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Décisions

CA Colmar, ch. 4 a, 7 octobre 2025, n° 22/03698

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 22/03698

7 octobre 2025

MINUTE N° 25/741

Copie exécutoire

aux avocats

le 07 octobre 2025

La greffière

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/03698

N° Portalis DBVW-V-B7G-H5YY

Décision déférée à la Cour : 06 Septembre 2022 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Colmar

APPELANT :

Monsieur [S] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Benoît NICOLAS, avocat au barreau de Colmar

INTIMÉES :

S.A.R.L. ENSISHEIM AMBULANCES,

prise en la personne de son représentant légal,

N° SIRET : 531 690 279

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Steeve ROHMER, avocat au barreau de Mulhouse

S.A.R.L. AMBULANCES DE [Localité 6],

prise en la personne de son représentant légal,

N° SIRET : 510 728 736

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Luc ROSSELOT, avocat au barreau de Mulhouse

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Emmanuel ROBIN, Président de chambre (chargé du rapport)

M. Edgard PALLIERES, Conseiller

M. Gurvan LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Lucille WOLFF

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées, - signé par M. Emmanuel ROBIN, Président de chambre et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCÉDURE

La société Ambulances de [Localité 6] a embauché M. [S] [B] en qualité d'auxiliaire ambulancier à compter du 24 mars 2015 ; le 1er avril 2019, le fonds de commerce a été cédé à la société KLM services, ensuite devenue la société Ensisheim ambulances, à laquelle le contrat de travail a été transféré.

Le 16 juillet 2020, M. [S] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Colmar en invoquant des manquements de l'employeur tenant notamment au défaut de paiement des salaire et en sollicitant la résiliation de son contrat de travail ; le 7 janvier 2021, il a déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail et a demandé au conseil de prud'hommes que cette rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Ensisheim ambulances a appelé dans la cause la société Ambulances de [Localité 6].

Par jugement du 6 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Colmar a jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail s'analysait en une démission, a condamné, d'une part la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [B] la somme de 213,41 euros au titre de la majoration liée à l'ancienneté et, d'autre part, la société Ambulances de Rouffach à lui payer la somme de 1 812,89 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juillet 2018 au 31 mars 2019, celle de 95,55 euros au titre de la prime d'ancienneté et celle de 20,37 euros au titre de l'indemnité pour dimanches et jours fériés, mais a débouté le salarié du surplus de ses demandes, et l'a condamné à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution du préavis et rupture abusive.

Le 3 octobre 2022, M. [S] [B] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 20 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré la société Ensisheim ambulances irrecevable à conclure et à produire des pièces.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 février 2024, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 27 juin 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré jusqu'à ce jour.

*

* *

Par conclusions déposées le 22 juin 2023, M. [S] [B] demande à la cour de réformer le jugement ci-dessus, de constater que la démission intervenue le 7 janvier 2021 est une prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Ensisheim ambulances à lui payer la somme de 3 185,06 euros au titre du préavis, celle de 318,51 euros au titre des congés payés afférents, celle de 1 990,66 euros au titre de l'indemnité de licenciement, celle de 9 555,18 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 1 668,89 euros au titre des heures supplémentaires, celle de 166,88 euros au titre des congés payés afférents, celle de 600 euros pour non-respect de la durée hebdomadaire de travail, celle de 477,19 euros au titre du maintien du salaire durant des arrêts-maladie, celle de 500 euros au titre d'une erreur sur son ancienneté, celle de 16,52 euros au titre des indemnités de repas, celle de 341,25 euros au titre du temps d'habillage et de déshabillage et celle de 10 000 euros au titre du harcèlement moral ; il sollicite également la condamnation in solidum de la société Ensisheim ambulances et de la société Ambulances de [Localité 6] à lui payer la somme de 4 612,94 euros au titre des heures supplémentaires, celle de 461,29 euros au titre des congés payés afférents, celle de 2 400 euros pour non-respect de la durée hebdomadaire de travail, celle de 886,93 euros au titre de l'indemnité pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, celle de 213,50 euros au titre des temps d'habillage et de déshabillage, celle de 105 euros au titre des jours fériés travaillés, celle de 64,50 euros au titre d'indemnités de repas, celle de 9 555,18 euros au titre du travail dissimulé, celle de 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du refus de fournir des feuilles de route, celle de 1 000 euros pour retards de paiement des salaires, celle de 1 000 euros pour la délivrance tardive des bulletins de paie et celle de 500 euros au titre de l'absence d'entretien des tenues professionnelles par l'employeur ; enfin il réclame une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour solliciter le paiement d'heures supplémentaires et une indemnisation au titre des dépassements de la durée de travail hebdomadaire maximale et du contingent annuel d'heures supplémentaires, M. [S] [B] se réfère à des décomptes hebdomadaires du temps durant lequel il devait rester à la disposition de son employeur et à des feuilles de route établies par ses soins. Il relève que la date d'entrée dans l'entreprise mentionnée sur les bulletins de paie était erronée et affirme n'avoir pas bénéficié des majorations auxquelles il pouvait prétendre en raison de l'ancienneté. Il reproche à son employeur d'avoir supprimé l'utilisation des feuilles de route obligatoires, d'avoir payé le salaire après le 15 du mois suivant et d'avoir omis de remettre des bulletins de paie de manière répétée. Il demande le paiement d'une indemnité pour un travail effectué les 14 juillet et 1er novembre 2018 et d'indemnités de repas. Il soutient que les temps d'habillage et de déshabillage devaient donner lieu à une indemnité et reproche à l'employeur un défaut d'entretien des tenues professionnelles. Il invoque également le maintien de son salaire durant des périodes d'arrêt de travail pour maladie.

En ce qui concerne le harcèlement moral, M. [S] [B] invoque une grande pression et des man'uvres d'intimidation. Les conditions de travail seraient devenues intenables, ce qui aurait entraîné le départ du salarié.

Pour solliciter une condamnation in solidum de la société Ensisheim ambulances et de la société Ambulances de [Localité 6] pour la période antérieure au 1er avril 2019, M. [S] [B] invoque une reprise de la société à compter de cette date.

Par conclusions déposées le 23 mars 2023, la société Ambulances de [Localité 6] demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes de dommages intérêts au titre de l'absence de remise des feuilles de route, des retards de paiement des salaires, de la délivrance tardive des bulletins de paie et de l'absence d'entretien des tenues professionnelles ; elle sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de M. [S] [B] à lui payer une indemnité de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Ambulances de [Localité 6] fait valoir que les demandes nouvelles de M. [S] [B] sont irrecevables en cause d'appel et qu'au surplus elles sont mal fondées. Par ailleurs, elle approuve le conseil de prud'hommes d'avoir pris en compte le temps de travail effectif pour examiner les demandes en paiement de rappels de salaire ; elle conteste avoir eu l'intention de commettre le délit de travail dissimulé et conteste devoir une indemnité au titre de temps d'habillage et de déshabillage.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes nouvelles

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; cependant, conformément à l'article 566 du même code, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, les demandes de M. [S] [B] en paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison du refus de fournir des feuilles de route, en paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'absence d'entretien des tenues professionnelles par ses employeurs, et en paiement de deux sommes de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison, d'une part, de retards dans le paiement des salaires et, d'autre part, de retards dans la remise des bulletins de paie, sont nouvelles en appel pour ce qui concerne la société Ambulances de [Localité 6] ; en effet, en première instance, de telles demandes avaient été présentées uniquement contre la société Ensisheim ambulances.

Néanmoins, ces demandes, qui tendent à compenser, respectivement, la difficulté à établir la réalité du temps de travail, une charge que le salarié aurait supportée de manière injustifiée pour les besoins de son activité professionnelle, et les conséquences de retard dans le paiement des salaires et la remise des documents explicitant les montants versés, sont des accessoires de celles formées contre la société Ambulances de [Localité 6] en première instance, qui tendaient notamment au paiement de rappels de rémunérations, dont une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage, et à faire sanctionner des dépassements de la durée hebdomadaire de travail et du contingent d'heures supplémentaires.

Ces demandes sont donc recevables même si elles ont été présentées pour la première fois en appel.

Sur la condamnation in solidum des employeurs

Pour solliciter une condamnation in solidum de la société Ambulances de [Localité 6] et de la société Ensisheim ambulances à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail au cours de la période du 1er juin 2018 au 5 juillet 2020, M. [S] [B] affirme qu'il est constant que la première société a été « reprise » par la seconde à compter du 1er avril 2019, sans invoquer aucun moyen de droit ou de fait. Selon les explications de la société Ambulances de [Localité 6], celle-ci aurait cédé son fonds de commerce à la société KLM services à compter du 1er avril 2019.

Dès lors, le transfert du contrat de travail intervenu en application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étant pas contesté, conformément à l'article L. 1224-2 du même code, le nouvel employeur est tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur.

La société Ensisheim ambulances sera donc condamnée in solidum avec la société Ambulances de [Localité 6] au paiement des sommes dues par celle-ci ; en revanche, la société Ambulances de [Localité 6] ne peut être tenue au paiement de sommes au titre de l'exécution du contrat de travail après le 1er avril 2019.

Sur le temps de travail

Les heures supplémentaires

Selon les deux premiers alinéas de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et, au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, pour solliciter le paiement d'heures supplémentaires, M. [S] [B] produit, d'une part, des tableaux détaillant les heures supplémentaires dont il revendique le paiement pour les années 2017 à 2020, d'autre part, des feuilles de route couvrant les périodes du 30 juillet 2018 au 2 février 2020, du 7 mars au 3 mai 2020 et du 1er au 21 juin 2020, ainsi que les mois de juillet et août 2020, les tableaux récapitulatifs mensuels établis par la société Ambulances de [Localité 6] du mois de juillet 2017 au mois de mars 2019, et, enfin, les tableaux récapitulatifs établis pour les mois de juillet à décembre 2019.

Cependant, l'examen de ces documents démontre que le nombre d'heures supplémentaires revendiqué par les tableaux établis par M. [S] [B] ne correspond pas aux temps de travail révélés par les feuilles de route. En effet, les tableaux sur lesquels M. [S] [B] fonde ses demandes mentionnent, au titre du temps de travail hebdomadaire pour lequel il revendique une rémunération, des durées supérieures au temps de travail effectif après déduction des pauses tel qu'il résulte des feuilles de route remplies par ses soins.

Dès lors, le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que les demandes de M. [S] [B] reposaient sur l'amplitude horaire et incluaient à tort les temps de pause, lesquels ne sont pas rémunérés.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a limité la condamnation de la société Ambulances de [Localité 6] aux sommes que celle-ci reconnaît devoir, à savoir 1 648,08 euros au titre de la rémunération des heures supplémentaires et 164,81 euros au titre des congés payés afférents, et en ce qu'il a débouté M. [S] [B] de sa demande en paiement d'autres heures supplémentaires. La société Ensisheim ambulances sera condamnée in solidum avec la société Ambulances de [Localité 6] au paiement des montants ci-dessus.

Le dépassement de la durée hebdomadaire maximale

Les tableaux récapitulatifs mensuels établis par la société Ambulances de [Localité 6] au cours de la période de juillet 2017 à mars 2019 démontrent que le temps de travail effectif de M. [S] [B] a atteint, 51 heures 09 au cours de la semaine 17 de l'année 2018, 49,93 heures au cours de la semaine 43 de l'année 2018, et 48,13 heures au cours de la semaine 7 de l'année 2019.

En revanche, aucun autre dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail n'est caractérisé.

En conséquence, le préjudice subi par M. [S] [B] sera réparé par une somme de 300 euros, que la société Ambulances de [Localité 6] et la société Ensisheim ambulances seront condamnées in solidum à lui payer.

Le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires

Il résulte des bulletins de paie établis par la société Ambulances de [Localité 6] qu'au cours de l'année 2018 M. [S] [B] a effectué 160,60 heures supplémentaires. Aucun élément ne démontre qu'un accord d'entreprise limitait, pour cette année, à 130 heures le contingent d'heures supplémentaires.

Pour ce qui concerne l'année 2019, M. [S] [B] est mal fondé à revendiquer l'exécution de 273,87 heures supplémentaires, alors que ce nombre s'élevait à 171,58 et n'excédait donc pas le contingent annuel.

M. [S] [B] a donc été débouté à juste titre de sa demande au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires.

Le délit de travail dissimulé

M. [S] [B] ne rapporte aucune preuve démontrant que la société Ensisheim ambulances a mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli et qu'elle, ou la société Ambulances de [Localité 6], ont eu l'intention de commettre à son égard le délit de travail dissimulé ; il est ainsi mal fondé à solliciter le paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail.

Sur l'ancienneté du salarié

Il n'est pas contesté que l'ancienneté de M. [S] [B] auprès de la société Ambulances de [Localité 6] remonte au 24 septembre 2015 ; cette information était exactement mentionnée sur les bulletins de paie délivrés par cet employeur.

Cependant, suite au transfert du contrat de travail la société Ensisheim ambulances a mentionné par erreur une ancienneté remontant au 24 septembre 2015, qui était la date d'entrée dans l'entreprise mentionnée antérieurement sur les bulletins de paie délivrés par la société Ambulances de [Localité 6].

Pour solliciter une indemnisation à ce titre, M. [S] [B] fait valoir que cette erreur a notamment pour effet de réduire le montant de l'indemnité de licenciement ; toutefois, cette indemnité est calculée sur l'ancienneté réelle et une mention erronée sur les bulletins de paie n'entraîne, par elle-même, aucune réduction du droit du salarié.

Ainsi, M. [S] [B] ne caractérise aucun préjudice que lui causerait la mention erronée figurant sur ses bulletins de paie. Il a donc été débouté à bon droit de sa demande à ce titre.

Sur le paiement d'indemnités de jours fériés travaillés

M. [S] [B] soutient avoir travaillé les 14 juillet et 1er novembre 2018, qui constituent des jours fériés au sens de l'article 7 bis de l'accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, et réclame à ce titre le paiement de l'indemnité prévue par l'article 7 ter, calculée conformément aux dispositions relatives au paiement du 1er mai travaillé. Il affirme avoir travaillé un total de dix heures et sollicite une somme de 105 euros.

Il résulte de la feuille de route du 9 au 15 juillet 2018, produite par la société Ambulances de [Localité 6], que M. [S] [B] a travaillé de 19 à 24 heures le 14 de ce mois, et de la feuille de route de la semaine du 29 octobre au 4 novembre 2018, qu'il a travaillé de 2 à 7 heures puis de 19 à 22 heures 30 le 1er novembre.

La société Ambulances de [Localité 6] ne développe aucun moyen de fait ni de droit pour s'opposer au paiement de l'indemnité due pour jours fériés travaillés.

Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande de M. [S] [B] à concurrence de la somme réclamée, soit 105 euros.

Sur le paiement d'indemnités de repas

M. [S] [B] sollicite le paiement d'indemnités de repas complémentaires pour les mois de juillet 2017 (trois indemnités), février 2018 (une indemnité), avril 2018 (deux indemnités), octobre 2018 (une indemnité), décembre 2018 (une indemnité) et novembre 2019 (deux indemnités).

Les feuilles de route hebdomadaires versées aux débats viennent étayer sa demande et la société Ambulances de [Localité 6] ne développe aucun moyen de fait ni de droit pour la contester.

Cependant, la société Ambulances de [Localité 6] ne peut être condamnée au titre des deux indemnités de repas due pour le mois de novembre 2019, alors qu'elle n'était plus l'employeur de M. [S] [B].

Dès lors, la société Ambulances de [Localité 6] et la société Ensisheim ambulances seront condamnées in solidum au paiement de la somme de 64,50 euros correspondant à huit indemnités de repas due pour la période antérieur au 1er avril 2019 et la société Ensisheim ambulances sera seule condamnée au paiement de la somme de 16,52 euros réclamée au titre des deux indemnités du mois de novembre 2019.

Sur la contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage

Selon l'article L. 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties.

En l'espèce, le port d'une tenue d'ambulancier était imposé à M. [S] [B] par l'arrêté du 12 décembre 2017 fixant les caractéristiques et les installations matérielles exigées pour les véhicules affectés aux transports sanitaires terrestres ; le salarié fait également valoir à juste titre que ces dispositions réglementaires prohibent le port de cette tenue en dehors de l'activité professionnelle, ce dont il se déduit que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise.

Dès lors, M. [S] [B] est fondé à réclamer le paiement de la contrepartie pécuniaire aux temps d'habillage et de déshabillage.

En conséquence, la société Ambulances de [Localité 6] et la société Ensisheim ambulances seront condamnées in solidum à lui payer la somme de 213,50 euros correspondant à la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage due pour la période antérieure au 1er avril 2019 et la société Ensisheim ambulances sera condamnée au paiement de la somme de 341,25 euros due pour la période postérieure.

Sur le maintien du salaire

Conformément à l'article L. 1226-23 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire, et, pendant la suspension du contrat, les indemnités versées par un régime d'assurances sociales obligatoire sont déduites du montant de la rémunération due par l'employeur.

En outre, conformément au 2 de l'article 10 ter de l'accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, en cas d'absence pour maladie, le salarié titulaire d'une ancienneté de cinq années doit bénéficier de 100% de sa rémunération du 6e au 70e jour d'arrêt de travail et de 75% de sa rémunération jusqu'au 130e jour. En cas de périodes successives d'incapacité de travail, la durée totale d'indemnisation au cours d'une période quelconque de douze mois consécutifs ne peut excéder les durées ci-dessus.

En l'espèce, M. [S] [B], qui avait acquis cinq ans d'ancienneté le 24 mars 2020, a été absent pour maladie du 25 mars au 4 avril 2020, du 22 juin au 5 juillet 2020, puis du 27 août au 31 octobre 2020, soit durant 91 jours ; en application des règles rappelées ci-dessus il est fondé à solliciter le maintien de sa rémunération.

M. [S] [B] démontre que les salaires dont il a été privé, soit 2 660,44 euros, ont été seulement partiellement compensés, à hauteur de 2 129,25 euros.

Il est donc fondé à solliciter, à tout le moins, un complément de 447,19 euros, et la société Ensisheim ambulances sera, en conséquence, condamnée au paiement de cette somme.

Sur l'entretien des tenues professionnelles

Conformément au 1° de l'article 22 bis de l'annexe 1 à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, et au dernier alinéa de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire, étendu par arrêté du 19 juillet 2018, il appartient à l'employeur d'assurer l'entretien de la tenue professionnelle des personnels ambulanciers.

La simple mise à disposition d'un lave-linge, que les salariés doivent faire fonctionner en dehors de leurs heures de travail, ne satisfait pas à l'obligation incombant à l'employeur.

M. [S] [B] est dès lors fondé à reprocher à la société Ambulances de [Localité 6] comme à la société Ensisheim ambulances de ne pas avoir satisfait à leur obligation d'entretenir les tenues professionnelles.

Le préjudice subi par M. [S] [B], qui s'est trouvé contraint d'effectuer lui-même cet entretien durant deux ans, sera réparé par la somme de 500 euros qu'il réclame. Toutefois la société Ambulances de [Localité 6], qui n'était plus l'employeur de M. [S] [B] à compter du 1er avril 2019, ne peut être tenue au paiement au-delà de la moitié du préjudice subi.

Sur les retards de paiement du salaire et de remise des bulletins de paie

M. [S] [B] reproche à ses employeurs de ne pas lui avoir versé son salaire mensuel au plus tard le 15 du mois suivant et d'avoir tardé à lui remettre ses bulletins de paie.

Il ne se réfère cependant à aucune pièce démontrant les retards allégués et n'apporte aucune précision de fait concernant ces retards.

La réalité des manquements reprochés n'est donc pas établie.

M. [S] [B] a donc été débouté à juste titre de ses demandes, dirigées contre la société Ensisheim ambulances, de dommages et intérêts au titre de retards dans le paiement du salaire et dans la remise de bulletins de paie, et il sera également débouté de ces demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la société Ambulances de [Localité 6].

Sur le refus de fournir des feuilles de route

M. [S] [B] ne produit aucun élément de preuve démontrant un refus de la société Ambulances de [Localité 6] ou de la société Ensisheim ambulances de lui fournir des feuilles de route.

Il a donc été débouté à juste titre de sa demande de dommages et intérêts de ce chef contre la société Ensisheim ambulances et en sera également débouté en ce qu'elle est dirigée contre la société Ambulances de [Localité 6].

Sur le harcèlement moral

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément à l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des dispositions ci-dessus, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, pour soutenir qu'il a été victime d'un harcèlement moral, M. [S] [B] invoque « des manquements en lien avec la réglementation en vigueur imputables à l'employeur », sans toutefois se référer à des faits précis ni même indiquer lequel des deux employeurs successifs est ainsi visé, et affirme avoir subi « une forte pression au quotidien » ainsi que des « man'uvres d'intimidation » ; il ne produit aucune preuve de faits précis et circonstanciés qu'il aurait personnellement subis.

Il ne démontre donc pas l'existence d'un comportement de l'employeur pouvant laisser supposer qu'il a subi des faits de harcèlement moral.

Sur la rupture du contrat de travail

Par lettre datée du 7 janvier 2021, M. [S] [B] a expressément déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail en se référant à la procédure en cours devant le conseil de prud'hommes, en reprochant à la société Ensisheim ambulances de persister dans son refus de respecter la réglementation du travail, en invoquant un arrêt de travail pour maladie à compter du 27 août 2020 qu'il imputait à une « situation intenable », des journées de travail sans pouvoir effectuer de pauses, l'absence de délivrance de feuilles de route réglementaires, l'absence de plannings.

Cependant, les griefs ainsi formulés dans la lettre ne sont pas étayés par des éléments probants ; notamment, l'impossibilité d'effectuer des pauses durant les journées de travail n'est pas développée dans les conclusions et aucun élément médical ne permet de relier l'arrêt de travail du 27 août 2020 à un comportement fautif de la société Ensisheim ambulances.

Les manquements de la société Ensisheim ambulances à ses obligations caractérisés dans le cadre du présent procès n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier une prise d'acte de rupture.

En conséquence, le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que la lettre du salarié devait produire les effets d'une démission.

En revanche, le conseil de prud'hommes a considéré à tort que la décision de M. [S] [B] de rompre le contrat de travail présentait un caractère abusif ; compte tenu de la durée du préavis en cas de démission, fixé à quinze jours par les articles L. 1234-15 et suivants du code du travail, il ne pouvait être alloué à la société Ensisheim ambulances une somme supérieure à 735 euros.

En conséquence, M. [S] [B] est fondé à demander que l'indemnité allouée à la société Ensisheim ambulances soit réduite à ce montant.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La société Ambulances de [Localité 6] et la société Ensisheim ambulances, qui succombent partiellement, seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les circonstances de l'espèce justifient de condamner in solidum la société Ambulances de [Localité 6] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [B] une indemnité de 1 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés à l'occasion du présent procès ; la société Ambulances de [Localité 6] sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE recevables les demandes nouvelles de M. [S] [B] contre la société Ambulances de [Localité 6] ;

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions frappées d'appel sauf en ce qu'il a :

1) débouté M. [S] [B] de sa demande de condamnation de la société Ensisheim ambulances in solidum avec la société Ambulances de [Localité 6],

2) condamné la société Ambulances de [Localité 6] à payer à M. [S] [B] la somme de 20,37 euros au titre de l'indemnité dimanche et jours fériés,

3) débouté M. [S] [B] de sa demande au titre du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail,

4) débouté M. [S] [B] de sa demande au titre du maintien du salaire,

5) débouté M. [S] [B] de sa demande en paiement d'indemnités de repas,

6) débouté M. [S] [B] de sa demande en paiement d'une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage,

7) débouté M. [S] [B] de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la carence de l'employeur dans l'entretien des tenues professionnelles,

8) condamné M. [S] [B] à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution du préavis et rupture abusive,

9) dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens ;

INFIRME le jugement déféré de ces chefs ;

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement déféré,

CONDAMNE la société Ensisheim ambulances, in solidum avec la société Ambulances de [Localité 6], à payer à M. [S] [B] la somme de 1 812,89 euros (mille huit cent douze euros et quatre vingt neuf centimes) au titre des heures supplémentaires et congés payés pour la période du 1er juillet 2018 au 31 mars 2019 ;

CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 6] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [B] la somme de 300 euros (trois cents euros) au titre des dépassements de la durée maximale hebdomadaire de travail ;

CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 6] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [B] la somme de 105 euros (cent cinq euros) au titre des jours fériés travaillés ;

CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 6] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [B] la somme de 64,50 euros (soixante quatre euros et cinquante centimes) au titre des indemnités de repas ;

CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [B] la somme de 16,52 euros (seize euros et cinquante deux centimes) au titre des indemnités de repas ;

CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [B] la somme de 447,17 euros (quatre cent quarante sept euros et dix sept centimes) au titre du maintien du salaire ;

CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 6] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [B] la somme de 213,50 euros (deux cent treize euros et cinquante centimes) au titre de la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage ;

CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [B] la somme de 341,25 euros (trois cent quarante et un euros et vingt cinq centimes) au titre de la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage ;

CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [B] la somme de 500 euros (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la carence de l'employeur dans l'entretien des tenues professionnelles ;

CONDAMNE la société Ambulances de [Localité 6], in solidum avec la société Ensisheim ambulances, à payer les dommages et intérêts alloués ci-dessus, dans la limite de 250 euros (deux cent cinquante euros) ;

DÉBOUTE M. [S] [B] de ses demandes contre la société Ambulances de [Localité 6] au titre du refus de fournir des feuilles de route, des retards de paiement des salaires et de remise tardive des bulletins de paie ;

CONDAMNE M. [S] [B] à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 735 euros (sept cent trente cinq euros) à titre d'indemnité de préavis et déboute cette société du surplus de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 6] et la société Ensisheim ambulances aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 6] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [B] la somme de 1 000 euros (mille euros) à titre d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Ambulances de [Localité 6] de sa demande d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, Le Président,

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