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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. soc., 24 septembre 2025, n° 22/04932

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 22/04932

24 septembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

F N° RG 22/04932 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PR4O

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 SEPTEMBRE 2022

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN - N° RG F 19/00370

APPELANT :

Monsieur [O] [M]

né le 23 Mars 1964 à [Localité 8] (94)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté sur l'audience par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté sur l'audience par Me Jacques MALAVIALLE de la SCP NICOLAU-MALAVIALLE-GADEL-CAPSIE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A.S.U. CARY

Agissant poursuite et dilienges de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège social, sis

Centre Commercial Espace Sud

[Adresse 7]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Baptiste LLATI de la SCP PARRAT-LLATI, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué sur l'audience par Me Jessica MOREAU, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 05 Mai 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Magali VENET, Conseillère

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [O] [M] a été engagé par la société 'Les Délices du jour', en qualité de chef pâtissier, à compter du 3 juin 2014, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective des activités industrielles de boulangerie et de pâtisserie du 13 juillet 1984.

A compter du 15 mai 2015, le salarié a été placé continûment en arrêt de travail.

Le 24 novembre 2015, la société 'Les Délices du jour' a conclu un contrat de location-gérance de son fonds de commerce avec la S.A.R.L. Patiss'66.

Saisie par M. [M], la formation des référés du conseil de prud'hommes de Perpignan a, par ordonnance du 4 octobre 2017, condamné la société Patiss'66 au paiement de la somme de 21 434,64 euros au titre des indemnités journalières pour la période du 24 novembre 2015 au 31 août 2017.

À l'issue de visites en date des 3 et 17 mai 2016, le médecin du travail a déclaré M. [M] inapte temporaire, à revoir, arrêt de travail à poursuivre.

Le 15 mai 2016, le salarié a été placé en invalidité.

Par acte notarié signé le 15 juin 2017, les sociétés 'Les Délices du jour' et 'Patiss'66" ont résilié le contrat de location qui les unissait, avec effet au 22 juin 2017.

Par acte notarié des 16 et 22 juin 2017, la SAS Cary s'est portée acquéreur du fonds de commerce détenu par la société Les Délices du jour.

Le 27 septembre 2017, la S.A.R.L. Patiss'66 a été placée en redressement judiciaire.

Reprochant à la SAS Cary de refuser de le considérer comme salarié de l'entreprise depuis l'acquisition du fonds de commerce le 16 juin 2017, et par requête datée du 14 mars 2019, reçue au greffe du conseil de prud'hommes de Perpignan le 19 juillet 2019, M. [M] a saisi cette juridiction pour obliger la société à souscrire un contrat santé et obtenir paiement de la quote-part AG2R et prévoyance pour un montant de 9 172,86 euros et le remboursement des mensualités payées à l' AG2R que l'employeur devra prendre en charge de 366 euros.

Au dernier état de ses demandes il sollicitait du conseil de :

Juger qu'il est salarié de la société Cary qui a racheté le fonds de commerce de la société Les délices du jour le 16 juin 2017 avant la résiliation du contrat de location gérance avec la société Patiss'66 à effet du 22 juin 2017,

Vu d'article L 1120-1-4 de la Convention Collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie du 13 juillet 1984,

- Condamner la société Cary à l'affilier sur le contrat AG2R Santé n° OLX2384M dès le prononcé du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, suite à la résiliation du contrat de location gérance à effet du 22/06/2017,

- Condamner la société Cary à lui payer les sommes suivantes :

' 59 885,20 euros au titre de l'arriéré de la garantie invalidité en principal avec intérêts au taux légal, outre les congés payés pour 5 988,52 euros et 1 766,40 euros,

' Vu l'article 1940 du Code civil, 10 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive,

' 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage du 8 septembre 2022, le conseil a statué comme suit :

Dit que M. [M] est salarié de la SAS Cary,

Condamne la SAS Cary à affilier M. [M] au contrat de santé n°0LX2384M souscrit auprès de la société AG2R sous astreinte de 50 euros par jour de retard au-delà d'un délai de 4 mois passé la notification du présent jugement et pour une période de six mois,

Condamne la SAS Cary à payer à M. [M] les sommes suivantes :

21 159,50 euros au titre de la garantie invalidité non perçue, avec intérêts au taux légal à compter du mois de mai 2018,

200 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Ordonne l'exécution provisoire du jugement,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 27 septembre 2022, M. [M] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 5 mai 2025, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 28 mai 2025.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 29 juillet 2024, M. [M] demande à la cour de :

Réformer le jugement, sauf sur la reconnaissance d'un contrat de travail et son affiliation auprès de la mutuelle AG2R sous astreinte, et statuant à nouveau, condamner la société à lui verser les sommes suivantes:

35 271,60 euros au titre de la garantie invalidité non perçue, pour la période d'août 2017 à mai 2020 et décembre 2022, avec intérêt au taux légal à compter de mai 2017,

3 203,87 euros correspondant à la part de l'employeur dans le coût de la mutuelle AG2R,

3 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Débouter la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelant plaide que le conseil a fait une juste application du droit en retenant que son contrat avait été transféré au profit de la société intimée qui devait l'affilier à l' AG2R, mais critique le montant de dommages-intérêts alloué par les premiers juges lequel repose sur un montant de salaire de référence sous-évalué, ce dernier ayant été fixé par l' AG2R à 3 829,69 euros et non au montant retenu par le conseil de 2 273,31 euros.

Au soutien de ses demandes, il indique justifier qu'il n'a bénéficié du contrat santé souscrit aurpès d'AG2R que jusqu'au 1er décembre 2017, date à laquelle le contrat a été 'fermé' pour cessation d'activité, de sorte qu'il s'estime fondé à solliciter le remboursement de la part de l'employeur à son adhésion à la mutuelle qu'il a avancé depuis cette date. Par ailleurs, il conteste le prétendu défaut d'intérêt à agir que lui oppose l'appelante en plaidant justifier que la prévoyance ne lui a attribué le complément de pension d'invalidité qu'à compter du 20 juin 2022 au motif qu'elle 'ne pouvait pas remonter au-delà d'un délai de 2 années'.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 14 juin 2024, la société Cary demande à la cour de :

A titre principal,

Infirmer le jugement, vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,

Constater que M. [M] fait l'aveu de ce qu'il a perçu de l'AG2R les sommes dont il demande condamnation à l'encontre de la société, et qu'il est dépourvu d'intérêt à agir,

Le déclarer irrecevable ou à tout le moins le débouter de l'ensemble de ses prétentions,

A titre subsidiaire,

Constater l'absence de contrat de travail liant les parties et débouter M. [M] de l'ensemble de ses prétentions,

Très subsidiairement, confirmer la décision dont appel,

En toute hypothèse, condamner M. [M] au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société intimée objecte qu'il ressort des propres pièces communiquées par l'appelant qu'il a bien continué à percevoir jusqu'à ce jour des compléments servis par l' AG2R La Mondiale à titre de complément d'invalidité, en soulignant que ce maintien des droits est totalement logique, peu important le changement d'employeur ou l'éventuelle cessation de son affiliation, dans la mesure où ses droits sont nés du fait de sa mise en invalidité, à une date où il était couvert par le risque en sa qualité de bénéficiaire des garanties souscrites par son employeur d'alors.

À titre subsidiaire, il invoque l'absence de lien contractuel en faisant valoir que suite à la résiliation du contrat de location-gérance, M. [M] a réintégré l'effectif de la société 'Les Délices Du Jour', laquelle a déclaré dans l'acte de cession du fonds à son profit 'n'employer aucun salarié dans le fonds vendu' et que M. [M] pouvait être affecté dans un établissement distinct que la société cédante a conservé.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

En cours de délibéré, la cour a invité le parties à présenter leurs observations sur les points suivants :

1- A qui incombe le soin/la charge de solliciter du régime de prévoyance le bénéfice de la « garantie invalidité »,

2- A quelle date Monsieur [M] a-t'il sollicité le bénéfice de cette garantie auprès d' AG2R '

3- Subséquemment, présenter ses observations sur l'existence d'un lien de causalité entre le refus opposé par la société CARY au transfert du contrat de travail, et le préjudice invoqué par M. [M] lié au versement allégué de tardif par AG2R du complément invalidité, qui semble, par ailleurs, être soumis à condition de ressources.

Le conseil de la société Cary a répondu par note du 15 septembre 2025. Le conseil du salarié a fait parvenir à la cour une note le 19 septembre suivant.

MOTIVATION :

Sur le transfert du contrat de travail :

En l'absence de moyen nouveau et de pièce nouvelle, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges, relevant le caractère concomitant de la résiliation du contrat de location-gérance entre la société 'Les Délices du jour' et la société 'Patiss'66", d'une part, et la cession du fonds de commerce par la société 'Les Délices du jour' au profit de la société Cary, d'autre part, ont retenu, peu important l'affirmation de la société cédante selon laquelle aucun contrat de travail n'était transféré, que le contrat de travail de M. [M], qui avait été réintégré dans l'effectif de la société cédante suite à la résiliation du contrat de location gérance, avait été transféré au profit de la société cessionnaire et ont dit que par application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail, le contrat de travail de l'appelant avait bien été transféré au 22 juin 2017 au profit de la société Cary à l'occasion de la cession concomitante du fonds de commerce, la société intimée ne justifiant nullement que la société cédante aurait conservé un établissement auquel M. [M] aurait été affecté.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé de ce chef.

Sur l'affiliation de M. [M] à la mutuelle et le remboursement de la part de la mutuelle :

M. [M] étant salarié de la société Cary depuis la cession du fonds de commerce, il rapporte la preuve de l'obligation conventionnelle de l'employeur de lui faire bénéficier du contrat de santé souscrit pour le compte de ses salariés auprès de l' AG2R. Le contrat sera confirmé en ce qu'il a accueilli sa réclamation de ce chef.

Le salarié sollicite le paiement d'une somme de 3 203,87 euros au titre de la quote-part de l'employeur aux cotisations de la mutuelle qu'il affirme avoir avancées. L'employeur ne présente pas d'observation sur ce point.

Dans la mesure où M. [M] justifie de son adhésion volontaire à la mutuelle de santé proposée par AG2R La Mondiale aux anciens salariés d'une entreprise rattachée à la convention collective de la boulangerie (pièce n°58), à laquelle la société Cary aurait dû contribuer si elle l'avait intégré à son effectif à l'occasion du transfert légal de son contrat de travail, la demande en paiement de ce chef, bien fondée, sera accueillie conformément au calcul détaillé figurant dans ses conclusions.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la perte d'indemnités complémentaires invalidité :

Sur l'intérêt à agir de M. [M] :

La société intimée invoque l'absence d'intérêt à agir de M. [M] en ce qu'il aurait déjà été réglé des indemnités sollicitées, ce que réfute le salarié qui précise limiter sa réclamation aux périodes au cours desquelles il n'a pas perçu d' indemnités journalières.

Faute pour la société intimée d'établir que le salarié aurait été indemnisé sur la période litigieuse au titre du complément d'invalidité - abstraction faite à ce stade du caractère fondé ou non de sa réclamation - la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir n'est pas fondée et sera donc rejetée.

Au fond :

La convention collective applicable dispose que :

120.1.3. Garantie incapacité de travail

En cas d'incapacité temporaire de travail du salarié pour cause de maladie, accident du travail, accident de trajet, maladie professionnelle, se poursuivant au-delà de la période de maintien de salaire assuré par l'employeur et donnant lieu à indemnisation de la sécurité sociale, le salarié perçoit des indemnités journalières complémentaires à hauteur de 75 % du salaire de référence jusqu'au 1 095e jour d'arrêt de travail, au plus tard.

Pour les salariés dont l'ancienneté est inférieure à un an, l'indemnisation intervient à compter du 91e jour d'arrêt de travail continu.

[...]

Les indemnités journalières complémentaires sont versées sous déduction des indemnités journalières brutes de la sécurité sociale.

En cas d'épuisement des droits au maintien de salaire tels que définis dans la présente convention collective, l'indemnisation intervient après la période de franchise de la sécurité sociale.

En tout état de cause, le cumul des sommes reçues au titre de la sécurité sociale, du régime de prévoyance ainsi que de tout autre revenu, ne pourra conduire l'intéressé à percevoir une rémunération nette supérieure à celle qu'il aurait perçue s'il avait poursuivi son activité professionnelle.

[...]

Le service des indemnités journalières complémentaires cesse :

- à la date de cessation de versement des indemnités journalières de la sécurité sociale,

- en cas d'examen médical entraînant la suspension des indemnités journalières complémentaires,

- lors de la reprise du travail du salarié,

- au décès du salarié,

- lors de la mise en invalidité par la sécurité sociale.

120.1.4. Garantie invalidité

En cas d'invalidité réputée permanente consécutive à une maladie ou à un accident, ou en cas d'incapacité permanente consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, survenant pendant la période d'affiliation du salarié au présent régime, le salarié perçoit les prestations suivantes :

[...]

- Invalidité de 2e ou 3e catégorie ou taux d'incapacité permanente professionnelle supérieur à 66 % : 75 % du salaire de référence sous déduction de la rente brute versée par la sécurité sociale.

Est considéré comme invalide le salarié reconnu invalide par la sécurité sociale conformément aux dispositions légales en vigueur.

Ainsi, la garantie invalidité du salarié est classée :

' en 1re catégorie, quand son état de santé lui permet de continuer à travailler ;

' en 2e catégorie, quand son état de santé ne lui permet pas de continuer à travailler ;

' en 3e catégorie, quand son état de santé ne lui permet pas de continuer à travailler et que l'assuré est dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.

Lorsque le salarié, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, perçoit à ce titre de la sécurité sociale une pension calculée en fonction d'un taux d'incapacité, la prestation est calculée par référence à la garantie d'invalidité.

En tout état de cause, le cumul des sommes reçues au titre de la sécurité sociale, du régime de prévoyance ainsi que de tout autre revenu, ne pourra conduire l'intéressé à percevoir une rémunération nette supérieure à celle qu'il aurait perçue s'il avait poursuivi son activité professionnelle.

Lorsque la sécurité sociale réduit ses prestations, les prestations complémentaires versées sont diminuées à due concurrence.

Le service de la rente est maintenu sous réserve du versement de la rente d'invalidité de la sécurité sociale et au plus tard jusqu'à la liquidation d'une pension vieillesse de la sécurité sociale ou du décès du salarié.

En droit, la loi n 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux assurés contre certains risques, dite loi

« Evin», a, dans son article 1er , défini les opérations de prévoyance complémentaire comme celles ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ou du risque chômage. Cette définition est reprise dans des termes analogues par l'article

L. 911-2 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 1er de la loi n 94-678 du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés et portant transposition des directives n 92-49 et n 92-96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des Communautés européennes.

La protection sociale complémentaire d'entreprise, collective et obligatoire lorsque l'entreprise met en place une couverture, au profit de l'ensemble de ses salariés ou d'une catégorie déterminée d'entre eux, à laquelle l'adhésion est obligatoire, repose sur deux actes juridiques, à savoir :

- en premier lieu, sur un acte support du régime qui peut être, selon l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, une convention ou un accord collectif, un accord ratifié par la majorité des salariés ou une décision unilatérale du chef d'entreprise. Cet acte définit en particulier les bénéficiaires de la couverture, ses modalités de financement et les garanties. C'est par lui que l'entreprise s'engage, vis-à-vis des bénéficiaires du régime, à ce que certaines prestations leur soient versées,

- en second lieu, sur un contrat conclu entre l'entreprise et un organisme assureur. L'entreprise doit, parallèlement à l'acte support du régime, conclure un contrat avec un organisme assureur, qui mettra en 'uvre les engagements prévus par cet acte support. L'acte qui met en place une couverture sociale d'entreprise engage l'employeur vis-à-vis de ses salariés. En découlent plusieurs obligations, mises à sa charge.

L'employeur est ainsi tenu de souscrire un contrat avec un organisme assureur permettant que les prestations prévues soient servies sur la base des conditions posées à leur octroi (Soc., 18 octobre 2006, pourvoi n° 05-41.997 ; Soc., 3 novembre 2011, pourvoi n° 10-15.124), de verser au régime les cotisations qui lui incombent, de procéder à la déclaration de sinistre auprès de l'assureur en sorte que celles-ci soient effectivement versées par cet organisme (Soc., 26 février 1981, pourvoi n° 79-41.425,

Bull. 1981, V, p. 123, n° 168 ; Soc., 6 juillet 2022, pourvoi

n° 21-11.513). A défaut, il engage sa responsabilité civile et peut être condamné à verser au salarié ou à ses ayants droit des dommages-intérêts dont le montant pourra correspondre à celui des prestations auxquelles l'intéressé n'a pu prétendre (Soc., 26 février 1981, précité).

Par ailleurs, les salariés bénéficiaires des prestations complémentaires étant des tiers par rapport au contrat conclu entre l'entreprise et l'organisme assureur, ils doivent être destinataires d'informations dont certaines doivent être données par l'employeur. Ainsi, suivant l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 et des articles L. 141-4 du code des assurances, L. 932-6 du code de la sécurité sociale et L. 221-6 du code de la mutualité, lors de la mise en place d'une couverture sociale complémentaire ou de sa modification, le chef d'entreprise est tenu de remettre au salarié une notice d'information établie par l'organisme assureur. Il doit également informer par écrit le salarié de toute modification de leurs droits et obligations. La non-remise à l'assuré de la notice d'information engage la responsabilité de l'employeur vis-à-vis de cet assuré (2e Civ., 8 mars 2012, pourvoi n° 10-27.378 ; 2e Civ., 11 septembre 2014, pourvoi n° 13-19.439, Bull. 2014, II, n 182 ; 2e Civ., 19 janvier 2023, pourvoi n° 20-22.503). Il en est de même en cas de remise d'une information incomplète (Soc., 17 mars 2010, pourvois n° 09-40.107 et 08-45.329 ; Soc., 26 septembre 2018, pourvoi n° 16-28.110).

En l'espèce, M. [M], qui n'avait pas un an d'ancienneté au premier jour de son arrêt de travail initial, indique que si la société 'Les Délices du jour' a bien assuré, à compter du 16 août 2015, le complément d' indemnités journalières à hauteur de 75% de son salaire, suite au transfert de son contrat de travail à l'occasion de la conclusion du contrat de location gérance au profit de la société 'Patiss'66", en novembre 2015, il n'a pu obtenir paiement de la garantie incapacité de travail, ce qui l'a contraint à saisir la formation des référés du conseil de prud'hommes.

Il fait grief à la société Cary de ne pas l'avoir affilié au contrat santé AG2R suite au transfert de son contrat de travail en juin 2017 le privant ainsi de son droit à bénéficier des indemnités complémentaires d'invalidité de la prévoyance.

En l'espèce, il ressort des pièces communiquées par M. [M] que :

- par décision du 25 mai 2016, la Caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales lui a attribué une pension d'invalidité de 2ème catégorie à compter du 1er mai 2016 (pièce n°39),

- par lettre du 20 juin 2022, visant le numéro de dossier 02656757, la société AG2R La Mondiale, l'a informé - antérieurement donc au prononcé du jugement du conseil de prud'hommes du 8 septembre 2022 - au constat qu'il est 'titulaire d'une pension d'invalidité 2ème catégorie versée par le régime de base', qu'elle lui attribuait 'un complément de pension d'invalidité pour un montant mensuel maximal de 1 037,40 euros bruts - montant pouvant être minoré ou suspendu selon sa situation de ressources. Par ce même courrier, AG2R La Mondiale invitait le salarié à renseigner un document afin d'actualiser sa rente (pièce salarié n°60).

- selon un document non daté et sans en-tête (pièce salarié n°47), mais qui ne peut émaner que de la société AG2R La Mondiale, comme visant le numéro de dossier 02656757, intitulé 'notification du complément de pension d'invalidité', il est précisé que cette attribution est faite au titre du contrat souscrit par votre employeur LES DÉLICES DU JOUR d'un montant brut de 1 037,40 euros à effet du 1er mai 2016, dont le montant a été calculé à partir des éléments suivants :

' la garantie au titre de votre invalidité 2e catégorie : 75 % du salaire de référence brute sous déduction de la pension d'invalidité brute du régime de base, le tout limité honnête ;

' votre salaire de référence mensuel : 3 134,11 euros bruts ;

' le montant mensuel de votre pension d'invalidité du régime de base : 1 313,18 euros bruts,

' le plafond mensuel à ne pas dépasser en cas de ressources : 100 % de votre salaire net d'activité.

- un décompte de prestations, en date du 28 octobre 2022, par lequel la société AG2R la mondiale, rappelant la cause de l'obligation à savoir l'invalidité du 01/05/2016, lequel détaille le paiement du complément de rente d'invalidité pour les mois de juin, du 1er juillet au 30 septembre et le mois d'octobre 2020, portant pour un montant de 4 868,34 euros,

- un décompte de prestation, établi par la société AG2R la mondiale, en date du 25 novembre 2022, rappelant la cause de l'obligation à savoir l'invalidité du 01/05/2016, lequel détaille le paiement du complément de rente d'invalidité pour les mois de mars 2022, du 1er avril aux 30 juin 2022, du 1er juillet au 30 septembre 2022 et du 1er octobre au 30 novembre 2022, pour un montant de 8 763,01 euros.

Alors qu' AG2R La Mondiale a accordé en juin 2022 à M. [M] le bénéfice de cette rente complémentaire invalidité à effet au 1er juin 2016, la société Cary objecte à bon droit au salarié que le défaut d'affiliation de l'intéressé au régime de prévoyance à compter de juin 2017, est sans incidence avec le préjudice allégué, dans la mesure où le salarié était couvert, au jour du sinistre, à savoir la reconnaissance du statut d'invalidité de 2ème catégorie du régime de prévoyance auquel M. [M] était à cette date affilié.

Néanmoins, observations faites,

- d'une part, que M. [M], qui n'allègue pas avoir informé son employeur en mai 2016 de la décision de la CPAM de lui accorder une invalidité de 2ème catégorie, ni le médecin du travail de cette décision lors de la visite médicale du 17 mai 2016, a sollicité et obtenu de la formation des référés du conseil de prud'hommes la condamnation de la société 'Patiss'66" au paiement d'indemnités journalières au titre du risque 'incapacité de travail' pour un montant de 21 434,64 euros pour la période du 24 novembre 2015 au 31 août 2017, somme prise en charge par l' AGS, soit pour partie (période de mai 2016 à août 2017) postérieurement à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie de son invalidité,

- de deuxième part, que la notification de complément de pension d'invalidité précise que cette complémentaire d'invalidité est attribuée par AG2R La Mondiale au titre du contrat souscrit par l'employeur 'Les Délices Du Jour', et que cette rente de 1 037,40 euros prend effet au 1er mai 2016,

- de troisième part, que M. [M] ne justifie avoir informé son employeur de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de lui reconnaître une pension de 2ème catégorie que par lettre recommandée avec avis de réception du 8 octobre 2018, que la société Cary, avisée, n'a pas retirée,

il sera jugé que M. [M] ne peut se prévaloir d'un manquement de la société Cary à une quelconque obligation déclarative avant le 8 octobre 2018.

M. [M] sera débouté de sa demande d'indemnisation en ce qu'elle porte sur la période courant de juin 2017 au mois d'octobre 2018.

En revanche, faute pour la société Cary d'avoir entrepris une démarche auprès d' AG2R l'invalidité reconnue à son salarié depuis mai 2016, il sera jugé que le salarié est bien-fondé à invoquer le préjudice subi en raison de la non perception des sommes lui restant dues en application de la garantie invalidité. Le jugement sera réformé sur le point de départ du préjudice financier subi par M. [M].

A bon droit, l'appelant fait valoir que les premiers juges ont retenu de manière erronée la somme de 2 273,31 euros au titre du salaire de référence alors même qu'au vu de ses bulletins de salaire ce salaire s'établissait, ainsi que l'a, au reste, reconnu AG2R à la somme de 3 112,23 euros. Le jugement sera réformé sur ce point.

L'indemnité complémentaire d'invalidité s'établissant à la somme de 1 037,40 euros, la créance indemnitaire de l'appelant sera fixé pour les mois d'octobre 2018 à mai 2020 à la somme de 20 748 euros. Le jugement sera réformé en ce qu'il a fixé la créance à la somme de 21 159,50 euros. S'agissant d'une créance indemnitaire, le cours des intérêts moratoires court à compter du jour du prononcé du jugement de première instance.

Sur les dommages-intérêts :

Au soutien de sa demande tendant à voir porter l'indemnisation de son préjudice de la somme de 200 euros à celle de 3 000 euros, M. [M] fait valoir que par la faute de l'employeur il n'a eu, pendant plusieurs années, qu'un revenu extrêmement réduit, qu'il a dû ouvrir un dossier de surendettement auprès de la Banque de France et un recours a eu lieu devant le Tribunal d'Instance (pièce 51), qu'il n'a pas pu régler l'arriéré de loyer et charges et a fait l'objet d'un commandement aux fins de résiliation de bail le 14 juin 2017 (pièce 52), qu'il n'a pas pu payer la taxe d'habitation pour l'année 2016 à hauteur de 1 047 euros et a reçu un avis à tiers détenteur (pièce 53) et qu'il n'a pu honorer les prélèvement habituels ([Adresse 4], EDF, compagnie d'assurance AVIVA) (pièces 54, 55 et 56).

Conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, désormais codifiées sous l'article 1231-6 du dit code, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans une condamnation aux intérêts au taux légal, le créancier auquel le débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard pouvant obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance à charge de justifier de ce préjudice.

Observation faite que le gérant de la société Patiss'66 est la même personne que le dirigeant de la société Cary, la mauvaise foi manifestée par l'employeur vis-à-vis du salarié dans le refus de l'intégrer à son effectif à compter de juin 2017, malgré les démarches entreprises par le salarié et l'inspection du travail, de l'affilier à AG2R et de satisfaire à ses obligations une fois informée de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de lui reconnaître l'invalidité de 2ème catégorie est caractérisée.

Au vu des pièces communiquées par le salarié justifiant des difficultés financières qu'il a connu sur la période litigieuse (dossier de surendettement, avis à tiers détenteur notamment), il justifie d'un préjudice indépendant de celui indemnisé par le jeu des intérêts moratoires qui conduit la cour a réformé le montant des dommages-intérêts alloués et de le porter à la somme de 2 000 euros.

Le jugement sera réformé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a, d'une part, jugé que par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail le contrat de travail de M. [M] avait été transféré le 22 juin 2017 au profit de la société Cary, d'autre part, condamné la SAS Cary à affilier M. [M] au contrat de santé n°0LX2384M souscrit auprès de la société AG2R sous astreinte de 50 euros par jour de retard au-delà d'un délai de 4 mois passé la notification du présent jugement et pour une période de six mois, et enfin condamné la société à lui verser la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société Cary à verser à M. [M] les sommes suivantes :

- 20 748 euros de dommages-intérêts au titre de la perte des indemnités complémentaires d'invalidité, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement de première instance,

- 3 203,87 euros au titre de la part de l'employeur dans le coût de la mutuelle AG2R,

- 2 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamner la société CARY à payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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