CA Bourges, 1re ch., 19 septembre 2025, n° 25/00160
BOURGES
Arrêt
Autre
SM/RP
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- la SCP AVOCATS CENTRE
- la SCP GERIGNY & ASSOCIES
Expédition TJ
LE : 19 SEPTEMBRE 2025
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2025
N° RG 25/00160 - N° Portalis DBVD-V-B7J-DW3J
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'execution du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 13 Janvier 2025
PARTIES EN CAUSE :
I - M. [S] [T]
né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 14]
[Adresse 12]
[Localité 15]
- Mme [H] [K]
née le [Date naissance 3] 1983 à [Localité 11]
[Adresse 12]
[Localité 15]
Représenté par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES
Plaidant par la SAS SLATKIN BLANC AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
timbre fiscal acquitté
APPELANTS suivant déclaration du 13/02/2025
II - CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 10]
[Localité 11]
N° SIRET : 398 824 714
Représentée et plaidant par la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
19 SEPTEMBRE 2025
p. 2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Odile CLEMENT Présidente de Chambre
M. Richard PERINETTI Conseiller
Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseiller
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
***************
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
**************
Exposé :
Le 20 juillet 2019, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire ' ci-après dénommée le Crédit Agricole ' a consenti à la SAS WILLWOOD un prêt professionnel d'un montant de 296.000 € sur une durée de 60 mois au taux effectif global de 2,34 % l'an, remboursable annuellement en 5 échéances : 4 échéances de 63.109,07 € et 1 échéance de 63.109,05 €, en garantie duquel [S] [T] et [H] [K] se sont portés caution solidaire à hauteur de 384.800 €.
La SAS WILLWOOD a été déclarée en redressement judiciaire selon jugement rendu par le tribunal de commerce de Bourges en date du 10 janvier 2023, converti en liquidation judiciaire selon jugement rendu par la même juridiction, le 17 octobre 2023.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire a déclaré sa créance le 24 janvier 2023 entre les mains de la SCP OLIVIER ZANNI, mandataire judiciaire désigné, pour la somme de 198.418,06 €.
Par courrier recommandé en date du 23 octobre 2023, la banque a mis les cautions en demeure de régler la somme de 65.247,33 € dans un délai de 10 jours.
Ce courrier n'ayant pas été suivi d'effet, la déchéance du terme a été prononcée le 13 novembre 2023.
Par ordonnance sur requête du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges en date du 8 avril 2024, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire a été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur des biens appartenant en nom propre à [S] [T] et [H] [K] en vertu du contrat de cautionnement précité.
Déclarant agir en vertu de cette ordonnance, le Crédit Agricole a fait délivrer, les 22 et 29 avril 2024, un procès-verbal de dénonciation du dépôt d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire à [S] [T] et [H] [K].
Par ordonnance du président du tribunal de commerce de Bourges du 23 avril 2024, le Crédit Agricole a également été autorisé à pratiquer une saisie conservatoire sur tout compte ouvert dans les livres de la Banque Populaire Val de France au nom de [S] [T] et [H] [K] pour garantie de la somme de 100'000 €.
Par acte du 7 mai 2024, [S] [T] et [H] [K] ont fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Centre Loire devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges aux fins de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée à leur encontre.
Par un acte du 21 mai 2024, ils ont également fait assigner le Crédit Agricole devant cette même juridiction aux fins de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à leur encontre et condamnation de celui-ci à leur verser la somme de 20'000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre 5663,90 € au titre du préjudice matériel.
Les deux procédures ont été jointes par le juge de l'exécution à l'audience du 18 novembre 2024.
Par jugement rendu le 13 janvier 2025, le juge du tribunal judiciaire de Bourges en charge du contentieux de l'exécution forcée de nature mobilière des titres exécutoires a :
- rejeté la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur les biens de Monsieur [T] et Madame [K] suivant ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges le 8 avril 2024
- débouté Monsieur [T] et Madame [K] de leur demande de cantonnement des hypothèques judiciaires pratiquées suivant ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges le 8 avril 2024
- rejeté la demande de mainlevée de la saisie attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [T] et Madame [K] suivant ordonnance du président du tribunal de commerce de Bourges en date du 23 avril 2024
- débouté Monsieur [T] et Madame [K] de leur demande de dommages et intérêts sur le fondement d'une saisie sans titre et sans autorisation
- débouté Monsieur [T] et Madame [K] de leur demande de dommages et intérêts sur le fondement d'une saisie abusive
- condamné Monsieur [T] et Madame [K] à verser à la Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel Centre Loire la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
[S] [T] et [H] [K] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 13 février 2025 et demandent à la cour, dans leurs dernières écritures en date du 14 avril 2025, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :
VU les articles L511-1, L. 121-2, R531-1 et R. 532-9 et suivants du Code de Procédure Civile d'Exécution,
REFORMER le jugement en ce qu'il a :
- rejeté la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur leurs biens selon ordonnance du juge de l'exécution du 8 avril 2024
- les a déboutés de leur demande de cantonnement des hypothèques judiciaires pratiquées selon ordonnance du 8 avril 2024
- a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur leurs comptes bancaires suivant ordonnance du président du tribunal de commerce de Bourges du 23 avril 2024
- les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts sur le fondement d'une saisie sans titre et sans autorisation
- les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts sur le fondement d'une saisie abusive
- les a condamnés au paiement de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Statuant à nouveau des chefs réformés,
A TITRE PRINCIPAL
ORDONNER la main levée de la saisie-conservatoire sur les comptes bancaires par voie d'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de BOURGES en date du 23 AVRIL 2024.
ORDONNER la main levée de l'hypothèque provisoire suivant saisie conservatoire par voie d'ordonnance du Juge de l'Exécution en date du 08 AVRIL 2024.
CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE à payer la somme de 20.000 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral à Monsieur [T] et Madame [K] suivant annulation de leur mariage.
CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE à payer la somme de 5.663,90 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice matériel lié à l'annulation du mariage à Monsieur [T] et Madame [K].
A TITRE SUBSIDIAIRE
CANTONER les hypothèques judiciaires en application de l'article R. 532-9 du Code de Procédure Civile d'Exécution aux parcelles suivantes :
- Parcelles cadastrées D[Cadastre 8], D[Cadastre 9], D[Cadastre 6], D[Cadastre 7] sur la commune de [Localité 15] d'une surface de 7ha 17a 93 ca ;
- Parcelles cadastrées AS [Cadastre 1], AS [Cadastre 2] sur la commune de [Localité 13] d'une surface de 27.110 m2.
En tout état de cause
CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE à payer la somme de 8.000 € à Monsieur [S] [T] et la somme de 8.000 € à Madame [H] [K].
CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE aux entiers dépens.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire, intimée, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures en date du 11 juin 2025, à la lecture desquelles il est pareillement expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :
Juger l'appel de Madame [H] [K] épouse [T] et de Monsieur [S] [T] mal fondé et les en débouter.
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 janvier 2025 par le Juge en charge du contentieux de l'exécution forcée de nature mobilière des titres exécutoires près le Tribunal Judiciaire de Bourges, en ce qu'il a :
- rejeté la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur les biens de Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] suivant ordonnance du Juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de BOURGES le 08 avril 2024 ;
- débouté Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] de leur demande de cantonnement des hypothèques judiciaires pratiquées suivant ordonnance du Juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de BOURGES le 08 avril 2024 ;
- rejeté la demande de mainlevée de la saisie attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] suivant ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de BOURGES en date du 23 avril 2024 ;
- débouté Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] de leur demande de dommages intérêts sur le fondement d'une saisie sans titre et sans autorisation ;
- débouté Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] de leur demande de dommages intérêts sur le fondement d'une saisie abusive ;
- condamné Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel CENTRE LOIRE la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] aux dépens.
Débouter les époux [T] de l'intégralité de leurs demandes.
Condamner les mêmes à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de ProcédureCivile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Autorisés à cette fin lors de l'audience du 1er juillet 2025, les appelants ont fait parvenir une note en délibéré datée du 2 juillet 2025 faisant état du versement de la somme de 106 097 € au Crédit Agricole par le liquidateur judiciaire.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 juin 2025.
Sur quoi :
I) sur les demandes formées à titre principal par Monsieur [T] et Madame [K] :
A) sur la demande tendant à la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires ouverts dans les livres de la Banque Populaire Val de France :
L'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution confère à « tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible » la possibilité, pour en obtenir le paiement, de « saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail ».
L'article L. 111-7 du même code laisse au créancier « le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance, sans toutefois que l'exécution de ces mesures ne puisse « excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ».
Toutefois, aux termes de l'article L. 121-2 du même code, « le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie ».
Sur le fondement de ce dernier texte, les appelants sollicitent l'infirmation du jugement entrepris, en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant à la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur leurs comptes bancaires.
Ils font observer que bien que le juge de l'exécution n'ait pas autorisé le Crédit Agricole, dans son ordonnance du 8 avril 2024, à réaliser une telle saisie sur leurs comptes bancaires, cette dernière a toutefois été pratiquée à la date du 2 mai 2024 suite à une ordonnance du président du tribunal de commerce du 23 avril précédent.
Monsieur [T] et Madame [K] reprochent ainsi au Crédit Agricole de « n'avoir jamais eu pour unique but de garantir sa créance conformément aux dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution », mais d'avoir simplement eu pour dessein de leur nuire en pratiquant une mesure présentant un caractère abusif suite à la saisine de deux juridictions ayant une compétence concurrente. Ils ajoutent qu'en conséquence d'une telle saisie, ils se sont trouvés dans l'impossibilité de payer leurs créanciers, devant même annuler les festivités d'un mariage qui étaient pourtant prévues et ayant donné lieu à l'engagement de dépenses pour un total de 5663,90 € dont ils sollicitent l'octroi à titre de dommages-intérêts, outre 20 000 € au titre du préjudice moral.
Il est établi par les pièces du dossier, d'une part et en premier lieu, que le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges a autorisé le 8 avril 2024 la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire à prendre une inscription d'hypothèque provisoire sur des immeubles appartenant en propre à Monsieur [T] et Madame [K] situés notamment sur les communes de Culan et Saulzais le Potier et, d'autre part et en deuxième lieu, que le président du tribunal de commerce de Bourges a, par une ordonnance du 23 avril 2024, autorisé la banque à pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes ouverts par les appelants dans les livres de la Banque Populaire Val de France pour garantie de la somme de 100'000 €.
Force est de constater qu'alors même que la charge de la preuve leur incombe, les appelants ne produisent aucun élément permettant de caractériser que la saisie-attribution pratiquée dans ces conditions par le Crédit Agricole présenterait, au sens de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution précité, un caractère inutile ou abusif, alors même, d'une part, que Monsieur [T] et Madame [K] ne contestent pas être débiteurs au titre de leur engagement de caution de la société WILLWOOD, placée en liquidation judiciaire selon jugement rendu le 17 octobre 2023 par le tribunal de commerce de Bourges et que, d'autre part, l'ordonnance rendue le 8 avril 2024 par le juge de l'exécution ne privait pas le Crédit Agricole, libre du choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance, de la possibilité de solliciter du président du tribunal de commerce, compétent en application de l'article L. 511-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'autorisation de pratiquer une mesure de saisie conservatoire résultant du cautionnement donné par les dirigeants sociaux au bénéfice d'une société commerciale.
En l'absence, dès lors, de tout abus dans le choix et la réalisation de la mesure de saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires des appelants, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande tendant à la mainlevée de ladite mesure.
B) sur la demande tendant à la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur les biens immobiliers :
Selon l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire ».
L'article R. 531-1 du même code énonce que « sur présentation de l'autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu'une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur ».
Il est constant que par ordonnance du 8 avril 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges, statuant en application de ces deux textes, a autorisé la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire à prendre une inscription d'hypothèque provisoire sur des biens immobiliers appartenant à Monsieur [T] et Madame [K] et situés, notamment, sur les communes de Culan et Saulzais le Potier, pour obtenir paiement de la somme de 205'000 €, à laquelle la créance de la banque a été provisoirement évaluée par ce magistrat (pièce numéro 1 du dossier des appelants).
Pour solliciter la mainlevée d'une telle mesure, les appelants font successivement valoir qu'ils ont réagi aux mises en demeure qui leur ont été adressées en effectuant des propositions de règlement partiel de leur dette, de sorte que l'inscription d'hypothèque provisoire n'apparaissait pas nécessaire, que la créance de la banque doit être diminuée des montants d'ores et déjà perçus par le liquidateur judiciaire dans le cadre de sa mission et que l'hypothèque provisoire porte sur des terres sur lesquelles il existe un projet d'installation de panneaux photovoltaïques.
Il doit être observé que la créance du Crédit Agricole envers les appelants doit être considérée, au sens du texte précité, comme paraissant fondée en son principe, Monsieur [T] et Madame [K] ne contestant au demeurant pas être débiteurs au titre de leur engagement de caution dans le cadre du prêt initialement consenti à la société WILLWOOD.
De la même façon, il résulte du courrier adressé le 4 décembre 2023 par les appelants au Crédit Agricole que Monsieur [T] a indiqué être « à l'heure actuelle sans revenus », n'ayant pas « le droit au chômage », que le couple allait vivre « grâce au chômage » de Madame [K] (pièce numéro 12 du dossier des appelants), rappelant par ailleurs l'existence d'autres engagements de caution.
Dans ces conditions, l'existence, au sens du texte précité, de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance apparaît suffisamment établie.
En outre, aucune faute ne peut être reprochée au Crédit Agricole dans le cadre de son refus des deux propositions des appelants contenues dans leurs courriers des 4 décembre 2023 et 9 janvier 2024, en l'occurrence le règlement d'une somme de 20'000 € pour solde de tout compte, ou bien un règlement mensuel de 500 € avec déduction des intérêts de retard et de l'indemnité financière, dès lors que de telles propositions apparaissent sans commune mesure avec le montant de la créance du Crédit Agricole évaluée à titre provisoire par le juge de l'exécution dans son ordonnance du 8 avril 2024 à la somme de 205'000 €.
Dans ces conditions, la décision devra donc également être confirmée en ce qu'elle a débouté Monsieur [T] et Madame [K] de leur demande formée à titre principal et tendant à la mainlevée de la mesure d'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur leurs biens immobiliers en application de ladite ordonnance.
II) sur la demande formée à titre subsidiaire par Monsieur [T] et Madame [K] tendant au cantonnement de l'hypothèque judiciaire :
Selon l'article R. 532-9 du code des procédures civiles d'exécution, « lorsque la valeur des biens grevés est manifestement supérieure au montant des sommes garanties, le débiteur peut faire limiter par le juge les effets de la sûreté provisoire s'il justifie que les biens demeurant grevés ont une valeur double du montant de ces sommes ».
Les appelants sollicitent, sur le fondement de ce texte, le cantonnement de l'hypothèque aux parcelles cadastrées D[Cadastre 8], D[Cadastre 9], D[Cadastre 6], D[Cadastre 7] sur la commune de [Localité 15] ([Localité 15]) d'une surface de 7ha 17a 93 ca d'une valeur de 350'000 €, qui constitue leur résidence principale, ainsi qu'aux parcelles cadastrées AS [Cadastre 1], AS [Cadastre 2] sur la commune de [Localité 13] d'une surface de 27.110 m2 d'une valeur de 180'000 €, sur lesquelles il existe un crédit restant dû de 129'156,43 €.
Ils ne sollicitent plus, comme en première instance, le cantonnement à la parcelle cadastrée D[Cadastre 5] sur la commune de [Localité 15], dont le premier juge avait fait observer qu'elle n'était pas concernée par l'hypothèque de la banque.
Au soutien d'une telle demande, les appelants produisent des avis de valeur rédigés par l'agence immobilière ORPI de [Localité 14], dont force est de constater qu'ils procèdent à une évaluation globale de diverses parcelles, sans préciser une évaluation unitaire de celles-ci.
Ainsi, les parcelles cadastrées AS [Cadastre 1] et AS [Cadastre 2] sur la commune de [Localité 13] d'une superficie de 27'110 m² ' faisant l'objet de la demande de cantonnement ' sont-elles évaluées par un avis de valeur global du 7 juin 2024 concernant 35 parcelles d'une superficie totale de 65 ha 53 a 88ca (pièce numéro 20 du dossier des appelants).
Il en est de même des parcelles D [Cadastre 8], D [Cadastre 9] , D [Cadastre 6] et D [Cadastre 7] sur la commune de [Localité 15] ' dont il est indiqué qu'elles sont d'une superficie de 7 ha 17a 93 ca ' qui sont évaluées dans le cadre d'un avis de valeur du même jour concernant 18 parcelles pour un total de 56 ha 89 a 45 ca.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que les éléments produits aux débats ne permettaient pas une estimation de chacune des parcelles concernées et, partant, de vérifier que les conditions prévues à l'article R 532-9 du code des procédures civiles d'exécution étaient remplies.
En conséquence, la décision de première instance devra également être confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande tendant au cantonnement de l'hypothèque judiciaire.
III) sur les autres demandes :
Il résulte de ce qui précède que les demandes formées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire par Monsieur [T] et Madame [K] à l'encontre du Crédit Agricole doivent être rejetées, de sorte qu'en l'absence d'une quelconque faute pouvant être reprochée à la banque, la demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour préjudice moral et pour préjudice matériel en raison de l'annulation des festivités de mariage des appelants ne saurait être accueillie, ainsi que l'a estimé à juste titre le premier juge.
La décision dont appel se trouvant, ainsi, confirmée en l'intégralité de ses dispositions, les entiers dépens d'appel devront être laissés à la charge de Monsieur [T] et Madame [K], qui succombent en leurs demandes.
L'équité commandera, en outre, d'allouer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire une indemnité de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que celle-ci a dû exposer dans le cadre de la présente instance.
Par ces motifs :
La cour
' Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris
Y ajoutant
' Condamne [S] [T] et [H] [K] à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S. MAGIS O. CLEMENT
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- la SCP AVOCATS CENTRE
- la SCP GERIGNY & ASSOCIES
Expédition TJ
LE : 19 SEPTEMBRE 2025
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2025
N° RG 25/00160 - N° Portalis DBVD-V-B7J-DW3J
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'execution du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 13 Janvier 2025
PARTIES EN CAUSE :
I - M. [S] [T]
né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 14]
[Adresse 12]
[Localité 15]
- Mme [H] [K]
née le [Date naissance 3] 1983 à [Localité 11]
[Adresse 12]
[Localité 15]
Représenté par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES
Plaidant par la SAS SLATKIN BLANC AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
timbre fiscal acquitté
APPELANTS suivant déclaration du 13/02/2025
II - CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 10]
[Localité 11]
N° SIRET : 398 824 714
Représentée et plaidant par la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
19 SEPTEMBRE 2025
p. 2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Odile CLEMENT Présidente de Chambre
M. Richard PERINETTI Conseiller
Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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Exposé :
Le 20 juillet 2019, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire ' ci-après dénommée le Crédit Agricole ' a consenti à la SAS WILLWOOD un prêt professionnel d'un montant de 296.000 € sur une durée de 60 mois au taux effectif global de 2,34 % l'an, remboursable annuellement en 5 échéances : 4 échéances de 63.109,07 € et 1 échéance de 63.109,05 €, en garantie duquel [S] [T] et [H] [K] se sont portés caution solidaire à hauteur de 384.800 €.
La SAS WILLWOOD a été déclarée en redressement judiciaire selon jugement rendu par le tribunal de commerce de Bourges en date du 10 janvier 2023, converti en liquidation judiciaire selon jugement rendu par la même juridiction, le 17 octobre 2023.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire a déclaré sa créance le 24 janvier 2023 entre les mains de la SCP OLIVIER ZANNI, mandataire judiciaire désigné, pour la somme de 198.418,06 €.
Par courrier recommandé en date du 23 octobre 2023, la banque a mis les cautions en demeure de régler la somme de 65.247,33 € dans un délai de 10 jours.
Ce courrier n'ayant pas été suivi d'effet, la déchéance du terme a été prononcée le 13 novembre 2023.
Par ordonnance sur requête du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges en date du 8 avril 2024, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire a été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur des biens appartenant en nom propre à [S] [T] et [H] [K] en vertu du contrat de cautionnement précité.
Déclarant agir en vertu de cette ordonnance, le Crédit Agricole a fait délivrer, les 22 et 29 avril 2024, un procès-verbal de dénonciation du dépôt d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire à [S] [T] et [H] [K].
Par ordonnance du président du tribunal de commerce de Bourges du 23 avril 2024, le Crédit Agricole a également été autorisé à pratiquer une saisie conservatoire sur tout compte ouvert dans les livres de la Banque Populaire Val de France au nom de [S] [T] et [H] [K] pour garantie de la somme de 100'000 €.
Par acte du 7 mai 2024, [S] [T] et [H] [K] ont fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Centre Loire devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges aux fins de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée à leur encontre.
Par un acte du 21 mai 2024, ils ont également fait assigner le Crédit Agricole devant cette même juridiction aux fins de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à leur encontre et condamnation de celui-ci à leur verser la somme de 20'000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre 5663,90 € au titre du préjudice matériel.
Les deux procédures ont été jointes par le juge de l'exécution à l'audience du 18 novembre 2024.
Par jugement rendu le 13 janvier 2025, le juge du tribunal judiciaire de Bourges en charge du contentieux de l'exécution forcée de nature mobilière des titres exécutoires a :
- rejeté la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur les biens de Monsieur [T] et Madame [K] suivant ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges le 8 avril 2024
- débouté Monsieur [T] et Madame [K] de leur demande de cantonnement des hypothèques judiciaires pratiquées suivant ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges le 8 avril 2024
- rejeté la demande de mainlevée de la saisie attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [T] et Madame [K] suivant ordonnance du président du tribunal de commerce de Bourges en date du 23 avril 2024
- débouté Monsieur [T] et Madame [K] de leur demande de dommages et intérêts sur le fondement d'une saisie sans titre et sans autorisation
- débouté Monsieur [T] et Madame [K] de leur demande de dommages et intérêts sur le fondement d'une saisie abusive
- condamné Monsieur [T] et Madame [K] à verser à la Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel Centre Loire la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
[S] [T] et [H] [K] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 13 février 2025 et demandent à la cour, dans leurs dernières écritures en date du 14 avril 2025, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :
VU les articles L511-1, L. 121-2, R531-1 et R. 532-9 et suivants du Code de Procédure Civile d'Exécution,
REFORMER le jugement en ce qu'il a :
- rejeté la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur leurs biens selon ordonnance du juge de l'exécution du 8 avril 2024
- les a déboutés de leur demande de cantonnement des hypothèques judiciaires pratiquées selon ordonnance du 8 avril 2024
- a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur leurs comptes bancaires suivant ordonnance du président du tribunal de commerce de Bourges du 23 avril 2024
- les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts sur le fondement d'une saisie sans titre et sans autorisation
- les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts sur le fondement d'une saisie abusive
- les a condamnés au paiement de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Statuant à nouveau des chefs réformés,
A TITRE PRINCIPAL
ORDONNER la main levée de la saisie-conservatoire sur les comptes bancaires par voie d'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de BOURGES en date du 23 AVRIL 2024.
ORDONNER la main levée de l'hypothèque provisoire suivant saisie conservatoire par voie d'ordonnance du Juge de l'Exécution en date du 08 AVRIL 2024.
CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE à payer la somme de 20.000 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral à Monsieur [T] et Madame [K] suivant annulation de leur mariage.
CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE à payer la somme de 5.663,90 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice matériel lié à l'annulation du mariage à Monsieur [T] et Madame [K].
A TITRE SUBSIDIAIRE
CANTONER les hypothèques judiciaires en application de l'article R. 532-9 du Code de Procédure Civile d'Exécution aux parcelles suivantes :
- Parcelles cadastrées D[Cadastre 8], D[Cadastre 9], D[Cadastre 6], D[Cadastre 7] sur la commune de [Localité 15] d'une surface de 7ha 17a 93 ca ;
- Parcelles cadastrées AS [Cadastre 1], AS [Cadastre 2] sur la commune de [Localité 13] d'une surface de 27.110 m2.
En tout état de cause
CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE à payer la somme de 8.000 € à Monsieur [S] [T] et la somme de 8.000 € à Madame [H] [K].
CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE aux entiers dépens.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire, intimée, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures en date du 11 juin 2025, à la lecture desquelles il est pareillement expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :
Juger l'appel de Madame [H] [K] épouse [T] et de Monsieur [S] [T] mal fondé et les en débouter.
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 janvier 2025 par le Juge en charge du contentieux de l'exécution forcée de nature mobilière des titres exécutoires près le Tribunal Judiciaire de Bourges, en ce qu'il a :
- rejeté la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur les biens de Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] suivant ordonnance du Juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de BOURGES le 08 avril 2024 ;
- débouté Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] de leur demande de cantonnement des hypothèques judiciaires pratiquées suivant ordonnance du Juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de BOURGES le 08 avril 2024 ;
- rejeté la demande de mainlevée de la saisie attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] suivant ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de BOURGES en date du 23 avril 2024 ;
- débouté Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] de leur demande de dommages intérêts sur le fondement d'une saisie sans titre et sans autorisation ;
- débouté Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] de leur demande de dommages intérêts sur le fondement d'une saisie abusive ;
- condamné Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel CENTRE LOIRE la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [S] [T] et Madame [H] [K] aux dépens.
Débouter les époux [T] de l'intégralité de leurs demandes.
Condamner les mêmes à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de ProcédureCivile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Autorisés à cette fin lors de l'audience du 1er juillet 2025, les appelants ont fait parvenir une note en délibéré datée du 2 juillet 2025 faisant état du versement de la somme de 106 097 € au Crédit Agricole par le liquidateur judiciaire.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 juin 2025.
Sur quoi :
I) sur les demandes formées à titre principal par Monsieur [T] et Madame [K] :
A) sur la demande tendant à la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires ouverts dans les livres de la Banque Populaire Val de France :
L'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution confère à « tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible » la possibilité, pour en obtenir le paiement, de « saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail ».
L'article L. 111-7 du même code laisse au créancier « le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance, sans toutefois que l'exécution de ces mesures ne puisse « excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ».
Toutefois, aux termes de l'article L. 121-2 du même code, « le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie ».
Sur le fondement de ce dernier texte, les appelants sollicitent l'infirmation du jugement entrepris, en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant à la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur leurs comptes bancaires.
Ils font observer que bien que le juge de l'exécution n'ait pas autorisé le Crédit Agricole, dans son ordonnance du 8 avril 2024, à réaliser une telle saisie sur leurs comptes bancaires, cette dernière a toutefois été pratiquée à la date du 2 mai 2024 suite à une ordonnance du président du tribunal de commerce du 23 avril précédent.
Monsieur [T] et Madame [K] reprochent ainsi au Crédit Agricole de « n'avoir jamais eu pour unique but de garantir sa créance conformément aux dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution », mais d'avoir simplement eu pour dessein de leur nuire en pratiquant une mesure présentant un caractère abusif suite à la saisine de deux juridictions ayant une compétence concurrente. Ils ajoutent qu'en conséquence d'une telle saisie, ils se sont trouvés dans l'impossibilité de payer leurs créanciers, devant même annuler les festivités d'un mariage qui étaient pourtant prévues et ayant donné lieu à l'engagement de dépenses pour un total de 5663,90 € dont ils sollicitent l'octroi à titre de dommages-intérêts, outre 20 000 € au titre du préjudice moral.
Il est établi par les pièces du dossier, d'une part et en premier lieu, que le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges a autorisé le 8 avril 2024 la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire à prendre une inscription d'hypothèque provisoire sur des immeubles appartenant en propre à Monsieur [T] et Madame [K] situés notamment sur les communes de Culan et Saulzais le Potier et, d'autre part et en deuxième lieu, que le président du tribunal de commerce de Bourges a, par une ordonnance du 23 avril 2024, autorisé la banque à pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes ouverts par les appelants dans les livres de la Banque Populaire Val de France pour garantie de la somme de 100'000 €.
Force est de constater qu'alors même que la charge de la preuve leur incombe, les appelants ne produisent aucun élément permettant de caractériser que la saisie-attribution pratiquée dans ces conditions par le Crédit Agricole présenterait, au sens de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution précité, un caractère inutile ou abusif, alors même, d'une part, que Monsieur [T] et Madame [K] ne contestent pas être débiteurs au titre de leur engagement de caution de la société WILLWOOD, placée en liquidation judiciaire selon jugement rendu le 17 octobre 2023 par le tribunal de commerce de Bourges et que, d'autre part, l'ordonnance rendue le 8 avril 2024 par le juge de l'exécution ne privait pas le Crédit Agricole, libre du choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance, de la possibilité de solliciter du président du tribunal de commerce, compétent en application de l'article L. 511-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'autorisation de pratiquer une mesure de saisie conservatoire résultant du cautionnement donné par les dirigeants sociaux au bénéfice d'une société commerciale.
En l'absence, dès lors, de tout abus dans le choix et la réalisation de la mesure de saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires des appelants, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande tendant à la mainlevée de ladite mesure.
B) sur la demande tendant à la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur les biens immobiliers :
Selon l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire ».
L'article R. 531-1 du même code énonce que « sur présentation de l'autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu'une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur ».
Il est constant que par ordonnance du 8 avril 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourges, statuant en application de ces deux textes, a autorisé la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire à prendre une inscription d'hypothèque provisoire sur des biens immobiliers appartenant à Monsieur [T] et Madame [K] et situés, notamment, sur les communes de Culan et Saulzais le Potier, pour obtenir paiement de la somme de 205'000 €, à laquelle la créance de la banque a été provisoirement évaluée par ce magistrat (pièce numéro 1 du dossier des appelants).
Pour solliciter la mainlevée d'une telle mesure, les appelants font successivement valoir qu'ils ont réagi aux mises en demeure qui leur ont été adressées en effectuant des propositions de règlement partiel de leur dette, de sorte que l'inscription d'hypothèque provisoire n'apparaissait pas nécessaire, que la créance de la banque doit être diminuée des montants d'ores et déjà perçus par le liquidateur judiciaire dans le cadre de sa mission et que l'hypothèque provisoire porte sur des terres sur lesquelles il existe un projet d'installation de panneaux photovoltaïques.
Il doit être observé que la créance du Crédit Agricole envers les appelants doit être considérée, au sens du texte précité, comme paraissant fondée en son principe, Monsieur [T] et Madame [K] ne contestant au demeurant pas être débiteurs au titre de leur engagement de caution dans le cadre du prêt initialement consenti à la société WILLWOOD.
De la même façon, il résulte du courrier adressé le 4 décembre 2023 par les appelants au Crédit Agricole que Monsieur [T] a indiqué être « à l'heure actuelle sans revenus », n'ayant pas « le droit au chômage », que le couple allait vivre « grâce au chômage » de Madame [K] (pièce numéro 12 du dossier des appelants), rappelant par ailleurs l'existence d'autres engagements de caution.
Dans ces conditions, l'existence, au sens du texte précité, de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance apparaît suffisamment établie.
En outre, aucune faute ne peut être reprochée au Crédit Agricole dans le cadre de son refus des deux propositions des appelants contenues dans leurs courriers des 4 décembre 2023 et 9 janvier 2024, en l'occurrence le règlement d'une somme de 20'000 € pour solde de tout compte, ou bien un règlement mensuel de 500 € avec déduction des intérêts de retard et de l'indemnité financière, dès lors que de telles propositions apparaissent sans commune mesure avec le montant de la créance du Crédit Agricole évaluée à titre provisoire par le juge de l'exécution dans son ordonnance du 8 avril 2024 à la somme de 205'000 €.
Dans ces conditions, la décision devra donc également être confirmée en ce qu'elle a débouté Monsieur [T] et Madame [K] de leur demande formée à titre principal et tendant à la mainlevée de la mesure d'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur leurs biens immobiliers en application de ladite ordonnance.
II) sur la demande formée à titre subsidiaire par Monsieur [T] et Madame [K] tendant au cantonnement de l'hypothèque judiciaire :
Selon l'article R. 532-9 du code des procédures civiles d'exécution, « lorsque la valeur des biens grevés est manifestement supérieure au montant des sommes garanties, le débiteur peut faire limiter par le juge les effets de la sûreté provisoire s'il justifie que les biens demeurant grevés ont une valeur double du montant de ces sommes ».
Les appelants sollicitent, sur le fondement de ce texte, le cantonnement de l'hypothèque aux parcelles cadastrées D[Cadastre 8], D[Cadastre 9], D[Cadastre 6], D[Cadastre 7] sur la commune de [Localité 15] ([Localité 15]) d'une surface de 7ha 17a 93 ca d'une valeur de 350'000 €, qui constitue leur résidence principale, ainsi qu'aux parcelles cadastrées AS [Cadastre 1], AS [Cadastre 2] sur la commune de [Localité 13] d'une surface de 27.110 m2 d'une valeur de 180'000 €, sur lesquelles il existe un crédit restant dû de 129'156,43 €.
Ils ne sollicitent plus, comme en première instance, le cantonnement à la parcelle cadastrée D[Cadastre 5] sur la commune de [Localité 15], dont le premier juge avait fait observer qu'elle n'était pas concernée par l'hypothèque de la banque.
Au soutien d'une telle demande, les appelants produisent des avis de valeur rédigés par l'agence immobilière ORPI de [Localité 14], dont force est de constater qu'ils procèdent à une évaluation globale de diverses parcelles, sans préciser une évaluation unitaire de celles-ci.
Ainsi, les parcelles cadastrées AS [Cadastre 1] et AS [Cadastre 2] sur la commune de [Localité 13] d'une superficie de 27'110 m² ' faisant l'objet de la demande de cantonnement ' sont-elles évaluées par un avis de valeur global du 7 juin 2024 concernant 35 parcelles d'une superficie totale de 65 ha 53 a 88ca (pièce numéro 20 du dossier des appelants).
Il en est de même des parcelles D [Cadastre 8], D [Cadastre 9] , D [Cadastre 6] et D [Cadastre 7] sur la commune de [Localité 15] ' dont il est indiqué qu'elles sont d'une superficie de 7 ha 17a 93 ca ' qui sont évaluées dans le cadre d'un avis de valeur du même jour concernant 18 parcelles pour un total de 56 ha 89 a 45 ca.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que les éléments produits aux débats ne permettaient pas une estimation de chacune des parcelles concernées et, partant, de vérifier que les conditions prévues à l'article R 532-9 du code des procédures civiles d'exécution étaient remplies.
En conséquence, la décision de première instance devra également être confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande tendant au cantonnement de l'hypothèque judiciaire.
III) sur les autres demandes :
Il résulte de ce qui précède que les demandes formées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire par Monsieur [T] et Madame [K] à l'encontre du Crédit Agricole doivent être rejetées, de sorte qu'en l'absence d'une quelconque faute pouvant être reprochée à la banque, la demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour préjudice moral et pour préjudice matériel en raison de l'annulation des festivités de mariage des appelants ne saurait être accueillie, ainsi que l'a estimé à juste titre le premier juge.
La décision dont appel se trouvant, ainsi, confirmée en l'intégralité de ses dispositions, les entiers dépens d'appel devront être laissés à la charge de Monsieur [T] et Madame [K], qui succombent en leurs demandes.
L'équité commandera, en outre, d'allouer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire une indemnité de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que celle-ci a dû exposer dans le cadre de la présente instance.
Par ces motifs :
La cour
' Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris
Y ajoutant
' Condamne [S] [T] et [H] [K] à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S. MAGIS O. CLEMENT