Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-2, 19 septembre 2025, n° 21/14097

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/14097

19 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 19 SEPTEMBRE 2025

N° 2025/

Rôle N° RG 21/14097 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIFV4

S.A.R.L. R LINE

C/

[K] [LF]

Copie exécutoire délivrée

le : 19/09/2025

à :

Me Claire FLAGEOLLET, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 13 Septembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° .

APPELANTE

S.A.R.L. R LINE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Claire FLAGEOLLET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [K] [LF], demeurant [Adresse 1] / France

représenté par Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller

Madame Muriel GUILLET, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2025, délibéré prorogé au 19 septembre 2025

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2025

Signé par M. Guillaume KATAWANDJA Conseiller, pour la présidente de chambre empêchée, et Madame Cyrielle GOUNAUD Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [K] [LF] a été engagé par la SARL AP LOGISTIQUE selon contrat à durée indéterminée à temps complet en date du 20 mai 2009 avec effet le jour même, en qualité de coursier, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 589,50 euros.

Selon avenant en date du 31 mars 2014, la rémunération brute mensuelle de M. [LF] a été portée à la somme de 2 767,64 euros.

A la suite du rachat du fonds de commerce de la SARL AP LOGISTIQUE, M. [LF] a été embauché par la SARL RLINE selon contrat à durée indéterminée en date du 24 novembre 2016 avec effet au 1er décembre suivant, en qualité de commis aérien maritime, groupe 5, échelon 34, coefficient 140 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires, avec reprise d'ancienneté au 20 mai 2009, moyennant une rémunération brute mensuelle de 3 104,44 euros en exécution de 169 heures de travail mensuelles.

Par courrier remis en main propre le 13 mars 2019, le salarié a sollicité la rupture conventionnelle du contrat de travail, que l'employeur a refusée par courrier du 19 mars suivant.

Le 19 avril 2019, le salarié a notifié à l'employeur sa démission.

Invoquant notamment une exécution déloyale du contrat de travail et le défaut de paiement d'heures supplémentaires, M. [LF] a saisi, par requête reçue au greffe le 28 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Martigues.

Par jugement en date du 13 septembre 2021, la juridiction prud'homale a:

- dit et jugé M. [LF] bien fondé en son action;

- dit et jugé que l'employeur a commis des manquements touchant à l'exécution du contrat de travail, notamment en ne payant pas les heures supplémentaires, les repos compensateurs et compléments de salaire à la suite de l'arrêt maladie;

- dit et jugé que M. [LF] a réalisé de très nombreuses heures supplémentaires;

- dit et jugé que la société RLINE a procédé à une dissimulation du temps de travail;

- condamné en conséquence la société RLINE, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, au paiement des sommes suivantes:

* 6 600,62 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires;

* 660,06 euros à titre d'incidence congés payés sur heures supplémentaires;

* 1 171,79 euros à titre de complément de salaire maladie;

* 2 843,92 euros à titre d'indemnité de repos compensateur;

- rappelé que ces montants bénéficient de l'exécution provisoire de plein droit en application des dispositions des articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail;

- fixé la moyenne des salaires à la somme de 3 104 euros;

- condamné en conséquence la société RLINE, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, au paiement des sommes suivantes:

* 22 221 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé;

* 1 500 euros à titre d'indemnité pour frais de procédure;

- débouté la SARL RLINE de sa demande au titre des frais de procédure;

- débouté M. [LF] du surplus de ses demandes;

- dit que les intérêts légaux devront se calculer à compter du 28 novembre 2019, avec capitalisation, en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil;

- mis les entiers dépens à la charge de la SARL RLINE.

La décision a été notifiée à l'employeur le 21 septembre 2021 et au salarié le 22 septembre suivant.

Selon déclaration enregistrée électroniquement au greffe le 6 octobre 2021, la SARL RLINE a interjeté appel du jugement précité, sollicitant sa réformation en chacun des chefs de son dispositif, sauf en ce qu'il a débouté M. [LF] de sa demande de dommages et intérêts pour violation des temps de travail et de repos et manquement à l'obligation de sécurité.

Le 3 janvier 2022, l'employeur a déposé au greffe et notifié par RPVA ses conclusions d'appelant.

Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le lundi 4 avril 2022, M. [LF] a formé appel incident.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 2 avril 2025, la SARL RLINE demande à la cour de:

'- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a:

* Dit et jugé Monsieur [K] [LF] bien fondé en son action;

* Dit et jugé que l'employeur a commis des manquements touchant à l'exécution du contrat de travail notamment en ne payant pas les heures supplémentaires, repos compensateurs et complément de salaire suite à arrêt maladie et en n'appliquant pas les dispositions conventionnelles sur ses aspects;

* Dit et jugé que Monsieur [K] [LF] a réalisé de très nombreuses heures supplémentaires sans être rémunérées pour la plupart;

* Dit et jugé que la société SARL R LINE a procédé à une dissimulation du temps de travail;

* Condamné la société SARL R LINE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice au paiement des sommes suivantes:

' 6 600,62 euros à tittre de rappel heures supplémentaires;

' 660,06 euros à titre d'incidence congés payés heures supplémentaires;

' 1 171,79 euros à titre de complément de salaire maladie;

' 2 843,92 euros à titre d'indemnité de repos compensateurs;

' 22 221,00 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé;

' 1 500 euros à titre d'indemnité pour frais de procédure;

* Débouté la SARL R LINE de sa demande pour frais de procédure;

* Dit que les intérêts légaux devront se calculer à compter du 28 novembre 2019, avec capitalisation;

* Mis les entiers dépens à la charge de la SARL R LINE.

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [LF] de ses demandes au titre des heures supplémentaires revendiquées un samedi sur deux, à raison de 4 heures;

Statuant à nouveau,

- DEBOUTER Monsieur [LF] de l'ensemble de ses prétentions au titre des heures supplémentaires réclamées entre les 25 novembre 2016 et le 19 mai 2019;

- Le DEBOUTER de ses demandes de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires, ainsi que l'incidence sur les congés payés;

- DONNER ACTE à la société RLINE qu'elle a réglé l'intégralité des salaires réclamés au titre du complément de salaire pour la période du 2 au 17 mai 2019 et DEBOUTER Monsieur [LF] de toute demande de condamnation sur ce fondement;

- REJETER l'appel incident formé par Monsieur [LF];

- DEBOUTER Monsieur [LF] de sa demande de rappel de contrepartie financière au repos compensateur pour dépassement du contingent annuel légal de 220 heures au titre des années 2017 et 2018;

- Le DEBOUTER de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts au titre d'une violation par l'employeur des dispositions relatives à la durée maximale du temps de travail, aux temps de repos et la violation de son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels;

- DEBOUTER Monsieur [LF] de sa demande de condamnation au titre du travail dissimulé;

- Plus généralement, DEBOUTER Monsieur [LF] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions;

Reconventionnellement,

- CONDAMNER Monsieur [LF] à régler à la société RLINE la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la déloyauté dont il a fait preuve dans les semaines précédant le terme de son contrat de travail;

- Le CONDAMNER au paiement d'une somme de 2 500,00 euros au profit de la société RLINE au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du CPC de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 28 mars 2025, M. [LF] demande à la cour de:

'- JUGER la société R LINE mal fondée en son appel.

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

' * DIT et JUGE que l'employeur a commis des manquements touchant à l'exécution du contrat de travail notamment en ne payant pas les heures supplémentaires, repos compensateurs et complément de salaire suite à arrêt maladie et en n'appliquant pas les dispositions conventionnelles sur ces aspects.

* DIT et JUGE que Monsieur [K] [LF] a réalisé de très nombreuses heures supplémentaires sans être rémunérées pour la plupart.

* DIT ET JUGE que la société SARL R LINE a procédé à une dissimulation du temps de travail'.

- DEBOUTER la société R LINE de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions.

- JUGER Monsieur [K] [LF] bien fondé en son appel incident.

- REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a:

'*CONDAMNE en conséquence, la société SARL R LINE prise en la personne des représentants légaux en exercice au paiement des sommes suivantes:

' 6 600,62 euros (six mille six cents euros et soixante-deux cents) à titre de rappel heures supplémentaires;

' 660,06 euros (six cent soixante euros et six cents) à titre d'incidence congés payés heures supplémentaires;

' 2 843,92 euros (deux mille huit cent quarante-trois euros et quatre-vingt douze cents) à titre d'indemnité de repos compensateurs;

' 22 221 euros (vingt-deux mille deux cent vingt et un euros) à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

* DEBOUTE Monsieur [K] [LF] pour le surplus de ses demandes'.

STATUANT A NOUVEAU:

- JUGER que Monsieur [LF] a réalisé, chaque semaine, 4,25 heures supplémentaires sans recevoir, en contrepartie de l'exécution de ces heures, une rémunération (article L3121-28 du Code du travail).

- FIXER en conséquence son salaire mensuel moyen à la somme de 4 836,67€ bruts correspondant au salaire revalorisé.

- JUGER l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail de Monsieur [LF] et la violation par la société R LINE des dispositions de l'article L1222-1 du Code du Travail.

- JUGER que la société R LINE s'est livrée à du travail dissimulé en violation des dispositions de l'article L.8221-5 du Code du Travail.

- CONDAMNER en conséquence la société R LINE aux paiements des sommes suivantes:

* 13 196,48 € bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires pour la période du 24 novembre 2016 au 19 mai 2019;

* 1 319,648 € bruts à titre d'incidence congés payés sur rappel précité;

* 7 177,26 € nets à titre de rappel de compensation pour les heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent annuel conventionnel de 130 conformément à l'article 12 de la Convention Collective nationale des transports routiers pour les années 2017 et 2018;

* 29 020,02 € nets à titre d'indemnité forfaitiare pour travail dissimulé égale à 6 mois de salaire conformément aux dispositions de l'article L.8223-1 du Code du Travail;

* 5 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail.

EN TOUT ETAT DE CAUSE:

- CONDAMNER la société R LINE au paiement de la somme de 2 500 € à titre d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du CPC à hauteur d'appel.

- CONDAMNER la société R LINE aux entiers dépens.'

La clôture est intervenue le 8 avril 2025.

MOTIFS

I. Sur la recevabilité des appels principal et incident

L'article R. 1461-1 du code du travail dispose qu'en matière prud'homale, le délai d' appel est d'un mois.

Selon les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 1er septembre 2017 au 1er septembre 2024, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

En l'espèce, l'appel principal de la SARL RLINE est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu à l'article R. 1461-1 du code du travail. Cette dernière a déposé et notifié ses premières conclusions à M. [LF] le 3 janvier 2022. Si l'intéressé a formé appel incident le 4 avril 2022 par voie de conclusions déposées au greffe, son recours reste néanmoins recevable. En effet, le terme du délai pour former appel incident et déposer les conclusions d'intimé était initialement fixé au dimanche 3 avril 2022 à 24 heures, prorogé au lendemain lundi 4 avril à 24 heures en application des articles 641 alinéa 2 et 642 du code de procédure civile.

II. Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Selon l'article L.3121-28 du même code, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

L'article L.3121-36 du même code dispose qu'à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919).

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 4, paragraphe 1, de l'article 11, paragraphe 3, et de l'article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu'il incombe à l'employeur, l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

M. [LF] forme une demande de rappel d'heures supplémentaires pour la période comprise entre le 24 novembre 2016 et le 19 mai 2019, soutenant avoir accompli 4,25 heures supplémentaires hebdomadaires non rémunérées au-delà des 39 heures contractuellement prévues au cours de cette période, soit 2,25 heures supplémentaires réalisées en semaine du lundi au vendredi et de 4 heures supplémentaires réalisées un samedi sur deux. Il précise qu'il ne saurait lui être reproché de n'avoir formulé aucune demande en ce sens auprès de l'employeur durant la relation contractuelle, dans la mesure où l'action en paiement d'heures supplémentaires n'est pas subordonnée à une telle mise en demeure et doit simplement intervenir dans le délai de prescription fixé à l'article L.3245-1 du code du travail.

Il produit au soutien de ses dires:

- le contrat de travail du 24 novembre 2016 prévoyant en ses articles 9.2 et 9.3, 39 heures de travail hebdomadaires réparties de la manière suivante: du lundi au jeudi: 8h30 à 12h30 puis de 13h30 à 17h30 et le vendredi de 8h30 à 12h30 puis de 13h30 à 16h30 mais aussi la possible réalisation d'heures supplémentaires en fonction des besoins du service (pièce n°2 de l'intimé);

- ses bulletins de paye des mois de décembre 2016, décembre 2017, décembre 2018, janvier, février, mars et avril 2019 (pièces n°3 à 6 et 26 de l'intimé);

- un document signé à l'en-tête de la société R LINE et supportant le tampon de la structure, qui détaille la tournée journalière du salarié et fait état d'un début de service à 9h30 et d'une fin de journée à 18h45/19h00 (pièce n°9 de l'intimé);

- plusieurs courriels adressés par ses soins à des partenaires commerciaux de la société R LINE, notamment:

* un courriel adressé le mardi 19 février 2019 à 18h34 à Mme [T] [N], Airfreight manager au sein de la SAS PANALPINA FRANCE TRANSPORTS INTERNATIONAUX, en réponse à une demande de prise en charge d'un colis supplémentaire faite le même jour à 18h33 (pièce n°10 de l'intimé);

* un courriel adressé le lundi 18 mars 2019 à 18h50 à M. [CG] [U], salarié de la SAS PANALPINA FRANCE TRANSPORTS INTERNATIONAUX, auquel il envoie un constat que ce dernier lui avait demandé de réaliser par mail du même jour à 11h48 (pièce n°10 de l'intimé);

* un courriel adressé le lundi 1er avril 2019 à 19h01 à M. [XP] [W], agent de transit aérien de la société QUALITAIR&SEA, auquel il transmet les photographies d'un emballage dégradé de marchandises (pièce n°12 de l'intimé);

* un courriel envoyé le vendredi 8 février 2019 à 18h10 à M. [RY] [A], salarié de la société TGD CONSOLIDATIONS, auquel il indique que la référence BE figurant sur une lettre de transport aérien lui ayant été communiquée est erronée (pièce n°13 de l'intimé);

* un mail envoyé le mardi 26 mars 2019 à 18h36 à M. [F] [E], technicien d'exploitation au sein de la société GEFCO, en réponse à une demande datée du même jour à 18h21 portant sur l'ajout d'un document de voyage (pièce n°14 de l'intimé);

* un courriel adressé le vendredi 12 avril 2019 à 18h12 à M. [F] [E], technicien d'exploitation de la société GEFCO, aux termes duquel il accuse réception d'un bon (pièce n°14 de l'intimé);

* un courriel de la société R LINE adressé le vendredi 23 juin 2017 à 13h14 à un interlocuteur non identifié, aux termes duquel l'entreprise indique à son correspondant que l'interlocuteur de la société R LINE à joindre le lendemain, donc le samedi, sera M. [LF] (pièce n°15 de l'intimé);

* les attestations de Mme [Z] [MW], agent de transit, Mme [P] [B], agent de frêt aérien, M. [O] [S], agent magasin, M. [ST] [D], agent de transit, Mme [I] [M], agent opérations, M. [L] [G], agent de nettoyage, M. [Y] [NR], agent magasin, M. [V] [X], magasinier, lesquels exposent avoir régulièrement vu l'intimé après 18h30 dans la zone de frêt en train de réaliser des formalités d'envoi de colis ( dépôt des lettres de transport aérien ou signature de documents en douane) ou encore dans son bureau (pièces n°18 à 25 de l'intimé).

La cour relève à titre liminaire que les parties s'accordent à dire qu'en dépit d'horaires de travail de 8h30 à 17h30 du lundi au jeudi et de 8h30 à 16h30 le vendredi, le salarié commençait sa journée à 9h30, soit une heure plus tard que l'horaire contractuel, et devait l'achever en conséquence une heure plus tard que l'horaire contractuellement défini, soit à 18h30 du lundi au jeudi et à 17h30 le vendredi.

Cette circonstance prise en compte, la cour estime que les documents précités constituent des éléments suffisamment précis laissant présumer la réalisation d'heures supplémentaires, permettant à la SARL RLINE d'y répondre utilement en communiquant ses propres éléments. En effet, si l'employeur soutient que le planning journalier de tournée du salarié a été établi par l'intéressé lui-même au motif qu'il avait accès au tampon de l'entreprise, il sera observé que le salarié conteste ce point mais surtout que ce document comporte, outre le tampon de l'entreprise, une signature que l'appelante n'impute pas à M. [LF] et dont elle n'argue pas du caractère apocryphe.

L'employeur conteste le décompte avancé par le salarié, exposant que ce dernier a été rémunéré pour les heures effectivement réalisées. Il ajoute que l'intéressé n'a jamais sollicité durant la relation contractuelle le paiement d'heures supplémentaires qui n'auraient pas été réglées et que seules celles accomplies à sa demande ou avec son accord implicite doivent être rémunérées. Enfin, il pointe l'évolution du volume d'heures supplémentaires alléguées par le salarié au cours de la procédure, caractérisant sa mauvaise foi.

Pour s'opposer à la demande de M. [LF], la SARL RLINE produit:

- un constat d'huissier réalisé le 8 juillet 2019 recensant 829 mails envoyés depuis l'adresse '[Courriel 4]' au cours de la période allant du 11 mars au 5 juin 2019, dont 10 envoyés avant 9h30 (pièce n°18 de l'appelante);

- un courriel de Mme [I] [M], salariée du service transitaire de la société WFS/FRANCE HANDLING, à l'attention du gérant de la SARL RLINE, daté du 5 janvier 2021, précisant que l'heure limite de dépôt des lettres de transport aérien est '18h00 en compagnie' (pièce n°13 de l'appelante);

- le courrier de mise en demeure de l'avocat du salarié, daté du 10 mai 2019 (pièce n°28 de l'appelante);

- la requête du salarié saisissant le conseil de prud'hommes de Martigues, en date du 27 novembre 2019 (pièce n°29 de l'appelante);

- les conclusions du salarié déposées le 21 janvier 2021 lors de l'audience de mise en état du conseil de prud'hommes (pièce n°30 de l'appelante);

- les conclusions du salarié déposées le 29 juin 2021 devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes (pièce n°31 de l'appelante);

- une attestation de M. [R] [H], salarié ayant remplacé M. [LF], évoquant des horaires de travail du lundi au jeudi de 9h30 à 18h30 et le vendredi de 9h30 à 17h30 à l'instar de son précédesseur (pièce n°32 de l'appelante).

Il importe de rappeler qu'aucune disposition légale ne subordonne l'action en paiement d'heures supplémentaires à une revendication du salarié antérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale, étant observé que l'action de M. [LF] a été initiée dans le délai de prescription prévu à l'article L. 3245-1 du code du travail.

En outre, la portée du constat d'huissier invoqué par l'employeur est limitée. En effet, ce constat, qui concerne la période du 11 mars au 5 juin 2019, ne vise en réalité qu'une période d'activité du salarié de deux mois, ce dernier ayant quitté les effectifs le 19 mai 2019 et invoquant la réalisation d'heures supplémentaires depuis le 24 novembre 2016. Surtout, il reste sans incidence sur les mails que M. [LF] a pu envoyer à des partenaires commerciaux de la société R LINE après 18h30 du lundi au jeudi ou après 17h30 le vendredi avant le 11 mars 2019 et dont il justifie.

Par ailleurs, si la société WFS/FRANCE HANDLING expose dans un courriel du 5 janvier 2021 que la date limite de dépôt auprès de ses services des lettres de transport aérien est 18h00, aucun élément ne permet d'affirmer que cette limite était appliquée à l'époque de la relation contractuelle de l'intimée, achevée le 17 mai 2019.

De la même manière, si le successeur de M. [LF] n'indique pas dans son attestation travailler le samedi, cette assertion, qui porte sur ses seuls horaires de travail, ne permet pas de soutenir que l'intimé n'aurait pas travaillé le samedi.

En outre, si le volume d'heures supplémentaires invoquées a évolué entre la mise en demeure adressée à l'employeur et les conclusions déposées le 29 juin 2021 devant le conseil de prud'hommes, il est toutefois constant depuis cette date.

Aussi, à l'aune de ce qui précède, la cour considère que la SARL RLINE, à laquelle il incombe de contrôler les horaires de travail de ses salariés, ne produit aucun élément de nature à établir ceux de M. [LF] pour la période allant du 24 novembre 2016 au 17 mai 2019, étant toutefois rappelé que le salarié a été placé en arrêt maladie à compter du 2 mai 2019.

En conséquence, la cour retient que M. [LF] a accompli:

- 21,25 heures supplémentaires entre le 24 novembre et le 31 décembre 2016;

- 221 heures supplémentaires entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017;

- 221 heures supplémentaires entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018;

- 72,25 heures supplémentaires entre le 1er janvier et le 19 mai 2019,

soit un total de 535,5 heures supplémentaires, toutes majorées de 25 % conformément aux dispositions conventionnelles, heures qui ont été rendues nécessaires par la nature des tâches confiées, les courriels produits par le salarié établissant qu'il a dû donner suite à des demandes de partenaires commerciaux de la SARL RLINE en dehors des horaires contractuels de travail.

L'employeur sera donc condamné à payer au salarié la somme de 12 256,02 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre celle de 1 225,60 euros au titre de l'incidence congés payés afférente.

Le jugement entrepris sera émendé sur ce point.

III. Sur la contrepartie obligatoire en repos compensateur

Selon les dispositions de l'article L.3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Aux termes de l'article 12.2 b) de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspection du travail est fixé, par période de 12 mois, à compter du 1er janvier 1983 à :

- 195 heures pour le personnel roulant « voyageurs », « marchandises » et « déménagement » ;

- 130 heures pour les autres catégories de personnel.

Selon l'article L. 3121-33 3° du code du travail, la contrepartie obligatoire ne peut être inférieure à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné audit article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés. L'effectif salarié et le franchissement du seuil de vingt salariés sont déterminés selon les modalités prévues à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.

Tout salarié dont le contrat est rompu avant qu'il ait pu bénéficier d'un repos compensateur reçoit en application des dispositions de l'article D.3121-23 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, une indemnité en espèces correspondant à ses droits acquis comprenant l'indemnité de congés payés. Il ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés indépendante en plus de l'indemnité.

Le salarié réclame l'indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos compensateur non pris pour les années 2017 et 2018, précisant ne pas relever de la catégorie des personnels roulants, ce que reconnaît l'employeur.

En l'espèce, le contingent annuel d'heures supplémentaires est de 130 heures. Il n'est en outre pas contesté que la SARL RLINE avait un effectif de 20 salariés au plus. Comme il a été retenu précédemment, M. [LF] a accompli 221 heures supplémentaires entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, soit 91 heures au-delà du contingent, et 221 heures supplémentaires entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018, soit 91 heures au-delà du contingent, soit un total de 182 heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent.

Le salarié n'ayant pas bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos, il lui sera octroyé la somme de 4 518,50 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera émendé sur ce point.

IV. Sur le travail dissimulé

Le salarié fait valoir que la SARL RLINE établissait chaque mois des bulletins de paye mentionnant un horaire hebdomadaire de travail de 39 heures, sans intégrer les heures supplémentaires qu'il avait réellement effectuées.

L'employeur expose en réplique que l'intimé ne rapporte pas la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.

Il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d' heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Il résulte de l'article L.8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, le travail dissimulé n'est caractérisé que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Il revient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.

Il sera rappelé à titre liminaire que la demande de fixation du salaire mensuel moyen ne constitue pas une prétention mais un moyen au soutien de la demande financière formulée.

En l'espèce, si l'employeur n'a pas opéré de contrôle suffisant sur les heures de travail effectivement réalisées par le salarié, il n'apparaît cependant pas qu'il se soit, en toute connaissance de cause, abstenu de rémunérer des heures de travail dont il savait qu'elles avaient été accomplies.

Aussi, la cour considère que l'élément intentionnel du travail dissimulé n'est pas caractérisé.

Le salarié sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef et le jugement déféré, confirmé.

V. Sur l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur

Le salarié soutient qu'en ne rémunérant pas les 4,25 heures supplémentaires hebdomadaires accomplies, l'employeur a fautivement exécuté le contrat de travail et méconnu les dispositions de l'article L.1222-1 du code du travail.

L'employeur fait valoir que M. [LF] ne démontre pas le préjudice qui serait résulté de l'exécution déloyale alléguée du contrat de travail.

Selon les dispositions de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Il appartient au salarié de justifier de l'existence du préjudice consécutif à un manquement de l'employeur (Soc., 13 avril 2016, n°14-28.293).

En l'espèce, comme il a été retenu précédemment, la SARL RLINE a omis de rémunérer les heures supplémentaires réalisées par M. [LF] entre le 24 novembre 2016 et le 19 mai 2019, ce qui caractérise l'exécution fautive du contrat de travail.

Cependant, le salarié, auquel incombe la charge de la preuve, ne justifie pas du préjudice qui en serait résulté, distinct du préjudice matériel déjà indemnisé par le règlement des heures supplémentaires et de la contrepartie obligatoire en repos.

En conséquence, M. [LF] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

VI. Sur l'exécution fautive du contrat de travail et la violation de la clause de non-concurrence par le salarié

L'employeur soutient que M. [LF] a exécuté de manière déloyale le contrat de travail en quittant son poste de travail le 30 avril 2019 'du jour au lendemain' en méconnaissant l'engagement qu'il avait pris de former son successeur, en supprimant des documents et fichiers de l'ordinateur de l'agence de [Localité 3] lui ayant été confié et en créant une société à l'activité concurrente de celle de la SARL RLINE moins de 15 jours après sa sortie des effectifs.

Le salarié oppose en réplique avoir formé son remplaçant durant 20 jours au cours du préavis avant d'être placé en arrêt de travail. Il ajoute avoir été libéré par l'employeur de la clause de non-concurrence, ce qui l'autorisait à créer une société dont l'activité était similaire à celle de son ancien employeur. Enfin, il conteste avoir supprimé des documents de son ordinateur de travail et souligne que ce grief ne lui a été opposé que lorsqu'il a revendiqué le paiement d'heures supplémentaires, son employeur ne lui ayant en outre adressé aucun courrier se plaignant d'un tel comportement.

Vu l'article L. 1222-1 du code du travail précité;

* Sur le défaut de formation de son remplaçant

La cour relève que si l'employeur soutient que M. [LF] n'a pas assuré durant son préavis la formation de M. [J] [C], son remplaçant pressenti, ce dernier expose dans son attestation du 12 janvier 2021 que cet accompagnement n'a pas pu se faire en raison de l'arrêt maladie de l'intimé (pièce n°17 de l'appelante). Or, il résulte l'avis d'arrêt de travail et de l'attestation de versement des indemnités journalières de la caisse primaire d'assurances maladie communiqués par M. [LF] que ce dernier n'a été arrêté que du 2 au 17 mai 2019, corroborant ses dires selon lesquelles il a assuré la formation de son collègue du 19 avril 2019 à son arrêt de travail. Le grief opposé au salarié n'est donc pas établi.

* Sur la suppression de fichiers sur le poste informatique de l'agence de [Localité 3]

En l'espèce, si M. [C] et M. [R] [H], remplaçant de M. [LF], soutiennent dans leurs attestations respectives que le poste informatique de l'agence de [Localité 3] à laquelle était affecté l'intimé avait été vidé des différents fichiers nécessaires à la poursuite de l'activité, M. [H] ajoutant même que les preuves de dépôt de documents de transport en version papier avaient disparu ce qui l'avait empêché de satisfaire certains clients (pièce n°15 de l'appelante), il sera observé que les susnommés se bornent à faire état du constat de disparition des documents précités sans toutefois l'imputer précisément à M. [LF]. Surtout, il sera observé que cette situation particulièrement préjudiciable à son activité n'a suscité aucune réaction de la part de la société RLINE, notamment celle d'enjoindre à son ancien salarié, auquel elle imputait ces disparitions, de restituer les documents litigieux. A l'aune de ces circonstances et des dénégations de l'intimé, la cour considère que le grief opposé au salarié n'est pas caractérisé.

* Sur la violation de la clause de non-concurrence

La renonciation par l'employeur à l'obligation de non-concurrence ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer (Cass. soc., 6 févr.2019, n°17-27.188).

Les juges du fond doivent vérifier si les conditions de licéité de la clause de non-concurrence sont remplies, avant de prononcer une éventuelle condamnation du salarié pour violation de ladite clause (Soc., 22 janv.2003, n°01-41.602).

En application du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives (Soc., 10 juillet 2002, pourvois n° 00-45.135, n° 00-45.387, n° 99-43.336, Bull. 2002, V, n° 239).

En l'espèce, aucune des pièces produites n'établit que l'employeur a entendu renoncer à la clause de non-concurrence et à en libérer l'intimé.

En outre, il n'est pas contesté que la société RLINE a une activité de commis pour les compagnies maritimes, les transitaires et la douane mais aussi de transport routier public de marchandises et que M. [LF] avait pour fonction en sa qualité de commis aérien maritime, conformément aux dispositions de l'accord du 27 février 1951 relatif à la nomenclature et la définition des emplois de la catérogie employés, constituant l'annexe II à la convention collective, de présenter aux vérifications de douane les marchandises à dédouaner, d'assister aux visites, de s'assurer que la marchandise est " libre " ou réputée " bonne à enlever " et de rendre compte à l'agent déclarant en douane ou, éventuellement, à l'agent déclarant en douane adjoint.

La clause de non-concurrence insérée au contrat de travail est libellée de la manière suivante:

'Dans l'intérêt de la Société RLINE et compte tenu de la nature de ses activités qui amène Monsieur [LF] [K] à être en contact permanent avec la clientèle et à avoir accès aux stratégies mises en oeuvre par la Société RLINE afin de se démarquer de ses concurrents et d'offrir de nouveaux concepts de transport à ses clients, Monsieur [LF] [K] s'engage à:

- ne pas entrer au service d'une entreprise qui propose des services similaires ou concurrents, en qualité de salarié ou de non salarié;

- ne pas s'intéresser directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, à toute entreprise concurrente;

- ne pas créer, directement ou indirectement, par personne interposée, une entreprise qui propose des services similaires ou concurrents à ceux de la Société RLINE.

Cette interdiction est prévue pour une période de 6 mois sur les régions Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et ce, dès la rupture de son contrat de travail.

Cette clause s'appliquera quelle que soit la cause de la rupture du contrat.

En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, la société RLINE s'engage à verser, chaque mois pendant toute la durée de l'interdiction, une contrepartie financière correspondant à 40% du salaire moyen mensuel brut de Monsieur [LF] [K] des 12 derniers mois, calculé sur la base des 12 derniers mois de salaires bruts perçus précédant la rupture du contrat de travail.'

Compte tenu de sa limitation à six mois et à deux régions du bassin méditérranéen, de la nécessaire protection des intérêts légitimes de la société RLINE au regard de la réalité et de l'importance du risque commercial pesant sur elle du fait de la spécificité des fonctions de commis aérien maritime exercées par le salarié, mais aussi du caractère adapté de la contrepartie financière proposée, la cour considère que la clause précitée est licite.

M. [LF] ne conteste pas avoir créé la société TESS LOGISTICS dont il est le gérant, personne morale ayant une activité de services aux entreprises pour les formalités douanières et messagerie, activité similaire à celle de la société RLINE ayant débuté le 31 mai 2019, soit moins de 15 jours après son départ de cette dernière entreprise.

Aussi, la cour estime que le salarié a méconnu la clause de non-concurrence.

Cependant, la SARL RLINE ne rapporte pas la preuve du préjudice qui en serait résulté, ce qui fait obstacle à l'octroi de dommages et intérêts. En effet, si cette dernière produit trois courriers de résiliation de contrats la liant aux sociétés KUEHENE+NAGEL, PHILIPPE FAUDEVER & CIE et ZIEGLER FRANCE SA, datés des 4 juin, 7 juin et 7 août 2019, aucun élément ne permet d'imputer la fin de ces relations commerciales à la création d'une entreprise concurrente par le salarié.

En conclusion, il convient de réparer l'omission de statuer des premiers juges et de débouter l'employeur de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de violation de la clause de non-concurrence.

Enfin, la demande de l'employeur tendant au rejet de de la demande du salarié en paiement de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives à la durée du travail, aux temps de repos et à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels,sera rejetée car sans objet, le salarié n'ayant pas formulé une telle demande.

VII. Sur les autres demandes

Vu la solution donnée au litige, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SARL RLINE au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée à payer au salarié la somme de 1 500 euros sur ce fondement, ainsi qu'aux dépens de première instance. Par ailleurs, il convient de débouter l'employeur de sa demande faite au titre des frais irrépétibles d'appel et de le condamner à payer à M. [LF] la somme de 1 000 euros sur ce même fondement, ainsi qu'aux dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe,

Déclare recevables l'appel principal de la SARL RLINE et l'appel incident de M. [K] [LF],

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Martigues en date du 13 septembre 2021 en ce qu'il a :

- débouté la SARL RLINE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné la SARL RLINE à payer à M. [K] [LF] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné la SARL RLINE aux dépens;

L'émende s'agissant des montants du rappel de salaire sur heures supplémentaires, de l'incidence congés payés afférente et des dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos alloués à M. [K] [LF] ;

L'infirme pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SARL RLINE à payer à M. [K] [LF] les sommes suivantes:

- 12 256,02 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre celle de 1 225,60 euros au titre de l'incidence congés payés afférente;

- 4 518,50 euros de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos;

- 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel;

Déboute M. [K] [LF] de ses demandes de dommages et intérêts pour travail dissimulé et exécution fautive du contrat de travail;

Déboute la SARL RLINE de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation de la clause de non-concurrence;

Déboute la SARL RLINE de sa demande tendant au rejet de la demande du salarié en paiement de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives à la durée du travail, aux temps de repos et à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels;

Déboute la SARL RLINE de sa demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel;

Condamne la SARL RLINE aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier Le président

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site