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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 7, 25 septembre 2025, n° 21/05868

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/05868

25 septembre 2025

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2025

(n° , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05868 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6MR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/00859

APPELANTE

Madame [J] [G]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Richard WETZEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1970

INTIMÉE

S.A.S. INTERIM NATION GD IDF

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Christine LUSSAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0271

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue en formation collégiale le 10 avril 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de la chambre,

Madame Stéphanie ALA, présidente,

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Bérénice HUMBOURG dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Estelle KOFFI

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, initialement prévu le 10 juillet 2025, prorogé au 25 septembre 2025,

- signé par Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Estelle KOFFI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 8 novembre 1989, Mme [J] [G] a été engagée par la société Intérim Nation par contrat de travail écrit à durée indéterminée en qualité d'assistante de recrutement. Le 1er septembre 1990, elle est devenue prospecteur et commercial. Le 1er janvier 1996, elle est promue au poste de responsable régionale du département Grande Distribution. La société Intérim Nation est dirigée par M. [X].

La société a donné son fonds de commerce en location-gérance à la société SNC IN GD IDF, dont la gérante est Mme [O] entre juillet 2016 et mars 2018.

Le 5 décembre 2016, la société Intérim Nation a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation entraînant la transmission universelle de son patrimoine au profit de son associé unique, la société Intérim Nation Holding.

Le 1er janvier 2017, la société Intérim Nation Holding devient la société Groupe Belvédia par changement de dénomination sociale. Elle gère 30 agences d'emploi en intérim en France.

Mme [G] devient donc à compter du 1er avril 2018 salariée de la société Groupe Belvédia, dont le président est Mme [R].

M. [X] restera le dirigeant du réseau Intérim Nation jusqu'en juin 2018.

A compter du 1er août 2018, la salariée s'est vue confier les fonctions de manager d'agence, statut cadre, niveau G :

- avec un salaire de base de 9.650,00 euros sur 13 mois, pour un horaire mensuel de 151,67 heures,

- une rémunération variable, définie par note de direction afin de rémunérer la marge des contrats qu'elle pouvait signer au profit de son agence,

- le remboursement des frais liés à son activité professionnelle.

La société Groupe Belvédia regroupait en son sein l'ensemble des activités et salariés du groupe. Il a alors été décidé de dissocier les activités de holding et de travail temporaire, et pour cette activité, de créer une entité juridique par agence chargée du placement de personnel.

Le 27 décembre 2018, les statuts de la société Intérim Nation GD IDF sont signés. La société comprend alors deux associées, l'une ayant 99 parts, la société JNC CAPITAL, représentée par M. [S] [F] et l'autre, la société Groupe Belvedia, représentée par Mme [D] [R], propriétaire d'une part.

La société Intérim Nation GD IDF a ensuite été immatriculée le 21 janvier 2019.

Le 2 février 2019, la société Groupe Belvédia a transféré une partie de son activité à la société Intérim Nation GD IDF, alors gérée par Mme [D] [R]. Cette société est ainsi devenue le dernier employeur de la salariée dont le contrat de travail a été transféré successivement aux différentes sociétés par application de l'article L.1224-1 du code du travail, Mme [G] ayant toujours travaillé au sein de l'agence d'intérim sise à Nation au [Adresse 4].

La société Intérim Nation GD IDF emploie un effectif de moins de 10 salariés selon le registre du personnel versé aux débats. Elle applique l'accord national du 23 janvier 1986 relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire.

Le 1er juillet 2019, M. [F] est devenu le président de la société Belvedia, le gérant de la société intimée et de la société IN Animation SNC.

Par courrier du 18 novembre 2019 reçu le 20 novembre 2019, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement fixé le 28 novembre 2019, avec une mise à pied à titre conservatoire.

Le 19 novembre 2019, le courrier de convocation lui a été également notifié par huissier de justice, sur son lieu de travail, avec mise à pied conservatoire et sommation de restituer sans délai les clés de l'agence et de son bureau et son téléphone ainsi que la carte SIM.

L'entretien préalable s'est tenu le 28 novembre 2019. Mme [G] a été assistée d'un conseiller du salarié qui a établi un compte-rendu.

Le 3 décembre 2019, Mme [G] a été destinataire d'une invitation à produire les justificatifs des frais professionnels avant le 13 décembre 2019.

Le 9 décembre 2019, Mme [G] a contesté la procédure disciplinaire mise en oeuvre à son encontre en indiquant que c'était la société elle-même qui sollicitait la production de note de frais fictives, depuis plus de 16 ans, afin de la rémunérer pour ses fonctions complémentaires d'apporteur d'affaires à toutes les agences de France et portant sur des contrats des grands comptes nationaux de la grande distribution.

Mme [G] a été licenciée le 20 décembre 2019 pour fautes lourdes. Son obligation de non-concurrence prévue par l'avenant du 27 juillet 2018 a été maintenue mais ramenée à une durée de 12 mois au lieu de 24 mois.

En dernier lieu, la rémunération moyenne de Mme [G] s'élevait à la somme de 12.220,80 euros selon la salariée et à la somme de 11.296,36 euros selon la société.

Parallèlement au licenciement, la société a déposé plainte auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris le 5 septembre 2020. Le 17 mars 2021, cette plainte a été classée par le parquet sur le fondement de l'article 40-1 du code de procédure pénale au motif que 'la procédure a permis d'établir que l'auteur des faits a commis une infraction. Une suite administrative a été ordonnée et paraît suffisante. Par conséquent, le Procureur de la République n'envisage pas d'engager des poursuites pénales'.

Par jugement du 19 mai 2021, notifié le 11 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- fixé le salaire mensuel à 12.220,80 euros,

- condamné la société Intérim Nation GD IDF à verser à Mme [J] [G] les sommes suivantes :

* 36 662,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 3 666,24 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

* 74 131,37 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 9 855,48 euros au titre du salaire de mise à pied et 985,55 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

* 7 145,52 euros au titre de la clause de non concurrence et 714,55 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

* 140,14 euros au titre des RTT et 14,00 euros au titre des congés payés sur RTT,

* 200 000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La salariée a interjeté un appel partiel le 30 juin 2021, à l'encontre dudit jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société Intérim Nation GD IDF à la somme de 74 131,37 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société à la somme de 8 289,23 euros au titre du rappel d'indemnité compensatrice de congés payés. Ce premier appel partiel a été enregistré sous le numéro RG 21/05868.

Le 5 juillet 2021, la salariée a interjeté un appel partiel à l'encontre dudit jugement en ce qu'il l'a déboutée des demandes en paiement des sommes de 100 000,00 euros au titre de la perte de chance au titre de la retraite et de 94.324,80 euros au titre du travail dissimulé. Ce second appel partiel a été enregistré sous le numéro RG 21/06021.

Enfin, par déclaration du 5 juillet 2021, la société Intérim Nation GD IDF a interjeté appel partiel à son tour de ce jugement. Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 21/06094.

Par ordonnance en date du 10 février 2022, le conseiller de la mise en état a procédé à la jonction de ces 3 procédures et a dit qu'elles se poursuivraient sous le n° de RG 21/05868.

La société a saisi le 16 février 2024 le tribunal correctionnel de Paris par voie de citation directe, puis une nouvelle citation directe a été délivrée le 31 janvier 2025 pour une audience pénale fixée au 2 octobre 2025.

Enfin, par ordonnance du 11 juin 2024, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer de la société Intérim Nation GD IDF pour avoir présenté cette exception de procédure après sa défense au fond.

Selon ses dernières conclusions communiquées par RPVA le 11 février 2025, Mme [G] demande à la cour de :

- Déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par la société Intérim Nation GD IDF,

subsidiairement, rejeter la demande de sursis à statuer,

- Déclarer la société Intérim Nation GD IDF mal-fondée en son appel à l'encontre du jugement,

- la recevoir en ses demandes, fins et conclusions et l'y déclarer bien fondée,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute lourde en licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Intérim Nation GD IDF au paiement des sommes suivantes :

* rappel au titre de l'indemnité compensatrice de préavis 36.662,40 euros et congés payés afférents 3.666,24 euros,

* rappel au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée 9.855,48 euros et congés payés afférents 985,55 euros,

* rappel au titre de l'indemnité de la clause de non-concurrence 7.145,52 euros et congés payés afférents 714,55 euros,

* rappel au titre de l'indemnité compensatrice de RTT 140,14 euros et congés payés afférents 14 euros,

L'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

- Condamner la société Intérim Nation GD IDF au paiement des sommes suivantes :

* dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle, ni sérieuse 314.416,00 euros,

* rappel au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement : 111.439,02 euros,

* rappel au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés 2.211,33 euros,

* perte de chance au titre de la retraite 100.000,00 euros,

* indemnité forfaitaire pour travail dissimulé 73.324,80 euros,

* indemnité pour frais non compris dans les dépens (article 700 du code de procédure civile) 5.000,00 euros,

- Fixer les intérêts légaux à compter de la date de réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu'au jour du jugement pour l'ensemble des condamnations à intervenir,

- Condamner la société aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées par RPVA le 7 février 2025, la société IntérimNation GD IDF demande à la cour de :

* à titre principal et avant toute clôture des débats

- Prononcer le sursis à statuer sur les appels formés par Mme [G] et la société Intérim Nation GD IDF dans l'attente de la décision à intervenir du tribunal correctionnel de Paris, appelé à statuer sur les infractions reprochées à Mme [G] et notamment celle d'escroquerie.

* à titre subsidiaire au fond

- Déclarer Mme [G] mal-fondée en ses appels partiels des 30 juin et 5 juillet 2021 à l'encontre du jugement,

- La déclarer recevable en son appel partiel du 5 juillet 2021, de même qu'en ses conclusions et la déclarer bien fondée en ses demandes,

- Infirmer le jugement en ce qu'il :

' a jugé le licenciement de Mme [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' a fixé le salaire mensuel de la salariée à 12.220,80 euros,

' l'a condamnée à verser à Mme [G] les sommes suivantes :

* 36 662,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 3 666,24 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

* 74 131,37 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 9 855,48 euros au titre du salaire de mise à pied et 985,55 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

* 7 145,52 euros au titre de la clause de non concurrence et 714,55 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

* 140,14 euros au titre des RTT et 14,00 euros au titre des congés payés sur RTT,

* 200 000,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné le remboursement au Pôle emploi des allocations chômage à hauteur d'un mois,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] des demandes suivantes :

* 8 289,23 euros au titre du rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 100 000,00 euros au titre de la perte de chance au titre de la retraite,

* 94.324,80 euros au titre du travail dissimulé,

Et statuant à nouveau :

- Fixer le salaire mensuel de référence de Mme [G] à 11.296,36 euros,

- Constater les fautes lourdes commises par Mme [G] en l'espèce en établissant des relevés de frais de déplacements professionnels fictifs et en se les faisant rembourser, soit encore en mettant en oeuvre une fraude aux frais professionnels,

- Constater que la fraude aux frais professionnels dont s'est rendue coupable Mme [G] avait pour unique but de s'enrichir à son détriment,

- Juger en conséquence, que le licenciement de Mme [G] repose bien sur des fautes lourdes,

- Constater qu'à défaut de retenir l'intention de nuire de Mme [G], les faits de fraude reconnus par la salariée constituent à tout le moins une faute grave,

- Requalifier en conséquence le licenciement pour fautes lourdes de la salariée en licenciement pour fautes graves,

- Juger que les conséquences financières d'un licenciement pour fautes graves sont identiques à celle du licenciement pour fautes lourdes prononcé à l'encontre de Mme [G],

- Débouter Mme [G] de son appel incident et de ses demandes visant à obtenir la condamnation de la société Intérim Nation GD IDF au paiement des sommes suivantes :

* 36 662,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 3 666,24 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

* 111.439,02 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 9 855,48 euros au titre du salaire de mise à pied et 985,55 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

* 314.416,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 211,33 euros au titre du rappel d'indemnité compensatrice de congé payé,

* 100 000,00 euros au titre de la perte de chance au titre de la retraite,

* 73 324,80 euros au titre du travail dissimulé,

* 7 145,52 euros au titre de la clause de non concurrence et 714,55 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

* 140,14 euros au titre des RTT et 14,00 euros au titre des congés payés sur RTT,

* 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et plus généralement de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

*à titre subsidiaire :

- Juger que les faits reprochés à Mme [G] constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement et débouter en tout état de cause Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

* à titre infiniment subsidiaire :

Si par impossible le licenciement était considéré comme non fondé,

- Fixer les dommages et intérêts éventuellement accordés à Mme [G] sur la base de l'indemnité minimale pour son ancienneté prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail,

- Débouter Mme [G] de sa demande visant à ce que la date des intérêts légaux pour les condamnations indemnitaires dont elle pourrait bénéficier, soit fixée à compter de la date de réception par la société Intérim Nation GD IDF de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

- Condamner reconventionnellement Mme [G] à lui rembourser la somme de 25.469,96 euros au titre des sommes indument perçues dans le cadre de la fraude,

- Condamner reconventionnellement Mme [G] à restituer à la société Intérim Nation GD IDF la somme de 424,12 euros à titre de trop perçu sur congés payés,

- Assortir les condamnations pécuniaires prononcées des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamner Mme [G] à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner pour autant que de besoin Mme [G] à restituer à la société Intérim Nation GD IDF, toute somme que celle-ci aurait été conduite à lui verser en exécution des causes du jugement déféré à la censure de la cour en raison de leur caractère exécutoire de plein droit,

- Condamner Mme [G] aux entiers dépens.

La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 février 2025.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 10 avril 2025.

La cour a sollicité des parties une note en délibéré sur la compétence exclusive du conseiller de la mise en état pour statuer sur une demande de sursis à statuer.

Seule la salariée a adressé une note en cours de délibéré.

MOTIFS

Sur le sursis à statuer

La société Intérim Nation GD IDF sollicite que soit prononcé le sursis à statuer, dans l'attente de la décision à intervenir du tribunal correctionnel, faisant valoir qu'il est d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dès lors que l'infraction d'escroquerie qui est reprochée à Mme [G] est très exactement le motif du licenciement et la décision à intervenir en matière pénale ayant nécessairement une incidence sur l'appréciation du caractère réel et sérieux du licenciement.

La salariée s'oppose à cette demande en faisant valoir que :

- la demande de la société a déjà été rejetée par le juge de la mise en état,

- depuis la loi n°2007-291 du 5 mars 2007 le pénal ne tient plus le civil en l'état, l'article 4 du code de procédure pénale ayant été modifié pour fixer un principe contraire, à savoir que la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

A la suite de la demande de la cour lors de l'audience quant à sa compétence pour statuer sur cette exception de procédure, seule la salariée a produit une note en délibéré.

En application des articles 907 et 789 du code de procédure civile, seul le conseiller de la mise en état est, à compter de sa désignation et jusqu'à son dessaisissement, compétent pour statuer sur les exceptions de procédure.

Or, la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure et d'ailleurs la société Intérim Nation GD IDF a déjà saisi de cette demande le conseiller de la mise en état qui a déclaré sa demande irrecevable car présentée après sa défense au fond.

Il en découle que la cour n'est pas compétente pour statuer sur cette demande, qui plus est irrecevable puisque présentée après des conclusions au fond.

Sur la rupture du contrat

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche à la salariée 'des manquements graves dans l'exécution de vos fonctions, déclarations de faux déplacements professionnels, pour violation de nos procédures, pour déclarations erronées et demandes de remboursement infondées de frais professionnels dans le but exclusif d'en tirer des bénéfices pécuniaires personnels indus, pour abus de confiance en découlant et manquements caractérisés à votre devoir de loyauté à notre égard, pour volonté délibérée de nous nuire, et plus généralement encore pour l'intégralité des faits ci avant énumérés qui, en tout état de cause, nuisent au bon fonctionnement de notre entreprise'.

La société Interim Nation GD IDF soutient que les faits reprochés caractérisant une faute lourde sont établis, Mme [G] ayant mis en place un véritable système de fraude aux frais professionnels ayant eu pour but de détourner des fonds à ses employeurs successifs et tout particulièrement à son préjudice et qu'elle a ainsi lourdement manqué à ses obligations contractuelles afin de s'enrichir à son préjudice.

Elle expose en substance les éléments suivants :

- M. [F], lorsqu'il a pris le 1er août 2019 la gérance a fait appel courant septembre 2019, au cabinet d'expertise comptable france méditerranée gestion conseil (F.M.G.C.) pour analyser les rémunérations et les frais exposés par les cadres les mieux rémunérés, dans un souci de rationalisation des coûts,

- le 12 novembre 2019, M. [P], gérant de ce cabinet, a attiré l'attention de M. [F] sur d'importants remboursements d'indemnités kilométriques sollicités mensuellement par Mme [G], frais qu'il suspecte d'être fictifs, de l'ordre de 2.800 euros / mois,

- la salariée par courrier en date du 9 décembre 2019 a reconnu que les frais remboursés n'ont pas été réellement engagés et qu'elle établissait, à la demande de l'employeur, de fausses notes de frais destinées à dissimuler des rémunérations qu'elle percevait en contrepartie d'apports de clientèle,

- aucune rémunération complémentaire n'était due à Mme [G] et c'est de concert avec M. [X] son ancien employeur qu'a été mis en place ce mécanisme frauduleux, consistant à dissimuler derrière des remboursements de frais professionnels, une part de la rémunération de la salariée,

- la salariée ne produit aucune alerte, aucun courriel, aucun justificatif de la moindre demande de régularisation, elle n'a pas dénoncé cette pratique qu'elle entendait voir perdurer tant que ses nouveaux employeurs ne s'en rendraient pas compte,

- il n'y a eu aucune pratique connue qui aurait été avalisée, dans la mesure où Mme [G] établissait elle-même, de manière manuscrite ses prétendus frais kilométriques, qui ont été, pendant quelques mois, réglés en toute confiance par les employés du service paye à la manager d'agence,

- dès qu'un contrôle aléatoire des rémunérations les plus importantes et des frais y attachés a été opéré, à la demande de M. [F] devenu gérant en août 2019, la fraude a été mise à jour,

- elle n'avait aucune raison de compléter d'une manière ou d'une autre la rémunération contractuellement convenue et déjà versée à la salariée notamment pour son apport de clients grands comptes dans la mesure où le développement de la relation commerciale faisait partie intégrante de ses fonctions et que la salariée y était déjà mensuellement intéressée au travers de la part variable de rémunération stipulée à son profit dans l'avenant au contrat de travail la nommant manager d'agence.

La salariée reconnaît la pratique consistant à obtenir le remboursement de frais professionnels fictifs en complément de son salaire afin d'économiser les charges patronales et salariales, pratique mise en place aux fins de la rémunérer pour l'apport de clients au niveau national (comptes de la grande distribution) qui lui a été imposée par ses divers employeurs successifs depuis de nombreuses années.

Elle conteste les fautes reprochées en faisant valoir notamment que :

- son employeur est la société, personne morale, peu important par quelle personne physique la société est représentée, le délai de prescription étant opposable à l'employeur personne morale,

- la société Intérim Nation GD IDF, qui est son dernier employeur, a été immatriculée le 21 janvier 2019 et c'est elle qui, depuis janvier 2019, pouvait lui reprocher d'avoir édité de « fausses notes de frais »,

- le cessionnaire est substitué à l'ensemble des droits et obligations du précédent employeur et le licenciement n'est justifié que si « aucun des deux employeurs successifs n'a laissé écouler un délai de deux mois après avoir eu connaissance des dits manquements »,

- le fait que M. [F], qui ne devient gérant qu'à compter du 1er juillet 2019, n'en prenne personnellement connaissance qu'en novembre 2019 n'a pas pour effet d'ouvrir un nouveau délai de prescription,

- en outre, la nouvelle direction ne saurait se prévaloir d'une pratique dont elle avait connaissance et qu'elle a laissé volontairement perdurer jusqu'en novembre 2019,

- il y a donc prescription des faits ou a minima une tolérance des employeurs puisque cette pratique a été mise en place à leur demande, ce qui ôte au grief son caractère fautif,

- enfin de l'aveu même de la société les notes de frais ont systématiquement été remboursées sans qu'aucun justificatif ne soit jamais sollicité et alors même que le montant mensuel moyen des notes de frais était de 2.800 euros, la société ne s'étant jamais alarmée voire même étonnée de l'absence de justificatif, alors que la procédure interne prévoit que les notes de frais faisaient l'objet d'un visa de la direction de la société, mais aussi d'une double validation par les ressources humaines et par le service comptabilité.

Elle ajoute que M. [F], gérant de la société, était parfaitement informé de cette pratique dès mai 2016, à l'occasion de la réalisation d'un premier audit de la société Intérim Nation dans le cadre d'un projet de rachat dans lequel celui-ci était intéressé et donc antérieurement au prétendu audit de 2019. Elle soutient que la véritable cause de son éviction est le souhait de la société de faire des économies puisqu'elle représentait un des plus hauts salaires au sein de l'entreprise.

Sur le bien fondé du licenciement

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable pour l'entreprise.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La faute lourde, comme la faute grave, entraîne le licenciement immédiat du salarié sans indemnité de rupture exceptée toutefois l'indemnité compensatrice de congés payés.

Il appartient à l'employeur qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence d'une faute lourde ou d'une faute grave.

La matérialité des faits reprochés n'est pas contestée par la salariée qui reconnaît avoir durant des années présenté à ses employeurs successifs des fiches de frais kilométriques correspondant à des déplacements fictifs.

Cette pratique caractérise une fraude puisqu'elle permet à l'employeur et à la salariée de ne pas payer de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu sur les sommes ainsi faussement qualifiées de remboursement de frais alors qu'elles ont en réalité pour objet de rémunérer l'activité de la salariée.

Pour contester son licenciement, la salariée fait valoir plusieurs moyens.

En premier lieu, Mme [G] soutient que les faits reprochés sont prescrits.

L'article L. 1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

A l'inverse, aucune prescription n'est encourue si des faits de même nature se sont reproduits, le dernier dans la période de deux mois précédent l'engagement de la procédure de licenciement.

En l'occurrence, il ressort des pièces produites que la salariée a présenté une dernière 'fiche mensuelle KLM' pour le mois d'octobre 2019 et la somme de 2.834,04 euros, laquelle lui a été remboursée avec son salaire d'octobre 2019 viré sur son compte le 5 novembre 2019.

Les fautes reprochées ayant ainsi perduré jusqu'au mois d'octobre 2019 avec une dernière fiche de frais fictifs présentée à l'employeur et la procédure de licenciement ayant été engagée le 18 novembre 2019, aucune prescription n'est encourue.

Ce premier moyen est donc écarté.

En deuxième lieu, Mme [G] soutient que cette pratique lui a été imposée par ses divers employeurs successifs depuis de nombreuses années malgré ses demandes de régularisation et que nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude la société ne saurait lui reprocher une quelconque faute. Elle ajoute que le cessionnaire est substitué à l'ensemble des droits et obligations du précédent employeur et que le contrat de travail continue donc de s'exécuter chez le repreneur dans les mêmes conditions que celles qui étaient appliquées chez le cédant au moment du transfert.

La société IntérimNation GD IDF conteste avoir eu connaissance de cette fraude, laquelle mise en oeuvre par un précédent employeur, ne peut lui être opposée.

Si, comme le soutient la salariée, lors d'un transfert du contrat de travail, le nouvel employeur doit reprendre l'ancienneté du salarié, les éléments essentiels du contrat de travail, les usages et engagements unilatéraux, il ne peut être considéré que la pratique frauduleuse mise en place constituait un élément du contrat transféré ou un engagement unilatéral de l'employeur.

Il en découle qu'il appartient à la salariée d'établir que ses employeurs successifs avaient connaissance de ce système occulte de rémunération et qu'ils ne s'y sont pas opposés.

Or, la salariée ne soutient pas en avoir informé les sociétés au sein desquelles son contrat a été successivement transféré, lesquelles n'étaient plus dirigées par M. [X] à compter de l'année 2016, ce dernier étant à l'origine de cette pratique.

Dans son attestation, M. [X], qui se présente comme 'ancien président du groupe Intérim Nation' indique que 'la rémunération de Mme [G] se composait d'une part de salaire fixe et d'autre part de 'frais' destinés à rétribuer ses apports de clients grands comptes nationaux' et se borne à indiquer que 'ce fait ne pouvait être ignoré de M. [F] au terme de l'audit ... qui fut mené pendant 7 jours du mois de mai 2016... M. [F] ne peut ignorer l'existence de cette situation'.

Il ne fait état dans son témoignage ni d'une opposition de la salariée à la mise en place de cette pratique, ni d'une quelconque demande de régularisation de sa part. Il ne mentionne pas plus qu'il aurait informé de cette pratique les dirigeants des entités ayant successivement accueilli Mme [G], notamment M. [F] devenu gérant de la société Intérim Nation GD IDF en juillet 2019.

De même, si la salariée verse aux débats plusieurs témoignages faisant état de la connaissance de cette pratique en gratification de son apport des accords cadres nationaux, la cour observe qu'il s'agit de salariées des sociétés Intérim Nation ou Groupe Belvédia et aucune ne mentionne M. [F] ou le nom de la société Intérim Nation GD IDF, ni ne précise avoir été témoin direct d'une demande de régularisation de sa situation par la salariée.

Ainsi, il n'est établi ni l'existence de pressions sur la salariée, ni de demande de régularisation de sa situation, notamment lors des transferts successifs de son contrat ou lors de la signature de son avenant du 27 juillet 2018 avec la société Groupe Belvédia dans lequel il était pourtant désormais prévu une rémunération variable assise notamment sur l'apport de nouveaux clients.

La société fait d'ailleurs remarquer pertinemment qu'il n'y avait aucune raison de compléter la rémunération contractuellement convenue, notamment pour son apport de clients « Grands Comptes » dans la mesure où le développement de la relation

commerciale faisait partie intégrante de ses fonctions et que la salariée y était déjà mensuellement intéressée au travers de la part variable de rémunération stipulée à son profit dans l'avenant au contrat de travail la nommant manager d'agence.

Enfin, il ne ressort ni de l'audit réalisé en 2016, ni des SMS échangés entre la salariée et M. [F] en 2018, ni encore du fait qu'il ait assisté à des événements professionnels au sein du 'réseau Intérim Nation' avant la constitution de la société intimée, que la pratique litigieuse avait été portée à sa connaissance.

Il apparaît au contraire que ce n'est que lors de l'audit commandé par M. [F] en septembre 2019 que la société a été alertée sur le caractère fictif des frais déclarés sans justificatifs, par la lettre de M. [P], auditeur, en date du 12 novembre 2019.

Ainsi, il n'est pas établi que la société Intérim Nation GD IDF avait connaissance de la fraude mise en place antérieurement au transfert du contrat de travail de Mme [G] en son sein.

En troisième lieu, la salariée soutient que la société IntérimNation GD IDF ne peut sanctionner une pratique qu'elle a toléré durant plusieurs mois en 2019.

Or, s'il est exact que la société a remboursé à Mme [G] ses notes de frais entre février et octobre 2019 sans réclamer de justificatif, il n'en résulte pas pour autant qu'elle ait 'toléré' une fraude dont elle n'avait pas connaissance et la cour constate qu'à réception du courrier de M. [P] du 12 novembre 2019, la société a engagé une procédure de licenciement et a demandé à la salariée de justifier des frais réclamés et payés.

Il en découle que la salariée a commis une faute à l'égard de la société Intérim Nation GD IDF en présentant durant plusieurs mois des fiches de frais qu'elle savait fictives et il ne ressort d'aucun élément du dossier que la véritable cause du licenciement serait étrangère à ce comportement.

Sur la gravité de la faute, la société Intérim Nation GD IDF soutient qu'il s'agit d'une faute lourde, les agissements de la salariée ayant eu pour conséquence de lui faire supporter des charges financières exorbitantes et injustifiées, mais aussi de l'exposer à un risque de redressement fiscal et social, ainsi qu'à des poursuites pénales.

Pour autant, il ne ressort pas de ces éléments et des pièces produites que Mme [G] ait eu l'intention de nuire à son employeur.

Par ailleurs, il apparaît que la société Intérim Nation GD IDF, même dans l'ignorance de la pratique frauduleuse mise en place, a fait preuve de négligence en réglant durant plusieurs mois des notes de frais kilométriques sans réclamer les justificatifs afférents à la salariée, ce qui démontre que la poursuite du contrat de travail n'était pas impossible.

Dans ce contexte, la faute grave ne sera pas retenue.

En revanche, le comportement fautif de Mme [G] caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloué à Mme [G] une indemnité à ce titre.

Sur les demandes pécuniaires

Le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, la salariée a droit aux indemnités de rupture et au paiement d'un rappel de salaire pour la période de la mise à pied conservatoire. La salariée présente également une demande de rappel au titre des congés payés (CP) et au titre des RTT.

A titre liminaire, il ressort de l'examen des fiches de paie que sur les trois derniers mois complets de septembre à novembre 2019 avec réintégration du rappel de salaire retenu pour la mise à pied conservatoire (3.563 euros en novembre), le salaire moyen est de 11.705,45 euros et non de 12.220,80 euros comme retenu par le conseil, cette moyenne étant plus favorable que celle calculée sur les 12 derniers mois.

- Sur la mise à pied à titre conservatoire

Mme [G] a été licenciée le 20 décembre 2019. Elle avait reçu notification d'une mise à pied à titre conservatoire le 19 novembre 2019.

Il ressort de l'examen des fiches de paie de novembre et décembre 2019 qu'à ce titre les sommes de 7.018 euros et 3.563 euros ont été retenues.

Il sera donc fait droit à sa demande en paiement d'un rappel de salaire à hauteur 9.855,48 euros bruts et les congés payés afférents, par confirmation du jugement.

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis

La société n'a pas contesté qu'en sa qualité de cadre, Mme [G] était bien fondée à obtenir une indemnité compensatrice de préavis de trois mois, soit la somme de 35.116,35 euros bruts et les congés payés afférents. Cette durée est prévue par l'article 7.1 de l'accord national du 23 janvier 1986 relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire.

Le jugement sera infirmé sur le quantum alloué.

- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

La salariée conteste le calcul du conseil de prud'hommes et sollicite l'application de différentes majorations prévues par la convention collective.

L'article 7.2 du texte précité prévoitqu'il sera alloué au salarié licencié avant que ne lui soit ouvert le droit à la pension de retraite de la sécurité sociale sans abattement - sauf pour faute grave ou lourde de sa part - une indemnité distincte du préavis, tenant compte de son ancienneté dans l'entreprise et fixée comme suit :

- à partir de 2 années d'ancienneté révolues jusqu'à 5 années d'ancienneté, 1/10 de mois par année d'ancienneté à compter de la date d'entrée dans l'entreprise ;

- à partir de 5 années d'ancienneté révolues, 1/5 de mois par année entière d'ancienneté à compter de la date d'entrée dans l'entreprise.

Pour les salariés ayant plus de 15 ans d'ancienneté révolus, il sera ajouté au chiffre précédent 1/10 de mois par année entière d'ancienneté au-delà de 15 ans.

L'indemnité de licenciement sera majorée de 20 % pour les salariés âgés de 50 ans révolus au terme de leur préavis de licenciement.

Mme [G] née le 22 septembre 1961 était âgée de 58 ans lors de la rupture du contrat.

Au jour de son licenciement, le 20 décembre 2019, elle bénéficiait d'une ancienneté de 30 ans et 1 mois à laquelle il convient d'ajouter les 3 mois de préavis, soit 30,33 années d'ancienneté.

L'indemnité conventionnelle de licenciement est donc calculée comme suit :

1/5 x 30,33 x 11.705,45 euros = 71.005 euros,

(1/10) x 15,33 x 11.705,45 euros = 17.944,45 euros,

soit la somme de 88.949,45 euros qu'il convient de majorer de 20%, Mme [G] ayant plus de 50 ans au moment de son départ, soit une indemnité conventionnelle de licenciement qui s'élève à 106.739,34 euros.

Le jugement sera infirmé sur le quantum alloué.

- Sur les demandes de rappel au titre des congés payés (CP) et au titre des RTT

Les parties s'accordent sur le fait qu'il ressort du bulletin de paie de novembre 2019 que la salariée disposait alors de :

- 23,96 CP au titre de l'année 2018/2019,

- 11,58 CP au titre de l'année 2019/2020,

- 0,50 RTT.

La salariée soutient qu'il convient d'ajouter les 2,08 congés payés qu'elle aurait dû acquérir en décembre 2019, ayant été licenciée le 20 décembre 2019.

Toutefois, la salariée se trouvait durant ce mois en mise à pied conservatoire et un rappel de salaire lui a été alloué à ce titre avec les congés payés afférents. Elle est donc remplie de ses droits sur ce mois.

La société reconnaît devoir une somme au titre de 0,50 RTT et au titre des congés payés pour un nombre total de 35,54 jours.

Les parties diffèrent sur la durée hebdomadaire de travail et sur le taux horaire.

Le contrat de travail mentionne un horaire hebdomadaire de 37,50 heures, plus un jour de RTT par mois, une rémunération en contrepartie 'd'un horaire mensuel de 151,67 heures' et les fiches de paie sur 2019 mentionnent des heures payées à hauteur de 151,67 heures.

La rémunération moyenne de Mme [G] s'élevant à 11.705,45 euros pour 151,67 heures mensuelles, le taux horaire est de 77,17 euros.

Il en découle une indemnité de congés payés de 19.198,35 euros, soit un reliquat de 192,38 euros compte tenu de la somme versée lors de la rupture pour 19.005,97 euros.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

S'agissant de 0,50 jour de RTT, il est dû à ce titre la somme de 270,09 euros.

Il sera fait droit à la demande de confirmation du jugement par la salariée lequel a alloué la somme de 140,14 euros à ce titre outre les congés payés.

Sur les autres demandes

Sur l'indemnité au titre de la clause de non-concurrence

L'avenant du 27 juillet 2018 au contrat de travail de la salariée a prévu une clause de non-concurrence à son article 12 pour une durée de 2 ans. En contrepartie, il est prévu le versement d'une indemnité mensuelle brute d'un montant égal à 20% de la moyenne mensuelle de sa rémunération au cours des trois derniers mois de présence dans l'entreprise pour la première année et à 10% pour la 2ème année.

Dans le cadre de la lettre de licenciement la société a maintenu la clause de non-concurrence tout en la limitant à une durée d'une année.

La salariée considère qu'il lui reste dû la somme de 7.145,52 euros sur un an, compte tenu de la somme perçue à hauteur de 30.584,40 euros.

La société conteste devoir une somme à ce titre.

Comme il a été précédemment retenu le salaire moyen de la salariée sur les trois derniers mois s'élève à 11.705,45 euros et non à 15.720,80 euros comme elle le retient dans son calcul.

Il est établi que la société a versé sur un an la somme de 27.804 euros au titre de l'indemnité de non concurrence et 2.780,40 euros au titre des congés payés, soit un total brut de 30.584,40 euros.

Compte tenu du salaire moyen de la salariée, elle aurait dû percevoir la somme de 28.093,08 euros au titre de l'indemnité de non concurrence outre les congés payés.

Compte tenu de la somme d'ores et déjà perçue, il reste dû un reliquat de 317,98 euros, congés payés inclus.

Le jugement sera infirmé sur le quantum alloué.

Sur la demande en remboursement de la société

La société sollicite le remboursement des sommes versées en 2019 au titre des frais non justifiés.

La salariée conteste cette demande en affirmant que la rémunération litigieuse était la contrepartie des apports de clients « Grands comptes » et qu'en tout état de cause, cette pratique étant imposée par l'employeur, celui-ci ne peut se prévaloir de sa propre turpitude afin de se créer artificiellement un droit à répétition.

La société fait valoir à juste titre qu'en application de l'article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette et ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. Elle ajoute que la salariée a perçu indûment des sommes à titre de remboursement de frais professionnels non justifiés, soit sur la période de février 2019 à décembre 2019, la somme de 25.469,96 euros comme en attestent les bulletins de paie et les états de frais manuscrits.

La pratique de la rémunération occulte ne pouvant être opposée à la société Intérim Nation GD IDF, il sera fait droit à la demande de restitution.

Le jugement est infirmé en ce sens.

Sur le travail dissimulé

La salariée fait valoir que tout au long de la relation de travail, elle a perçu une partie de sa rémunération à travers des remboursements de « fausses notes de frais », pratique malhonnête mise en place et imposée par la société elle-même depuis 16 ans, qui lui ont permis de se soustraire à une partie de ses obligations en matière de cotisations sociales. Elle réclame l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article

L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Comme il a été précédemment développé il ne ressort pas des pièces produites que la société Intérim Nation GD IDF dernier employeur de la salariée à compter de février 2019 ait eu connaissance de la pratique mise en oeuvre antérieurement au transfert du contrat.

Il ne peut donc être retenu qu'elle se soit soustraite intentionnellement à ses obligations sociales.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la perte de chance au titre des droits à la retraite

Mme [G] soutient qu'elle subit une perte de chance au titre de la retraite résultant tant de son licenciement injustifié à l'âge de 58 ans que de l'absence de déclaration auprès des organismes sociaux de l'intégralité de sa rémunération.

Or, la cour a retenu d'une part que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse et d'autre part que la société n'avait pas connaissance de la pratique frauduleuse mise en oeuvre. Elle ne peut donc être tenue pour responsable du préjudice éventuellement subi par la salariée du fait de la dissimulation d'une partie de sa rémunération.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de déroger aux règles applicables aux intérêts et par conséquent il est rappelé que les créances salariales portent intérêts à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et des dépens exposés dans la procédure d'appel.

Les dispositions du jugement sur ces chefs seront en revanche confirmés.

Enfin, il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement de sommes éventuellement trop perçues en exécution du jugement, le présent arrêt constituant le titre exécutoire permettant cette restitution.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :

SE DECLARE incompétente pour statuer sur la demande de sursis à statuer ;

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- jugé le licenciement de Mme [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire mensuel de la salariée à 12.220,80 euros,

- condamné la société Intérim Nation GD IDF à verser à Mme [G] les sommes suivantes :

36 662,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 3 666,24 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

74 131,37 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

7 145,52 euros au titre de la clause de non concurrence et 714,55 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

200 000,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonné le remboursement au Pôle emploi des allocations chômage à hauteur d'un mois,

- rejeté la demande d'indemnité compensatrice de congés payés,

- rejeté la demande de remboursement de la société,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] des demandes au titre de la perte de chance / retraite et du travail dissimulé et la société de sa demande de remboursement d'un trop perçu de congés payés,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société Intérim Nation GD IDF à payer à Mme [G] les sommes suivantes :

* 9 855,48 euros au titre du salaire de mise à pied et 985,55 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

* 140,14 euros au titre des RTT et 14,00 euros au titre des congés payés sur RTT,

sauf à préciser que ces sommes sont allouées en brut ;

* 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant :

REQUALIFIE le licenciement pour faute lourde en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE Mme [G] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Intérim Nation GD IDF à payer à Mme [G] les sommes suivantes:

* 35.116,35 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 3.511,63 euros bruts de congés payés afférents,

* 106.739,34 euros bruts au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 192,38 euros bruts au titre du rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 317,98 euros bruts au titre de la clause de non concurrence, congés payés inclus,

CONDAMNE Mme [G] à rembourser à la société Intérim Nation GD IDF la somme de 25.469,96 euros au titre des sommes indûment perçues,

REJETTE les plus amples demandes ;

DIT que les créances salariales portent intérêts à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce ;

LAISSE à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et dépens exposés en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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