarations de l'assuré, ainsi que le tableau des garanties (descriptif des garanties page 5 à 8), qui précise quelles garanties ont été souscrites et quels sont les plafonds et franchises applicables à chacune d'elles.
La police litigieuse n'est pas une police « Tous Risques Sauf » mais une police à périls dénommés. Elle contient différentes garanties qui s'appliquent en cas de survenance de certains événements précisés pour chacune de ces garanties.
Le tableau des garanties vise ainsi 12 types de garanties :
I- Incendie, risques annexes et spéciaux ;
II- Vol ;
III- Bris de glaces et enseignes lumineuses ;
IV- Bris de machines et appareils professionnels ;
V- Pertes d'exploitation ;
VI- Valeur vénale ;
VII- Catastrophes naturelles ;
VIII- Tous risques sauf ;
IX- Pertes de marchandises en chambre froide ;
X- Marchandises transportées ;
XI- Responsabilité civile exploitation et professionnelles ;
XII- Défense recours.
Ces garanties sont ensuite reprises et explicitées au chapitre « Evénements garantis » du document (pages 15 et suivantes).
Tous les événements garantis sont des événements qui occasionnent des dommages matériels aux biens nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce et les frais et pertes mentionnés aux pages 18 et suivantes sont les conséquences directes des dommages matériels subis.
Ainsi, notamment, l'assureur garantit les pertes d'exploitation résultant de « la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité de l'entreprise » et de « l'engagement de frais supplémentaires », qui sont « la conséquence directe des dommages matériels causés par les événements garantis dans les locaux de l'assuré » (pages 28 et 29).
De même, au titre de la garantie « Valeur vénale », l'assureur garantit « la perte totale des éléments incorporels du fonds de commerce consécutive à la destruction des locaux d'exploitation à la suite d'un sinistre garanti par le présent contrat » (page 32).
L'appelante demande toutefois la mobilisation de la garantie « Tous risques sauf » définie en page 35 de l'intercalaire Satec comme suit :
« La présente annexe a pour objet de garantir l'ASSURE contre TOUT DOMMAGE MATERIEL DIRECT et IMMATERIEL résultant d'événements autres que ceux définis aux annexes précédentes, assurés ou non, affectant les biens énumérés aux Conditions Particulières et sous réserve des EXCLUSIONS ci-après (...) » (souligné par la cour)
Cette garantie « Tous risques sauf » a pour objet de faire bénéficier l'assuré de garanties pour des dommages résultant d'événements non explicitement mentionnés ailleurs dans la police et non exclus. Elle vient ainsi étendre la liste des événements assurés au-delà de ceux dénommés dans la police.
Pour qu'elle puisse s'appliquer, cette clause exige, notamment, un événement affectant un bien assuré, soit un dommage matériel.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'absence d'exclusion du risque pandémique ou épidémique ne signifie pas que la garantie « Tous risques sauf » est mobilisable du seul fait que le risque pandémique se réalise.
La société Boucheries nivernaises invoque tout d'abord un dommage matériel constitué par la perte de son stock de viande.
Cependant, outre que ce préjudice est invoqué pour la première fois en cause d'appel, il ne peut être rattaché à la clause « Tous risques sauf » car il relève d'un événement par ailleurs garanti, soit l'événement IX dénommé « Perte des marchandises en chambre froide », l'assureur garantissant, à hauteur de 40.000 euros, « les pertes ou avaries totales ou partielles causées aux marchandises entreposées dans les installations frigorifiques » (pages 6 et 22 de l'intercalaire Satec). En effet, les stocks de viande sont bien des marchandises devant être conservées à basses températures dans des installations frigorifiques, comme prévu dans la définition de la garantie.
Or, la garantie « Perte des marchandises en chambre froide » n'est pas sollicitée par l'appelante.
La demande de mobilisation la garantie « Tous risques sauf » aux fins d'indemniser la perte de son stock de viande ne peut donc qu'être rejetée.
La société Boucheries nivernaises invoque ensuite :
- un préjudice tenant au fait de ne pas avoir pu reconstituer ses stocks en raison de tensions sur les flux d'approvisionnement liées à la pandémie ;
- et/ou un préjudice immatériel tenant au fait que sa clientèle n'a pas pu continuer à s'approvisionner auprès d'elle du fait des restrictions apportées aux déplacements individuels (clientèle de particuliers) ou des interdictions d'accueil du public pour les restaurants (clientèle professionnelle).
Or, ces préjudices allégués ne sont pas consécutifs à un dommage matériel puisqu'ils sont la conséquence de la crise sanitaire et des mesures qui ont été prises pour enrayer l'épidémie de Covid-19.
En outre, la clientèle n'est pas un bien garanti par la police, qui couvre uniquement les bâtiments, les mobiliers, matériels et marchandises. Seule la garantie « Valeur vénale » (page 32 de l'intercalaire Satec), qui n'est pas invoquée par l'assurée, vise les éléments incorporels du fonds de commerce et elle suppose « la destruction des locaux d'exploitation ».
Le stock de marchandises qui, selon l'appelante, n'aurait pu être reconstitué, n'est pas non plus un bien garanti par la police puisque, de fait, il n'était pas en possession de l'assurée.
Ces dommages immatériels ne peuvent dès lors pas être rattachés à la clause « Tous risques sauf ».
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les conditions de mobilisation de la clause « Tous risques sauf » dont se prévaut la société Boucheries nivernaises au soutien de ses demandes indemnitaires ne sont pas remplies.
Il sera ajouté à titre surabondant que la clause d'exclusion dont est assortie la garantie « Tous risques sauf » est en tout état de cause opposable à la société Boucheries nivernaises. Cette clause est valide, en ce qu'elle est mentionnée en caractères gras très apparents et en ce qu'elle est formelle et limitée, ne nécessitant ni définition ni interprétation. S'agissant plus précisément de l'exclusion relative aux « dommages résultant d'une décision des autorités civiles ou judiciaires » (g), les termes employés renvoient bien aux différentes décisions de confinement et/ou de fermetures administratives prises par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire pour lutter contre l'épidémie de coronavirus, qui constituent des décisions d'autorités civiles.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Boucheries nivernaises de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, en ce compris sa demande de remboursement de la somme de 19.278 euros au titre des honoraires de l'expert.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Boucheries nivernaises, qui succombe, supportera les dépens d'appel. Elle sera en outre condamnée à verser aux sociétés Axa une indemnité globale de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles que celles-ci ont exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne la société Boucheries nivernaises [Localité 7] II aux dépens d'appel ;
Condamne la société Boucheries nivernaises [Localité 8] à verser aux sociétés Axa France Iard et Axa assurances Iard mutuelle la somme globale de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Boucheries nivernaises [Localité 8] de sa demande de ce chef.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente