CA Lyon, 3e ch. a, 18 septembre 2025, n° 21/08862
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 21/08862 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N7XL
Décision du
Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
Au fond
du 18 novembre 2021
RG : 2021j7
ch n°
S.A.R.L. DJANGO
C/
S.A. SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 18 Septembre 2025
APPELANTE :
La société DJANGO,
société à responsabilité limitée au capital social de 2 000,00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Villefranche sur Saône-Tarare sous le numéro 800 969 206, représentée par son gérant en exercice.
Sis [Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Maxime TAILLANTER, avocat au barreau de LYON, toque : 2954
INTIMEE :
Société SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS,
Société anonyme au capital de 80 000 000,00€ immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 391 277 878 où elle est représentée par son dirigeant légal en exercice.
Sis [Adresse 4]
([Localité 5]
Représentée par Me Julie BEUGNOT de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 2167
******
Date de clôture de l'instruction : 13 Décembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Juin 2025
Date de mise à disposition : 18 Septembre 2025
Audience tenue par Sophie DUMURGIER, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Sophie DUMURGIER, présidente
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Viviane LE GALL, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Django est une société à responsabilité limitée créée le 14 février 2014 afin d'exploiter un restaurant sur la commune de [Localité 8].
Le 4 mars 2016, elle a conclu avec trois propriétaires différents, un contrat de bail commercial sur trois locaux communicants, au rez-de-chaussée d'un immeuble situé au [Adresse 3].
Le 3 janvier 2018, ces locaux ont fait l'objet d'une visite de la commission de sécurité des ERP, à la suite de laquelle le restaurant a dû fermer. Le rapport de diagnostic de l'établissement a été émis le 9 janvier 2018.
Par l'intermédiaire du courtier Siaci Saint-Honoré, la société Django a souscrit un contrat d'assurance « Multirisque Professionnelle » n° [Numéro identifiant 6] auprès de la société Swisslife Multipro avec date d'effet au 1er février 2018.
Le 8 mars 2018, un important dégât des eaux est survenu au sein de l'établissement.
La société Django a procédé à une déclaration de sinistre auprès de la société Swisslife qui a mandaté le cabinet Polyexpert, expert d'assureurs, afin de déterminer les causes du sinistre. Les opérations d'expertises se sont étalées sur plusieurs mois.
Suite à des incidents de paiement de loyers, la société Django a fait l'objet d'une procédure de résiliation-expulsion le 6 février 2019, perdant ainsi le bénéfice de son droit au bail.
Le 21 mars 2019, faisant suite au rapport d'expertise, la société Swisslife a procédé au règlement d'un acompte de 4.605 euros sur le dégât des eaux, restant en attente des factures pour le règlement du solde.
Par courriel du 8 juin 2020, le courtier Siaci Saint-Honoré a avisé M. [K], gérant de la société Django, de son refus d'indemnisation de la perte d'exploitation, aux motifs que l'activité de la société n'avait pas repris.
Par lettre de mise en demeure du 13 novembre 2019 adressée au courtier Siaci Saint-Honoré et à l'assureur Swisslife, la société Django a, par l'intermédiaire de son conseil, contesté le refus d'indemnisation au titre de la garantie relative aux pertes d'exploitation et a indiqué que, quand bien même la garantie relative aux pertes d'exploitation ne serait pas acquise, il conviendrait d'appliquer la garantie dite « Valeur vénale du fonds » existante à son profit.
Par courrier du 14 décembre 2020, la société Swisslife a maintenu son refus d'indemnisation tant au titre de la garantie « Pertes d'exploitation » qu'au titre de la garantie « Valeur vénale du fonds de commerce ».
Par acte introductif d'instance du 22 janvier 2021, la société Django a assigné la société Swisslife Assurances de Biens, devant le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare.
Par jugement contradictoire du 18 novembre 2021, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a :
- rejetant toute autre demande,
- débouté la société Django de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- débouté la société Swisslife de sa demande à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné la société Django à payer à la société Swisslife Assurances la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Django aux entiers dépens de l'instance liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 69,59 euros TTC.
Par déclaration reçue au greffe le 14 décembre 2021, la société Django a interjeté appel portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués, sauf en ce qu'il a débouté la société Swisslife de sa demande à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 mars 2022, la société Django demande à la cour, au visa des articles 1104 et 1217 du code civil, de :
- infirmer le jugement rendu le 18 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare (RG 2021J7) en ce qu'il a :
* débouté la société Django de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
* débouté la société Swisslife de sa demande à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
* rejeté toutes autres demandes,
* condamné la société Django à payer à la société Swisslife Assurances la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Django aux entiers dépens de l'instance liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 69,59 euros TTC,
ce faisant,
statuant à nouveau,
- dire que, s'agissant de la « garantie N - pertes d'exploitation », la société Swiss Life a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat d'assurance en faisant obstacle à la reprise d'activité de la société Django,
- dire que la société Swiss Life est tenue d'indemniser la société Django au titre de la « garantie P - valeur vénale du fonds » souscrite par l'assurée,
en conséquence,
- condamner la société Swiss Life au paiement d'une somme de 49.596 euros à la société Django à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance subie du fait de l'inexécution par l'assurance de son obligation d'exécution de bonne foi du contrat,
- condamner la société Swiss Life au paiement d'une somme de 94.434 euros à la société Django en exécution forcée du contrat d'assurance s'agissant de la « garantie P - valeur vénale du fonds »,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- rejeter l'ensemble des moyens, demandes, fins et prétentions de la société Swiss Life,
- condamner la société Swiss Life au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 juin 2022, la société Swiss Life demande à la cour, au visa des articles 1104 et suivants, 1217 et suivants et 1353 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance [sic] du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare du 18 novembre 2021, en ce qu'elle a :
* débouté la société Django de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
statuant à nouveau :
- condamner la société Django au paiement de la somme de 20.000 euros à la compagnie Swiss Life à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la société Django au paiement de la somme de 5.000 euros à la compagnie Swiss Life au titre de l'article 700,
- condamner la société Django au entiers dépens de l'instance.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 décembre 2022, les débats étant fixés au 12 juin 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le manquement à l'exécution de bonne foi du contrat d'assurance
La société Django fait valoir que :
- l'assureur a manqué à son obligation de bonne foi ; son refus d'indemnisation au titre de la 'garantie N - pertes d'exploitation' est abusif et mal fondé, dès lors que l'impossibilité de reprendre l'activité est exclusivement imputable au retard pris par l'assureur dans le traitement de la demande d'indemnisation ; pourtant, la réalité du sinistre et son caractère indemnisable ne soulevaient guère de doute ;
- ces dysfonctionnements sont volontaires ; la société Swiss Life a ainsi manqué à son obligation d'exécution de bonne foi de la convention et engage sa responsabilité contractuelle ;
- cette faute l'a privée de l'indemnisation de ses pertes d'exploitation ; ses arriérés de loyer auraient pu être régularisés si elle avait perçu à temps l'indemnisation de ses pertes d'exploitation ; or, l'assureur n'a mandaté un expert que plus de sept mois après la survenance du sinistre et n'a versé un acompte que le 21 mars 2019 soit plus d'un an après le sinistre ; la résiliation de son bail commercial est exclusivement imputable au retard de l'assureur.
La société Swiss Life réplique que :
- elle a exécuté ses obligations contractuelles en toute bonne foi ; elle a été particulièrement diligente dans le traitement du sinistre ;
- il n'existe aucun lien de causalité entre ses agissements et la perte de son fonds de commerce par la société Django ; celle-ci avait déjà de grosses difficultés financières lors de la survenance du sinistre le 8 mars 2018 ; ainsi, la procédure d'expulsion engagée en octobre 2018 porte sur des incidents de paiement du loyer datant de plus d'un an ;
- le montant réclamé à ce titre n'est fondé que sur une estimation de l'expert-comptable de la société Django, laquelle porte sur des éléments dont il n'est pas possible de vérifier la consistance.
Sur ce,
L'article 1104 du code civil énonce que les contrats doivent être exécutés de bonne foi. Et selon l'article 1217 du même code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement peut, notamment, demander réparation des conséquences de l'inexécution.
En l'espèce, la société Django a souscrit auprès de la société Swisslife un contrat d'assurance couvrant notamment, selon les dispositions personnelles du contrat, le risque 'E - dégâts d'eau' et le risque 'N - pertes d'exploitation'.
Les dispositions générales détaillent ce risque N au point 2.14 et précisent que l'assureur garantit 'le paiement d'une indemnité pendant la période d'indemnisation correspondant à la perte d'exploitation, c'est-à-dire la perte de marge brute résultant de la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité de l'assuré (...) qui sont la conséquence directe des dommages matériels garantis causés aux biens assurés dans les locaux professionnels assurés par l'un des événements couverts au titre des risques (...) E - dégâts d'eau'. Le point 2.14.2 définit la période d'indemnisation comme étant 'la période commençant le jour du sinistre et pendant laquelle les résultats de l'assuré sont affectés par le sinistre (...)'. Enfin, le point 2.14.4.2 précise que 'Si, après le sinistre, l'assuré ne reprend pas une des activités désignées aux dispositions personnelles, aucune indemnité ne sera due au titre de cette activité.'
Or, il résulte des pièces produites aux débats qu'au jour du sinistre, la société Django n'exploitait pas les locaux. En effet, selon le rapport définitif du cabinet Polyexpert, en date du 26 février 2019, 'le restaurant [était] arrêté au moment des faits. (...) En effet, suite à la visite de la commission de sécurité des ERP début 2018 qui a conclu que les protections incendie n'étaient pas adaptées à la surface de l'établissement, l'assuré a réduit la surface d'accueil du public et termine des travaux d'aménagement avant d'être autorisé à reprendre l'activité (changement de catégorie de l'établissement).' L'expert concluait que, 'A la date du sinistre, en l'attente d'une autorisation d'exploitation par la commission de sécurité des ERP de [Localité 8], l'assuré ne subissait pas de pertes d'exploitation'.
De plus, une ordonnance de référé du 6 février 2019 a constaté que le bail conclu entre la société Django et la SCI Millot était résilié de plein droit à compter du 2 septembre 2018 aux torts du preneur, pour défaut de paiement des loyers, et a ordonné l'expulsion de celui-ci. Dans les motifs de cette décision, il est relevé que la société Django n'a pas réglé les loyers depuis le mois de juin 2017 et 'que concernant le sinistre invoqué, la lecture de l'expertise versée au débat permet de constater que la SARL Django était en train de réaliser des travaux quand le sinistre s'est produit et n'exploitait pas les locaux car elle était tenue de mettre les locaux aux normes pour son exploitation'.
S'agissant de la gestion du sinistre par la société Swisslife, ce n'est qu'à l'issue de plusieurs réunions avec de multiples parties, que l'expert mandaté a pu conclure que le dégât des eaux provenait d'une fuite causée par le gel, sur une centrale de traitement de l'air située dans les combles et difficile d'accès pour son examen comme pour les réparations. En effet, d'une part les travaux de dépose supposaient 'd'enlever un morceau de toiture, casser un mur et d'élargir une porte pour extraire les matériaux', et d'autre part une discussion s'est élevée quant à savoir qui, des bailleurs ou du preneur, était propriétaire de la centrale de traitement de l'air, laquelle avait été installée par le précédent locataire. Ainsi, la première réunion d'expertise a eu lieu dès le 27 mars 2018 soit très rapidement après le sinistre, et quatre autres réunions ont suivi, les 29 mai, 19 octobre et 8 novembre 2018 et 20 février 2019 mettant en cause les trois propriétaires et leurs assureurs ainsi que le syndic de copropriété. Le rapport d'expertise définitif a été établi le 26 février 2019 soit moins d'un an après le sinistre, proposant une solution de réparation plutôt qu'un remplacement complet de la centrale de traitement de l'air, et une indemnisation des dommages subis par la société Django au titre des matériels informatiques et de sonorisation, ainsi qu'au titre du remplacement de 80 m² de parquet et des faux-plafonds.
Or, alors que la société Django avait indiqué au cours des réunions d'expertise 'ne pas pouvoir relancer l'exploitation du restaurant sans chauffage', l'expert a indiqué dans son rapport, au titre de l'impact du sinistre sur l'exploitation : 'Nous avons suggéré à l'assuré de consulter pour la mise en place d'un ballon d'eau chaude et de radiateurs électriques (frais supplémentaires d'exploitation) pour permettre la remise en activité de l'établissement en attendant l'issue du processus d'expertise. Mais l'assuré n'a pas consulté'. De plus, il a mentionné qu'en septembre 2018, la société Django lui avait déclaré avoir reçu l'aval de la commission mais qu'après en avoir demandé confirmation à la mairie de [Localité 8], il n'avait pas eu de réponse.
Au vu de ces éléments, la société Django ne saurait valablement prétendre que l'impossibilité de reprendre l'activité est exclusivement imputable au retard pris par l'assureur dans le traitement de la demande d'indemnisation, alors même qu'elle ne justifie pas avoir obtenu l'autorisation d'ouverture en septembre 2018 comme elle l'avait affirmé à l'expert, ni avoir envisagé la mise en place de mesures de substitution propres à permettre la reprise de l'exploitation du restaurant dans l'attente de l'issue des difficultés tant techniques que juridiques qui étaient apparues lors de l'expertise.
Aucun manquement de l'assureur à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi n'est donc caractérisé.
Il est également établi par ces éléments que la société Django ne réglait plus les loyers depuis juin 2017 soit bien antérieurement au sinistre survenu le 8 mars 2018, de sorte que la résiliation des baux n'est pas 'exclusivement imputable au retard de l'assureur' comme elle le soutient dans ses écritures. Ses comptes annuels pour l'année 2017 font d'ailleurs apparaître, au 31 décembre 2017, un résultat négatif de 17.969 et des capitaux propres négatifs de 11.761,77 euros. Il s'avère ainsi qu'au jour du sinistre, la société Django faisait déjà face à des difficultés financières, comme elle l'a, du reste, admis dans une lettre de résiliation du bail portant sur la partie des locaux appartenant à 'l'indivision [Z]', en date du 20 décembre 2016, rédigée en ces termes : 'Ayant de grosse difficulté financière, je ne peux plus supporter de telle somme de loyer sachant que des travaux de mise aux normes sont nécessaire afin de pouvoir poursuivre mon activité' [sic]. En conséquence, la société Swisslife était fondée à refuser d'indemniser la société Django au titre de la garantie 'perte d'exploitation'.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société Django à ce titre.
Sur la demande au titre de la garantie 'valeur vénale du fonds'
La société Django fait valoir que :
- elle avait souscrit une garantie 'P', dite 'valeur vénale du fonds' permettant de la couvrir en cas de perte du fonds de commerce en lien avec un sinistre, en ce compris un dégât des eaux ;
- il n'est pas nécessaire que le dégât des eaux soit la cause exclusive de la perte du fonds ; le lien de causalité entre la survenance du sinistre et la disparition totale du fonds de commerce est démontrée, tout comme la dépréciation du fonds ;
- il est d'usage de considérer que la valeur du fonds de commerce de restauration s'apprécie au regard du dernier chiffre d'affaires annuel du restaurant.
La société Swiww Life réplique que :
- la société Django ne rapporte pas la preuve que les conditions sont réunies pour l'application de cette garantie, tenant à une dépréciation du fonds de commerce qui soit exclusivement causée par le sinistre couvert.
Sur ce,
Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, ils doivent être exécutés de bonne foi. Et l'article 1217 du même code énonce que 'la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut (...) poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation'.
En l'espèce, la société Django a souscrit, au titre du contrat d'assurance Swisslife Multi Pro, la garantie 'P - Valeur vénale du fonds', pour une valeur assurée de 180.000 euros. Selon le point 2.16 des dispositions générales du contrat, 'l'assureur garantit, à concurrence des sommes indiquées au tableau des montants de garantie, et sous réserve des dispositions de l'article 2.16.2, la dépréciation de la valeur vénale du fonds causée par la destruction totale ou partielle des locaux assurés à la suite d'un des événements couverts au titre des risques : (...) E - dégâts d'eau (...). La garantie est accordée que la dépréciation de la valeur vénale du fonds se traduise par une perte totale ou par une perte partielle de ladite valeur.'
La société Django soutient qu'elle 'a intégralement perdu son fonds de commerce suite à la résiliation de son bail commercial, laquelle s'explique par la survenance du sinistre de type dégât des eaux du 8 mars 2018'.
Or, comme il l'a été précédemment relevé, la résiliation des baux consentis par Mme [Y] et par la SCI Millot résulte du défaut de paiement des loyers par la société Django, comme cela a été rappelé par ces bailleurs au cours de l'expertise (cf. rapport d'expertise, page 7). Et aux termes de l'ordonnance de référé en date du 6 février 2019, il s'avère que ce défaut de paiement des loyers avait commencé en juin 2017, soit bien avant la survenance du dégât des eaux le 8 mars 2018. Ces difficultés financières antérieures sont corroborées par les documents comptables de la société Django faisant apparaître, pour l'exercice 2017, une perte de 17.969 et des capitaux propres négatifs de 11.761,77 euros.
En outre, au jour du sinistre, la société Django n'exploitait pas les locaux, en l'absence d'autorisation d'exploitation par la commission de sécurité des ERP de [Localité 8]. Et elle ne justifie pas avoir, par la suite, obtenu cette autorisation comme elle l'a affirmé à l'expert qui n'a pas pu en avoir confirmation par la mairie de [Localité 8].
Il n'est donc aucunement démontré par la société Django, qu'en l'absence du dégât des eaux elle aurait pu maintenir l'existence de son fonds de commerce, comme elle le prétend dans ses écritures.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande de la société Django au titre de la mise en oeuvre de la garantie 'valeur vénale du fonds'.
Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive
La société Swiss Life fait valoir qu'en introduisant la procédure d'appel sans plus d'éléments qu'en première instance, la société Django fait preuve de mauvaise foi manifeste et persistante.
La société Django réplique que :
- la société Swiss Life ne démontre aucun abus du droit d'ester en justice ;
- elle a tenté de régler amiablement ce litige ;
- la demande s'apparente à une manoeuvre d'intimidation.
Sur ce,
A titre liminaire, il convient d'observer que, devant le tribunal de commerce, la société Swisslife a sollicité la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et que cette demande a été rejetée par les premiers juges.
Or, la société Swisslife ne demande pas l'infirmation de ce chef du jugement, de sorte que celui-ci, par ailleurs non visé par la déclaration d'appel, n'est pas dévolu à la cour.
La demande de 20.000 euros de dommages-intérêts formée par la société Swisslife devant la cour d'appel doit donc s'analyser en une demande nouvelle, laquelle est recevable en application de l'article 567 du code de procédure civile
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation qu'à la condition d'établir une faute dans son exercice susceptible d'engager la responsabilité de son auteur.
Or, le fait d'interjeter appel ne constitue que l'exercice d'un droit de recours et n'est pas fautif en l'espèce, quand bien même la société Django ne présente pas d'éléments nouveaux par rapport à ceux présentés en première instance. De surcroît, la société Swisslife ne justifie d'aucun préjudice distinct des frais exposés pour la procédure d'appel, lesquels font l'objet d'une indemnisation par l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient donc de rejetter la demande de dommages-intérêts pour appel abusif formée par la société Swisslife.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Django succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer à la société Swiss Life Assurances de biens la somme de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions critiquées ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société Swiss Life Assurances de biens ;
Condamne la société Django aux dépens d'appel ;
Condamne la société Django à payer à société Swiss Life Assurances de biens la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
Décision du
Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
Au fond
du 18 novembre 2021
RG : 2021j7
ch n°
S.A.R.L. DJANGO
C/
S.A. SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 18 Septembre 2025
APPELANTE :
La société DJANGO,
société à responsabilité limitée au capital social de 2 000,00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Villefranche sur Saône-Tarare sous le numéro 800 969 206, représentée par son gérant en exercice.
Sis [Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Maxime TAILLANTER, avocat au barreau de LYON, toque : 2954
INTIMEE :
Société SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS,
Société anonyme au capital de 80 000 000,00€ immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 391 277 878 où elle est représentée par son dirigeant légal en exercice.
Sis [Adresse 4]
([Localité 5]
Représentée par Me Julie BEUGNOT de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 2167
******
Date de clôture de l'instruction : 13 Décembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Juin 2025
Date de mise à disposition : 18 Septembre 2025
Audience tenue par Sophie DUMURGIER, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Sophie DUMURGIER, présidente
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Viviane LE GALL, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La société Django est une société à responsabilité limitée créée le 14 février 2014 afin d'exploiter un restaurant sur la commune de [Localité 8].
Le 4 mars 2016, elle a conclu avec trois propriétaires différents, un contrat de bail commercial sur trois locaux communicants, au rez-de-chaussée d'un immeuble situé au [Adresse 3].
Le 3 janvier 2018, ces locaux ont fait l'objet d'une visite de la commission de sécurité des ERP, à la suite de laquelle le restaurant a dû fermer. Le rapport de diagnostic de l'établissement a été émis le 9 janvier 2018.
Par l'intermédiaire du courtier Siaci Saint-Honoré, la société Django a souscrit un contrat d'assurance « Multirisque Professionnelle » n° [Numéro identifiant 6] auprès de la société Swisslife Multipro avec date d'effet au 1er février 2018.
Le 8 mars 2018, un important dégât des eaux est survenu au sein de l'établissement.
La société Django a procédé à une déclaration de sinistre auprès de la société Swisslife qui a mandaté le cabinet Polyexpert, expert d'assureurs, afin de déterminer les causes du sinistre. Les opérations d'expertises se sont étalées sur plusieurs mois.
Suite à des incidents de paiement de loyers, la société Django a fait l'objet d'une procédure de résiliation-expulsion le 6 février 2019, perdant ainsi le bénéfice de son droit au bail.
Le 21 mars 2019, faisant suite au rapport d'expertise, la société Swisslife a procédé au règlement d'un acompte de 4.605 euros sur le dégât des eaux, restant en attente des factures pour le règlement du solde.
Par courriel du 8 juin 2020, le courtier Siaci Saint-Honoré a avisé M. [K], gérant de la société Django, de son refus d'indemnisation de la perte d'exploitation, aux motifs que l'activité de la société n'avait pas repris.
Par lettre de mise en demeure du 13 novembre 2019 adressée au courtier Siaci Saint-Honoré et à l'assureur Swisslife, la société Django a, par l'intermédiaire de son conseil, contesté le refus d'indemnisation au titre de la garantie relative aux pertes d'exploitation et a indiqué que, quand bien même la garantie relative aux pertes d'exploitation ne serait pas acquise, il conviendrait d'appliquer la garantie dite « Valeur vénale du fonds » existante à son profit.
Par courrier du 14 décembre 2020, la société Swisslife a maintenu son refus d'indemnisation tant au titre de la garantie « Pertes d'exploitation » qu'au titre de la garantie « Valeur vénale du fonds de commerce ».
Par acte introductif d'instance du 22 janvier 2021, la société Django a assigné la société Swisslife Assurances de Biens, devant le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare.
Par jugement contradictoire du 18 novembre 2021, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a :
- rejetant toute autre demande,
- débouté la société Django de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- débouté la société Swisslife de sa demande à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné la société Django à payer à la société Swisslife Assurances la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Django aux entiers dépens de l'instance liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 69,59 euros TTC.
Par déclaration reçue au greffe le 14 décembre 2021, la société Django a interjeté appel portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués, sauf en ce qu'il a débouté la société Swisslife de sa demande à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
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Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 mars 2022, la société Django demande à la cour, au visa des articles 1104 et 1217 du code civil, de :
- infirmer le jugement rendu le 18 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare (RG 2021J7) en ce qu'il a :
* débouté la société Django de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
* débouté la société Swisslife de sa demande à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
* rejeté toutes autres demandes,
* condamné la société Django à payer à la société Swisslife Assurances la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Django aux entiers dépens de l'instance liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 69,59 euros TTC,
ce faisant,
statuant à nouveau,
- dire que, s'agissant de la « garantie N - pertes d'exploitation », la société Swiss Life a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat d'assurance en faisant obstacle à la reprise d'activité de la société Django,
- dire que la société Swiss Life est tenue d'indemniser la société Django au titre de la « garantie P - valeur vénale du fonds » souscrite par l'assurée,
en conséquence,
- condamner la société Swiss Life au paiement d'une somme de 49.596 euros à la société Django à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance subie du fait de l'inexécution par l'assurance de son obligation d'exécution de bonne foi du contrat,
- condamner la société Swiss Life au paiement d'une somme de 94.434 euros à la société Django en exécution forcée du contrat d'assurance s'agissant de la « garantie P - valeur vénale du fonds »,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- rejeter l'ensemble des moyens, demandes, fins et prétentions de la société Swiss Life,
- condamner la société Swiss Life au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 juin 2022, la société Swiss Life demande à la cour, au visa des articles 1104 et suivants, 1217 et suivants et 1353 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance [sic] du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare du 18 novembre 2021, en ce qu'elle a :
* débouté la société Django de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
statuant à nouveau :
- condamner la société Django au paiement de la somme de 20.000 euros à la compagnie Swiss Life à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la société Django au paiement de la somme de 5.000 euros à la compagnie Swiss Life au titre de l'article 700,
- condamner la société Django au entiers dépens de l'instance.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 décembre 2022, les débats étant fixés au 12 juin 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le manquement à l'exécution de bonne foi du contrat d'assurance
La société Django fait valoir que :
- l'assureur a manqué à son obligation de bonne foi ; son refus d'indemnisation au titre de la 'garantie N - pertes d'exploitation' est abusif et mal fondé, dès lors que l'impossibilité de reprendre l'activité est exclusivement imputable au retard pris par l'assureur dans le traitement de la demande d'indemnisation ; pourtant, la réalité du sinistre et son caractère indemnisable ne soulevaient guère de doute ;
- ces dysfonctionnements sont volontaires ; la société Swiss Life a ainsi manqué à son obligation d'exécution de bonne foi de la convention et engage sa responsabilité contractuelle ;
- cette faute l'a privée de l'indemnisation de ses pertes d'exploitation ; ses arriérés de loyer auraient pu être régularisés si elle avait perçu à temps l'indemnisation de ses pertes d'exploitation ; or, l'assureur n'a mandaté un expert que plus de sept mois après la survenance du sinistre et n'a versé un acompte que le 21 mars 2019 soit plus d'un an après le sinistre ; la résiliation de son bail commercial est exclusivement imputable au retard de l'assureur.
La société Swiss Life réplique que :
- elle a exécuté ses obligations contractuelles en toute bonne foi ; elle a été particulièrement diligente dans le traitement du sinistre ;
- il n'existe aucun lien de causalité entre ses agissements et la perte de son fonds de commerce par la société Django ; celle-ci avait déjà de grosses difficultés financières lors de la survenance du sinistre le 8 mars 2018 ; ainsi, la procédure d'expulsion engagée en octobre 2018 porte sur des incidents de paiement du loyer datant de plus d'un an ;
- le montant réclamé à ce titre n'est fondé que sur une estimation de l'expert-comptable de la société Django, laquelle porte sur des éléments dont il n'est pas possible de vérifier la consistance.
Sur ce,
L'article 1104 du code civil énonce que les contrats doivent être exécutés de bonne foi. Et selon l'article 1217 du même code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement peut, notamment, demander réparation des conséquences de l'inexécution.
En l'espèce, la société Django a souscrit auprès de la société Swisslife un contrat d'assurance couvrant notamment, selon les dispositions personnelles du contrat, le risque 'E - dégâts d'eau' et le risque 'N - pertes d'exploitation'.
Les dispositions générales détaillent ce risque N au point 2.14 et précisent que l'assureur garantit 'le paiement d'une indemnité pendant la période d'indemnisation correspondant à la perte d'exploitation, c'est-à-dire la perte de marge brute résultant de la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité de l'assuré (...) qui sont la conséquence directe des dommages matériels garantis causés aux biens assurés dans les locaux professionnels assurés par l'un des événements couverts au titre des risques (...) E - dégâts d'eau'. Le point 2.14.2 définit la période d'indemnisation comme étant 'la période commençant le jour du sinistre et pendant laquelle les résultats de l'assuré sont affectés par le sinistre (...)'. Enfin, le point 2.14.4.2 précise que 'Si, après le sinistre, l'assuré ne reprend pas une des activités désignées aux dispositions personnelles, aucune indemnité ne sera due au titre de cette activité.'
Or, il résulte des pièces produites aux débats qu'au jour du sinistre, la société Django n'exploitait pas les locaux. En effet, selon le rapport définitif du cabinet Polyexpert, en date du 26 février 2019, 'le restaurant [était] arrêté au moment des faits. (...) En effet, suite à la visite de la commission de sécurité des ERP début 2018 qui a conclu que les protections incendie n'étaient pas adaptées à la surface de l'établissement, l'assuré a réduit la surface d'accueil du public et termine des travaux d'aménagement avant d'être autorisé à reprendre l'activité (changement de catégorie de l'établissement).' L'expert concluait que, 'A la date du sinistre, en l'attente d'une autorisation d'exploitation par la commission de sécurité des ERP de [Localité 8], l'assuré ne subissait pas de pertes d'exploitation'.
De plus, une ordonnance de référé du 6 février 2019 a constaté que le bail conclu entre la société Django et la SCI Millot était résilié de plein droit à compter du 2 septembre 2018 aux torts du preneur, pour défaut de paiement des loyers, et a ordonné l'expulsion de celui-ci. Dans les motifs de cette décision, il est relevé que la société Django n'a pas réglé les loyers depuis le mois de juin 2017 et 'que concernant le sinistre invoqué, la lecture de l'expertise versée au débat permet de constater que la SARL Django était en train de réaliser des travaux quand le sinistre s'est produit et n'exploitait pas les locaux car elle était tenue de mettre les locaux aux normes pour son exploitation'.
S'agissant de la gestion du sinistre par la société Swisslife, ce n'est qu'à l'issue de plusieurs réunions avec de multiples parties, que l'expert mandaté a pu conclure que le dégât des eaux provenait d'une fuite causée par le gel, sur une centrale de traitement de l'air située dans les combles et difficile d'accès pour son examen comme pour les réparations. En effet, d'une part les travaux de dépose supposaient 'd'enlever un morceau de toiture, casser un mur et d'élargir une porte pour extraire les matériaux', et d'autre part une discussion s'est élevée quant à savoir qui, des bailleurs ou du preneur, était propriétaire de la centrale de traitement de l'air, laquelle avait été installée par le précédent locataire. Ainsi, la première réunion d'expertise a eu lieu dès le 27 mars 2018 soit très rapidement après le sinistre, et quatre autres réunions ont suivi, les 29 mai, 19 octobre et 8 novembre 2018 et 20 février 2019 mettant en cause les trois propriétaires et leurs assureurs ainsi que le syndic de copropriété. Le rapport d'expertise définitif a été établi le 26 février 2019 soit moins d'un an après le sinistre, proposant une solution de réparation plutôt qu'un remplacement complet de la centrale de traitement de l'air, et une indemnisation des dommages subis par la société Django au titre des matériels informatiques et de sonorisation, ainsi qu'au titre du remplacement de 80 m² de parquet et des faux-plafonds.
Or, alors que la société Django avait indiqué au cours des réunions d'expertise 'ne pas pouvoir relancer l'exploitation du restaurant sans chauffage', l'expert a indiqué dans son rapport, au titre de l'impact du sinistre sur l'exploitation : 'Nous avons suggéré à l'assuré de consulter pour la mise en place d'un ballon d'eau chaude et de radiateurs électriques (frais supplémentaires d'exploitation) pour permettre la remise en activité de l'établissement en attendant l'issue du processus d'expertise. Mais l'assuré n'a pas consulté'. De plus, il a mentionné qu'en septembre 2018, la société Django lui avait déclaré avoir reçu l'aval de la commission mais qu'après en avoir demandé confirmation à la mairie de [Localité 8], il n'avait pas eu de réponse.
Au vu de ces éléments, la société Django ne saurait valablement prétendre que l'impossibilité de reprendre l'activité est exclusivement imputable au retard pris par l'assureur dans le traitement de la demande d'indemnisation, alors même qu'elle ne justifie pas avoir obtenu l'autorisation d'ouverture en septembre 2018 comme elle l'avait affirmé à l'expert, ni avoir envisagé la mise en place de mesures de substitution propres à permettre la reprise de l'exploitation du restaurant dans l'attente de l'issue des difficultés tant techniques que juridiques qui étaient apparues lors de l'expertise.
Aucun manquement de l'assureur à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi n'est donc caractérisé.
Il est également établi par ces éléments que la société Django ne réglait plus les loyers depuis juin 2017 soit bien antérieurement au sinistre survenu le 8 mars 2018, de sorte que la résiliation des baux n'est pas 'exclusivement imputable au retard de l'assureur' comme elle le soutient dans ses écritures. Ses comptes annuels pour l'année 2017 font d'ailleurs apparaître, au 31 décembre 2017, un résultat négatif de 17.969 et des capitaux propres négatifs de 11.761,77 euros. Il s'avère ainsi qu'au jour du sinistre, la société Django faisait déjà face à des difficultés financières, comme elle l'a, du reste, admis dans une lettre de résiliation du bail portant sur la partie des locaux appartenant à 'l'indivision [Z]', en date du 20 décembre 2016, rédigée en ces termes : 'Ayant de grosse difficulté financière, je ne peux plus supporter de telle somme de loyer sachant que des travaux de mise aux normes sont nécessaire afin de pouvoir poursuivre mon activité' [sic]. En conséquence, la société Swisslife était fondée à refuser d'indemniser la société Django au titre de la garantie 'perte d'exploitation'.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société Django à ce titre.
Sur la demande au titre de la garantie 'valeur vénale du fonds'
La société Django fait valoir que :
- elle avait souscrit une garantie 'P', dite 'valeur vénale du fonds' permettant de la couvrir en cas de perte du fonds de commerce en lien avec un sinistre, en ce compris un dégât des eaux ;
- il n'est pas nécessaire que le dégât des eaux soit la cause exclusive de la perte du fonds ; le lien de causalité entre la survenance du sinistre et la disparition totale du fonds de commerce est démontrée, tout comme la dépréciation du fonds ;
- il est d'usage de considérer que la valeur du fonds de commerce de restauration s'apprécie au regard du dernier chiffre d'affaires annuel du restaurant.
La société Swiww Life réplique que :
- la société Django ne rapporte pas la preuve que les conditions sont réunies pour l'application de cette garantie, tenant à une dépréciation du fonds de commerce qui soit exclusivement causée par le sinistre couvert.
Sur ce,
Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, ils doivent être exécutés de bonne foi. Et l'article 1217 du même code énonce que 'la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut (...) poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation'.
En l'espèce, la société Django a souscrit, au titre du contrat d'assurance Swisslife Multi Pro, la garantie 'P - Valeur vénale du fonds', pour une valeur assurée de 180.000 euros. Selon le point 2.16 des dispositions générales du contrat, 'l'assureur garantit, à concurrence des sommes indiquées au tableau des montants de garantie, et sous réserve des dispositions de l'article 2.16.2, la dépréciation de la valeur vénale du fonds causée par la destruction totale ou partielle des locaux assurés à la suite d'un des événements couverts au titre des risques : (...) E - dégâts d'eau (...). La garantie est accordée que la dépréciation de la valeur vénale du fonds se traduise par une perte totale ou par une perte partielle de ladite valeur.'
La société Django soutient qu'elle 'a intégralement perdu son fonds de commerce suite à la résiliation de son bail commercial, laquelle s'explique par la survenance du sinistre de type dégât des eaux du 8 mars 2018'.
Or, comme il l'a été précédemment relevé, la résiliation des baux consentis par Mme [Y] et par la SCI Millot résulte du défaut de paiement des loyers par la société Django, comme cela a été rappelé par ces bailleurs au cours de l'expertise (cf. rapport d'expertise, page 7). Et aux termes de l'ordonnance de référé en date du 6 février 2019, il s'avère que ce défaut de paiement des loyers avait commencé en juin 2017, soit bien avant la survenance du dégât des eaux le 8 mars 2018. Ces difficultés financières antérieures sont corroborées par les documents comptables de la société Django faisant apparaître, pour l'exercice 2017, une perte de 17.969 et des capitaux propres négatifs de 11.761,77 euros.
En outre, au jour du sinistre, la société Django n'exploitait pas les locaux, en l'absence d'autorisation d'exploitation par la commission de sécurité des ERP de [Localité 8]. Et elle ne justifie pas avoir, par la suite, obtenu cette autorisation comme elle l'a affirmé à l'expert qui n'a pas pu en avoir confirmation par la mairie de [Localité 8].
Il n'est donc aucunement démontré par la société Django, qu'en l'absence du dégât des eaux elle aurait pu maintenir l'existence de son fonds de commerce, comme elle le prétend dans ses écritures.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande de la société Django au titre de la mise en oeuvre de la garantie 'valeur vénale du fonds'.
Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive
La société Swiss Life fait valoir qu'en introduisant la procédure d'appel sans plus d'éléments qu'en première instance, la société Django fait preuve de mauvaise foi manifeste et persistante.
La société Django réplique que :
- la société Swiss Life ne démontre aucun abus du droit d'ester en justice ;
- elle a tenté de régler amiablement ce litige ;
- la demande s'apparente à une manoeuvre d'intimidation.
Sur ce,
A titre liminaire, il convient d'observer que, devant le tribunal de commerce, la société Swisslife a sollicité la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et que cette demande a été rejetée par les premiers juges.
Or, la société Swisslife ne demande pas l'infirmation de ce chef du jugement, de sorte que celui-ci, par ailleurs non visé par la déclaration d'appel, n'est pas dévolu à la cour.
La demande de 20.000 euros de dommages-intérêts formée par la société Swisslife devant la cour d'appel doit donc s'analyser en une demande nouvelle, laquelle est recevable en application de l'article 567 du code de procédure civile
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation qu'à la condition d'établir une faute dans son exercice susceptible d'engager la responsabilité de son auteur.
Or, le fait d'interjeter appel ne constitue que l'exercice d'un droit de recours et n'est pas fautif en l'espèce, quand bien même la société Django ne présente pas d'éléments nouveaux par rapport à ceux présentés en première instance. De surcroît, la société Swisslife ne justifie d'aucun préjudice distinct des frais exposés pour la procédure d'appel, lesquels font l'objet d'une indemnisation par l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient donc de rejetter la demande de dommages-intérêts pour appel abusif formée par la société Swisslife.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Django succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer à la société Swiss Life Assurances de biens la somme de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions critiquées ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société Swiss Life Assurances de biens ;
Condamne la société Django aux dépens d'appel ;
Condamne la société Django à payer à société Swiss Life Assurances de biens la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente