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Décisions

CA Rennes, 8e ch prud'homale, 8 octobre 2025, n° 21/06632

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 21/06632

8 octobre 2025

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°252

N° RG 21/06632 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-SELB

Mme [B] [I] [V]

C/

S.E.L.A.S. PHARMACIE [Z]

Sur appel du jugement du C.P.H. de [Localité 6] du 04/10/2021

RG CPH : F 20/00181

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Juin 2025

En présence de Madame [D] [W], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [B] [I] [V]

née le 12 Février 1966 à [Localité 6] (44)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

Ayant Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l'audience par Me Camille CLOAREC de la SARL ABELIA, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

INTIMÉE :

La S.E.L.A.S. PHARMACIE [Z] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Lucie DELANGE substituant à l'audience Me Anne-Laure MARY-CANTIN de la SELARL RACINE, Avocats au Barreau de NANTES

Mme [B] [I] [V] a été engagée par la société SELARL Pharmacie de [Localité 7] selon contrat de travail à durée déterminée à temps complet à compter du 17 octobre 2002 au 18 janvier 2003 en qualité d'esthéticienne. Au terme de ce contrat, la relation de travail s'est poursuivie en contrat à durée indéterminée.

La société SELARL Pharmacie de [Localité 7] a été placée en liquidation judiciaire le 11 mai 2004 et le fonds de commerce a été cédé à la Selas Pharmacie [Z], qui a conservé le nom commercial de Pharmacie de [Localité 7].

A compter du 1er octobre 2012, Mme [I] [V] a été promue au poste de responsable de l'espace parapharmacie, statut cadre, coefficient 400.

La société emploie plus de dix salariés.

La convention collective applicable est celle de la pharmacie d'officine.

Mme [I] [V] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 21 septembre au 7 octobre 2017 pour 'trouble anxieux en rapport avec le travail'.

Par courrier remis en main propre contre décharge en date du 9 janvier 2018, Mme [I] [V] a été convoquée à un 'entretien informel' ayant pour objet de 'faire un point sur ses attributions et sur l'exercice des tâches qui lui étaient dévolues'.

A compter de cet entretien, la gestion des plannings ne sera plus du ressort de Mme [I] mais de la directrice générale, Mme [N].

Au cours de l'année 2018, la société Pharmacie [Z] a recruté un co-responsable en la personne de M. [L].

Le 10 juillet 2019 s'est déroulé une entrevue entre Mme [N], Mme [E], membre du CSE et Mme [A] au cours duquel elle a évoqué la mauvaise ambiance existant dans l'espace pharmacie et a dénoncé l'attitude médisante de Mme [H] nouvellement promue au poste de responsable satisfactions clients, entraînant une ambiance délétère.

Par courrier du 16 juillet 2019, remis en main propre contre décharge, Mme [I] [V] a été convoquée à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement le 23 juillet suivant, auquel elle s'est rendue.

Le 26 juillet 2019, Mme [I] [V] a été convoquée afin de signer une nouvelle fiche de poste.

A l'issue de l'entretien, Mme [I] [V] a été placée en arrêt de travail lequel a été renouvelé jusqu'à la rupture du contrat de travail.

Par courrier du 1er août 2019, la société Pharmacie [Z] a notifié à Mme [I] [V] une décision de rétrogradation disciplinaire sanctionnant un 'abus récurrent de sa position et de ses fonctions pour instaurer un rapport d'autorité fondé sur la crainte dans le cadre de ses relations quotidiennes de travail avec son équipe' en proférant des menaces envers les autres salariés ainsi qu'un manque d'implication dans son rôle de management. A la lettre était annexée une nouvelle fiche de poste et Mme [I] [V] était invitée à faire part de son acceptation de cette rétrogradation avant le 15 août, faute de quoi une autre sanction serait envisagée.

Par courrier recommandé en date du 10 août 2019, Mme [I] [V] a refusé la sanction de rétrogradation et a contesté les accusations formées à son encontre.

Le 27 février 2020, Mme [I] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Aux termes de ses dernières conclusions, Mme [I] [V] sollicitait du conseil de prud'hommes de :

- dire que la SELAS Pharmacie [Z] a manqué à ses obligations d'exécution loyale du contrat de travail et de protection de la santé physique comme psychologique de sa salariée

- à titre principal, dire que depuis le 5 décembre 2016, Mme [I] [V] aurait dû être classée au coefficient 600 prévu par la convention collective

- à titre subsidiaire, dire que depuis le 5 décembre 2016, Mme [I] [V] aurait dû être classée au coefficient 500 prévu par la convention collective

- En conséquence,

condamner la société à lui verser :

Sur l'exécution du contrat de travail

- Dommages-intérêts sur le fondement des articles L. l222-1 et L 4121-1 du code du travail du fait des manquements de l'employeur à ses obligations d'exécution loyale du contrat, et de protection de santé physique et mentale de sa salariée : 32 000,00 € Net

A titre principal, en application du coefficient 600 prévu par le convention collective

- Au titre du solde dû par le salaire de base : 47 999,41 € Brut

- Congés payés afférents : 4 799,94 € Brut

- Au titre du solde dû sur les heures supplémentaires rémunérées : 3 999,67 € Brut

- Congés payés afférents : 399,97 € Brut

- Au titre du solde dû sur la prime d'ancienneté : 7 279,44 € Brut

- Congés payés afférents : 727,94 € Brut

- Indemnité pour non respect de la législation relative aux contreparties en repos obligatoire : 574,86 € Net

A titre subsidiaire, en application du minimal conventionnel prévu pour la coefficient 500 revendiqué

- au titre du solde dû sur le salaire de base : 24 020,83 € Brut

- congés payés afférents : 2 402,08 € Brut

- au titre du solde dû sur les heures supplémentaires rémunérées : 2 001,36 € Brut

- congés payés afférents : 200,14 € Brut

- au titre du solde dû sur la prime d'ancienneté : 3 624,64 € Brut

- congés payés afférents : 362,46 € Brut

- indemnité pour non-respect de la législation relative aux contreparties en repos obligatoire : 287,43 € Net

Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail

- prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur

- dire doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale de la convention européenne, les articles 4 et 10 de la convention n°158 de l'OIT, et le droit au procès équitable

A titre principal, (coefficient 600)

- Indemnité compensatrice de préavis :15 998,41 € Brut

- Congés payés afférents : 1 599,84 € Brut

- A titre subsidiaire (coefficient 500)

- Indemnité compensatrice de préavis : 13 034,63 € Brut

- Congés payés afférents : 1 303,46 € Brut

- A titre très subsidiaire (coefficient 400 appliqué) : 10 083,03 € Brut

- Congés payés afférents : 1 008,30 € Brut

- A titre principal (coefficient 600), indemnité conventionnelle de licenciement, net à parfaire au jour de la décision à intervenir : 29 993,27 €

- A titre subsidiaire (coefficient 500), indemnité conventionnelle de licenciement, net à parfaire au jour de la décision à intervenir : 24 439,92 € Nct

- A titre très subsidiaire, (coefficient 400), indemnité conventionnelle de licenciement, net à parfaire au jour de la décision à intervenir : 18 903,80 € Net

- Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation de l'ensemble des préjudices professionnelles, financiers et moraux subis : 96 000,00 € Net

- A titre subsidiaire, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si 1e conseil de retenait pas l'inopposabilité du plafonnement (14.5 mois de salaire) : 77 315,00 € Net

- Remise des bulletins de salaire récapitulatifs année par année, un certificat de travail et une attestation pôle Emploi rectifiés, tous documents conformes à la décision à intervenir

- Remise des documents ci-dessus sous astreinte de 100 € par jour de retard

- Le Conseil se réservant compétence pour liquider 1'astreinte

- Article 700 du code de procédure civile : 2 500,00 €

- Intérêts de droit à compter de l'introduction de 1'instance pour les sommes ayant un caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres

- Capitalisation des intérêts (article 1343-2 du Code civil)

- fixer la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 5 332,14 €

- Le voir préciser dans le jugement à intervenir

- Exécution provisoire de la décision à intervenir pour toutes les sommes pour lesquelles cette dernière n'est pas de droit en application des articles 514 et 515 du Code de procédure civile

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse

- condamner la partie défenderesse aux entiers dépens

Par jugement en date du 04 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Nantes a :

- dit que la SELAS Pharmacie [Z] a respecté ses obligations d'exécution loyale du contrat de travail et de protection de la santé physique comme psychologique de Mme [I] [V],

- dit que Mme [I] [V] ne pouvait prétendre à une revalorisation de sa classification et de son coefficient,

- dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [I] [V],

- En conséquence, débouté Mme [I] [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [I] [V] à verser à la SELAS Pharmacie [Z] la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné Mme [I] [V] aux dépens éventuels.

Mme [I] [V] a interjeté appel le 21 octobre 2021.

Le 4 janvier 2022, Mme [I] [V] a été déclarée inapte au poste après étude de poste et échanges avec l'employeur. Le médecin du travail a précisé que l'état de santé de la salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par courrier du 19 janvier 2022, Mme [I] [V] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 8 février 2022, date d'envoi de la lettre de licenciement, la société Pharmacie [Z] a notifié à Mme [I] [V] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Mme [I] [V] a reçu son solde de tout compte ainsi que ses documents de rupture.

Elle a dénoncé le reçu pour solde de toute compte par courrier recommandé en date du 03 juillet 2022.

Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 avril 2025, l'appelante Mme [I] [V] sollicite de :

- juger l'appel de Mme [I] [V] recevable et bien fondé ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que la SELAS Pharmacie [Z] a respecté ses obligations d'exécution loyale du contrat de travail et de protection de la santé physique comme psychologique de Mme [I] [V],

- dit que Mme [I] [V] ne pouvait prétendre à une revalorisation de sa classification et de son coefficient,

- dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [I] [V],

- en conséquence, débouté Mme [I] [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [I] [V] à verser à la SELAS Pharmacie [Z] à la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Mme [I] [V] aux dépens éventuels

et donc, statuant à nouveau :

au titre de l'exécution du contrat de travail

- juger que la SELAS Pharmacie [Z] a manqué à ses obligations d'exécution loyale du contrat de travail et de protection de la santé physique comme psychologique de sa salariée ;

- condamner en conséquence la SELAS Pharmacie [Z] à verser à Mme [I] [V] 32 000 euros net, en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur à ses obligations d'exécution loyale du contrat, et de protection de la santé physique et mentale de sa salariée ;

- A titre principal, juger que depuis le 5 décembre 2016, Mme [I] [V] aurait dû être classée au coefficient 600 prévu par la Convention Collective ;

- condamner en conséquence la SELAS Pharmacie [Z] à verser à Mme [I] [V] les sommes suivantes :

- 47 999,41 € brut au titre du solde dû sur le salaire de base, outre 4 799,94 € brut au titre des congés payés afférents,

- 3 999,67 € brut au titre du solde dû sur les heures supplémentaires rémunérées, outre 399,97 € brut au titre des congés payés afférents,

- 7 279,44 € brut au titre du solde dû sur la prime d'ancienneté, outre 727,94 € brut au titre des congés payés afférents,

- 574,86 € net à titre d'indemnité au titre du non-respect de la législation relative aux contreparties en repos obligatoire,

- A titre subsidiaire, juger que depuis le 5 décembre 2016, Mme [I] [V] aurait dû être classée au coefficient 500 prévu par la convention collective ;

- condamner en conséquence la Selas Pharmacie [Z] à verser à Mme [I] [V] les sommes suivantes :

- 24 020,83 € brut au titre du solde dû sur le salaire de base outre 2 402,08 € brut au titre des congés payés afférents,

- 2 001,36 € brut au titre du solde dû sur les heures supplémentaires rémunérées, outre 200,14 € brut au titre des congés payés afférents,

- 3 624,64 € brut au titre du solde dû sur la prime d'ancienneté, outre 362,46 € brut au titre des congés payés afférents,

- 287,43 € net à titre d'indemnité au titre du non-respect de la législation relative aux contreparties en repos obligatoires,

Au titre de la rupture du contrat de travail

- A titre principal, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Mme [I] [V] à la Selas Pharmacie [Z], aux torts de la Selas Pharmacie [Z], produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 9 février 2022 ;

- A titre subsidiaire, juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- En tout état de cause, juger que l'inaptitude de Mme [I] [V] est d'origine professionnelle ;

- Juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable, et portant une atteinte disproportionnée aux droits de la salariée ;

- Condamner en conséquence la Selas Pharmacie [Z] à verser à Mme [I] [V] les sommes suivantes :

Au titre de l'indemnité compensatrice de préavis :

- 15 998,41 € brut à titre principal (en application de la moyenne de salaire résultant de l'application du coefficient 600), outre 1 599,84 € brut au titre des congés payés afférents ;

- 13 034,63 € brut à titre subsidiaire (en application de la moyenne de salaire résultant de l'application du coefficient 500), outre 1 303,46 € brut au titre des congés payés afférents ;

- 10 083,03 € brut à titre très subsidiaire (en application de la moyenne de salaire versée), outre 1 008,30 € brut au titre des congés payés afférents ;

Au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement :

- 30 460,55 € nets à titre principal ;

- 20 752,47 € nets à titre subsidiaire ;

- 11 074,56 6 € nets à titre très subsidiaire ;

Au titre du solde de l'indemnité de licenciement 'simple' si par extraordinaire la Cour considérait que l'origine de l'inaptitude n'était pas professionnelle :

- 8 021,14 € nets à titre principal (coefficient 600) ;

- 2 467,79 € nets à titre subsidiaire (coefficient 500) ;

A titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en réparation de l'ensemble des préjudices professionnels, financiers et moraux subis 96 000 € nets à titre principal ;

A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas l'inopposabilité du plafonnement prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail, 79 982 € nets correspondant à 15 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de cet article ;

- la condamner à remettre à Mme [I] [V] des bulletins de salaires récapitulatifs année par année, un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés, tous documents conformes à la décision à intervenir et sous astreinte de 100 € par jour de retard ;

- la condamner à lui verser la somme de 4 500 €, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la Selas Pharmacie [Z] de sa demande de restitution de la somme de 3 068,33 € nets au titre de l'indu perdu sur l'indemnité conventionnelle de licenciement et à défaut de compensation ;

- débouter la Selas Pharmacie [Z] de l'ensemble de ses autres demandes ;

- juger que ces sommes porteront intérêts de droit a compter de l'introduction de I'instance pour celles ayant le caractère de salaire, et à compter de la décision à intervenir pour les autres somme s;

- juger que les intérêts se capitaliseront en application de l'article 1343-2 du code civil,

- juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse;

- Condamner la Selas Pharmacie [Z] aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 avril 2025, l'intimée la Selas Pharmacie [Z] sollicite :

- confirmer en totalité le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nantes le 04 octobre 2021

- fixer le salaire de référence à hauteur de 3.360,68 € brut

A titre principal,

- rejeter la demande de revalorisation de classification conventionnelle et la débouter des demandes financières y afférentes ;

- débouter Mme [I] [V] de sa demande formée au titre d'une résiliation judiciaire aux torts de la Pharmacie [Z] ;

- déclarer irrecevables les nouvelles prétentions formulées en cause d'appel ;

- juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [I] [V] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- rejeter les demandes formées par Mme [I] [V] tant au titre des indemnités de rupture que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou préjudice subi

A titre subsidiaire,

Si la cour venait à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ou à juger le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement sans cause réelle et sérieuse, ramener la condamnation de la Pharmacie [Z] à :

- 10.082,04 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 008,20 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- de plus justes proportions et en tout état de cause à un montant maximal de 48 730 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Si la cour considérait que l'inaptitude physique de Mme [I] [V] avait une origine professionnelle :

- 10 082,04 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 008,20 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 11 074,55 € nets à titre d'indemnité spéciale de licenciement

En tout état de cause,

- débouter Mme [I] [V] de sa demande à hauteur de 4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter Mme [I] [V] de l'ensemble de ses autres demandes ;

- condamner Mme [I] [V] à restituer à la Pharmacie [Z] la somme de 3.068,33 € net au titre de l'indu perçu sur l'indemnité conventionnelle de licenciement et à défaut prononcer la compensation avec les condamnations mises à la charge de l'employeur ;

- condamner Mme [I] [V] à verser à la Pharmacie [Z] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mai 2025.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS :

Sur les manquements à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail et à l'obligation de sécurité

Mme [I] [V] formule une demande indemnitaire uniquement sur deux fondements dont les régimes probatoires sont différents et ce sans articuler les manquements qu'elle invoque au regard de chacun de ces fondements.

Il incombe à la cour d'apprécier les faits invoqués au regard distinctement du régime probatoire spécifique de chacun.

- sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

Selon l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Mme [I] [V] invoque :

- la non-conformité du document unique d'évaluation des risques professionnels et le fait qu'il n'ait pas été porté à sa connaissance et n'ait pas fait l'objet d'une mise à jour annuelle depuis juillet 2014

- l'absence d'information loyale délivrée quant aux résultats financiers de la société et le refus d'information des conditions d'attribution de la prime d'intéressement postérieurement à 2013

- une différence de traitement quant à l'attribution du nombre de jours de repos par semaine : elle travaillait sur 5 jours de travail, tout changement étant refusé, alors que ses collègues travaillaient habituellement 4 jours par semaine et bénéficiaient de trois jours de repos consécutifs au minimum

- une mise à l'écart par certains de ses collègues au retour de son premier arrêt de travail le 07 octobre 2017 : Mme [H] nouvellement embauchée la discréditerait auprès de ses collègues et aucune mesure n'a été prise par la société pour résoudre cette situation

- un retrait injustifié de sa mission de gestion des emplois du temps et des congés de son équipe par la Directrice générale suite à l'entretien du 17 janvier 2018 et l'interdiction d'accès au bureau commun aux responsables sans aucune explication

- l'inaction de l'employeur à la suite de l'entretien du 10 juillet 2019 lors duquel elle a dénoncé une ambiance de travail délétère et avoir vu deux collègues à elle pleurer à la suite de la réception d'un courrier par leur employeur. C'est à cette occasion qu'elle a dénoncé le comportement de Mme [H] (à savoir la rédaction et transmission à la direction de comptes rendus inexacts sur ses collègues). Or aucun recadrage n'a eu lieu à son encontre malgré ce qu'avait énoncé la directrice générale.

- l'engagement d'une procédure disciplinaire et la notification d'une rétrogradation disciplinaire injustifiées. Lors de cet entretien, lui a été prêté des propos dénigrants et menaçants à l'égard de Mme [R] et Mme [H], ce qu'elle dément.

La société Pharmacie [Z] soutient que :

- chaque année, elle fait le point avec les membres du CSE, pour les tenir informés de l'éventuel versement d'une prime d'intéressement, et le cas échéant du montant de cette dernière et le CSE a confirmé qu'elle n'a pas versé de prime d'intéressement à ses salariés au cours des trois dernières années,

- il n'y a pas eu de différence de traitement quant au nombre de jours de repos hebdomadaires : l'appelante n'a jamais informé son employeur d'une quelconque difficulté à ce sujet et effectuait elle-même les plannings de travail jusqu'en janvier 2018,

- il n'y a pas eu de mise à l'écart par certains de ses collègues : elle n'apporte aucune preuve, elle n'a jamais alerté sa hiérarchie et qui plus est, elle était à l'origine de la distension du lien entre elle et ses équipes,

- l'appelante n'a pas subi une dégradation de ses conditions de travail et son employeur exerçait seulement son pouvoir disciplinaire. L'entretien du 17 janvier 2018 faisait suite à de nombreux témoignages de salariés, de carences managériales importantes, en lien notamment avec la gestion des plannings. Ainsi, il a été décidé de ne plus lui confier la gestion des emplois du temps et des congés,

- elle a également mis en oeuvre son pouvoir disciplinaire s'agissant de la procédure disciplinaire engagée le 16 juillet 2019 en raison d'un comportement professionnel inadapté de l'appelante par la tenue de propos indignes.

- sur le document unique d'évaluation des risques(DUER) :

Selon l'article R. 4121-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, ' le document unique d'évaluation des risques est tenu à la disposition :

1° Des travailleurs ;

2° Des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou des instances qui en tiennent lieu ;

3° Des délégués du personnel ;

4° Du médecin du travail ;

5° Des agents de l'inspection du travail ;

6° Des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;

7° Des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L. 4643-1 ;

8° Des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l'article L. 1333-17 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l'article L. 1333-18 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement la charge.

Un avis indiquant les modalités d'accès des travailleurs au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail. Dans les entreprises ou établissements dotés d'un règlement intérieur, cet avis est affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur.'

L'article R. 4121-2 du code du travail prévoit que 'La mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée :

1° Au moins chaque année ;

2° Lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, au sens de l'article L. 4612-8 ;

3° Lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.'

En l'espèce, la société justifie par la production de son DUER avoir évalué les risques auxquels ses salariés étaient exposés au sein de l'entreprise par l'établissement en juillet 2014.

Ce document identifiait le risque d'agression verbale/physique à l'accueil.

La mésentente entre collègues en ce qu'elle ne relève pas de l'organisation du travail ne peut figurer sur ce document, seuls les risques liés à la nature et aux contraintes des emplois exercés et à ce titre identifiables peuvent et doivent y figurer afin que des mesures préventives soient mises en place.

Au demeurant, Mme [I] [V] n'identifie pas de risque qui selon elle devrait y figurer et que l'employeur ne justifierait pas avoir pris en compte.

Dès lors, le fait qu'il ne soit pas justifié d'une mise à jour ni d'une mise à la disposition des salariés est sans conséquence directe sur l'exposition à un risque identifié.

Le manquement reproché à l'employeur à ce titre n'est dès lors pas suffisamment caractérisé.

- sur l'absence d'information loyale délivrée quant aux résultats financiers de la société et le refus d'information des conditions d'attribution de la prime d'intéressement postérieurement à 2013 :

L'accord d'intéressement conclu le 23 juin 2014 prévoit en son article 8 en son premier alinéa que 'l'application de l'accord est suivi par les délégués du personnel qui recevront à cet effet un rapport établi par la direction dans un délai de six mois après chaque clôture d'exercice', en son troisième alinéa que 'les délégués du personnel disposent lors de chaque réunion destinée à l'examen des résultats de l'intéressement des informations sur les éléments de nature à exercer une incidence sur l'activité de la société et sur le système d'intéressement. Toutes ces informations sont considérées comme confidentielles.' et en son dernier alinéa que ' un rapport sera établi chaque année concernant le fonctionnement du système et sur le montant de l'intéressement distribué au personnel au titre de l'exercice précédent.'

L'article 10 relatif à l'information individuelle des salariés ajoute que l'accord est diffusé dans l'entreprise en vue d'être porté à la connaissance de tous les salariés bénéficiaires et que ' une note d'information sur l'accord d'intéressement sera remise à l'ensemble du personnel de l'entreprise y compris aux nouveaux embauchés. Toute répartition individuelle fera en outre l'objet d'une fiche annexée au bulletin de paie telle que mentionnée à l'article 6 de l'accord rappelant notamment les montants dus à l'intéressé au titre de l'intéressement ansi que les éléments ayant servi au calcul du montant de la prime d'intéressement et à sa répartition etre les différents bénéficiaires'.

Il en résulte que l'information relative à l'absence de versement d'un intéressement devait être donnée aux délégués du personnel à charge pour eux d'en informer les salariés dans le respect des données confidentielles.

Dès lors, aucun manquement de l'employeur à une obligation d'information de la salariée n'est caractérisée.

- sur une différence de traitement quant à l'attribution du nombre de jours de repos par semaine :

Mme [I] [V] expose qu'elle travaillait sur 5 jours de travail alors que ses collègues travaillaient habituellement 4 jours par semaine et bénéficiaient de trois jours de repos consécutifs au minimum.

Mme [I] [V] ne produit aucun élément, ni emploi du temps ni attestation établissant qu'elle travaillait cinq jours de suite tant au cours de la période pendant laquelle elle établissait les emplois du temps soit de 2016 à janvier 2018 que postérieurement à cette période.

S'agissant de la période postérieure au 15 avril 2019, date de l'avis du médecin du travail ayant préconisé que ses journées ne dépassent pas 8 heures, les parties s'accordent pour considérer que ses 35 heures de travail ne pouvaient dès lors être réalisées en cinq jours.

Les éléments communiqués par Mme [I] [V] ne permettent pas de présumer l'existence d'une inégalité de traitement.

Le manquement allégué n'est pas caractérisé.

- sur la mise à l'écart à son retour d'arrêt de travail à compter du 7 octobre 2017, le retrait de missions et l'ostracisation de la salariée :

Mme [I] n'établit pas que ses collègues ne lui disaient plus bonjour.

S'agissant d'une relégation au sous-sol à la réception des colis et à la caisse, elle produit l'attestation de Mme [T], employée administrative, laquelle déclare qu'ont été retirés à Mme [I] [V] depuis novembre 2017, 'son bureau, l'exécution des plannnigs, des embauches ainsi que la gestion del'équipe en la reléguant à ouvrir les colis au sous-sol ainsi qu'à la caisse toute la journée'. Cette attestation est contredite par les chiffres de réception de colis communiqués par l'employeur qui révèlent au contraire que Mme [I] [V] n'a réceptionné que 35 colis de janvier 2018 à juillet 2019 alors que son homologue responsable de la puériculture en a réceptionné 102 et surtout que l'essentiel des commandes était réceptionné par M. [P] attaché à cette mission lequel en a reçu 4 475 au cours de la période considérée. La mise à l'écart alléguée n'est dès lors pas caractérisée.

- sur l'inaction de l'employeur à la suite de la dénonciation d'une ambiance de travail délétère :

Le compte rendu de la réunion du 10 juillet 2019 établi par Mme [E], membre du CSE, mentionne que lors de cet échange, Mme [N], associée de la société, a, d'une part, déclaré que les gérants de la société avaient demandé à Mme [H], nouvelle salariée, de leur rapporter ce qui se passait au sein de la parapharmacie, d'autre part, de procéder à une enquête de satisfaction des clients au sein de tous les services et non seulement de la parapharmacie. Il résulte de ce document qu'au cours de cette réunion, Mme [I] [V] s'est plaint du comportement de Mme [H] et que la réponse de la société a consisté à solliciter des preuves, des écrits, des mails, l'associée considérant qu'il s'agissait d'un problème de communication.

La société justifie des missions confiées à Mme [H] en communiquant la fiche de poste de cette dernière laquelle, après avoir été embauchée en qualité d'hôte de caisse en 2018 au sein du service de parapharmacie sous la responsabilité de Mme [I] [V], a été promue responsable satisfaction clientèle.

Cette réunion, antérieure de treize jours à l'entretien disciplinaire du 23 juillet 2019, visait à échanger sur les difficultés relationnelles au sein de la parapharmacie.

Si la société n'a pas diligenté d'enquête, ce à quoi elle n'était pas tenue, elle a pris l'initiative six jours plus tard, le 16 juillet 2019, d'adresser une convocation à un entretien disciplinaire à Mme [I] [V].

L'employeur ayant ainsi forgé sa conviction a exercé son pouvoir de direction sans que soit démontré qu'il ait agi de manière déloyale à l'égard de Mme [I] [V].

- sur la notification d'une rétrogradation injustifiée le 1er août 2019 :

Mme [I] [V] établit par les attestations de deux collègues avoir été particulièrement affectée par l'entretien qui s'est tenu le 23 juillet 2019, ces dernières témoignant l'avoir vu en pleurs, tremblant de tout son corps.

Elle conteste également le bien fondé de la sanction qui lui a été notifiée au motif de comportements managériaux inadaptés.

Afin de démontrer le bien-fondé de cette sanction prononcée pour abus récurrent de sa position et de ses fonctions pour instaurer un rapport d'autorité fondé sur la crainte dans le cadre de ses relations quotidiennes de travail avec son équipe' en proférant des menaces envers les autres salariés ainsi que pour un manque d'implication dans son rôle de management, l'employeur produit le courrier daté du 1er juin 2019 qu'il a reçu de Mme [R], salariée de la société [Localité 5] Distrib et affectée dans les locaux de la société Pharmacie [Z], aux terme duquel elle signale des propos dénigrants de la part de Mme [I] [V] à son égard en ces termes ' tu es une bonne à rien', 'tu es une incapable' et des propos menaçants proférés dans l'escalier alors qu'elle sortait d'un entretien avec la gérante de la société en ces termes ' [Y] n'a qu'une hâte depuis des mois... fais gaffe, il t'attendra dehors', [Y] étant le prénom de l'époux de Mme [I] [V] ce qui n'est pas contesté.

Si Mme [I] [V] conteste avoir tenu ces propos invoquant les relations amicales qu'elle entretenait avec Mme [R], indiquant avoir été invitée à son mariage, lequel a toutefois été célébré 15 ans plus tôt, et communique les attestations de neuf salariées relatant ne jamais avoir eu de problème avec Mme [I] [V], une seule d'entre elle travaillait au sein du service de parapharmacie.

En lui notifiant cette sanction, l'employeur a exercé son pouvoir de direction afin notamment de protéger ses salariés et ceux d'une société tierce affectés dans ses locaux sans que les éléments communiqués ne permettent de retenir que l'employeur ait manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail.

Au regard de de l'ensemble de ces éléments, l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur, invoquée par Mme [I] [V], n'est pas caractérisée.

La demande indemnitaire formulée à ce titre est en conséquence rejetée en confirmation du jugement entrepris.

- sur le manquement à l'obligation de sécurité :

Selon l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1°) des actions de prévention des risques professionnels ;

2°) des actions d'information et de formation ;

3°) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L4121-2 du même code, dans sa rédaction applicable à compter du 10 août 2016, prévoit que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Il résulte du compte rendu de la réunion du 10 juillet 2019 établi par Mme [E], membre du CSE, qu'au cours de cette réunion, Mme [I] [V] s'est plaint du comportement de Mme [H] et que la réponse de la société a consisté à solliciter des preuves, des écrits, des mails, l'associée considérant qu'il s'agissait d'un problème de communication.

La société justifie ne pas avoir pris de mesure d'instruction ni de protection de la salariée considérant que Mme [I] [V] avait adopté un mode de management inadapté qu'elle avait évoqué avec elle lors de la réunion.

S'il ressort par ailleurs des pièces produites que Mme [I] [V] a été placée en arrêt de travail à l'issue de l'entretien du 26 juillet 2019 au cours duquel son employeur lui a fait part de son intention de lui retirer la mission de constitution des emplois du temps et lui a soumis une nouvelle fiche de poste, avant qu'une sanction de rétrogradation ne lui soit notifiée le 1er août à la suite de l'entretien disciplinaire tenu le 23 juillet 2019, l'entretien du 26 juillet 2019 inséré entre l'entretien disciplinaire et la notification de la sanction, apparaît comme la recherche par l'employeur de la résolution du litige par une redéfinition de poste.

Ainsi alors qu'il s'est inscrit dans une procédure disciplinaire, l'employeur a entendu dans un premier temps modifier les tâches confiées à Mme [I] [V] en lui enlevant celles à l'origine de plaintes de la part des autres salariés. Ce choix a été difficilement vécu par Mme [I] [V] laquelle a été placée en arrêt de travail.

Cette chronologie ne suffit toutefois pas à identifier un risque que l'employeur aurait dû prévenir ou faire cesser.

Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est rejeté.

La demande indemnitaire formulée à ce titre est en conséquence rejetée en confirmation du jugement entrepris.

Sur la demande de reclassification et de rappel de salaire minima conventionnel

La qualification d'un salarié s'apprécie au regard des fonctions qu'il exerce réellement au sein de l'entreprise et de la définition des emplois donnée par la convention collective.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie de démontrer qu'il assure effectivement, de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Mme [I] [V] sollicite une reclassification, à titre principal, au coefficient 600 et à titre subsidiaire au coefficient 500.

Elle affirme avoir été cadre de classe B assumant une responsabilité complète et permanente dans le cadre de ses fonctions entraînant le commandement sur des employés de toutes natures.

A titre subsidiaire, elle soutient que le coefficient 500 correspond à l'échelon 4 auquel doit accéder un pharmacien cadre ayant passé un an à l'échelon 1, deux ans à l'échelon 2, trois ans à l'échelon 3 donc un coefficient automatiquement attribué au pharmacien cadre après 6 ans d'expérience.

Elle sollicite un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires sur la base de la reclassification.

La société intimée conteste le coefficient 600 sollicité et considère que l'appelante relève de la classe A des cadres techniques, administratifs ou commerciaux dans la mesure où cette dernière était placée sous les ordres d'un chef en la personne de Mme [N], directrice générale, que la salariée ne disposait pas de toute latitude dans la prise de décision et n'assumait pas une responsabilité complète d'une façon permanente.

L'employeur fait observer que pour relever de la classe B comme sollicité, le cadre doit exercer un commandement sur des collaborateurs qui ont des responsabilités équivalentes ce qui n'était pas le cas des salariés placés sous sa responsabilité n'étant pas des cadres et ne relevant pas de la classe A et que par ailleurs Mme [I] ne dispose pas du diplôme de pharmacien et ne peut être positionnée à un coefficient équivalent voire supérieur aux pharmaciens diplômés de l'officine relevant d'un coefficient 550.

Selon l'article 1er du II relatif à la classification des cadres non pharmaciens de l'annexe I relative à la classification et salaires de la convention collective de la pharmacie d'officine,«Pour l'application de la présente annexe, sont considérés comme cadres les collaborateurs qui :

1. Du point de vue de la hiérarchie relèvent directement du chef d'entreprise ou d'un fondé de pouvoir ayant qualification d'employeur ou d'un autre cadre dûment mandaté par le chef d'entreprise ;

2. Du point de vue de la fonction, sont responsables au moins d'un secteur d'activité de l'entreprise.

Le secteur d'activité se définit comme suit :

a) Soit comme un ensemble de services ou un service important dont le chef dirige et coordonne les activités ;

b) Soit comme un service technique confié en principe à un diplômé dans les termes de la loi du 10 juillet 1934 et du décret du 10 octobre 1937.

3. Sont également considérés comme cadres les collaborateurs qui, sans exercer de fonctions de commandement ou de surveillance, ont une formation technique ou professionnelle constatée généralement par un diplôme ou reconnue équivalente, qui occupent dans l'entreprise un poste où ils mettent en oeuvre les connaissances qu'ils ont acquises.

Les assimilations devront être faites soit en tenant compte de l'importance du poste ou de la fonction, de l'initiative ou de l'autonomie qu'ils comportent, soit de l'importance des travaux exécutés ou de la notoriété des réalisations scientifiquement conçues par le collaborateur.'

L'article 2 prévoit que 'les cadres non pharmaciens sont répartis au sein de deux classes afin de tenir compte de l'importance des fonctions, du degré de responsabilité et de la valeur personnelle du cadre.

Les classes types ci-dessous constituent des repères et les employeurs ont la faculté de situer leurs collaborateurs dans des positions intermédiaires tenant compte des fonctions effectivement exercées par les intéressés.

Classe A : cadres techniques, administratifs ou commerciaux, généralement placés sous les ordres d'un cadre d'une position supérieure ou, dans les établissements à structure simple, de l'employeur ou de son représentant, et qui ont à diriger et à coordonner les travaux des ouvriers, employés, techniciens, agents de maîtrise ou collaborateurs, placés sous leur autorité ou qui ont des responsabilités équivalentes.

Ces cadres n'assument toutefois pas, dans leurs fonctions, une responsabilité complète d'une façon permanente, qui revient, en fait, à leur chef.

Classe B : cadres techniques, administratifs ou commerciaux dont les fonctions entraînent le commandement sur des ouvriers, des employés et des collaborateurs de toutes natures définis à la classe A ci-dessus ou qui ont une compétence et des responsabilités équivalentes.

3. Coefficients minima

- classe A : 400 ;

- classe B : 600.'

Pour revendiquer le coefficient minimum de 600 affecté à la classe B, Mme [I] [V] soutient qu'elle exerçait un commandement sur 'des collaborateurs de toutes natures définis à la classe A ci-dessus ou qui ont une compétence et des responsabilités équivalentes'.

A ce titre, elle considère qu'elle avait sous son commandement Mme [K] [F], responsable adjointe de la parapharmacie puis M. [L].

Or, elle ne démontre pas que Mme [F] relevait de la catégorie cadre A et l'employeur établit quant à lui que M. [L] était conseiller esthétique classifié 200.

La fiche de poste qui prévoit que la responsable adjointe remplace la responsable en cas d'absence révèle que Mme [F] puis M. [L] étaient suppléants et substituaient Mme [I] [V] lorqu'elle était absente sans disposer eux-même de fonction d'encadrement de l'équipe lorsque Mme [I] [V] était présente.

Dès lors au regard tant de l'importance des fonctions, du degré de responsabilité et de la valeur personnelle du cadre, les fonctions exercées par Mme [I] [V] relevaient bien de la classe A.

Sur la demande subsidiaire de classification 500, l'article 2 prévoit 'les classes types constituent des repères et les employeurs ont la faculté de situer leurs collaborateurs dans des positions intermédiaires tenant compte des fonctions effectivement exercées par les intéressés'. Le coefficient 500 que Mme [I] [V] revendique constitue une telle position intermédiaire.

Si Mme [I] [V] souligne que cet échelon est automatiquement attribué à un pharmacien après six ans d'expérience, elle ne justifie ni d'une telle qualification professionnelle ni d'une valeur professionnelle qui justifiait que lui soit accordée une promotion au coefficient 500.

Ses demandes de rappel de salaire au titre du salaire de base, des heures supplémentaires, des congés payés afférents et de la prime d'ancienneté et de rappel d'indemnité compensatrice de repos formulées sur la base d'un coefficient 600 ou 500 sont en conséquence rejetées.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

===

Sur la demande de résiliation judiciaire :

L'action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée par un salarié sur le fondement de l'article 1304 du code civil (ancien 1184). Les manquements de l'employeur, susceptibles de justifier cette demande, doivent rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Lorsque de tels manquements sont établis, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur. Elle produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul. En revanche, quand les manquements ne rendent pas impossible la poursuite du contrat de travail, le contrat ne peut être résilié et son exécution doit être poursuivie.

La résiliation judiciaire prend effet au jour de la décision qui la prononce sauf en cas de rupture préalable du contrat ou encore si le salarié n'est pas resté au service de son employeur, auquel cas la résiliation judiciaire est fixée à la date où ce maintien à disposition a cessé.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Pharmacie [Z], Mme [I] [V] invoque

- le non-respect de l'obligation de paiement du salaire minimal conventionnel

- le non respect des obligations d'exécution loyale du contrat de travail par absence d'information sur les résultats financiers

- le non respect des obligations de protection de la santé physique et mentale à raison d'une différence de traitement entre les salariés en matière de jours de repos, d'une mise à l'écart à compter d'octobre 2017, d'un retrait injustifié de missions et de l'absence de réaction de l'employeur après la dénonciation d'une ambiance délétère.

La cour a jugé qu'aucun de ces grief n'était caractérisé.

Il en résulte que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est mal fondée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande tendant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Lorsque le licenciement prononcé pour inaptitude du salarié, alors que cette inaptitude est directement causée par le comportement fautif de l'employeur, est dépourvu de cause réelle et sérieuse et doit emporter réparation du préjudice subi par le salarié.

Afin de voir juger que son inaptitude a été causée par un manquement fautif de son employeur et rend son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [I] [V] invoque les mêmes griefs que ceux invoqués au soutien de sa demande de résiliation judiciaire lesquels ont été jugés non constitués.

Elle échoue dès lors à caractériser un lien entre son inaptitude et un manquement fautif de son employeur.

En conséquence, sa demande tendant à voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité compensatrice :

- sur la recevabilité des demande nouvelles :

La société intimée soulève l'irrecevabilité des demandes nouvelles de reconnaissance d'une inaptitude d'origine professionnelle, emportant le versement d'une indemnité compensatrice et le doublement de l'indemnité de licenciement comme ayant été formée en cours de procédure d'appel.

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du code de procédure civile prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

L'article 566 du même code ajoute que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Les demandes litigieuses ont été formées par conclusions du 17 juin 2022 alors que le licenciement de Mme [I] [V] a été notifié le 8 février 2022. Ce licenciement étant intervenu postérieurement au délai fixé par l'article 909 du code de procédure civile mais concernant la rupture du contrat de travail dont la cour était saisie, la demande nouvelle formée à raison d'un fait juridique nouvellement intervenu mais présentant un lien direct avec le litige est recevable en ce qu'elle tend aux mêmes fins à savoir l'indemnisation de la rupture du contrat de travail.

Le bénéfice de l'indemnité spéciale de licenciement et compensatrice prévue par l'article L.1226-15 du code du travail suppose que l'inaptitude de la salariée ait au moins partiellement pour cause un accident du travail ou une maladie professionnelle.

En l'espèce, Mme [I] [V] a été déclarée inapte le 4 janvier 2022 alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail depuis le 26 juillet 2019. L'arrêt de travail a été prescrit pour maladie simple. Aucune déclaration d'accident du travail n'a été effectuée. Mme [I] [V] ne soutient pas plus avoir été victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Elle invoque uniquement les termes du certificat médical établi le 26 juillet 2019 par son médecin traitant relatant ses dires selon lesquels elle se disait 'victime d'harcèlement moral et menaces sur son lieu de travail par son employeur depuis plusieurs mois avec convocation à entretien individuel mardi 23 juillet 2019".

Si le médecin a constaté que Mme [I] [V] présentait des troubles anxio-dépressifs, en l'absence de caractérisation d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, Mme [I] [V] ne peut prétendre à la protection spécifique des articles L.1226-14 et -15 du code du travail.

Ses demandes d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité compensatrice sont en conséquence rejetées.

Il sera ajouté au jugement de ce chef.

Sur la demande de remboursement d'un trop perçu de l'indemnité de licenciement

La société Pharmacie [Z] soutient avoir versé à Mme [I] [V] une somme de 21 972,13 euros au lieu de la somme de 18 903,80 euros due au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

La salariée soutient que la différence versée à la salariée doit s'analyser en une libéralité dans la mesure où la société n'a formulé cette demande que par conclusions postérieures au licenciement alors même qu'elle avait précédemment conclu en considérant que l'indemnité conventionnelle de licenciement s'élevait à 19 803,80 euros.

Selon l'article 1302 du code civil, ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition.

Le trop perçu n'est pas contesté en son principe.

La société a formulé une demande de répétition de l'indû le 1er août 2022 à l'égard de la somme versée le 8 février 2022.

Aucun élément ne permet de retenir que la somme versée en sus des droits conventionnels de la salariée est constitutive d'une libéralité.

Dès lors, la somme de 3 068,33 euros indûment perçue doit être restituée.

Mme [I] [V] est condamnée à rembourser cette somme à la société Pharmacie [Z].

Il sera ajouté au jugement de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [I] [V] succombant en son appel, le jugement sera confirmé de ces chefs et Mme [I] [V] condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

y ajoutant,

Déclare recevables en appel les demandes relatives à l'indemnité spéciale de licenciement et l'indemnité compensatrice,

Rejette les demandes relatives à l'indemnité spéciale de licenciement et l'indemnité compensatrice

Condamne Mme [B] [I] [V] à payer à la société Pharmacie [Z] la somme de 3 068,33 euros trop perçue au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [B] [I] [V] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENTempêché

A.-.L. DELACOUR, Conseiller.

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