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Décisions

CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 23 septembre 2025, n° 23/02749

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 23/02749

23 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/02749 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I5QO

LR EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE

22 juin 2023

RG :F 22/00012

S.A.R.L. RE MEC

C/

[Y]

Société AGS CGEA DE [Localité 9]

Grosse délivrée le 23 SEPTEMBRE 2025 à :

- Me

- Me

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2025

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 22 Juin 2023, N°F 22/00012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie ROCCI, Présidente

Mme Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Septembre 2025.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.R.L. RE MEC

[Adresse 10]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Alberto PONTI SIMONIS DI VALLARIO, avocat au barreau de NICE

INTIMÉS :

Monsieur [V] [Y]

né le 15 Avril 1960 à [Localité 7] (ESPAGNE)

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Mathilde PERNODAT, avocat au barreau de NIMES

Société AGS CGEA DE [Localité 9]

[Adresse 8]

[Adresse 2]

[Localité 4]

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie ROCCI, Présidente, le 23 Septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [V] [Y] a été engagé par la SARL Carosserie du Rhône à compter du 10 septembre 1987 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de chaudronnier/soudeur.

La convention collective applicable est celle des services de l'automobile.

Les actifs de la société ont été transférés à la société [D] puis à la société ACTM et enfin à la SARL RE.MEC

Le 25 février 2019, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail par la médecine du travail, avec impossibilité de reclassement en ces termes : ' tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé '. Contestant cet avis, l'employeur a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes aux fins notamment d'entendre juger que l'avis d'inaptitude n'est pas justifié et a été débouté par ordonnance de référé du 24 avril 2019, confirmée en appel, par arrêt du 28 juillet 2020.

Par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 05 septembre 2019, la société a été placée en redressement judiciaire.

Le 21 septembre 2020, le salarié a été licencié pour inaptitude.

Le 26 janvier 2021, M. [V] [Y] a adressé une mise en demeure au motif qu'il n'avait reçu ni ses documents de fin de contrat ni les sommes lui revenant.

Le salarié a saisi alors le conseil de prud'hommes d'Orange en sa formation de référé aux fins de voir reconnaître ses droits en matière d'indemnité de licenciement. Par ordonnance du 25 août 2021, la société a été condamnée à payer une provision de 3264,69 euros correspondant à la quote-part de l'employeur depuis le 19 novembre 2014, considérant que pour le surplus M. [V] [Y] ne versait pas de relevé de carrière.

M. [V] [Y] a saisi ensuite le conseil de prud'hommes au fond, par requête reçue le 13 janvier 2022.

Par jugement contradictoire du 22 juin 2023, le conseil de prud'hommes d'Orange :

'- condamne la société REMEC, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d'avoir à payer à M. [V] [Y] :

- la somme de 25 655,48 euros au titre de l'indemnité de licenciement, déduction à faire des 3 264,69 euros déjà versés, additionnée des intérêts légaux depuis le 21 septembre 2020

- la somme de 500 euros au titre de la résistance abusive

- la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles

- ordonne à la société REMEC, prise en la personne de son représentant légal en exercice, de délivrer les documents sociaux modifiés (reçu pour solde de tout compte, certificat de travail, attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie rectificatif), ceci dans les meilleurs délais ;

- déboute la SARL REMEC de l'ensemble de ses demandes ;

- rappelle que l'exécution est de plein droit ;

- met les entiers dépens à la charge de la SARL REMEC;

- déclare la décision opposable au CGEA AGS de [Localité 9], es-qualité de gestionnaire de l'AGS, dans les limites prévues aux articles L3253-6 et L3253-8 du code du travail et les plafonds prévus aux articles L3253-7 et D 3253-5 du code du travail et de préciser que la garantie de l'AGS n'intervient qu'en l'absence de fonds disponibles et que les frais résultant de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas garantis.'

Par acte du 11 août 2023, la société RE.MEC a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 17 juillet 2023.

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 06 janvier 2025, la SARL RE.MEC et la SCP [R], ès qualités de mandataire judiciaire, intervenant volontaire, demandent à la cour de :

'

Sur la nullité du jugement pour défaut de motivation

Vu les articles 6§1 de la CESDH ensemble les articles 455 et 458 du CPC

- annuler le jugement dont appel pour défaut de motivation

Sur la demande d'indemnité de licenciement

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions

- juger que l'indemnité de licenciement revenant à M. [V] [Y] s'élève à la somme de 9.173,80 euros

- juger que la SARL REMEC ayant déjà réglé à M. [V] [Y] une provision de 3.264 euros 69, à valoir sur ladite indemnité, reste devoir à M. [V] [Y] la somme de 5.909 euros11 au titre de l 'indemnité de licenciement

- debouter le salarié de toute autre demande de condamnation supplémentaire

Sur les AGS-CGEA

Vu les articles L 3253-6 ensemble l'article L 3253-8 n° 2 du Code du Travail

à titre principal

- juger que les AGS-CGEA sont tenus de couvrir les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d'observation sur présentation du relevé par le mandataire

à titre subsidiaire

- juger le jugement à intervenir opposable aux AGS-CGEA

- condamner M. [V] [Y] à payer à la SARL REMEC la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du cpc, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Avouepericchi.'

En l'état de ses dernières écritures en date du 03 janvier 2025 contenant appel incident, M. [V] [Y] demande à la cour de :

'- debouter la SARL RE-MEC de sa demande de nullité du jugement,

- confirmer le jugement du 22 juin 2023 en ce qu'il :

- condamne la SARL REMEC d'avoir à payer à M. [V] [Y] :

* la somme de 25 655,48 euros au titre de l'indemnité de licenciement, déduction à faire des 3 264,69 euros déjà versés, additionnée des intérêts légaux depuis le 21 septembre 2020,

* la somme de 500 euros au titre de la résistance abusive,

* la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- ordonné à la SARL REMEC de délivrer les documents sociaux modifiés ( reçu pour solde de tout compte, certificat de travail, attestation pôle-emploi et un bulletin de paie rectificatif),

- débouté la SARL REMEC de l'ensemble de ses demandes,

- rappelé que l'exécution est de plein droit,

- déclaré la décision opposable au CGEA Ags de [Localité 9].

- à titre incident, infirmer le jugement du 22 juin 2023 en ce qu'il a ordonné à la SARL REMEC de délivrer les documents sociaux modifiés ( reçu pour solde de tout compte, certificat de travail, attestation pôle-emploi et un bulletin de paie rectificatif), dans les meilleurs délais,

et statuant à nouveau sur ce point querellé,

- ordonner à la SARL REMEC de délivrer les documents sociaux modifiés (reçu pour solde de tout compte, certificat de travail, attestation pôle-emploi et un bulletin de paie rectificatif), sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir le 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,

- y ajoutant, condamner la SARL REMEC à payer à M. [V] [Y] la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'art.700 du cpc.'

L'AGS CGEA [Localité 9] qui a régulièrement reçu signification à personne morale, le 19 octobre 2019 de la déclaration d'appel puis le 5 décembre 2023 des conclusions d'appel ainsi que le 27 février 2024, des conclusions d'intimé et appel incident, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 07 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 06 janvier 2025. L'affaire a été fixée à l'audience du 06 février 2025, déplacée à celle du 13 février 2025, puis renvoyée à celle du 12 juin 2025.

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement pour défaut de motivation

Les appelants font valoir que :

- si le jugement du 22 juin 2023 expose les moyens des parties (bien que très voir trop succinctement) il n'est nullement motivé

-à aucun moment le jugement ne contient le raisonnement par lequel le juge a tranché le litige en appliquant la règle de droit aux faits

- le jugement ne contient pas davantage une analyse, ne serait-ce que sommaire, des pièces produites

- en définitive la lecture du jugement dont appel ne permet pas de comprendre par quelle norme juridique et par quelles pièces le conseil a pu décider que le salarié disposait bien comme il le prétendait d'une ancienneté de 33 ans alors que la société RE.MEC et les AGS avaient conclu (s'appuyant sur des pièces) que la carrière du salarié présentait une absence de continuité entre ses contrats de travail successifs

- l'absence de motivation entraîne inévitablement l'annulation du jugement sur le fondement des articles 6§1 de la CESDH ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile

- la chambre sociale a déjà eu l'occasion d'annuler une décision judiciaire pour défaut de motivation au visa des articles précités.

M. [V] [Y] réplique que :

- le jugement est parfaitement motivé

- il rappelle les textes de loi et retient que les calculs opérés ( par le salarié), qui prennent pour base l'ancienneté revendiquée permettent d'établir l'indemnité de licenciement

- certes, le conseil aurait pu être plus pédagogique, mais sa décision est claire et fondée

- la demande de nullité sera écartée, sachant que dans tous les cas, dans le cadre de son pouvoir d'évocation, la cour sera amenée à statuer sur les demandes qui lui sont soumises.

Il résulte de l'article 455 du code de procédure civile que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, que cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec indication de leur date, que le jugement doit être motivé et qu'il énonce la décision sous forme de dispositif.

L'article 458 alinéa 1er du même code prévoit que cette obligation de motivation est à peine de nullité

Si la motivation du conseil de prud'hommes, saisi de la problématique précise de la détermination de l'ancienneté du salarié, est succincte, en ce qu'il n'explique effectivement pas son raisonnement, en revanche, il expose succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens puis détaille les dispositions légales dont les articles L. 1224-1, L. 1234-9 et R. 1234-1 du code du travail ainsi que celles de la convention collective, sur le fondement desquelles il indique retenir le calcul opéré par M [Y].

Il convient donc de rejeter le moyen tiré du défaut de motivation du jugement.

Sur la détermination de l'ancienneté du salarié aux fins de fixation de l'indemnité de licenciement due au salarié

L'employeur soutient que :

- l'ancienneté à prendre en compte s'entend a priori des services continus pour le même employeur

- en l'espèce, les difficultés relatives à la détermination du montant de l'indemnité de licenciement portent sur 2 aspects successifs : la détermination de la durée de l'ancienneté mais également, la détermination, à l'intérieur de la période d'ancienneté retenue, des périodes de suspension du contrat, qui ne sont pas prises en compte au titre de l'ancienneté (comme les périodes d'absence pour maladie non professionnelle)

- concernant la détermination de la période d'ancienneté, il n'y a pas eu de continuité entre les contrats de travail de M. [V] [Y] depuis 1987 mais seulement depuis 2006, date de l'embauche du salarié par la SAS ACTM

- l'absence de continuité entre les contrats de travail de M [Y] résulte de 3 éléments :

- le jugement de cession du 6 septembre 2006 de la société [D] révèle que l'entreprise a été cédée à la SARL ACTM International et non pas à la SAS ACTM qui aurait embauché ensuite M. [Y]

- les relevés de carrière de M. [Y] laissent apparaître une interruption de près de 9 mois en 2006

- le certificat de travail de la société [D] prouve par son existence même que le contrat de travail de M. [Y] a bien été rompu en septembre 2006 et n'a pas été transféré à ACTM SAS

- il y a une rupture entre la fin du contrat de travail du salarié chez [D] (septembre 2006) et l'embauche successive de M. [Y] par la SAS ACTM qui n'était pas la cessionnaire des actifs et des contrats de travail de la société [D]

- ACTM International et ACTM SAS sont deux entités distinctes de forme sociale différente (SARL et SAS) et on ne peut considérer que le jugement de cession de 2006 entre la société [D] et la SARL ACTM International (Siret 490 130 309) emporte transfert des contrats de travail à la SAS ACTM (Siret 352 564 934)

- aucune preuve du fait que la SARL ACTM International avait la possibilité de se substituer la SAS ACTM n'est apportée

- par ailleurs, la mention de l'ancienneté sur le bulletins de salaire n'instaure qu'une présomption simple, contredite par les autres pièces au dossier dont les relevés de carrière qui révèlent une interruption dans la continuité des contrats

- l'ancienneté à prendre en considération a comme point de départ l'engagement par la SAS ACTM en septembre 2006 jusqu'au licenciement par RE.MEC de décembre 2020 soit 13 années et 5 mois, après déduction des périodes de suspension du contrat de travail au sein de l'entreprise, au lieu des 33 années réclamées.

M. [V] [Y] expose que :

- il verse au débat l'ensemble des pièces concernant la continuité entre les contrats de travail

- il travaillait depuis plus de trente ans dans cette entité économique, ce qui ressort de son contrat d'origine, ses bulletins de salaire, un certificat de travail [D], une attestation de la société ACTM mentionnant son ancienneté, les extraits Kbis démontrant le transfert du fonds de commerce (et donc des salariés) entre [D] et ACTM, sachant qu'ACTM a cédé à RE.MEC, cette dernière connaissant parfaitement la société au moment du rachat devant le tribunal de commerce de Romans

- il a donc eu quatre employeurs successifs :

- du 5 septembre 1987 au 31 décembre 2004 : Carrosserie du Rhône

- du 1er janvier 2005 au 16 septembre 2006 : [D]

- du 17 septembre 2006 au 23 novembre 2014 : ACTM

-à partir du 24 novembre 2014 et jusqu'au licenciement : RE.MEC

- les différentes cessions n'ont eu aucune conséquence sur le contrat de travail et il a conservé son ancienneté, ce que sait parfaitement l'employeur puisque sur son bulletin de salaire, est bien notée comme date d'ancienneté le '10 septembre 1987"

- s'il y a en effet une anomalie en 2006 liée aux difficultés de paiement de l'employeur, cette difficulté a été réglée dans le cadre des procédures collectives, et du maintien de salaires

-[D] a été reprise par ACTM International, cette dernière ayant la possibilité de substituer une autre société pour l'acte de cession

- il démontre bien son ancienneté au 10 septembre 1987, cette date d'entrée dans l'entreprise constituant le point de départ de l'ancienneté, conformément à une jurisprudence établie, fondée sur les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, qui considère que le salarié doit conserver son ancienneté totale dans l'entreprise (Cass. soc., 26 mai 1976, n° 75-40.472)

- de plus, la mention de la date d'ancienneté figurant sur le bulletin de paie « vaut présomption de reprise d'ancienneté sauf à l'employeur à rapporter la preuve contraire » (Soc. 21 septembre 2011, n° 09-72.054)

- ce n'est donc pas à lui de faire la preuve mais à l'employeur de renverser cette présomption

- l'employeur émet quelques contestations sans intérêts pour le salarié portant sur la reprise par ACTM ou ACTM International, ce qui ne change rien pour le salarié qui a été repris, a poursuivi son travail dans les mêmes conditions alors que RE.MEC a repris le fonds de commerce

- il en est de même du problème des jours de maladie dont l'employeur ne justifie pas, sachant

que cela ne peut impacter fortement le calcul et qu'il y a une franchise prévue par la convention collective.

Aux termes de l'article 2.3 de la convention collective des services de l'automobile :

'Sauf en cas de faute grave ou lourde, il est versé au salarié ayant au moins 8 mois d'ancienneté dans l'entreprise une indemnité de licenciement distincte des salaires dus jusqu'au terme du préavis ou de l'indemnité compensatrice de préavis mentionnée à l'article 2. 12 b.

L'ancienneté dans l'entreprise, calculée conformément aux prescriptions de l'article 1.13 de la présente convention, est appréciée par années et mois complets pour le calcul de cette indemnité de licenciement.

L'indemnité de licenciement s'établit comme suit (1) :

' 1/4 de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans ;

' 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 11 ans.

L'indemnité de licenciement est calculée sur la base de 1 /12 de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, de 1 /3 des 3 derniers mois, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aura été versée au salarié pendant cette période, n'étant prise en compte que dans la limite d'un montant calculé pro rata temporis. (...)'.

L'article 1.13 de la convention collective intitulé 'Ancienneté' dispose que :

'a) Prise en compte des périodes de travail au titre du contrat de travail en cours :

Pour la détermination de l'ancienneté, il est tenu compte du temps pendant lequel le salarié a été occupé dans les différents établissements de l'entreprise en vertu du contrat de travail en cours, quelles que puissent être les modifications ayant pu survenir dans la nature juridique de cette entreprise.

b) Prise en compte des périodes de suspension du contrat de travail :

Outre les périodes de travail effectif visées au paragraphe a, sont également prises en compte pour le calcul de l'ancienneté toutes les périodes de suspension du contrat de travail, quelle qu'en soit la nature, à l'exception :

' des interruptions pour maladie ou accident de la vie courante, qui ne sont prises en compte que dans la limite d'une durée maximale de six mois consécutifs ;

' du congé parental d'éducation non indemnisé au titre du compte épargne-temps lorsque celui-ci suspend l'exécution du contrat de travail, dont la durée n'est prise en compte que pour moitié.

c) Périodes d'activité antérieures au contrat de travail en cours :

1. Contrats de travail antérieurs

Il est également tenu compte, le cas échéant, de la durée des contrats de travail antérieurs ayant lié le salarié à l'entreprise considérée, l'ancienneté correspondante étant alors calculée comme indiqué aux paragraphes a et b.

Toutefois, les années d'ancienneté prises en considération pour le calcul d'une indemnité de rupture sont, en cas de nouvelle rupture suivant elle-même un réembauchage, réduites des années qui ont pu être antérieurement retenues pour le paiement d'une précédente indemnité. (...)'

La détermination de l'ancienneté de M. [V] [Y] est donc nécessaire au calcul de l'indemnité de licenciement.

Il est constant que l'ensemble des bulletins de paie établis par la SARL RE.MEC depuis le mois de novembre 2014 jusqu'au mois de septembre 2020, soit pendant près de six ans, comporte la mention 'Date d'ancienneté : 10 septembre 1987".

Or, la date d'ancienneté figurant sur le bulletin de paie vaut présomption de reprise d'ancienneté sauf à l'employeur à rapporter la preuve contraire (Soc. 21 septembre 2011, pourvoi nº 09-72.054 ; Soc., 3 avril 2019, pourvoi nº 17-19.381), ce que ce dernier ne saurait donc faire en affirmant que 'le salarié ne produit aucun document contractuel ( tel le contrat de travail entre M [Y] et la SAS ACTM) permettant de penser que la SAS ACTM aurait eu la volonté de faire bénéficier contractuellement le salarié d'une reprise d'ancienneté que rien n'imposait'.

Si la charge de la preuve n'incombe pas à M. [V] [Y], ce dernier démontre néanmoins parfaitement qu'il travaillait depuis 33 ans dans cette entité économique que formait un fonds constitué par un garage automobile successivement cédé par la société Carrosserie du Rhône à la société [D], puis à la société ACTM.

Il ressort du jugement correspondant produit que la société RE.MEC a repris le fonds de la société ACTM suite à une cession ordonnée par le tribunal de commerce de Romans en date du 19 novembre 2014, le contrat de travail se poursuivant alors au profit de la société RE MEC.

Cette dernière ne produit aucun élément de nature à faire échapper le contrat de travail de M. [V] [Y] aux dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail alors qu'il n'y a eu de changement que dans la situation juridique de l'employeur.

Outre ses bulletins de paie depuis le mois de septembre 1987 qui mentionnent la date du 10 septembre 1987 (qu'il s'agisse de ceux édités par Carrosserie du Rhône, [D] Industries, ACTM et RE.MEC), M. [V] [Y] produit son contrat d'origine signé le 10 septembre 1987 pour un emploi de chaudronnier/soudeur ainsi qu'un certificat de travail établi le 16 septembre 2006 par M. [Z] [D] mentionnant que celui-ci a été employé dans l'entreprise en qualité de chaudronnier/soudeur du 10 septembre 1987 au 16 septembre 2006.

Les extraits K-Bis démontrent le transfert du fonds de commerce ( et donc des salariés) entre la société [D] et la société ACTM, la circonstance que le jugement de cession prononcé par le tribunal de commerce de Romans sur Isère le 6 septembre 2006 mentionne comme cessionnaire la SARL ACTM International n'est d'aucun emport en raison de la faculté de substitution prévue au jugement de cession et c'est effectivement la SAS ACTM qui deviendra l'employeur de M. [V] [Y], lequel produit en outre une attestation de la SAS ACTM (Siret n° 352564934) mentionnant qu'il est engagé dans la société, en cdi, à compter du 10 septembre 1987, la relation de travail s'étant poursuivie aux mêmes conditions que précédemment, les modifications des n° RCS et SIRET relevées par les appelants étant inopposables au salarié dont il n'est pas établi qu'il n'aurait pas continué de travailler au sein de la même entité économique.

Les relevés de carrière fournis par l'intimé ne contredisent en rien les mentions figurant sur les bulletins de paie de l'intéressé et l'absence de déclaration de salaires par son employeur en 2006, soit la société [D] en redressement judiciaire, ne saurait remettre en question l'effectivité de la relation de travail.

Il ressort donc bien des éléments au débat une présence de M. [V] [Y], sans discontinuité au sein de l'entreprise, depuis son embauche le 10 septembre 1987, en tant que chaudronnier/soudeur, le contrat de travail ayant été transféré depuis lors et le salarié devant conserver son ancienneté conformément à l'article L. 1224-1 du code du travail.

Concernant les périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur fait valoir qu'elles n'ont pas à être prises en compte pour le calcul de l'indemnité (légale ou conventionnelle) de licenciement à moins qu'elles soient assimilées par les dispositions légales à du travail effectif (ex accident du travail et maladies professionnelle), de sorte que les arrêts maladies ( pour maladie non professionnelle) ne sont pas pris en compte.

Toutefois, l'article 1.13 de la convention collective prévoit que les interruptions pour maladie ou accident de la vie courante sont prises en compte dans la limite d'une durée maximale de six mois consécutifs.

Les appelants disposent des bulletins de salaire produits par l'intimé leur permettant de déduire les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie, ce qu'ils ne font pas, de sorte qu'ils ne sauraient en faire état pour écarter le calcul du salarié.

Concernant les arrêts maladie du 8 janvier au 2 mars 2018 puis du 5 septembre 2018 au 24 février 2019, soit au cours de la période d'emploi par la société RE.MEC de M. [V] [Y], ils ne peuvent être déduits qu'en tenant compte de la franchise conventionnelle de 6 mois, ce que ne font pas les appelants dans leur calcul.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu le calcul effectué par le salarié, sur le fondement de l'article 2.13 de la convention collective applicable, soit :

- de la première à la 10ème année : 1/4 de salaire par année d'ancienneté soit 6302,50 euros,

- de la 11ème année à la 33ème année : 1/3 de salaire par année d'ancienneté soit 19 327,66 euros,

- pour les 11 jours : 25,32 euros,

- soit un total de 25 655,48 euros, les parties s'accordant sur le salaire moyen de 2521,05 euros.

Le jugement est en conséquence confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

Le conseil de prud'hommes a justement retenu la résistance abusive de l'employeur, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, relevant notamment le comportement de celui-ci qui disposait des précisions sollicitées pour le calcul de l'indemnité de licenciement et reconnaissait devoir à tout le moins une somme de 5909,11 euros qu'il n'a cependant pas réglée, les appelants ne développant aucune argumentation critiquant cette motivation.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a octroyé à M. [V] [Y] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes et les dépens

Le jugement déclare justement que la garantie du CGEA AGS de [Localité 9] est due conformément aux dispositions légales, de sorte que nécessairement les créances résultant de la rupture du contrat de travail, intervenant pendant la période d'observation, sont couvertes par l'assurance de garantie des salaires, conformément aux dispositions de l'article L. 3253-8 du code du travail.

Les AGS CGEA sont régulièrement assignées dans la présente procédure d'appel, de sorte que l'arrêt leur est nécessairement opposable sans qu'il soit besoin de le rappeler au dispositif.

Les appelants ne développent aucune argumentation ne serait-ce qu'à titre subsidiaire concernant les intérêts légaux et la délivrance des documents sociaux, de sorte que le jugement est ici aussi confirmé.

Il n'y a pas lieu d'ordonner une astreinte mais de préciser que les documents sociaux devront être délivrés dans les deux mois de la notification du présent arrêt.

L'équité justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt réputé contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

- Rejette le moyen tiré de la nullité du jugement,

- Confirme le jugement rendu le 22 juin 2023 par le conseil de prud'hommes d'Orange,

sauf à fixer la créance, en tant que de besoin, au passif de la SARL RE.MEC, par substitution à la condamnation et à préciser que les documents sociaux doivent être délivrés dans les deux mois de la notification du présent arrêt,

Condamne la SCP [R], ès qualités de mandataire judiciaire et la SARL RE.MEC à payer à M. [V] [Y] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel,

- Condamne la SCP [R], ès qualités de mandataire judiciaire et la SARL RE.MEC aux dépens de l'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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