CA Rennes, 6e ch. a, 22 septembre 2025, n° 23/02176
RENNES
Arrêt
Autre
6ème Chambre A
ARRÊT N°
N° RG 23/02176 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TVE4
Appel contre le jugement rendu le 23/01/23 RG 20/00928-Minute 23/31 par le TJ de [Localité 11]
M. [B] [I] [A] [L]
C/
Mme [N] [H]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Dominique LE COULS-BOUVET
Me Marion LE JEAN
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,
Assesseur : M. David LE MERCIER,Conseiller,
GREFFIER :
Mme Léna ETIENNE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Juin 2025
devant Madame Aurélie GUEROULT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe
****
APPELANT :
Monsieur [B] [I] [A] [L]
né le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 15]
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représenté par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Gaële PENSEC, Plaidant, avocat au barreau de BREST
INTIMÉE :
Madame [N] [H]
née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 10] (LAOS)
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Marion LE JEAN de la SELARL LEXARMOR, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
EXPOSE DU LITIGE
M. [B] [L] et Mme [N] [H] se sont mariés le [Date mariage 2] 2000 à l'ambassade de France au Laos, sans contrat de mariage
préalable.
Par ordonnance de non-conciliation du 11 mai 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Brest a notamment :
- attribué la jouissance du domicile conjugal à l'époux à titre de devoir de secours ;
- désigné Me [O] (sic) [ lire [R]], notaire à [Localité 16], pour établir un projet d'état liquidatif sur le fondement de l'article 255 10° du code civil ;
- attribué la jouissance du véhicule Fiat à l'époux ;
- attribué la jouissance du véhicule Toyota à l'épouse ;
- dit que Mme [N] [H] assurera la gestion de la pharmacie à charge de percevoir les fruits et d'en assumer les charges à titre d'avance pour le compte de la communauté ;
- dit que M. [B] [L] prendra en charge le prêt immobilier de 809,16 euros outre les frais de taxes de jouissance afférentes et ce à titre d'avance pour le compte de la communauté.
Par jugement du 14 janvier 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal
de grande instance de [Localité 11] a notamment prononcé le divorce des époux et fixé les effets du divorce au 30 mars 2015.
Par acte du 17 juin 2020, M. [L] a assigné Mme [H] devant le juge aux affaires familiales afin de voir ordonner la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Par jugement du 23 janvier 2023, le juge aux affaires familiales a :
- ordonné les opérations de compte liquidation et partage des intérêts patrimoniaux de Mme [H] et M. [L] ;
- commis pour y procéder Me [R], notaire à [Localité 16] ;
- désigné le vice-président en charge de la coordination de la chambre de la famille, avec faculté de délégation, en qualité de juge chargé du contrôle des opérations de liquidation et partage ;
- rappelé que dans le délai d'un an suivant sa désignation, le notaire doit dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, ce délai étant suspendu pendant la procédure d'adjudication jusqu'au jour de réalisation définitive de celle-ci ;
- rappelé qu'en raison de la complexité des opérations, une prorogation du délai, ne pouvant excéder un an, peut être accordée par le juge commis saisi sur demande du notaire ou sur requête d'un copartageant ;
- rappelé que le délai est suspendu pendant la durée de l'expertise jusqu'à la remise du rapport ;
- débouté M. [L] de sa demande de fixation de la date de la jouissance divise au 30 mars 2015 ;
- fixé le montant des récompenses dues par la communauté à M. [L] à la somme de 123.124,44 euros ;
Et avant dire droit :
- ordonné une expertise et commis M. [U] [M], expert inscrit sur la liste de la Cour d'appel de Rennes, avec pour mission : prendre connaissance des documents à la cause et se faire communiquer tous documents utiles à sa mission ; se rendre sur les lieux, les parties et leurs conseils dûment convoqués ; évaluer le fonds de commerce de pharmacie exploité par Mme [H] au [Adresse 7] à [Localité 16] ;
- dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert ;
- dit que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;
- dit qu'en cas d'empêchement, l'expert sera remplacé par ordonnance sur requête du juge chargé du contrôle des expertises ;
- fixé à 3.000 euros le montant de la somme à consigner par Mme [H] avant le 23 février 2023 au régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Brest et dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités ci-dessus mentionnées et sauf prorogation de délai sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque ;
- dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe au plus tard le 30 juin 2023 ;
- dit que l'affaire sera appelée à l'audience du juge de la mise en état du 12
septembre 2023 à 9 heures ;
- fait injonction à M. [L] de conclure pour cette date après dépôt du rapport d'expertise ;
- sursis sur le surplus des demandes ;
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;
- réservé les dépens.
Par déclaration électronique du 6 avril 2023, M. [L] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de fixation de la date de la jouissance divise au 30 mars 2015 et de sa demande d'expertise afin d'évaluer le fonds de commerce de pharmacie à la date du 30 mars 2015.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées au greffe le 5 juillet 2023 par le RPVA, M. [L] demande à la cour de :
' Infirmer le jugement du 23 janvier 2023, en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de fixation de la date de jouissance divise au 30 mars 2015, et de sa demande d'expertise comptable du fonds de pharmacie, à la date du 30 mars 2015 ;
Statuant à nouveau :
' Fixer la date de jouissance divise au 30 mars 2015 ;
' Ordonner une nouvelle expertise comptable pour évaluer le fonds de pharmacie situé [Adresse 8], à [Localité 16], à la date du 30 mars 2015, et désigner tel expert qu'il plaira ;
' Condamner Mme [H] à verser à M. [L] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner Mme [H] aux entiers dépens de 1ère instance que d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées au greffe le 4 octobre 2023 par le RPVA, Mme [H] demande quant à elle à la cour de :
' Confirmer le jugement entrepris ;
' Débouter M. [L] de ses demandes plus amples ou contraires ;
' Condamner M. [L] au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, concernant la procédure d'appel ;
' Condamner M. [L] aux entiers dépens d'appel, avec distraction au bénéfice de Me Marion Le Jean, avocat.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mai 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1°- sur la date de jouissance divise et la demande d'expertise complémentaire
M. [L] soutient que le chiffre d'affaire et le résultat net réalisé à la date d'acquisition en 2002, (lesquels étaient respectivement d'environ 900 000 euros TTC et 90 000 euros au vu de la pièce 58 produite) a diminué s'agissant du chiffre d'affaire mais avec un résultat net à peu près constant et similaire à celui réalisé par le précédent pharmacien avant 2022 pour les exercice de 2010-2011 à 2013-2014.
Mme [H] s'accorde les chiffres mentionnés par M. [L] de sorte qu'il n'est pas utile de les détailler.
M. [L] soutient que tous les bilans de 2016-2017 à 2021-2022 permettent de relever une baisse importante du chiffre d'affaires et du résultat net.
Au vu des bilans il apparaît que les chiffres d'affaires et résultats nets sont les suivants ;
- en 2016-2017 : 472 981 euros et 69 716 euros
- en 2017-2018 : 413 800 et 65 152 euros
- en 2018 -2019 : 364 558 et 43 684
- en 2019-2020 : 323 383
- en 2020-2021 :331 503 et 36 817
- en 2021-2022 : 317158 et 37 926 euros.
Ces éléments sont ceux repris par l'expert judiciaire pour évaluer le fond de commerce de pharmacie.
M. [L] soutient que cette baisse résulte de la mauvaise gestion par Mme [H] du fonds de commerce et fait état d'une lettre de l'expert comptable [13] du 6 janvier 2015 aux termes de laquelle il indiquait réitérer ses remarques des années antérieures, que la caisse ne mentionnait ni les totaux, ni les soldes journaliers, et il invitait Mme [H] à contacter son fournisseur afin qu'il lui indique la procédure pour y inclure les dépenses de caisse et y faire figurer le solde qui en découle. Il mentionnait que cet état de fait enlevait tout caractère probant à la comptabilité.
Il convient de relever que ces éléments existaient avant 2013-2014 ce que M. [L] indique lui-même. Les photographies produites par M. [L] montrant des liasses de billets de banque dans le coffre fort de la pharmacie ne permet de ne tirer aucune conclusion dès lors qu'il existe évidemment des paiements en liquide des clients.
M. [L] indique que la caisse n'est toujours pas tenue car négative en 2022-2023, que le compte client est aussi négatif, que Mme [H] ne dispose pas de logiciel de gestion, enregistre manuellement les recettes, ce qui n'est pas probant et contestable au vu de la chutes de marges et de prélèvements personnels, de sorte que cela décrédibilise également la comptabilité, et qu'il s'interroge ainsi sur la façon dont Mme [H] peut assumer son quotidien.
Il ajoute que le compte de TVA est incohérent, celui des comptes 580 également, sans cependant préciser à quel titre.
Il pointe que l'expert a relevé l'absence d'investissement depuis des années, que la pharmacie a des horaires d'ouverture qui ont diminué, que le personnel est bien moindre qu'antérieurement.
Il est constant que M. [L] a reconnu lors de l'expertise que le fonds de commerce a été acquis à un prix trop élevé (792 735 euros).
L'expert judiciaire mentionne aux termes de son rapport du 26 juin 2023 qu'au jour de l'évaluation :
- le contexte général et les conditions d'exploitation du fonds de commerce sont totalement différents de ceux de 2002 de sorte que les informations financières d'acquisition du fonds de commerce et les exercices 2011-2012 et 2012-2013 ne sont pas pertinents pour procéder à l'évaluation ;
- l'état intérieur de la pharmacie est correct même si aucun aménagement n'a été réalisé depuis l'année d'acquisition en 2002 et que l'aspect extérieur de la pharmacie est en moins bon état, qu'elle se situe en périphérie du centre-ville de [Localité 16], qu'une pharmacie concurrente est située à 270 m plus proches du centre-ville ;
- lors de l'acquisition, la pharmacie était ouverte 43 heures par semaine avec une femme de ménage 8 heures par semaine, une vendeuse 38 heures par semaine, deux autres vendeuses 32 heures par semaine chacune, une aide préparatrice en CDD d'avril à juillet 2002 seulement pour 8 heures par semaine et un pharmacien en CDD de mai à juillet 2002 pour 10 jours par mois en moyenne contre 32,5 heures d'ouverture au jour de l'évaluation, Mme [H] travaillant seule et employant un remplaçant une semaine de temps en temps, ces éléments corroborant les raisons de la diminution d'activité depuis son achat en 2002.
L'expert relève principalement s'agissant du chiffre d'affaires et de la marge commerciale, que les parties n'ont pas contesté lors de la première réunion d'expertise intervenue en avril 2023 que depuis l'acquisition du fonds de commerce, de nombreux commerces dans la même rue que la pharmacie ont disparu, que des marchés ont été perdus, que les grandes surfaces se sont développées avec une activité de parapharmacie, ce qui a pénalisé l'activité de la pharmacie ; que Mme [H] travaille seule depuis de nombreuses années et emploie un remplaçant de temps en temps et a été pour cette raison dans l'impossibilité de pratiquer des tests et des vaccins Covid, mais cette activité n'était pas pérenne ; que la baisse du chiffre d'affaires s'explique également par l'obligation de vendre des médicaments génériques vendus beaucoup moins chers, que la pharmacie ne dispose pas de logiciel de gestion des stocks ni d'analyse du chiffre d'affaires ou de la marge brute par produits, par nature de produits, par client avec et sans ordonnance, qu'il n'y a pas de rétrocession à d'autres pharmacies, pas de chiffre d'affaires spécifique avec une clinique, un EHPAD ou autres établissements de santé mais avec un cabinet d'infirmières et de deux médecins proches de la pharmacie, que 90 % du chiffre d'affaires réalisées avec des médicaments délivrés sur ordonnance, que les délais de traitement des fournisseurs se sont nettement raccourcis ce qui a eu un effet défavorable sur la trésorerie, que l'inventaire n'est pas réalisé par inventoriste mais par Mme [H], que néanmoins le délai de rotation des stocks inférieurs à la moyenne ne laisse pas présager d'un sur stocks avec un risque de péremption ou de détérioration des produits, que la trésorerie récurrente de la pharmacie est négative entre -5 KE et -15 KE.
L'expert a également mentionné en réponse aux dires de M. [L] que :
- les comptes annuels de référence à l'évaluation de 2020 2022 ont tous sans exception fait l'objet d'une attestation sans observation ni refus de la part de l'expert-comptable (cabinet [14]) et que les dossiers de gestion des exercices 2019 à 2022 avec commentaires détaillés établis par le [12] ne mette pas en évidence la moindre anomalie est conclue que les comptes annuels des exercices sont probants.
- les décisions de gestion d'une entreprise appartiennent à son exploitant, entre autres le choix des logiciels ou pas, l'appel à un inventorise ou pas, les horaires d'ouverture, le choix des prélèvements,
- Mme [H] a choisi de faire en plus appel à un expert-comptable qui n'est pas obligatoire et que tous les comptes ont fait l'objet d'une attestation sans observation ni refus.
- le solde de caisse est positif de 20 euros.
L'ensemble de ces éléments permet de considérer comme l'a retenu le premier juge que les éléments produits par M. [L] sont insuffisants à considérer que la perte de valeur du fonds de commerce résulte d'une mauvaise gestion de Mme [H] de sorte qu'il n'y pas lieu de fixer la date de jouissance divise au 30 mars 2015, rappel fait que celle-ci est fixée à la date plus proche du partage. Pour les même raisons, il convient de débouter M. [L] de sa demande d'expertise comptable pour évaluer le fonds de commerce à la date du 30 mars 2015.
Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
2°- Sur l'article 700 et les dépens
Les dépens de la présente procédure exposés seront mis à la charge de M. [L] qui succombe à l'instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l'application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de Mme [H] ses frais irrépétibles.
M. [L] sera en conséquence condamné à lui verser à ce titre la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement ,
Y ajoutant :
Condamne M. [L] à verser à Mme [H] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de M. [L] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [L] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
ARRÊT N°
N° RG 23/02176 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TVE4
Appel contre le jugement rendu le 23/01/23 RG 20/00928-Minute 23/31 par le TJ de [Localité 11]
M. [B] [I] [A] [L]
C/
Mme [N] [H]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Dominique LE COULS-BOUVET
Me Marion LE JEAN
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,
Assesseur : M. David LE MERCIER,Conseiller,
GREFFIER :
Mme Léna ETIENNE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Juin 2025
devant Madame Aurélie GUEROULT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe
****
APPELANT :
Monsieur [B] [I] [A] [L]
né le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 15]
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représenté par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Gaële PENSEC, Plaidant, avocat au barreau de BREST
INTIMÉE :
Madame [N] [H]
née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 10] (LAOS)
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Marion LE JEAN de la SELARL LEXARMOR, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
EXPOSE DU LITIGE
M. [B] [L] et Mme [N] [H] se sont mariés le [Date mariage 2] 2000 à l'ambassade de France au Laos, sans contrat de mariage
préalable.
Par ordonnance de non-conciliation du 11 mai 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Brest a notamment :
- attribué la jouissance du domicile conjugal à l'époux à titre de devoir de secours ;
- désigné Me [O] (sic) [ lire [R]], notaire à [Localité 16], pour établir un projet d'état liquidatif sur le fondement de l'article 255 10° du code civil ;
- attribué la jouissance du véhicule Fiat à l'époux ;
- attribué la jouissance du véhicule Toyota à l'épouse ;
- dit que Mme [N] [H] assurera la gestion de la pharmacie à charge de percevoir les fruits et d'en assumer les charges à titre d'avance pour le compte de la communauté ;
- dit que M. [B] [L] prendra en charge le prêt immobilier de 809,16 euros outre les frais de taxes de jouissance afférentes et ce à titre d'avance pour le compte de la communauté.
Par jugement du 14 janvier 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal
de grande instance de [Localité 11] a notamment prononcé le divorce des époux et fixé les effets du divorce au 30 mars 2015.
Par acte du 17 juin 2020, M. [L] a assigné Mme [H] devant le juge aux affaires familiales afin de voir ordonner la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Par jugement du 23 janvier 2023, le juge aux affaires familiales a :
- ordonné les opérations de compte liquidation et partage des intérêts patrimoniaux de Mme [H] et M. [L] ;
- commis pour y procéder Me [R], notaire à [Localité 16] ;
- désigné le vice-président en charge de la coordination de la chambre de la famille, avec faculté de délégation, en qualité de juge chargé du contrôle des opérations de liquidation et partage ;
- rappelé que dans le délai d'un an suivant sa désignation, le notaire doit dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, ce délai étant suspendu pendant la procédure d'adjudication jusqu'au jour de réalisation définitive de celle-ci ;
- rappelé qu'en raison de la complexité des opérations, une prorogation du délai, ne pouvant excéder un an, peut être accordée par le juge commis saisi sur demande du notaire ou sur requête d'un copartageant ;
- rappelé que le délai est suspendu pendant la durée de l'expertise jusqu'à la remise du rapport ;
- débouté M. [L] de sa demande de fixation de la date de la jouissance divise au 30 mars 2015 ;
- fixé le montant des récompenses dues par la communauté à M. [L] à la somme de 123.124,44 euros ;
Et avant dire droit :
- ordonné une expertise et commis M. [U] [M], expert inscrit sur la liste de la Cour d'appel de Rennes, avec pour mission : prendre connaissance des documents à la cause et se faire communiquer tous documents utiles à sa mission ; se rendre sur les lieux, les parties et leurs conseils dûment convoqués ; évaluer le fonds de commerce de pharmacie exploité par Mme [H] au [Adresse 7] à [Localité 16] ;
- dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert ;
- dit que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;
- dit qu'en cas d'empêchement, l'expert sera remplacé par ordonnance sur requête du juge chargé du contrôle des expertises ;
- fixé à 3.000 euros le montant de la somme à consigner par Mme [H] avant le 23 février 2023 au régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Brest et dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités ci-dessus mentionnées et sauf prorogation de délai sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque ;
- dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe au plus tard le 30 juin 2023 ;
- dit que l'affaire sera appelée à l'audience du juge de la mise en état du 12
septembre 2023 à 9 heures ;
- fait injonction à M. [L] de conclure pour cette date après dépôt du rapport d'expertise ;
- sursis sur le surplus des demandes ;
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;
- réservé les dépens.
Par déclaration électronique du 6 avril 2023, M. [L] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de fixation de la date de la jouissance divise au 30 mars 2015 et de sa demande d'expertise afin d'évaluer le fonds de commerce de pharmacie à la date du 30 mars 2015.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées au greffe le 5 juillet 2023 par le RPVA, M. [L] demande à la cour de :
' Infirmer le jugement du 23 janvier 2023, en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de fixation de la date de jouissance divise au 30 mars 2015, et de sa demande d'expertise comptable du fonds de pharmacie, à la date du 30 mars 2015 ;
Statuant à nouveau :
' Fixer la date de jouissance divise au 30 mars 2015 ;
' Ordonner une nouvelle expertise comptable pour évaluer le fonds de pharmacie situé [Adresse 8], à [Localité 16], à la date du 30 mars 2015, et désigner tel expert qu'il plaira ;
' Condamner Mme [H] à verser à M. [L] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner Mme [H] aux entiers dépens de 1ère instance que d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées au greffe le 4 octobre 2023 par le RPVA, Mme [H] demande quant à elle à la cour de :
' Confirmer le jugement entrepris ;
' Débouter M. [L] de ses demandes plus amples ou contraires ;
' Condamner M. [L] au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, concernant la procédure d'appel ;
' Condamner M. [L] aux entiers dépens d'appel, avec distraction au bénéfice de Me Marion Le Jean, avocat.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mai 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1°- sur la date de jouissance divise et la demande d'expertise complémentaire
M. [L] soutient que le chiffre d'affaire et le résultat net réalisé à la date d'acquisition en 2002, (lesquels étaient respectivement d'environ 900 000 euros TTC et 90 000 euros au vu de la pièce 58 produite) a diminué s'agissant du chiffre d'affaire mais avec un résultat net à peu près constant et similaire à celui réalisé par le précédent pharmacien avant 2022 pour les exercice de 2010-2011 à 2013-2014.
Mme [H] s'accorde les chiffres mentionnés par M. [L] de sorte qu'il n'est pas utile de les détailler.
M. [L] soutient que tous les bilans de 2016-2017 à 2021-2022 permettent de relever une baisse importante du chiffre d'affaires et du résultat net.
Au vu des bilans il apparaît que les chiffres d'affaires et résultats nets sont les suivants ;
- en 2016-2017 : 472 981 euros et 69 716 euros
- en 2017-2018 : 413 800 et 65 152 euros
- en 2018 -2019 : 364 558 et 43 684
- en 2019-2020 : 323 383
- en 2020-2021 :331 503 et 36 817
- en 2021-2022 : 317158 et 37 926 euros.
Ces éléments sont ceux repris par l'expert judiciaire pour évaluer le fond de commerce de pharmacie.
M. [L] soutient que cette baisse résulte de la mauvaise gestion par Mme [H] du fonds de commerce et fait état d'une lettre de l'expert comptable [13] du 6 janvier 2015 aux termes de laquelle il indiquait réitérer ses remarques des années antérieures, que la caisse ne mentionnait ni les totaux, ni les soldes journaliers, et il invitait Mme [H] à contacter son fournisseur afin qu'il lui indique la procédure pour y inclure les dépenses de caisse et y faire figurer le solde qui en découle. Il mentionnait que cet état de fait enlevait tout caractère probant à la comptabilité.
Il convient de relever que ces éléments existaient avant 2013-2014 ce que M. [L] indique lui-même. Les photographies produites par M. [L] montrant des liasses de billets de banque dans le coffre fort de la pharmacie ne permet de ne tirer aucune conclusion dès lors qu'il existe évidemment des paiements en liquide des clients.
M. [L] indique que la caisse n'est toujours pas tenue car négative en 2022-2023, que le compte client est aussi négatif, que Mme [H] ne dispose pas de logiciel de gestion, enregistre manuellement les recettes, ce qui n'est pas probant et contestable au vu de la chutes de marges et de prélèvements personnels, de sorte que cela décrédibilise également la comptabilité, et qu'il s'interroge ainsi sur la façon dont Mme [H] peut assumer son quotidien.
Il ajoute que le compte de TVA est incohérent, celui des comptes 580 également, sans cependant préciser à quel titre.
Il pointe que l'expert a relevé l'absence d'investissement depuis des années, que la pharmacie a des horaires d'ouverture qui ont diminué, que le personnel est bien moindre qu'antérieurement.
Il est constant que M. [L] a reconnu lors de l'expertise que le fonds de commerce a été acquis à un prix trop élevé (792 735 euros).
L'expert judiciaire mentionne aux termes de son rapport du 26 juin 2023 qu'au jour de l'évaluation :
- le contexte général et les conditions d'exploitation du fonds de commerce sont totalement différents de ceux de 2002 de sorte que les informations financières d'acquisition du fonds de commerce et les exercices 2011-2012 et 2012-2013 ne sont pas pertinents pour procéder à l'évaluation ;
- l'état intérieur de la pharmacie est correct même si aucun aménagement n'a été réalisé depuis l'année d'acquisition en 2002 et que l'aspect extérieur de la pharmacie est en moins bon état, qu'elle se situe en périphérie du centre-ville de [Localité 16], qu'une pharmacie concurrente est située à 270 m plus proches du centre-ville ;
- lors de l'acquisition, la pharmacie était ouverte 43 heures par semaine avec une femme de ménage 8 heures par semaine, une vendeuse 38 heures par semaine, deux autres vendeuses 32 heures par semaine chacune, une aide préparatrice en CDD d'avril à juillet 2002 seulement pour 8 heures par semaine et un pharmacien en CDD de mai à juillet 2002 pour 10 jours par mois en moyenne contre 32,5 heures d'ouverture au jour de l'évaluation, Mme [H] travaillant seule et employant un remplaçant une semaine de temps en temps, ces éléments corroborant les raisons de la diminution d'activité depuis son achat en 2002.
L'expert relève principalement s'agissant du chiffre d'affaires et de la marge commerciale, que les parties n'ont pas contesté lors de la première réunion d'expertise intervenue en avril 2023 que depuis l'acquisition du fonds de commerce, de nombreux commerces dans la même rue que la pharmacie ont disparu, que des marchés ont été perdus, que les grandes surfaces se sont développées avec une activité de parapharmacie, ce qui a pénalisé l'activité de la pharmacie ; que Mme [H] travaille seule depuis de nombreuses années et emploie un remplaçant de temps en temps et a été pour cette raison dans l'impossibilité de pratiquer des tests et des vaccins Covid, mais cette activité n'était pas pérenne ; que la baisse du chiffre d'affaires s'explique également par l'obligation de vendre des médicaments génériques vendus beaucoup moins chers, que la pharmacie ne dispose pas de logiciel de gestion des stocks ni d'analyse du chiffre d'affaires ou de la marge brute par produits, par nature de produits, par client avec et sans ordonnance, qu'il n'y a pas de rétrocession à d'autres pharmacies, pas de chiffre d'affaires spécifique avec une clinique, un EHPAD ou autres établissements de santé mais avec un cabinet d'infirmières et de deux médecins proches de la pharmacie, que 90 % du chiffre d'affaires réalisées avec des médicaments délivrés sur ordonnance, que les délais de traitement des fournisseurs se sont nettement raccourcis ce qui a eu un effet défavorable sur la trésorerie, que l'inventaire n'est pas réalisé par inventoriste mais par Mme [H], que néanmoins le délai de rotation des stocks inférieurs à la moyenne ne laisse pas présager d'un sur stocks avec un risque de péremption ou de détérioration des produits, que la trésorerie récurrente de la pharmacie est négative entre -5 KE et -15 KE.
L'expert a également mentionné en réponse aux dires de M. [L] que :
- les comptes annuels de référence à l'évaluation de 2020 2022 ont tous sans exception fait l'objet d'une attestation sans observation ni refus de la part de l'expert-comptable (cabinet [14]) et que les dossiers de gestion des exercices 2019 à 2022 avec commentaires détaillés établis par le [12] ne mette pas en évidence la moindre anomalie est conclue que les comptes annuels des exercices sont probants.
- les décisions de gestion d'une entreprise appartiennent à son exploitant, entre autres le choix des logiciels ou pas, l'appel à un inventorise ou pas, les horaires d'ouverture, le choix des prélèvements,
- Mme [H] a choisi de faire en plus appel à un expert-comptable qui n'est pas obligatoire et que tous les comptes ont fait l'objet d'une attestation sans observation ni refus.
- le solde de caisse est positif de 20 euros.
L'ensemble de ces éléments permet de considérer comme l'a retenu le premier juge que les éléments produits par M. [L] sont insuffisants à considérer que la perte de valeur du fonds de commerce résulte d'une mauvaise gestion de Mme [H] de sorte qu'il n'y pas lieu de fixer la date de jouissance divise au 30 mars 2015, rappel fait que celle-ci est fixée à la date plus proche du partage. Pour les même raisons, il convient de débouter M. [L] de sa demande d'expertise comptable pour évaluer le fonds de commerce à la date du 30 mars 2015.
Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
2°- Sur l'article 700 et les dépens
Les dépens de la présente procédure exposés seront mis à la charge de M. [L] qui succombe à l'instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l'application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de Mme [H] ses frais irrépétibles.
M. [L] sera en conséquence condamné à lui verser à ce titre la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement ,
Y ajoutant :
Condamne M. [L] à verser à Mme [H] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de M. [L] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [L] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT