CA Colmar, ch. 4 a, 7 octobre 2025, n° 22/03718
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 25/728
Copie exécutoire
aux avocats
le 07 octobre 2025
La greffière
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/03718
N° Portalis DBVW-V-B7G-H5Z3
Décision déférée à la Cour : 06 Septembre 2022 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Colmar
APPELANT :
Monsieur [S] [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Benoît NICOLAS, avocat au barreau de Colmar
INTIMEÉES :
S.A.R.L. ENSISHEIM AMBULANCES,
prise en la personne de son représentant légal,
N° SIRET : 531 690 279
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Steeve ROHMER, avocat au barreau de Mulhouse
S.A.R.L. AMBULANCES DE [Localité 4],
prise en la personne de son représentant légal,
N° SIRET : 510 728 736
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-Luc ROSSELOT, avocat au barreau de Mulhouse
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Emmanuel ROBIN, Président de chambre (chargé du rapport)
M. Edgard PALLIERES, Conseiller
M. Gurvan LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Lucille WOLFF
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées,
- signé par M. Emmanuel ROBIN, Président de chambre et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société Ambulances de [Localité 4] a embauché M. [S] [Z] en qualité d'auxiliaire ambulancier à compter du 1er février 2018 ; le 1er avril 2019, le fonds de commerce a été cédé à la société KLM services, ensuite devenue la société Ensisheim ambulances, à laquelle le contrat de travail a été transféré.
Le 16 juillet 2020, M. [S] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Colmar en invoquant des manquements de l'employeur tenant notamment au défaut de paiement des salaires et à un harcèlement moral et en sollicitant la résiliation de son contrat de travail ; le 10 septembre 2020, il a déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail et a demandé au conseil de prud'hommes que cette rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société Ensisheim ambulances a appelé dans la cause la société Ambulances de [Localité 4].
Par jugement du 6 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Colmar a jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail s'analysait en une démission, a annulé un avertissement notifié le 7 février 2020, a condamné, d'une part, la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 16,20 euros au titre de la majoration liée à l'ancienneté ainsi que celle de 49,56 euros à titre d'indemnité de repas et celle de 500 euros à titre de dommages et intérêts, et, d'autre part, la société Ambulances de Rouffach à lui payer la somme de 507,84 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juillet 2018 au 31 mars 2019, mais a débouté le salarié du surplus de ses demandes et l'a condamné à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution du préavis et rupture abusive.
Le 3 octobre 2022, M. [S] [Z] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 20 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré la société Ensisheim ambulances irrecevable à conclure et à produire des pièces.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 février 2024, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 27 juin 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré jusqu'à ce jour.
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Par conclusions déposées le 22 juin 2023, M. [S] [Z] demande à la cour de réformer le jugement ci-dessus, de constater que la démission intervenue le 10 septembre 2020 est une prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Ensisheim ambulances à lui payer la somme de 4 095,08 euros au titre du préavis, celle de 409,51 euros au titre des congés payés afférents, celle de 1 279,71 euros au titre de l'indemnité de licenciement, celle de 8 190,16 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 5 076,56 euros au titre des heures supplémentaires, celle de 507,65 euros au titre des congés payés afférents, celle de 1 500 euros pour non-respect de la durée hebdomadaire de travail, celle de 3 459,37 euros au titre de l'indemnité pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, celle de 449,75 euros au titre du temps d'habillage et de déshabillage, celle de 1 000 euros au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité, celle de 289,36 euros au titre de prélèvements pour la complémentaire santé, celle de 1 000 euros pour la délivrance tardive de documents de fin de contrat et celle de 10 000 euros au titre du harcèlement moral ; il sollicite également la condamnation in solidum de la société Ensisheim ambulances et de la société Ambulances de [Localité 4] à lui payer la somme de 3 458,70 euros au titre des heures supplémentaires, celle de 345,87 euros au titre des congés payés afférents, celle de 1 800 euros pour non-respect de la durée hebdomadaire de travail, celle de 1 483,51 euros au titre de l'indemnité pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, celle de 246,75 euros au titre des temps d'habillage et de déshabillage, celle de 12 285,24 euros au titre du travail dissimulé, celle de 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du refus de fournir des feuilles de route, celle de 1 000 euros pour retards de paiement des salaires, celle de 1 000 euros pour la délivrance tardive des bulletins de paie et celle de 500 euros au titre de l'absence d'entretien des tenues professionnelles par l'employeur ; enfin il réclame une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour solliciter le paiement d'heures supplémentaires et une indemnisation au titre des dépassements de la durée de travail hebdomadaire maximale et du contingent annuel d'heures supplémentaires, M. [S] [Z] se réfère à des décomptes hebdomadaires du temps durant lequel il devait rester à la disposition de son employeur et à des feuilles de route établies par ses soins. Il reproche à son employeur d'avoir supprimé l'utilisation des feuilles de route obligatoires, d'avoir payé le salaire après le 15 du mois suivant et d'avoir omis de remettre des bulletins de paie de manière répétée. Il demande le paiement d'indemnités de repas. Il soutient que les temps d'habillage et de déshabillage devaient donner lieu à une indemnité et reproche à l'employeur un défaut d'entretien des tenues professionnelles.
M. [S] [Z] fait également valoir que durant toute la relation de travail l'employeur a prélevé sur son salaire des sommes au titre d'une assurance complémentaire santé et décès-invalidité alors qu'il n'avait jamais adhéré au contrat proposé par l'entreprise.
M. [S] [Z] reproche également à la société Ensisheim ambulances de ne pas avoir fourni à ses salariés un matériel de protection permettant de faire face au risque de contamination par le virus de la Covid19 ainsi qu'un défaut d'entretien des locaux de l'entreprise et invoque un manquement à l'obligation de sécurité.
En ce qui concerne le harcèlement moral, M. [S] [Z] invoque une forte pression, un avertissement injustifié, des messages intimidants ainsi que des propos déplacés et désobligeants. Les conditions de travail seraient devenues intenables, ce qui aurait entraîné le départ du salarié.
Pour solliciter une condamnation in solidum de la société Ensisheim ambulances et de la société Ambulances de [Localité 4] pour la période antérieure au 1er avril 2019, M. [S] [Z] invoque une reprise de la société à compter de cette date.
Par conclusions déposées le 23 mars 2023, la société Ambulances de [Localité 4] demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes de dommages intérêts au titre de l'absence de remise des feuilles de route, des retards de paiement des salaires, de la délivrance tardive des bulletins de paie et de l'absence d'entretien des tenues professionnelles ; elle sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de M. [S] [Z] à lui payer une indemnité de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Ambulances de [Localité 4] fait valoir que les demandes nouvelles de M. [S] [Z] sont irrecevables en cause d'appel et qu'au surplus elles sont mal fondées. Par ailleurs, elle approuve le conseil de prud'hommes d'avoir pris en compte le temps de travail effectif pour examiner les demandes en paiement de rappels de salaire ; elle conteste avoir eu l'intention de commettre le délit de travail dissimulé et conteste devoir une indemnité au titre de temps d'habillage et de déshabillage.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes nouvelles
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; cependant, conformément à l'article 566 du même code, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, les demandes de M. [S] [Z] en paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison du refus de fournir des feuilles de route, en paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'absence d'entretien des tenues professionnelles par ses employeurs, et en paiement de deux sommes de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de retards dans le paiement des salaires et de retard dans la remise des bulletins de paie sont nouvelles en appel pour ce qui concerne la société Ambulances de [Localité 4] ; en effet, en première instance, de telles demandes avaient été présentées uniquement contre la société Ensisheim ambulances.
Néanmoins, ces demandes, qui tendent à compenser, respectivement, la difficulté à établir la réalité du temps de travail, une charge que le salarié aurait supportée de manière injustifiée pour les besoins de son activité professionnelle, et les conséquences de retard dans le paiement des salaires et la remise des documents explicitant les montants versés sont des accessoires de celles formées contre la société Ambulances de [Localité 4] en première instance, qui tendaient notamment au paiement de rappels de rémunérations, dont une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage, et à faire sanctionner des dépassements de la durée hebdomadaire de travail et du contingent d'heures supplémentaires.
Ces demandes sont donc recevables même si elles ont été présentées pour la première fois en appel.
Sur la condamnation in solidum des employeurs
Pour solliciter une condamnation in solidum de la société Ambulances de [Localité 4] et de la société Ensisheim ambulances à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail au cours de la période du 1er juillet 2017 au 31 mars 2019, M. [S] [Z] affirme qu'il est constant que la première société a été « reprise » par la seconde à compter du 1er avril 2019, sans invoquer aucun moyen de droit ou de fait. Selon les explications de la société Ambulances de [Localité 4], celle-ci aurait cédé son fonds de commerce à la société KLM services à compter du 1er avril 2019.
Dès lors, le transfert du contrat de travail intervenu en application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étant pas contesté, conformément à l'article L. 1224-2 du même code, le nouvel employeur est tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur.
La société Ensisheim ambulances sera donc condamnée in solidum avec la société Ambulances de [Localité 4] au paiement des sommes dues par celle-ci ; en revanche, la société Ambulances de [Localité 4] ne peut être tenue au paiement de sommes au titre de l'exécution du contrat de travail après le 1er avril 2019.
Sur le temps de travail
Les heures supplémentaires
Selon les deux premiers alinéas de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et, au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, M. [S] [Z] forme des demandes au titre d'une activité de transport en ambulance qu'il a exercée sur toute la période écoulée depuis l'année 2018 et jusqu'à son licenciement, et, également, au titre d'une activité de permanence téléphonique et de régulation qu'il a exercée uniquement au cours de sa période d'emploi par la société Ensisheim ambulances et seulement entre le 15 et le 30 avril 2019.
1) Pour solliciter le paiement d'heures supplémentaires au titre de l'activité de transport en ambulance, M. [S] [Z] produit, d'une part, des tableaux détaillant les heures supplémentaires dont il revendique le paiement pour les années 2018 à 2020, d'autre part, des feuilles de route couvrant la période du 1er février 2018 au 19 janvier 2020, et, enfin, les tableaux récapitulatifs mensuels établis par l'employeur pour le mois de décembre 2018 et les mois de juillet à décembre 2019.
Cependant, l'examen de ces documents démontre que le nombre d'heures supplémentaires revendiqué par les tableaux établis par M. [S] [Z] ne correspond pas aux temps de travail révélés par les feuilles de route. En effet, les tableaux sur lesquels M. [S] [Z] fonde ses demandes mentionnent, au titre du temps de travail hebdomadaire pour lequel il revendique une rémunération, des durées supérieures au temps de travail effectif après déduction des pauses tel qu'il résulte des feuilles de route remplies par ses soins et contresignées par l'employeur.
Dès lors, pour ce qui concerne l'activité de transport en ambulance, le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que les demandes de M. [S] [Z] reposaient sur l'amplitude horaire et incluaient à tort les temps de pause, lesquels ne sont pas rémunérés.
2) Pour solliciter le paiement d'heures supplémentaires au titre de la permanence téléphonique et de l'activité de régulation, M. [S] [Z] produit, outre le décompte général du temps de travail revendiqué pour l'année 2019, un décompte intitulé « heures non rémunérées 2019 - [S] » spécifique aux semaines 16 à 18 de l'année considérée, des feuilles de route relatives à cette période, mais dont aucune n'a été contresignée par l'employeur, un tableau intitulé « astreintes ligne/régulation » signé par lui-même et deux autres salariés le 28 mai 2020, ainsi que des attestations établies par sa compagne et sept collègues de travail.
Il résulte de ces attestations concordantes qu'à compter du 16 avril 2019 et jusqu'au 29 avril 2019, M. [S] [Z] a été chargé de de la régulation des véhicules et de la réception des appels téléphoniques ; deux collègues de travail précisent que M. [S] [Z] était également chargé de la collecte des dossiers de transport et du classement avant facturation. Ces éléments rendent vraisemblables l'existence d'un travail effectif accompli selon les horaires mentionnés par M. [S] [Z] sur les feuilles de route.
En revanche, si M. [S] [Z] affirme avoir assumé une « astreinte téléphone/régulation » entre 19 heures et 7 heures, aucun élément ne permet de caractériser un travail effectif qu'il aurait effectué à cette occasion alors qu'il n'en a mentionné aucun sur les feuilles de route ; notamment, aucune des pièces versées aux débats ne démontre que la société Ensisheim ambulances était tenue d'assurer une permanence téléphonique à toute heure du jour et de la nuit et tous les jours de l'année et qu'elle avait confié une telle tâche à certains de ses salariés. L'astreinte ne pouvant elle-même donner lieu au paiement d'heures de travail, il n'y a pas lieu de comptabiliser des heures supplémentaires à ce titre.
M. [S] [Z] était en congés du 1er au 11 avril 2019 et n'a pas accompli d'heures supplémentaires au cours des deux premières semaines de ce mois ; son bulletin de paie d'avril 2019 mentionne 39,75 heures supplémentaires rémunérées Ainsi, il apparaît que 9,25 heures supplémentaires ont été omises au cours de ces deux mois ; compte tenu de la majoration applicable, la société Ensisheim ambulances reste devoir à M. [S] [Z] la somme de [9,25 x 20,25] 187,31 euros, ainsi que celle de 18,74 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés.
3) En conséquence, pour la période antérieure au 1er avril 2019, le jugement sera confirmé en ce qu'il a limité la condamnation de la société Ambulances de [Localité 4] aux sommes que celle-ci reconnaît devoir, à savoir 461,67 euros au titre de la rémunération des heures supplémentaires et 46,17 euros au titre des congés payés afférents, et en ce qu'il a débouté M. [S] [Z] de sa demande en paiement d'autres heures supplémentaires. La société Ensisheim ambulances sera condamnée in solidum avec la société Ambulances de [Localité 4] au paiement des montants ci-dessus.
Pour la période postérieure au 1er avril 2019, la société Ensisheim ambulances sera condamnée à payer à M. [S] [Z] la somme de 187,31 euros au titre des heures supplémentaires impayées ainsi que celle de 18,74 euros au titre des congés payés afférents, et M. [S] [Z] sera débouté du surplus de ses demandes.
Le dépassement de la durée hebdomadaire maximale
Les tableaux récapitulatifs mensuels établis par la société Ambulances de [Localité 4] au cours de la période de février 2018 à mars 2019 démontrent que le temps de travail effectif de M. [S] [Z] a atteint 48,3 heures au cours de la semaine 29 de l'année 2018, 48,2 heures au cours de la semaine 6 de l'année 2019 et 49,42 heures au cours de la semaine 13 de l'année 2019.
Au cours de la période d'emploi par la société Ensisheim ambulances, les seuls dépassements de la durée maximale hebdomadaire de travail concernent les semaines 16 et 17 de l'année 2019, lorsque M. [S] [Z] a été affecté à la régulation, et la semaine 28 de l'année 2019 (49 heures 30).
En revanche, aucun autre dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail n'est caractérisé.
En conséquence, la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances seront condamnées in solidum à lui payer la somme de 300 euros en réparation du préjudice subi en raison des dépassements antérieurs au 1er avril 2019 et la société Ensisheim ambulances sera condamnée à lui payer la somme de 300 euros au titre des dépassements ultérieurs.
Le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires
Il résulte des bulletins de paie établis par la société Ambulances de [Localité 4] qu'au cours de l'année 2018 M. [S] [Z] a effectué 239,89 heures supplémentaires. Aucun élément ne démontre qu'un accord d'entreprise limitait, pour cette année, à 130 heures le contingent d'heures supplémentaires.
Pour ce qui concerne l'année 2019, M. [S] [Z] est mal fondé à revendiquer l'exécution de 476,25 heures supplémentaires, alors que le nombre de ces heures supplémentaires s'élevait à 230,25, en ce compris les 9,25 heures omises par la société Ensisheim ambulances, et n'excédait donc pas le contingent annuel.
M. [S] [Z] a donc été débouté à juste titre de sa demande au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires.
Le délit de travail dissimulé
M. [S] [Z], qui ne démontre pas que la société Ensisheim ambulances, ou la société Ambulances de [Localité 4] ont eu l'intention de commettre à son égard le délit de travail dissimulé, est mal fondé à solliciter le paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail.
Sur la contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage
Selon l'article L. 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties.
En l'espèce, le port d'une tenue d'ambulancier était imposé à M. [S] [Z] par l'arrêté du 12 décembre 2017 fixant les caractéristiques et les installations matérielles exigées pour les véhicules affectés aux transports sanitaires terrestres ; le salarié fait également valoir à juste titre que ces dispositions réglementaires prohibent le port de cette tenue en dehors de l'activité professionnelle, ce dont il se déduit que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise.
Dès lors, M. [S] [Z] est fondé à réclamer le paiement de la contrepartie pécuniaire aux temps d'habillage et de déshabillage. La société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances seront condamnées in solidum au paiement de la somme de 246,75 euros correspondant à la somme due pour la période écoulée jusqu'au 31 mars 2019 et la société Ensisheim ambulances sera condamnée au paiement de la somme de 449,75 euros réclamée au titre de la période postérieure.
Sur l'entretien des tenues professionnelles
Conformément au 1° de l'article 22 bis de l'annexe 1 à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, et au dernier alinéa de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire, étendu par arrêté du 19 juillet 2018, il appartient à l'employeur d'assurer l'entretien de la tenue professionnelle des personnels ambulanciers.
La simple mise à disposition d'un lave-linge, que les salariés doivent faire fonctionner en dehors de leurs heures de travail, ne satisfait pas à l'obligation incombant à l'employeur.
M. [S] [Z] est dès lors fondé à reprocher à la société Ambulances de [Localité 4] comme à la société Ensisheim ambulances de ne pas avoir satisfait à leur obligation d'entretenir les tenues professionnelles.
Le préjudice subi par M. [S] [Z], qui s'est trouvé contraint d'effectuer lui-même cet entretien durant deux ans, sera réparé par la somme de 500 euros qu'il réclame. Toutefois la société Ambulances de [Localité 4], qui n'était plus l'employeur de M. [S] [Z] à compter du 1er avril 2019, ne peut être tenue au paiement au-delà de la moitié du préjudice subi.
Sur le refus de fournir des feuilles de route
M. [S] [Z] ne produit aucun élément de preuve démontrant un refus de la société Ambulances de [Localité 4] ou de la société Ensisheim ambulances de lui fournir des feuilles de route.
Il a donc été débouté à juste titre de sa demande de dommages et intérêts de ce chef contre la société Ensisheim ambulances et en sera également débouté en ce qu'elle est dirigée contre la société Ambulances de [Localité 4].
Sur les retards de paiement du salaire et de remise des bulletins de paie
M. [S] [Z] reproche à la société Ensisheim ambulances de ne pas lui avoir versé son salaire mensuel au plus tard le 15 du mois suivant et d'avoir tardé à lui remettre ses bulletins de paie.
Il ne se réfère cependant à aucune pièce démontrant les retards de paiement de salaire allégués et n'apporte aucune précision de fait concernant ces retards.
En ce qui concerne la remise des bulletins de paie, il invoque des retards ayant atteint six semaines en se référant uniquement « aux dernières pages » de son annexe 28. Celles-ci contiennent des messages échangés à la fin du mois d'avril 2020 et en mai 2020 entre le salarié et l'employeur au motif d'erreurs sur les bulletins de paie. Le seul retard dénoncé par le salarié concerne le bulletin de paie de février 2020, qu'il a déclaré ne pas avoir reçu le 6 avril 2020 et qu'il a réclamé à nouveau quinze jours plus tard. Toutefois, M. [S] [Z] ne justifie d'aucune conséquence préjudiciable du retard dans la délivrance de ce bulletin de paie.
M. [S] [Z] a donc été débouté à juste titre de ses demandes, dirigées contre la société Ensisheim ambulances, de dommages et intérêts au titre de retards dans le paiement du salaire et dans la remise de bulletins de paie, et il sera également débouté de ces demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la société Ambulances de [Localité 4].
Sur les prélèvements au titre de la complémentaire santé
Pour solliciter le remboursement des sommes retenues sur son salaire au titre de l'assurance complémentaire santé et décès-invalidité-incapacité, M. [S] [Z] se réfère à la page 2 de son annexe 27 qui contient un échange de messages téléphoniques daté du 14 mai 2019 lors duquel M. [S] [Z] signale à son employeur que la mutuelle de l'entreprise n'est pas obligatoire et que celle qu'il a lui convient très bien, à quoi la société Ensisheim ambulances répond qu'il faut lui fournir un justificatif de l'adhésion à cette autre mutuelle. La circonstance que M. [S] [Z] a alors répondu « voici le justificatif », ne suffit pas, en l'absence de production du document qui aurait été transmis, à démontrer que le salarié a justifié d'un motif de dispense ; il n'invoque aucun justificatif produit dans le cadre de la présente instance, et l'attestation établie par lui-même en pièce n°23 est dépourvue de toute valeur probante.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
Pour caractériser un manquement de la société Ensisheim ambulances à l'obligation de sécurité incombant à l'employeur, M. [S] [Z] relève que, durant la crise sanitaire du printemps 2020, cette société a lancé un appel public pour obtenir des masques, blouses et charlottes et que, lorsqu'il a signalé à la secrétaire de l'entreprise, et épouse du dirigeant, qu'il manquait des blouses intégrales et du matériel de désinfection, celle-ci a répondu « on sait, on sait ».
Cependant, si ces éléments de preuve démontrent les difficultés auxquelles l'entreprise était confrontée pour obtenir du matériel de protection en quantité suffisante pour exercer normalement son activité, il n'en résulte pas que M. [S] [Z] aurait été contraint d'effectuer des missions sans disposer d'un matériel adapté et qu'il aurait ainsi été exposé à un risque de contamination. Au contraire, les messages auxquels M. [S] [Z] se réfère démontrent que les salariés pouvaient refuser d'effectuer les missions lorsqu'ils ne disposaient pas du matériel de protection nécessaire.
Par ailleurs, ainsi que l'a relevé à juste titre le conseil de prud'hommes, les photographies que M. [S] [Z] verse aux débats ne démontrent pas qu'il a été exposé à un risque quelconque pour sa sécurité.
Sur le harcèlement moral
Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Conformément à l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des dispositions ci-dessus, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, M. [S] [Z] affirme que la société Ensisheim ambulances a harcelé tous les salariés ayant établi une attestation en faveur d'une collègue qu'un litige opposait à leur employeur, qu'il faisait partie de ces salariés, et qu'il a subi une pression quotidienne, un avertissement injustifié ainsi que des messages intimidants ; il reproche également à la société Ensisheim ambulances d'avoir exercé des pressions à l'occasion de l'exercice d'un droit de retrait ; enfin, lorsqu'il s'est présenté pour récupérer ses documents de fin de contrat, le gérant de la société Ensisheim ambulances aurait eu à son égard des propos désobligeants.
M. [S] [Z] justifie d'un avertissement prononcé à son encontre par la société Ensisheim ambulances et annulé par le conseil de prud'hommes.
Ses affirmations relatives aux propos intimidants et désobligeants qui auraient été tenus à son égard ne se réfèrent en revanche à aucune des pièces qu'il produit, ce qui ne met pas la cour en mesure d'en apprécier la réalité.
Dès lors, les faits dont il rapporte la preuve ne laissent pas supposer qu'il a subi des agissements répétés de harcèlement moral.
Sur la rupture du contrat de travail
Par lettre datée du 10 septembre 2020, M. [S] [Z] a expressément déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail en se référant à la procédure en cours devant le conseil de prud'hommes et en reprochant à l'employeur de persister dans son refus d'appliquer la réglementation du travail et de lui faire subir un harcèlement.
Cependant, les manquements de la société Ensisheim ambulances à ses obligations caractérisés dans le cadre du présent procès n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier une prise d'acte de rupture.
En conséquence, le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que la lettre du salarié devait produire les effets d'une démission.
En revanche, le conseil de prud'hommes a considéré à tort que la décision de M. [S] [Z] de rompre le contrat de travail présentait un caractère abusif ; compte tenu de la durée du préavis en cas de démission, fixé à une semaine par le contrat de travail, il ne pouvait être alloué à la société Ensisheim ambulances une somme supérieure à 472,50 euros.
En conséquence, M. [S] [Z] est fondé à demander que l'indemnité allouée à la société Ensisheim ambulances soit réduite à ce montant.
Sur la délivrance tardive des documents de fin de contrat
M. [S] [Z] reproche à la société Ensisheim ambulances de lui avoir remis les documents de fin de contrat le 1er octobre 2020 seulement, alors qu'il avait pris acte de la rupture du contrat de travail le 10 septembre 2020.
Il ne rapporte cependant aucune preuve de l'incidence de ce retard et de cette erreur sur ses démarches auprès de Pôle emploi, et ne justifie même pas de l'existence de telles démarches, ni du versement d'allocations de chômage à la suite de son départ de l'entreprise. Il résulte au contraire de ses propres explications que, lorsqu'il s'est présenté dans les locaux de la société Ensisheim ambulances pour récupérer les documents de fin de contrat il avait déjà retrouvé un emploi auprès d'une autre société d'ambulances.
Le conseil de prud'hommes a donc considéré à juste titre que le préjudice allégué n'était pas démontré.
Sur les dépens et les autres frais de procédure
La société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances, qui succombent partiellement, seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Les circonstances de l'espèce justifient de condamner in solidum la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] une indemnité de 1 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés à l'occasion du présent procès ; la société Ambulances de [Localité 4] sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
DÉCLARE recevables les demandes nouvelles de M. [S] [Z] contre la société Ambulances de [Localité 4] ;
CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions frappées d'appel sauf en ce qu'il a :
1) débouté M. [S] [Z] de sa demande de condamnation de la société Ensisheim ambulances in solidum avec la société Ambulances de [Localité 4],
2) débouté M. [S] [Z] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de complément d'indemnité de congés payés contre la société Ensisheim ambulances au titre de la période postérieure au 1er avril 2019,
3) débouté M. [S] [Z] de ses demandes au titre du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail,
4) débouté M. [S] [Z] de sa demande en paiement d'une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage,
5) débouté M. [S] [Z] de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la carence de l'employeur dans l'entretien des tenues professionnelles,
6) condamné M. [S] [Z] à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution du préavis et rupture abusive,
7) dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens ;
INFIRME le jugement déféré de ces chefs ;
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement déféré,
CONDAMNE la société Ensisheim ambulances, in solidum avec la société Ambulances de [Localité 4], à payer à M. [S] [Z] la somme de 1 897,99 euros (mille huit cent quatre vingt dix sept euros et quatre vingt dix neufs centimes) au titre des heures supplémentaires et congés payés pour la période du 1er juillet 2018 au 31 mars 2019 ;
CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 187,31 euros (cent quatre vingt sept euros et trente et un centimes), au titre des heures supplémentaires impayées au cours du mois d'avril 2019 ainsi que celle de 18,74 euros (dix huit euros et soixante quatorze centimes) à titre de complément d'indemnité de congés payés ;
CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 300 euros (trois cents euros) au titre d'un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ;
CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 300 euros (trois cens euros) au titre d'un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ;
CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 246,75 euros (deux cent quarante six euros et soixante quinze centimes) au titre de la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage ;
CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 449,75 euros (quatre cent quarante neuf euros et soixante quinze centimes) au titre de la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage ;
CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 500 euros (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la carence de l'employeur dans l'entretien des tenues professionnelles ;
CONDAMNE la société Ambulances de [Localité 4], in solidum avec la société Ensisheim ambulances, à payer les dommages et intérêts alloués ci-dessus, dans la limite de 250 euros (deux cent cinquante euros) ;
DÉBOUTE M. [S] [Z] de ses demandes contre la société Ambulances de [Localité 4] au titre du refus de fournir des feuilles de route, des retards de paiement des salaires et de remise tardive des bulletins de paie ;
CONDAMNE M. [S] [Z] à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 472,50 euros (quatre cent soixante douze euros et cinquante centimes) au titre de l'indemnité de préavis et déboute cette société du surplus de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances aux dépens de première instance et d'appel ;
CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 1 000 euros (mille euros) à titre d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Ambulances de [Localité 4] de sa demande d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Président,
Copie exécutoire
aux avocats
le 07 octobre 2025
La greffière
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/03718
N° Portalis DBVW-V-B7G-H5Z3
Décision déférée à la Cour : 06 Septembre 2022 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Colmar
APPELANT :
Monsieur [S] [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Benoît NICOLAS, avocat au barreau de Colmar
INTIMEÉES :
S.A.R.L. ENSISHEIM AMBULANCES,
prise en la personne de son représentant légal,
N° SIRET : 531 690 279
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Steeve ROHMER, avocat au barreau de Mulhouse
S.A.R.L. AMBULANCES DE [Localité 4],
prise en la personne de son représentant légal,
N° SIRET : 510 728 736
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-Luc ROSSELOT, avocat au barreau de Mulhouse
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Emmanuel ROBIN, Président de chambre (chargé du rapport)
M. Edgard PALLIERES, Conseiller
M. Gurvan LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Lucille WOLFF
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées,
- signé par M. Emmanuel ROBIN, Président de chambre et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
FAITS ET PROCÉDURE
La société Ambulances de [Localité 4] a embauché M. [S] [Z] en qualité d'auxiliaire ambulancier à compter du 1er février 2018 ; le 1er avril 2019, le fonds de commerce a été cédé à la société KLM services, ensuite devenue la société Ensisheim ambulances, à laquelle le contrat de travail a été transféré.
Le 16 juillet 2020, M. [S] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Colmar en invoquant des manquements de l'employeur tenant notamment au défaut de paiement des salaires et à un harcèlement moral et en sollicitant la résiliation de son contrat de travail ; le 10 septembre 2020, il a déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail et a demandé au conseil de prud'hommes que cette rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société Ensisheim ambulances a appelé dans la cause la société Ambulances de [Localité 4].
Par jugement du 6 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Colmar a jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail s'analysait en une démission, a annulé un avertissement notifié le 7 février 2020, a condamné, d'une part, la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 16,20 euros au titre de la majoration liée à l'ancienneté ainsi que celle de 49,56 euros à titre d'indemnité de repas et celle de 500 euros à titre de dommages et intérêts, et, d'autre part, la société Ambulances de Rouffach à lui payer la somme de 507,84 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juillet 2018 au 31 mars 2019, mais a débouté le salarié du surplus de ses demandes et l'a condamné à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution du préavis et rupture abusive.
Le 3 octobre 2022, M. [S] [Z] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 20 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré la société Ensisheim ambulances irrecevable à conclure et à produire des pièces.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 février 2024, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 27 juin 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré jusqu'à ce jour.
*
* *
Par conclusions déposées le 22 juin 2023, M. [S] [Z] demande à la cour de réformer le jugement ci-dessus, de constater que la démission intervenue le 10 septembre 2020 est une prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Ensisheim ambulances à lui payer la somme de 4 095,08 euros au titre du préavis, celle de 409,51 euros au titre des congés payés afférents, celle de 1 279,71 euros au titre de l'indemnité de licenciement, celle de 8 190,16 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 5 076,56 euros au titre des heures supplémentaires, celle de 507,65 euros au titre des congés payés afférents, celle de 1 500 euros pour non-respect de la durée hebdomadaire de travail, celle de 3 459,37 euros au titre de l'indemnité pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, celle de 449,75 euros au titre du temps d'habillage et de déshabillage, celle de 1 000 euros au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité, celle de 289,36 euros au titre de prélèvements pour la complémentaire santé, celle de 1 000 euros pour la délivrance tardive de documents de fin de contrat et celle de 10 000 euros au titre du harcèlement moral ; il sollicite également la condamnation in solidum de la société Ensisheim ambulances et de la société Ambulances de [Localité 4] à lui payer la somme de 3 458,70 euros au titre des heures supplémentaires, celle de 345,87 euros au titre des congés payés afférents, celle de 1 800 euros pour non-respect de la durée hebdomadaire de travail, celle de 1 483,51 euros au titre de l'indemnité pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, celle de 246,75 euros au titre des temps d'habillage et de déshabillage, celle de 12 285,24 euros au titre du travail dissimulé, celle de 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du refus de fournir des feuilles de route, celle de 1 000 euros pour retards de paiement des salaires, celle de 1 000 euros pour la délivrance tardive des bulletins de paie et celle de 500 euros au titre de l'absence d'entretien des tenues professionnelles par l'employeur ; enfin il réclame une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour solliciter le paiement d'heures supplémentaires et une indemnisation au titre des dépassements de la durée de travail hebdomadaire maximale et du contingent annuel d'heures supplémentaires, M. [S] [Z] se réfère à des décomptes hebdomadaires du temps durant lequel il devait rester à la disposition de son employeur et à des feuilles de route établies par ses soins. Il reproche à son employeur d'avoir supprimé l'utilisation des feuilles de route obligatoires, d'avoir payé le salaire après le 15 du mois suivant et d'avoir omis de remettre des bulletins de paie de manière répétée. Il demande le paiement d'indemnités de repas. Il soutient que les temps d'habillage et de déshabillage devaient donner lieu à une indemnité et reproche à l'employeur un défaut d'entretien des tenues professionnelles.
M. [S] [Z] fait également valoir que durant toute la relation de travail l'employeur a prélevé sur son salaire des sommes au titre d'une assurance complémentaire santé et décès-invalidité alors qu'il n'avait jamais adhéré au contrat proposé par l'entreprise.
M. [S] [Z] reproche également à la société Ensisheim ambulances de ne pas avoir fourni à ses salariés un matériel de protection permettant de faire face au risque de contamination par le virus de la Covid19 ainsi qu'un défaut d'entretien des locaux de l'entreprise et invoque un manquement à l'obligation de sécurité.
En ce qui concerne le harcèlement moral, M. [S] [Z] invoque une forte pression, un avertissement injustifié, des messages intimidants ainsi que des propos déplacés et désobligeants. Les conditions de travail seraient devenues intenables, ce qui aurait entraîné le départ du salarié.
Pour solliciter une condamnation in solidum de la société Ensisheim ambulances et de la société Ambulances de [Localité 4] pour la période antérieure au 1er avril 2019, M. [S] [Z] invoque une reprise de la société à compter de cette date.
Par conclusions déposées le 23 mars 2023, la société Ambulances de [Localité 4] demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes de dommages intérêts au titre de l'absence de remise des feuilles de route, des retards de paiement des salaires, de la délivrance tardive des bulletins de paie et de l'absence d'entretien des tenues professionnelles ; elle sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de M. [S] [Z] à lui payer une indemnité de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Ambulances de [Localité 4] fait valoir que les demandes nouvelles de M. [S] [Z] sont irrecevables en cause d'appel et qu'au surplus elles sont mal fondées. Par ailleurs, elle approuve le conseil de prud'hommes d'avoir pris en compte le temps de travail effectif pour examiner les demandes en paiement de rappels de salaire ; elle conteste avoir eu l'intention de commettre le délit de travail dissimulé et conteste devoir une indemnité au titre de temps d'habillage et de déshabillage.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes nouvelles
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; cependant, conformément à l'article 566 du même code, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, les demandes de M. [S] [Z] en paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison du refus de fournir des feuilles de route, en paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'absence d'entretien des tenues professionnelles par ses employeurs, et en paiement de deux sommes de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de retards dans le paiement des salaires et de retard dans la remise des bulletins de paie sont nouvelles en appel pour ce qui concerne la société Ambulances de [Localité 4] ; en effet, en première instance, de telles demandes avaient été présentées uniquement contre la société Ensisheim ambulances.
Néanmoins, ces demandes, qui tendent à compenser, respectivement, la difficulté à établir la réalité du temps de travail, une charge que le salarié aurait supportée de manière injustifiée pour les besoins de son activité professionnelle, et les conséquences de retard dans le paiement des salaires et la remise des documents explicitant les montants versés sont des accessoires de celles formées contre la société Ambulances de [Localité 4] en première instance, qui tendaient notamment au paiement de rappels de rémunérations, dont une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage, et à faire sanctionner des dépassements de la durée hebdomadaire de travail et du contingent d'heures supplémentaires.
Ces demandes sont donc recevables même si elles ont été présentées pour la première fois en appel.
Sur la condamnation in solidum des employeurs
Pour solliciter une condamnation in solidum de la société Ambulances de [Localité 4] et de la société Ensisheim ambulances à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail au cours de la période du 1er juillet 2017 au 31 mars 2019, M. [S] [Z] affirme qu'il est constant que la première société a été « reprise » par la seconde à compter du 1er avril 2019, sans invoquer aucun moyen de droit ou de fait. Selon les explications de la société Ambulances de [Localité 4], celle-ci aurait cédé son fonds de commerce à la société KLM services à compter du 1er avril 2019.
Dès lors, le transfert du contrat de travail intervenu en application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étant pas contesté, conformément à l'article L. 1224-2 du même code, le nouvel employeur est tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur.
La société Ensisheim ambulances sera donc condamnée in solidum avec la société Ambulances de [Localité 4] au paiement des sommes dues par celle-ci ; en revanche, la société Ambulances de [Localité 4] ne peut être tenue au paiement de sommes au titre de l'exécution du contrat de travail après le 1er avril 2019.
Sur le temps de travail
Les heures supplémentaires
Selon les deux premiers alinéas de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et, au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, M. [S] [Z] forme des demandes au titre d'une activité de transport en ambulance qu'il a exercée sur toute la période écoulée depuis l'année 2018 et jusqu'à son licenciement, et, également, au titre d'une activité de permanence téléphonique et de régulation qu'il a exercée uniquement au cours de sa période d'emploi par la société Ensisheim ambulances et seulement entre le 15 et le 30 avril 2019.
1) Pour solliciter le paiement d'heures supplémentaires au titre de l'activité de transport en ambulance, M. [S] [Z] produit, d'une part, des tableaux détaillant les heures supplémentaires dont il revendique le paiement pour les années 2018 à 2020, d'autre part, des feuilles de route couvrant la période du 1er février 2018 au 19 janvier 2020, et, enfin, les tableaux récapitulatifs mensuels établis par l'employeur pour le mois de décembre 2018 et les mois de juillet à décembre 2019.
Cependant, l'examen de ces documents démontre que le nombre d'heures supplémentaires revendiqué par les tableaux établis par M. [S] [Z] ne correspond pas aux temps de travail révélés par les feuilles de route. En effet, les tableaux sur lesquels M. [S] [Z] fonde ses demandes mentionnent, au titre du temps de travail hebdomadaire pour lequel il revendique une rémunération, des durées supérieures au temps de travail effectif après déduction des pauses tel qu'il résulte des feuilles de route remplies par ses soins et contresignées par l'employeur.
Dès lors, pour ce qui concerne l'activité de transport en ambulance, le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que les demandes de M. [S] [Z] reposaient sur l'amplitude horaire et incluaient à tort les temps de pause, lesquels ne sont pas rémunérés.
2) Pour solliciter le paiement d'heures supplémentaires au titre de la permanence téléphonique et de l'activité de régulation, M. [S] [Z] produit, outre le décompte général du temps de travail revendiqué pour l'année 2019, un décompte intitulé « heures non rémunérées 2019 - [S] » spécifique aux semaines 16 à 18 de l'année considérée, des feuilles de route relatives à cette période, mais dont aucune n'a été contresignée par l'employeur, un tableau intitulé « astreintes ligne/régulation » signé par lui-même et deux autres salariés le 28 mai 2020, ainsi que des attestations établies par sa compagne et sept collègues de travail.
Il résulte de ces attestations concordantes qu'à compter du 16 avril 2019 et jusqu'au 29 avril 2019, M. [S] [Z] a été chargé de de la régulation des véhicules et de la réception des appels téléphoniques ; deux collègues de travail précisent que M. [S] [Z] était également chargé de la collecte des dossiers de transport et du classement avant facturation. Ces éléments rendent vraisemblables l'existence d'un travail effectif accompli selon les horaires mentionnés par M. [S] [Z] sur les feuilles de route.
En revanche, si M. [S] [Z] affirme avoir assumé une « astreinte téléphone/régulation » entre 19 heures et 7 heures, aucun élément ne permet de caractériser un travail effectif qu'il aurait effectué à cette occasion alors qu'il n'en a mentionné aucun sur les feuilles de route ; notamment, aucune des pièces versées aux débats ne démontre que la société Ensisheim ambulances était tenue d'assurer une permanence téléphonique à toute heure du jour et de la nuit et tous les jours de l'année et qu'elle avait confié une telle tâche à certains de ses salariés. L'astreinte ne pouvant elle-même donner lieu au paiement d'heures de travail, il n'y a pas lieu de comptabiliser des heures supplémentaires à ce titre.
M. [S] [Z] était en congés du 1er au 11 avril 2019 et n'a pas accompli d'heures supplémentaires au cours des deux premières semaines de ce mois ; son bulletin de paie d'avril 2019 mentionne 39,75 heures supplémentaires rémunérées Ainsi, il apparaît que 9,25 heures supplémentaires ont été omises au cours de ces deux mois ; compte tenu de la majoration applicable, la société Ensisheim ambulances reste devoir à M. [S] [Z] la somme de [9,25 x 20,25] 187,31 euros, ainsi que celle de 18,74 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés.
3) En conséquence, pour la période antérieure au 1er avril 2019, le jugement sera confirmé en ce qu'il a limité la condamnation de la société Ambulances de [Localité 4] aux sommes que celle-ci reconnaît devoir, à savoir 461,67 euros au titre de la rémunération des heures supplémentaires et 46,17 euros au titre des congés payés afférents, et en ce qu'il a débouté M. [S] [Z] de sa demande en paiement d'autres heures supplémentaires. La société Ensisheim ambulances sera condamnée in solidum avec la société Ambulances de [Localité 4] au paiement des montants ci-dessus.
Pour la période postérieure au 1er avril 2019, la société Ensisheim ambulances sera condamnée à payer à M. [S] [Z] la somme de 187,31 euros au titre des heures supplémentaires impayées ainsi que celle de 18,74 euros au titre des congés payés afférents, et M. [S] [Z] sera débouté du surplus de ses demandes.
Le dépassement de la durée hebdomadaire maximale
Les tableaux récapitulatifs mensuels établis par la société Ambulances de [Localité 4] au cours de la période de février 2018 à mars 2019 démontrent que le temps de travail effectif de M. [S] [Z] a atteint 48,3 heures au cours de la semaine 29 de l'année 2018, 48,2 heures au cours de la semaine 6 de l'année 2019 et 49,42 heures au cours de la semaine 13 de l'année 2019.
Au cours de la période d'emploi par la société Ensisheim ambulances, les seuls dépassements de la durée maximale hebdomadaire de travail concernent les semaines 16 et 17 de l'année 2019, lorsque M. [S] [Z] a été affecté à la régulation, et la semaine 28 de l'année 2019 (49 heures 30).
En revanche, aucun autre dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail n'est caractérisé.
En conséquence, la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances seront condamnées in solidum à lui payer la somme de 300 euros en réparation du préjudice subi en raison des dépassements antérieurs au 1er avril 2019 et la société Ensisheim ambulances sera condamnée à lui payer la somme de 300 euros au titre des dépassements ultérieurs.
Le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires
Il résulte des bulletins de paie établis par la société Ambulances de [Localité 4] qu'au cours de l'année 2018 M. [S] [Z] a effectué 239,89 heures supplémentaires. Aucun élément ne démontre qu'un accord d'entreprise limitait, pour cette année, à 130 heures le contingent d'heures supplémentaires.
Pour ce qui concerne l'année 2019, M. [S] [Z] est mal fondé à revendiquer l'exécution de 476,25 heures supplémentaires, alors que le nombre de ces heures supplémentaires s'élevait à 230,25, en ce compris les 9,25 heures omises par la société Ensisheim ambulances, et n'excédait donc pas le contingent annuel.
M. [S] [Z] a donc été débouté à juste titre de sa demande au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires.
Le délit de travail dissimulé
M. [S] [Z], qui ne démontre pas que la société Ensisheim ambulances, ou la société Ambulances de [Localité 4] ont eu l'intention de commettre à son égard le délit de travail dissimulé, est mal fondé à solliciter le paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail.
Sur la contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage
Selon l'article L. 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties.
En l'espèce, le port d'une tenue d'ambulancier était imposé à M. [S] [Z] par l'arrêté du 12 décembre 2017 fixant les caractéristiques et les installations matérielles exigées pour les véhicules affectés aux transports sanitaires terrestres ; le salarié fait également valoir à juste titre que ces dispositions réglementaires prohibent le port de cette tenue en dehors de l'activité professionnelle, ce dont il se déduit que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise.
Dès lors, M. [S] [Z] est fondé à réclamer le paiement de la contrepartie pécuniaire aux temps d'habillage et de déshabillage. La société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances seront condamnées in solidum au paiement de la somme de 246,75 euros correspondant à la somme due pour la période écoulée jusqu'au 31 mars 2019 et la société Ensisheim ambulances sera condamnée au paiement de la somme de 449,75 euros réclamée au titre de la période postérieure.
Sur l'entretien des tenues professionnelles
Conformément au 1° de l'article 22 bis de l'annexe 1 à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, et au dernier alinéa de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire, étendu par arrêté du 19 juillet 2018, il appartient à l'employeur d'assurer l'entretien de la tenue professionnelle des personnels ambulanciers.
La simple mise à disposition d'un lave-linge, que les salariés doivent faire fonctionner en dehors de leurs heures de travail, ne satisfait pas à l'obligation incombant à l'employeur.
M. [S] [Z] est dès lors fondé à reprocher à la société Ambulances de [Localité 4] comme à la société Ensisheim ambulances de ne pas avoir satisfait à leur obligation d'entretenir les tenues professionnelles.
Le préjudice subi par M. [S] [Z], qui s'est trouvé contraint d'effectuer lui-même cet entretien durant deux ans, sera réparé par la somme de 500 euros qu'il réclame. Toutefois la société Ambulances de [Localité 4], qui n'était plus l'employeur de M. [S] [Z] à compter du 1er avril 2019, ne peut être tenue au paiement au-delà de la moitié du préjudice subi.
Sur le refus de fournir des feuilles de route
M. [S] [Z] ne produit aucun élément de preuve démontrant un refus de la société Ambulances de [Localité 4] ou de la société Ensisheim ambulances de lui fournir des feuilles de route.
Il a donc été débouté à juste titre de sa demande de dommages et intérêts de ce chef contre la société Ensisheim ambulances et en sera également débouté en ce qu'elle est dirigée contre la société Ambulances de [Localité 4].
Sur les retards de paiement du salaire et de remise des bulletins de paie
M. [S] [Z] reproche à la société Ensisheim ambulances de ne pas lui avoir versé son salaire mensuel au plus tard le 15 du mois suivant et d'avoir tardé à lui remettre ses bulletins de paie.
Il ne se réfère cependant à aucune pièce démontrant les retards de paiement de salaire allégués et n'apporte aucune précision de fait concernant ces retards.
En ce qui concerne la remise des bulletins de paie, il invoque des retards ayant atteint six semaines en se référant uniquement « aux dernières pages » de son annexe 28. Celles-ci contiennent des messages échangés à la fin du mois d'avril 2020 et en mai 2020 entre le salarié et l'employeur au motif d'erreurs sur les bulletins de paie. Le seul retard dénoncé par le salarié concerne le bulletin de paie de février 2020, qu'il a déclaré ne pas avoir reçu le 6 avril 2020 et qu'il a réclamé à nouveau quinze jours plus tard. Toutefois, M. [S] [Z] ne justifie d'aucune conséquence préjudiciable du retard dans la délivrance de ce bulletin de paie.
M. [S] [Z] a donc été débouté à juste titre de ses demandes, dirigées contre la société Ensisheim ambulances, de dommages et intérêts au titre de retards dans le paiement du salaire et dans la remise de bulletins de paie, et il sera également débouté de ces demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la société Ambulances de [Localité 4].
Sur les prélèvements au titre de la complémentaire santé
Pour solliciter le remboursement des sommes retenues sur son salaire au titre de l'assurance complémentaire santé et décès-invalidité-incapacité, M. [S] [Z] se réfère à la page 2 de son annexe 27 qui contient un échange de messages téléphoniques daté du 14 mai 2019 lors duquel M. [S] [Z] signale à son employeur que la mutuelle de l'entreprise n'est pas obligatoire et que celle qu'il a lui convient très bien, à quoi la société Ensisheim ambulances répond qu'il faut lui fournir un justificatif de l'adhésion à cette autre mutuelle. La circonstance que M. [S] [Z] a alors répondu « voici le justificatif », ne suffit pas, en l'absence de production du document qui aurait été transmis, à démontrer que le salarié a justifié d'un motif de dispense ; il n'invoque aucun justificatif produit dans le cadre de la présente instance, et l'attestation établie par lui-même en pièce n°23 est dépourvue de toute valeur probante.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
Pour caractériser un manquement de la société Ensisheim ambulances à l'obligation de sécurité incombant à l'employeur, M. [S] [Z] relève que, durant la crise sanitaire du printemps 2020, cette société a lancé un appel public pour obtenir des masques, blouses et charlottes et que, lorsqu'il a signalé à la secrétaire de l'entreprise, et épouse du dirigeant, qu'il manquait des blouses intégrales et du matériel de désinfection, celle-ci a répondu « on sait, on sait ».
Cependant, si ces éléments de preuve démontrent les difficultés auxquelles l'entreprise était confrontée pour obtenir du matériel de protection en quantité suffisante pour exercer normalement son activité, il n'en résulte pas que M. [S] [Z] aurait été contraint d'effectuer des missions sans disposer d'un matériel adapté et qu'il aurait ainsi été exposé à un risque de contamination. Au contraire, les messages auxquels M. [S] [Z] se réfère démontrent que les salariés pouvaient refuser d'effectuer les missions lorsqu'ils ne disposaient pas du matériel de protection nécessaire.
Par ailleurs, ainsi que l'a relevé à juste titre le conseil de prud'hommes, les photographies que M. [S] [Z] verse aux débats ne démontrent pas qu'il a été exposé à un risque quelconque pour sa sécurité.
Sur le harcèlement moral
Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Conformément à l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des dispositions ci-dessus, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, M. [S] [Z] affirme que la société Ensisheim ambulances a harcelé tous les salariés ayant établi une attestation en faveur d'une collègue qu'un litige opposait à leur employeur, qu'il faisait partie de ces salariés, et qu'il a subi une pression quotidienne, un avertissement injustifié ainsi que des messages intimidants ; il reproche également à la société Ensisheim ambulances d'avoir exercé des pressions à l'occasion de l'exercice d'un droit de retrait ; enfin, lorsqu'il s'est présenté pour récupérer ses documents de fin de contrat, le gérant de la société Ensisheim ambulances aurait eu à son égard des propos désobligeants.
M. [S] [Z] justifie d'un avertissement prononcé à son encontre par la société Ensisheim ambulances et annulé par le conseil de prud'hommes.
Ses affirmations relatives aux propos intimidants et désobligeants qui auraient été tenus à son égard ne se réfèrent en revanche à aucune des pièces qu'il produit, ce qui ne met pas la cour en mesure d'en apprécier la réalité.
Dès lors, les faits dont il rapporte la preuve ne laissent pas supposer qu'il a subi des agissements répétés de harcèlement moral.
Sur la rupture du contrat de travail
Par lettre datée du 10 septembre 2020, M. [S] [Z] a expressément déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail en se référant à la procédure en cours devant le conseil de prud'hommes et en reprochant à l'employeur de persister dans son refus d'appliquer la réglementation du travail et de lui faire subir un harcèlement.
Cependant, les manquements de la société Ensisheim ambulances à ses obligations caractérisés dans le cadre du présent procès n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier une prise d'acte de rupture.
En conséquence, le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que la lettre du salarié devait produire les effets d'une démission.
En revanche, le conseil de prud'hommes a considéré à tort que la décision de M. [S] [Z] de rompre le contrat de travail présentait un caractère abusif ; compte tenu de la durée du préavis en cas de démission, fixé à une semaine par le contrat de travail, il ne pouvait être alloué à la société Ensisheim ambulances une somme supérieure à 472,50 euros.
En conséquence, M. [S] [Z] est fondé à demander que l'indemnité allouée à la société Ensisheim ambulances soit réduite à ce montant.
Sur la délivrance tardive des documents de fin de contrat
M. [S] [Z] reproche à la société Ensisheim ambulances de lui avoir remis les documents de fin de contrat le 1er octobre 2020 seulement, alors qu'il avait pris acte de la rupture du contrat de travail le 10 septembre 2020.
Il ne rapporte cependant aucune preuve de l'incidence de ce retard et de cette erreur sur ses démarches auprès de Pôle emploi, et ne justifie même pas de l'existence de telles démarches, ni du versement d'allocations de chômage à la suite de son départ de l'entreprise. Il résulte au contraire de ses propres explications que, lorsqu'il s'est présenté dans les locaux de la société Ensisheim ambulances pour récupérer les documents de fin de contrat il avait déjà retrouvé un emploi auprès d'une autre société d'ambulances.
Le conseil de prud'hommes a donc considéré à juste titre que le préjudice allégué n'était pas démontré.
Sur les dépens et les autres frais de procédure
La société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances, qui succombent partiellement, seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Les circonstances de l'espèce justifient de condamner in solidum la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] une indemnité de 1 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés à l'occasion du présent procès ; la société Ambulances de [Localité 4] sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
DÉCLARE recevables les demandes nouvelles de M. [S] [Z] contre la société Ambulances de [Localité 4] ;
CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions frappées d'appel sauf en ce qu'il a :
1) débouté M. [S] [Z] de sa demande de condamnation de la société Ensisheim ambulances in solidum avec la société Ambulances de [Localité 4],
2) débouté M. [S] [Z] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de complément d'indemnité de congés payés contre la société Ensisheim ambulances au titre de la période postérieure au 1er avril 2019,
3) débouté M. [S] [Z] de ses demandes au titre du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail,
4) débouté M. [S] [Z] de sa demande en paiement d'une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage,
5) débouté M. [S] [Z] de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la carence de l'employeur dans l'entretien des tenues professionnelles,
6) condamné M. [S] [Z] à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution du préavis et rupture abusive,
7) dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens ;
INFIRME le jugement déféré de ces chefs ;
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement déféré,
CONDAMNE la société Ensisheim ambulances, in solidum avec la société Ambulances de [Localité 4], à payer à M. [S] [Z] la somme de 1 897,99 euros (mille huit cent quatre vingt dix sept euros et quatre vingt dix neufs centimes) au titre des heures supplémentaires et congés payés pour la période du 1er juillet 2018 au 31 mars 2019 ;
CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 187,31 euros (cent quatre vingt sept euros et trente et un centimes), au titre des heures supplémentaires impayées au cours du mois d'avril 2019 ainsi que celle de 18,74 euros (dix huit euros et soixante quatorze centimes) à titre de complément d'indemnité de congés payés ;
CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 300 euros (trois cents euros) au titre d'un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ;
CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 300 euros (trois cens euros) au titre d'un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ;
CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 246,75 euros (deux cent quarante six euros et soixante quinze centimes) au titre de la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage ;
CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 449,75 euros (quatre cent quarante neuf euros et soixante quinze centimes) au titre de la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage ;
CONDAMNE la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 500 euros (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la carence de l'employeur dans l'entretien des tenues professionnelles ;
CONDAMNE la société Ambulances de [Localité 4], in solidum avec la société Ensisheim ambulances, à payer les dommages et intérêts alloués ci-dessus, dans la limite de 250 euros (deux cent cinquante euros) ;
DÉBOUTE M. [S] [Z] de ses demandes contre la société Ambulances de [Localité 4] au titre du refus de fournir des feuilles de route, des retards de paiement des salaires et de remise tardive des bulletins de paie ;
CONDAMNE M. [S] [Z] à payer à la société Ensisheim ambulances la somme de 472,50 euros (quatre cent soixante douze euros et cinquante centimes) au titre de l'indemnité de préavis et déboute cette société du surplus de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances aux dépens de première instance et d'appel ;
CONDAMNE in solidum la société Ambulances de [Localité 4] et la société Ensisheim ambulances à payer à M. [S] [Z] la somme de 1 000 euros (mille euros) à titre d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Ambulances de [Localité 4] de sa demande d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Président,