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CA Paris, Pôle 6 - ch. 7, 25 septembre 2025, n° 22/04540

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/04540

25 septembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04540 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFS6E

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 21/00153

APPELANT

Monsieur [E] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Christiane AUBIN PAGNOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D0193

INTIMÉE

S.A.S. LADY GLORY

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Lysa HALIMI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2376

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie ALA, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,

Madame Stéphanie ALA, présidente,

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,

Greffière, lors des débats : Madame Estelle KOFFI

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Stéphanie ALA, présidente et par Madame Estelle KOFFI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [E] [J] a été engagé par contrat à durée indéterminée en qualité de manutentionnaire par la société Saint Galant à compter du 9 novembre 2006.

Le 16 septembre 2013, la société Saint Galant a cédé son fonds de commerce à la société Lady Glory.

Le contrat de travail de M. [J] a été transféré à cette société.

Le 12 décembre 2013, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin de faire constater qu'il n'avait pas démissionné mais qu'il avait été licencié, que son licenciement était nul comme discriminatoire et obtenir le paiement de sommes en conséquence.

Par jugement du 23 janvier 2018, rendu sous la présidence d'un juge départiteur, notifié le lendemain, le conseil de prud'hommes de Bobigny a notamment :

' dit que M. [J] avait fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse de la part de la société Lady Glory à la date du 30 septembre 2013,

' condamné la société à lui verser des indemnités de rupture ainsi que des dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et rupture abusive,

' débouté les parties du surplus de leurs demandes,

' dit que la société Lady Glory devra remettre à M. [J], dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail conformes à la décision.

Le 19 janvier 2021, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir des dommages et intérêts pour préjudice subi pour impossibilité de s'inscrire à Pôle emploi, la remise d'une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif sous astreinte de 200 euros par jour.

Par jugement rendu le 7 février 2022, notifié à M. [J] le 15 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

' prononcé la prescription des demandes

' condamné Monsieur [J] aux dépens.

Monsieur [J] a interjeté appel de la décision le 12 avril 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 10 juillet 2022, M. [J] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement qui a déclaré irrecevables ses demandes du fait de la prescription

Et statuant à nouveau

- Condamner la société intimée à lui régler la somme de 15 000 € au titre des dommages et intérêts

- Condamner la société à lui remettre le bulletin de salaire récapitulatif conforme et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

- Condamner la société à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la socitété aux dépens

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 6 octobre 2022, la société Lady Glory demande à la cour de :

In limine litis

A titre principal

- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de M. [J] et débouter ce dernier de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Au fond

Subsidiairement,

- Juger non fondées les demandes de Monsieur [J],

En tout état de cause

- Débouter Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner Monsieur [J] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Monsieur [J] aux entiers dépens.

La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2025.

MOTIFS

A titre liminaire, et suivant les propres déclarations de la société Lady Glory figurant dans ses écritures, il sera relevé qu'il n'a pas été interjeté appel du jugement rendu le 23 janvier 2018 en sorte que celui-ci est définitif.

- Sur l'acquisition du délai de prescription et la recevabilité des demandes

Les parties s'accordent pour reconnaître que les demandes du salarié sont soumises au délai de prescription biennal de l'article L.1471-1 du code du travail.

Hors des cas de dispositions d'ordre public, le juge n'a pas l'obligation de relever d'office l'application d'un autre délai de prescription éventuellement applicable.

Selon ces dispositions, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

L'employeur soutient que le délai de prescription interrompu par la saisine du conseil de prud'hommes a repris son cours à l'issue du jugement en sorte que le délai de prescription biennal était acquis au moment de la saisine de la juridiction prud'homale le 19 janvier 2021.

Le salarié oppose que le délai de prescription ne pouvait courir avant que l'employeur, qui était tenu de transmettre des documents conformes à la décision, ne se soit acquitté de son obligation. A cet égard, il relève que la communication des documents n'a eu lieu que le 26 mars 2021 en sorte que le délai de prescription n'a pas couru.

Au cas présent, par jugement du 23 janvier 2018, notifié le 24 janvier suivant, il a été fait obligation à la société Lady Glory de délivrer des documents de fin de contrat ainsi qu'un bulletin de salaire conformes au jugement dans le délai de un mois à compter de la notification de la décision.

La société Lady Glory, qui oppose l'acquisition du délai de prescription, ne justifie pas s'être acquittée de l'obligation de transmission de documents conformes qui lui incombait légalement.

Dès lors, il ne peut être considéré que le délai de prescription a couru.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que les demandes de M. [J] étaient prescrites.

- Sur la demande de dommages et intérêts

Le salarié sollicite l'allocation de dommages et intérêts en raison du défaut de remise des documents sociaux par son ancien employeur le privant de ses droits à l'indemnisation par Pôle emploi.

Il soutient ainsi, que les documents sociaux qui ne lui ont été remis qu'au mois de mars 2021 comportaient des mentions erronées et une absence de concordance dans les dates.

Il relève ainsi que :

L'attestation ASSEDIC indique qu'il a occupé l'emploi de manutentionnaire du 9 novembre 2006 au 31 mars 2021,

Le certificat de travail mentionne qu'il a fait partie du personnel du 9 novembre 2006 au 30 septembre 2013,

La fiche de paye indique qu'il est entré le 1er mars 2021 et est sorti le 31 mars 2021.

Il affirme ainsi qu'il n'a pu être pris en charge par Pôle emploi qu'à compter du 12 août 2021.

L'employeur s'oppose à cette demande et soutient :

- que le salarié a lui-même participé à la réalisation de son préjudice :

en ce qu'il n'a fait aucune réclamation, aucun courrier avant la présente saisine du conseil de prud'hommes trois ans plus tard,

suite à la saisine de la juridiction prud'homale en 2021, il a immédiatement demandé les bulletins de paie du salarié pour établir les documents de fin de contrat,

le salarié attendra la communication, au demeurant tardive des conclusions de son conseil neuf mois plus tard pour prétendre qu'une erreur sur sa date d'entrée et de sortie l'aurait empêché de s'inscrire à pôle emploi,

- Il ajoute que le salarié n'est pas éligible pour bénéficier de l'indemnisation par pôle emploi :

car il était âgé de 63 à la date de la saisine du conseil,

Il n'a pas travaillé au moins 130 jours ou 910 heures (6 mois) au cours des 24 derniers mois ou 36 mois pour les personnes de 53 ans et plus,

il était dans l'impossibilité de se prévaloir de sa rupture du contrat de travail, qui produisait alors les effets d'une démission jusqu'à la date du jugement, soit le 23 janvier 2023,

il avait jusqu'au 23 janvier 2019 pour éventuellement faire valoir ses droits au chômage au titre de la relation de travail.

Il convient d'abord de rappeler que par jugement rendu le 23 janvier 2018, le conseil de prud'hommes a retenu que la société Lady Glory ne pouvait, contrairement à ce qu'elle soutenait, ignorer l'existence du contrat de travail de M. [J].

Il sera ajouté qu'il appartenait à la société Lady Glory d'exécuter les causes du jugement, dont elle n'avait pas fait appel, en sorte qu'elle ne peut invoquer l'absence de demande du salarié concernant la transmission de documents de fin de contrat pour soutenir qu'il a contribué à la réalisation de son propre préjudice.

Enfin, le document produit par le salarié en date du 12 août 2021, montre qu'il était éligible à percevoir une allocation de retour à l'emploi.

Pour le reste, il est établi que les documents de fin de contrat et le bulletin de salaire transmis au salarié au mois de mars 2021 ( pièces 14 à 17 de l'appelant) n'étaient d'une part pas conformes au jugement, d'autre part comportaient des mentions incohérentes entre eux.

Il incombait à la société, sans qu'il lui soit nécessaire d'être informée par le salarié, de s'acquitter de ses obligations dans les termes du jugement.

Il apparaît également que ces éléments incohérents n'ont pas permis la prise en charge immédiate du salarié par Pôle emploi et que les documents ont été refusés.

Ces éléments permettent de considérer que la situation lui a causé un préjudice.

Il lui sera alloué la somme de 1 000 euros en réparation de celui-ci.

- Sur la remise d'un bulletin de salaire conforme.

Il n'est pas nécessaire d'ordonner la remise de ce document dans la mesure où le salarié dispose déjà un titre exécutoire.

En cas de difficulté d'exécution, il lui appartiendra de saisir le juge matériellement compétent pour connaître des difficultés d'exécution des titres exécutoires pour voir prononcée une astreinte.

Il est ainsi débouté des demandes formées à ce titre.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le salarié ne demande pas l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné aux dépens, ce chef de dispositif n'est pas dévolu à la cour.

L'employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

- INFIRME le jugement en ce qu'il a dit les demandes prescrites,

- Statuant à nouveau et y ajoutant

- DIT que le demandes de M. [E] [J] sont recevables,

- CONDAMNE la société Lady Glory à verser à M. [E] [J] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- DÉBOUTE M. [E] [J] sa demande de communication sous astreinte d'un bulletin de salaire conforme

- DÉBOUTE les parties du suplus de leurs prétentions,

- CONDAMNE la société Lady Glory à verser à M. [E] [J] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE la société Lady Glory aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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