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Décisions

CA Colmar, ch. 4 a, 7 octobre 2025, n° 22/03699

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 22/03699

7 octobre 2025

MINUTE N° 25/738

Copie exécutoire

aux avocats

le 07 octobre 2025

La greffière

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/03699

N° Portalis DBVW-V-B7G-H5Y2

Décision déférée à la Cour : 06 Septembre 2022 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Colmar

APPELANT :

Monsieur [C] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Benoît NICOLAS, avocat au barreau de Colmar

INTIMÉES :

S.A.R.L. ENSISHEIM AMBULANCES,

prise en la personne de son représentant légal,

N° SIRET : 531 690 279

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Steeve ROHMER, avocat au barreau de Mulhouse

S.A.R.L. AMBULANCES DE [Localité 8],

prise en la personne de son représentant légal,

N° SIRET : 510 728 736

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Luc ROSSELOT, avocat au barreau de Mulhouse

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Emmanuel ROBIN, Président de chambre (chargé du rapport)

M. Edgard PALLIERES, Conseiller

M. Gurvan LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Lucille WOLFF,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées,

- signé par M. Emmanuel ROBIN, Président de chambre et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCÉDURE

La société Ambulances de [Localité 8] a embauché M. [C] [N] en qualité d'ambulancier à compter du 2 janvier 2013 ; le 1er avril 2019, le fonds de commerce a été cédé à la société KLM services, ensuite devenue la société Ensisheim ambulances, à laquelle le contrat de travail a été transféré.

Le 16 juillet 2020, M. [C] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Colmar en invoquant des manquements de l'employeur tenant notamment au défaut de paiement des salaires et à un harcèlement moral et en sollicitant la résiliation de son contrat de travail ; le 29 septembre 2020, il a déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail et a demandé au conseil de prud'hommes que cette rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Ensisheim ambulances a appelé dans la cause la société Ambulances de [Localité 8].

Par jugement du 6 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Colmar a jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail s'analysait en une démission, a condamné la société Ambulances de Rouffach à payer à M. [C] [N] la somme de 1 897,99 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juillet 2018 au 31 mars 2019, a débouté le salarié du surplus de ses demandes, et l'a condamné à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution du préavis et rupture abusive.

Le 3 octobre 2022, M. [C] [N] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 20 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré la société Ensisheim ambulances irrecevable à conclure et à produire des pièces.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 février 2024, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 27 juin 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré jusqu'à ce jour.

*

* *

Par conclusions déposées le 22 juin 2023, M. [C] [N] demande à la cour de réformer le jugement ci-dessus, de constater que la démission intervenue le 29 septembre 2020 est une prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Ensisheim ambulances à lui payer la somme de 4 677,50 euros au titre du préavis, celle de 467,75 euros au titre des congés payés afférents, celle de 4 385,16 euros au titre de l'indemnité de licenciement, celle de 18 710 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 3 635,61 euros au titre des heures supplémentaires, celle de 363,56 euros au titre des congés payés afférents, celle de 1 200 euros pour non-respect de la durée hebdomadaire de travail, celle de 1 310,85 euros au titre de l'indemnité pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, celle de 164,28 euros au titre de la rémunération des jours fériés travaillés, celle de 8,26 euros au titre de l'indemnité de repas, celle de 472,50 euros au titre du temps d'habillage et de déshabillage et celle de 10 000 euros au titre du harcèlement moral ; il sollicite également la condamnation in solidum de la société Ensisheim ambulances et de la société Ambulances de [Localité 8] à lui payer la somme de 6 602,33 euros au titre des heures supplémentaires, celle de 660,23 euros au titre des congés payés afférents, celle de 3 150 euros pour non-respect de la durée hebdomadaire de travail, celle de 2 469,66 euros au titre de l'indemnité pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, celle de 232,75 euros au titre des temps d'habillage et de déshabillage, celle de 14 032,50 euros au titre du travail dissimulé, celle de 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du refus de fournir des feuilles de route, celle de 1 000 euros pour retards de paiement des salaires, celle de 1 000 euros pour la délivrance tardive des bulletins de paie et celle de 500 euros au titre de l'absence d'entretien des tenues professionnelles par l'employeur ; enfin il réclame une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour solliciter le paiement d'heures supplémentaires et une indemnisation au titre des dépassements de la durée de travail hebdomadaire maximale et du contingent annuel d'heures supplémentaires, M. [C] [N] se réfère à des décomptes hebdomadaires du temps durant lequel il devait rester à la disposition de son employeur et à des feuilles de route établies par ses soins. Il reproche à son employeur d'avoir supprimé l'utilisation des feuilles de route obligatoires, d'avoir payé le salaire après le 15 du mois suivant et d'avoir omis de remettre des bulletins de paie. Il demande le paiement d'une indemnité pour un travail effectué le 8 mai 2020 et d'indemnités de repas pour le mois de mai 2020. Il soutient que les temps d'habillage et de déshabillage devaient donner lieu à une indemnité et reproche à l'employeur un défaut d'entretien des tenues professionnelles.

En ce qui concerne le harcèlement moral, M. [C] [N] invoque des propos déplacés, des man'uvres d'intimidation et une surveillance excessive ainsi qu'un arrêt de travail prescrit à compter du 16 septembre 2020. Les conditions de travail seraient devenues intenables, ce qui aurait entraîné le départ du salarié.

Pour solliciter une condamnation in solidum de la société Ensisheim ambulances et de la société Ambulances de [Localité 8] pour la période antérieure au 1er avril 2019, M. [C] [N] invoque une reprise de la société à compter de cette date.

Par conclusions déposées le 23 mars 2023, la société Ambulances de [Localité 8] demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes de dommages intérêts au titre de l'absence de remise des feuilles de route, des retards de paiement des salaires, de la délivrance tardive des bulletins de paie et de l'absence d'entretien des tenues professionnelles ; elle sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de M. [C] [N] à lui payer une indemnité de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Ambulances de [Localité 8] fait valoir que les demandes nouvelles de M. [C] [N] sont irrecevables en cause d'appel et qu'au surplus elles sont mal fondées. Par ailleurs, elle approuve le conseil de prud'hommes d'avoir distingué chacun des employeurs successifs et d'avoir pris en compte le temps de travail effectif pour examiner les demandes en paiement de rappels de salaire ; elle conteste avoir eu l'intention de commettre le délit de travail dissimulé et conteste devoir une indemnité au titre de temps d'habillage et de déshabillage.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes nouvelles

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; cependant, conformément à l'article 566 du même code, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, les demandes de M. [C] [N] en paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison du refus de fournir des feuilles de route, en paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'absence d'entretien des tenues professionnelles par ses employeurs, et en paiement de deux sommes de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison, d'une part, de retards dans le paiement des salaires et, d'autre part, de retards dans la remise des bulletins de paie, sont nouvelles en appel pour ce qui concerne la société Ambulances de [Localité 8] ; en effet, en première instance, de telles demandes avaient été présentées uniquement contre la société Ensisheim ambulances.

Néanmoins, ces demandes, qui tendent à compenser, respectivement, la difficulté à établir la réalité du temps de travail, une charge que le salarié aurait supportée de manière injustifiée pour les besoins de son activité professionnelle, et les conséquences de retard dans le paiement des salaires et la remise des documents explicitant les montants versés, sont des accessoires de celles formées contre la société Ambulances de [Localité 8] en première instance, qui tendaient notamment au paiement de rappels de rémunérations, dont une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage, et à faire sanctionner des dépassements de la durée hebdomadaire de travail et du contingent d'heures supplémentaires.

Ces demandes sont donc recevables même si elles ont été présentées pour la première fois en appel.

Sur la condamnation in solidum des employeurs

Pour solliciter une condamnation in solidum de la société Ambulances de [Localité 8] et de la société Ensisheim ambulances à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail au cours de la période du 1er juillet 2017 au 31 mars 2019, M. [C] [N] affirme qu'il est constant que la première société a été « reprise » par la seconde à compter du 1er avril 2019, sans invoquer aucun moyen de droit ou de fait. Selon les explications de la société Ambulances de [Localité 8], celle-ci aurait cédé son fonds de commerce à la société KLM services à compter du 1er avril 2019.

Dès lors, le transfert du contrat de travail intervenu en application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étant pas contesté, conformément à l'article L. 1224-2 du même code, le nouvel employeur est tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur.

La société Ensisheim ambulances sera donc condamnée in solidum avec la société Ambulances de [Localité 9] au paiement des sommes dues par celle-ci ; en revanche, la société Ambulances de [Localité 8] ne peut être tenue au paiement de sommes au titre de l'exécution du contrat de travail après le 1er avril 2019.

Sur le temps de travail

Les heures supplémentaires

Selon les deux premiers alinéas de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et, au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, pour solliciter le paiement d'heures supplémentaires, M. [C] [N] produit, d'une part, des tableaux détaillant les heures supplémentaires dont il revendique le paiement pour les années 2017 à 2020, d'autre part, des photocopies de feuilles de route couvrant la période du 30 juillet 2018 au 4 octobre 2020, et, enfin, les tableaux récapitulatifs mensuels établis par l'employeur du mois de juillet 2017 au mois de mars 2019.

Cependant, l'examen de ces documents démontre que le nombre d'heures supplémentaires revendiqué par les tableaux établis par M. [C] [N] ne correspond pas aux temps de travail révélés par les feuilles de route. En effet, les tableaux sur lesquels M. [C] [N] fonde ses demandes mentionnent, au titre du temps de travail hebdomadaire pour lequel il revendique une rémunération, des durées supérieures au temps de travail effectif après déduction des pauses tel qu'il résulte des feuilles de route remplies par ses soins.

Dès lors, le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que les demandes de M. [C] [N] reposaient sur l'amplitude horaire et incluaient à tort les temps de pause, lesquels ne sont pas rémunérés.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a limité la condamnation de la société Ambulances de [Localité 8] aux sommes que celle-ci reconnaît devoir, à savoir 1 725,45 euros au titre de la rémunération des heures supplémentaires et 172,54 euros au titre des congés payés afférents, et en ce qu'il a débouté M. [C] [N] de sa demande en paiement d'autres heures supplémentaires. La société Ensisheim ambulances sera condamnée in solidum avec la société Ambulances de [Localité 8] au paiement des montants ci-dessus.

Le dépassement de la durée hebdomadaire maximale

Les tableaux récapitulatifs mensuels établis par la société Ambulances de [Localité 8] au cours de la période de juillet 2017 à mars 2019 démontrent que le temps de travail effectif de M. [C] [N] a atteint, 57 heures 14 au cours de la semaine 26 de l'année 2017, 49 heures 11 au cours de la semaine 49 de l'année 2017, 53 heures 51 au cours de la semaine 20 de l'année 2018, 50,17 heures au cours de la semaine 22 de l'année 2018, 48,60 heures au cours de la semaine 24 de l'année 2018, 53,47 heures au cours de la semaine 25 de l'année 2018, et 49,95 heures au cours de la semaine 27 de l'année 2018.

En revanche, aucun autre dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail n'est caractérisé.

En conséquence, le préjudice subi par M. [C] [N] sera limité à une somme de 700 euros, que la société Ambulances de [Localité 8] et la société Ensisheim ambulances seront condamnées in solidum à lui payer.

Le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires

Il résulte des bulletins de paie établis par la société Ambulances de [Localité 8] qu'au cours de l'année 2018 M. [C] [N] a effectué 276,20 heures supplémentaires. Aucun élément ne démontre qu'un accord d'entreprise limitait, pour cette année, à 130 heures le contingent d'heures supplémentaires.

Pour ce qui concerne les années 2017 et 2019, M. [C] [N] est mal fondé à revendiquer l'exécution, respectivement, de 233,96 et de 305,01 heures supplémentaires, alors que le nombre de ces heures supplémentaires s'élevait à 208,71 et à 181,45 pour ces années, et n'excédaient donc pas le contingent annuel.

M. [C] [N] a donc été débouté à juste titre de sa demande au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires.

Le délit de travail dissimulé

M. [C] [N] ne rapporte aucune preuve démontrant que la société Ensisheim ambulances ou la société Ambulances de [Localité 8] ont eu l'intention de commettre à son égard le délit de travail dissimulé ; il est donc est mal fondé à solliciter le paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail.

Sur le paiement d'une indemnité de jour férié travaillé

M. [C] [N] soutient avoir travaillé le 8 mai 2020, qui constitue un jour férié au sens de l'article 7 bis de l'accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, et réclame à ce titre le paiement de l'indemnité prévue par l'article 7 ter, calculée conformément aux dispositions relatives au paiement du 1er mai travaillé. Il affirme avoir travaillé un total de douze heures et sollicite une somme de 164,28 euros correspondant au solde du montant de l'indemnité qui lui est due après déduction de celui de l'indemnité pour dimanches et jours fériés qui lui a été versée par erreur.

Il résulte de la feuille de route du 4 au 10 mai 2020, que M. [C] [N] a travaillé de 7 heures à 19 heures 25 le 1er mai.

Il convient, en conséquence, de condamner la société Ensisheim ambulances à payer à M. [C] [N] la somme réclamée, soit 164,28 euros.

Sur le paiement d'une indemnité de repas

M. [C] [N] sollicite le paiement d'une indemnités de repas complémentaire au motif qu'il serait fondé à réclamer une telle indemnité pour les journées des 11, 14, 15, 18, 19, 20, 25, 27 et 29 mai 2020 alors que huit indemnités seulement lui auraient été payées pour ce mois.

M. [C] [N] justifie par la production des feuilles de route du mois de mai 2020 du bien fondé de sa demande, soit que la pause méridienne sur le lieu de travail a été réduite à moins d'une heure, soit qu'il a été obligé de prendre son repas en dehors de son lieu de travail.

Dès lors, la société Ensisheim ambulances sera condamnée au paiement de la somme de 8,26 euros correspondant à une indemnité de repas.

Sur la contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage

Selon l'article L. 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties.

En l'espèce, le port d'une tenue d'ambulancier était imposé à M. [C] [N] par l'arrêté du 12 décembre 2017 fixant les caractéristiques et les installations matérielles exigées pour les véhicules affectés aux transports sanitaires terrestres ; le salarié fait également valoir à juste titre que ces dispositions réglementaires prohibent le port de cette tenue en dehors de l'activité professionnelle, ce dont il se déduit que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise.

Dès lors, M. [C] [N] est fondé à réclamer le paiement de la contrepartie pécuniaire aux temps d'habillage et de déshabillage.

En conséquence, la société Ambulances de [Localité 8] et la société Ensisheim ambulances seront condamnées in solidum à lui payer la somme de 232,75 euros correspondant à la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage due pour la période antérieure au 1er avril 2019 et la société Ensisheim ambulances sera condamnée au paiement de la somme de 472,50 euros due pour la période postérieure.

Sur l'entretien des tenues professionnelles

Conformément au 1° de l'article 22 bis de l'annexe 1 à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, et au dernier alinéa de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire, étendu par arrêté du 19 juillet 2018, il appartient à l'employeur d'assurer l'entretien de la tenue professionnelle des personnels ambulanciers.

La simple mise à disposition d'un lave-linge, que les salariés doivent faire fonctionner en dehors de leurs heures de travail, ne satisfait pas à l'obligation incombant à l'employeur.

M. [C] [N] est dès lors fondé à reprocher à la société Ambulances de [Localité 8] comme à la société Ensisheim ambulances de ne pas avoir satisfait à leur obligation d'entretenir les tenues professionnelles.

Le préjudice subi par M. [C] [N], qui s'est trouvé contraint d'effectuer lui-même cet entretien durant deux ans, sera réparé par la somme de 500 euros qu'il réclame. Toutefois la société Ambulances de [Localité 8], qui n'était plus l'employeur de M. [C] [N] à compter du 1er avril 2019, ne peut être tenue au paiement au-delà de la moitié du préjudice subi.

Sur les retards de paiement du salaire et de remise des bulletins de paie

M. [C] [N] reproche à ses employeurs de ne pas lui avoir versé son salaire mensuel au plus tard le 15 du mois suivant et d'avoir tardé à lui remettre ses bulletins de paie.

Il ne se réfère cependant à aucune pièce démontrant les retards allégués et n'apporte aucune précision de fait concernant ces retards.

La réalité des manquements reprochés n'est donc pas établie.

M. [C] [N] a donc été débouté à juste titre de ses demandes, dirigées contre la société Ensisheim ambulances, de dommages et intérêts au titre de retards dans le paiement du salaire et dans la remise de bulletins de paie, et il sera également débouté de ces demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la société Ambulances de [Localité 8].

Sur le refus de fournir des feuilles de route

M. [C] [N] ne produit aucun élément de preuve démontrant un refus de la société Ambulances de [Localité 8] ou de la société Ensisheim ambulances de lui fournir des feuilles de route.

Il a donc été débouté à juste titre de sa demande de dommages et intérêts de ce chef contre la société Ensisheim ambulances et en sera également débouté en ce qu'elle est dirigée contre la société Ambulances de [Localité 8].

Sur le harcèlement moral

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément à l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des dispositions ci-dessus, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [C] [N] affirme qu'après avoir établi une attestation en faveur d'une collègue qu'un litige opposait à leur employeur, il a été victime d'un harcèlement moral constitué par des propos et des observations déplacés ainsi que par des man'uvres d'intimidations systématiques ; il reproche également à la société Ensisheim ambulances d'avoir épié ses moindres faits et gestes. Il ajoute qu'un arrêt de travail lui a été prescrit à compter du 16 septembre 2020 en raison de la dégradation de son état de santé imputable aux agissements de son employeur.

Cependant, la seule preuve versée aux débats est une attestation établie par un collègue de travail dont il résulte que, le 1er juillet 2020, M. [C] [N] a été interpellé par l'épouse du gérant de la société Ensisheim ambulances, également salariée de cette société, qui lui a reproché d'avoir fait de fausses déclarations dans une attestation remise à une autre salariée et l'a menacé de déposer plainte en ajoutant « vous allez me le payer ». Ce fait unique ne suffit pas à caractériser des agissements répétés et aucun élément ne démontre que l'arrêt de travail prescrit à M. [C] [N] à compter du 16 septembre 2020 est la conséquence de faits subis au travail.

M. [C] [N] ne démontre donc pas l'existence de faits pouvant laisser supposer qu'il a subi des faits de harcèlement moral.

Sur la rupture du contrat de travail

Par lettre datée du 7 janvier 2021, M. [C] [N] a expressément déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail en se référant à la procédure en cours devant le conseil de prud'hommes, en reprochant à la société Ensisheim ambulances de n'avoir rien mis en 'uvre pour faire cesser les manquements qui lui étaient reprochés et en invoquant un arrêt de travail pour maladie à compter du 16 septembre 2020 qu'il imputait à une « situation intenable ».

Cependant, les manquements de la société Ensisheim ambulances à ses obligations caractérisés dans le cadre du présent procès n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier une prise d'acte de rupture.

En conséquence, le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que la lettre du salarié devait produire les effets d'une démission.

En revanche, le conseil de prud'hommes a considéré à tort que la décision de M. [C] [N] de rompre le contrat de travail présentait un caractère abusif ; compte tenu de la durée du préavis en cas de démission, fixé à une semaine par le contrat de travail, il ne pouvait être alloué à la société Ensisheim ambulances une somme supérieure à 539,70 euros.

En conséquence, M. [C] [N] est fondé à demander que l'indemnité allouée à la société Ensisheim ambulances soit réduite à ce montant.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La société Ambulances de [Localité 8] et la société Ensisheim ambulances, qui succombent partiellement, seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les circonstances de l'espèce justifient de condamner in solidum la société Ambulances de [Localité 8] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [C] [N] une indemnité de 1 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés à l'occasion du présent procès ; la société Ambulances de [Localité 8] sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE recevables les demandes nouvelles de M. [C] [N] contre la société Ambulances de [Localité 8] ;

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions frappées d'appel sauf en ce qu'il a :

1) débouté M. [C] [N] de sa demande de condamnation de la société Ensisheim ambulances in solidum avec la société Ambulances de [Localité 8],

2) débouté M. [C] [N] de sa demande en paiement d'une indemnité pour jour férié travaillé,

3) débouté M. [C] [N] de sa demande au titre du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail,

4) débouté M. [C] [N] de sa demande en paiement d'une indemnité de repas,

5) débouté M. [C] [N] de sa demande en paiement d'une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage,

6) débouté M. [C] [N] de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la carence de l'employeur dans l'entretien des tenues professionnelles,

7) condamné M. [C] [N] à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution du préavis et rupture abusive,

8) dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens ;

INFIRME le jugement déféré de ces chefs ;

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement déféré,

CONDAMNE la société Ensisheim ambulances, in solidum avec la société Ambulances de [Localité 8], à payer à M. [C] [N] la somme de 1 897,99 euros (mille huit cent quatre vingt dix sept euros et quatre vingt dix neuf centimes) au titre des heures supplémentaires et congés payés pour la période du 1er juillet 2018 au 31 mars 2019 ;

CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 8] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [C] [N] la somme de 700 euros (sept cents euros) au titre des dépassements de la durée maximale hebdomadaire de travail ;

CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [C] [N] la somme de 164,28 euros (cent soixante quatre euros et vingt huit centimes) au titre d'un jour férié travaillé ;

CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [C] [N] la somme de 8,26 euros (huit euros et vingt six centimes) au titre d'une indemnité de repas ;

CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 8] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [C] [N] la somme de 232,75 euros (deux cent trente deux euros et soixante quinze centimes) au titre de la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage ;

CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [C] [N] la somme de 472,50 euros (quatre cent soixante douze euros et cinquante centimes) au titre de la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage ;

CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [C] [N] la somme de 500 euros (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la carence de l'employeur dans l'entretien des tenues professionnelles ;

CONDAMNE la société Ambulances de [Localité 8], in solidum avec la société Ensisheim ambulances, à payer les dommages et intérêts alloués ci-dessus, dans la limite de 250 euros (deux cent cinquante euros) ;

DÉBOUTE M. [C] [N] de ses demandes contre la société Ambulances de [Localité 8] au titre du refus de fournir des feuilles de route, des retards de paiement des salaires et de remise tardive des bulletins de paie ;

CONDAMNE M. [C] [N] à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 539,70 euros (cinq cent trente neuf euros et soixante dix centimes) à titre d'indemnité de préavis et déboute cette société du surplus de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 8] et la société Ensisheim ambulances aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 8] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [C] [N] la somme de 1 000 euros (mille euros) à titre d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Ambulances de [Localité 8] de sa demande d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, Le Président,

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