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Décisions

CA Riom, ch. com., 17 septembre 2025, n° 24/02019

RIOM

Arrêt

Autre

CA Riom n° 24/02019

17 septembre 2025

COUR D'APPEL

DE [Localité 6]

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°336

DU : 17 septembre 2025

N° RG 24/02019 - N° Portalis DBVU-V-B7I-GJGK

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Arrêt rendu le dix sept septembre deux mille vingt cinq

Sur APPEL d'un judu gine Tribunal de Commerce du PUY EN VELAY en date du 22 Novembre 2024, enregistrée sous le n° 2023J36

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [G] [Z]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représenté par Me Elodie MABIKA SAUZE de la SELARL SELARL ELODIE MABIKA, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

APPELANT

ET :

Société MINOTERIE FOREST

SAS immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 306 516 113

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Soizic GICQUERE de la SELARL OGIER GICQUERE GIRAL, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

INTIMÉE

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, à l'audience publique du 20 Mai 2025, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré. L'affaire est mise en délibéré au 23 Juillet 2025, prorogé au 17 septembre 2025.

ARRET :

Prononcé publiquement le 17 septembre 2025 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SAS Minoterie Forest a pour activité le commerce de céréales et toutes activité s'y rattachant.

La SAS Signature, ayant pour dirigeants Mme [N] [U] (présidente) et M. [G] [Z] (directeur général) exerçait une activité de boulangerie pâtisserie.

Aux termes d'un contrat du 1er février 2021, la SAS Minoterie Forest a consenti à la SAS Signature un prêt de 40 000 euros, assorti d'un taux d'intérêts contractuels de 3,50% majorable de 3% en cas de défaut de paiement d'une échéance et remboursable en 36 mensualités de 1.193,18 euros. Ces fonds étaient destinés à couvrir le dépôt de garantie versé dans le cadre d'un contrat de location gérance d'un fonds de commerce passé par la SAS Signature pour l'exploitation de son activité de boulangerie pâtisserie.

La première échéance du prêt devait intervenir le 20 février 2021.

Selon acte du 1er février 2021, M. [E] s'est porté caution personnelle, solidaire et indivisible pour le remboursement de ce crédit dans la limite de 48 864 euros.

Par jugement du 17 février 22022, le tribunal de commerce de Villefranche Tarare a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Signature, procédure convertie en liquidation judiciaire le 28 juillet 2022.

La société Minoterie Forest a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire.

Par acte du 25 mai 2023, la SAS Minoterie Forest a fait assigner M. [G] [Z] devant le tribunal judiciaire du Puy en Velay afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 27 618, 21 euros correspondant au solde des sommes dues par la société Signature au titre du prêt consenti, outre intérêts et pénalités de retard ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 22 novembre 2024, le tribunal judiciaire du Puy en Velay a :

- dit que le versement du 4 décembre 2020 se rapporte au contrat de prêt et au contrat de cautionnement du même jour

- débouté M. [Z] de ses demandes ;

- considérant que le cautionnement n'était pas manifestement disproportionné, condamné M. [Z] à verser à la société Minoterie Forest la somme de 27 618,21 euros outre intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 1er septembre 2022,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [Z] aux dépens.

M. [Z] a relevé appel de cette décision par acte du 20 décembre 2024.

Suivant conclusions notifiées le 18 février 2025 M. [Z] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement

- statuant à nouveau, de débouter la société Minoterie Forest de toutes ses demandes pour défaut de preuve de virement des fonds,

A titre subsidiaire, de débouter la société Minoterie Forest de l'intégralité de ses demandes pour cause d'engagement disproportionné de caution non professionnelle et non avertie.

En tous cas, condamner la société Minoterie Forest à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

A titre infiniment subsidiaire, lui allouer des délais de paiement pendant deux ans à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et dire que chaque partie supportera la charge de ses dépens et frais irrépétibles.

Suivant conclusions notifiées le 11 mars 2025 la SAS Minoterie Forest demande à la cour :

- de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné M. [Z] au paiement des intérêts au taux légal

Y ajoutant,

- de condamner M. [Z] à lui verser les pénalités de retard au taux de 6,5% à compter de la date d'exigibilité des sommes jusqu'à parfait paiement ainsi que la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner M. [Z] aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 avril 2025.

Par note en délibéré la cour a sollicité la communication de l'ordonnance du juge commissaire portant admission de la créance litigieuse au passif de la société Signature.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens développés aux soutien de leurs prétentions.

Motivation :

A titre liminaire la cour observe que M. [Z] a versé plusieurs pièces et non la seule pièce sollicitée.

Les pièces 10 à 12 sont sans lien direct avec le présent litige. La pièce 9 est la liste des créances nées avant le jugement d'ouverture pour signature du débiteur valant acceptation des créances déclarées. Ce document n'est pas signé par le débiteur et ne vaut pas admission des créances par le juge commissaire.

La cour statuera donc au vu des pièces initialement produites.

I-Sur la demande en paiement :

M. [Z] fait grief au tribunal de ne pas avoir tenu compte de l'enchaînement des évènements qu'il qualifie de « crucial ».

Il indique que le virement encaissé le 4 décembre 2020 par la société Signature de la part de la société Minoterie Forest est sans lien avec le contrat de prêt signé deux mois plus tard en garantie duquel il a donné sa caution. Il fait observer que ni l'acte de prêt ni l'acte de cautionnement ne mentionnent un versement anticipé des fonds.

La société Minoterie Forest rappelle les dispositions de l'article 2289 du code civil aux termes desquelles : « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable. On peut néanmoins cautionner une obligation, encore qu'elle pût être annulée par une exception purement personnelle à l'obligé ; par exemple dans le cas de minorité. »

Elle indique que l'existence du contrat de prêt est démontrée par :

- le contrat écrit

- le versement de la somme de 41.000 euros sur le compte bancaire de la société Signature

- le remboursement des premières échéances de ce crédit par la débitrice principale

- la déclaration au passif de la société Signature de sa créance et l'absence de contestation par le débiteur principal (et dirigeant M. [Z]) de cette créance devant le juge commissaire.

Elle ajoute qu'en présence d'un contrat de prêt écrit, il appartient à l'emprunteur de démontrer que les fonds ne lui ont pas été versés.

Sur ce :

M. [T] est dirigeant de la société Signature. Il est présumé informé des opérations de cette société. Il reconnaît par ailleurs l'existence du prêt, consacré par l'établissement d'un acte sous seing privé.

Ce contrat de prêt est un prêt réel qui trouve sa cause dans la remise des fonds. En conséquence, l'acte sous seing privé ne fait que formaliser le contrat qui s'est formé si la remise des fonds est antérieure à l'acte. L'article 1132 du code civil, en ce qu'il dispose que la convention est valable quoique la cause n'en soit pas exprimée, met la preuve du défaut ou de l'illicéité de la cause à la charge de celui qui l'invoque ; la cause du contrat de prêt étant constituée par la remise de la chose, laquelle est aussi une condition de formation du prêt demeuré un contrat réel, il appartient à M. [T] de justifier que la remise des fonds n'est pas intervenue nonobstant la signature du contrat de prêt.

En l'espèce, il convient d'observer que la société Minoterie Forest justifie d'un virement de 40 000 euros le 4 décembre 2020 sur le compte courant [XXXXXXXXXX03] ainsi que mentionné dans le contrat de prêt, ainsi que d'un remboursement partiel de la société Signature dès lors que la déclaration de créance effectuée le 28 juillet 2022 ne porte que sur une somme de 27 618,21 euros concernant le prêt. Enfin, la créance a été déclarée par la société Minoterie Forest au passif de la société Signature et M. [T] ne justifie pas avoir contesté cette créance dans les conditions posées par l'article R 624-8 du code de commerce. La créance est donc réputée certaine liquide et exigible et la caution n'est plus habile à contester le montant ou la réalité de la dette.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

II- Sur la disproportion alléguée du cautionnement :

M. [Z] prétend que les juges de première instance ont violé les dispositions des articles L 332-1 et L 343-4 du code de la consommation dès lors qu'à la date du 1er février 2021, la société Minoterie Forest avait l'obligation de s'informer sur l'étendue du patrimoine de la caution ce qu'elle n'a pas fait. Il indique qu'elle se serait alors aperçue qu'il avait quitté son poste de directeur de production pour se lancer dans son projet de trois boulangeries et qu'il ne percevait plus qu'une allocation pôle emploi de 800 euros par mois. Il ajoute que son patrimoine immobilier se limite à un terrain agricole de faible valeur.

La SAS Minoterie Forest répond que le bénéfice de la disproportion ne concerne que les cautions profanes ce qui n'est pas le cas du dirigeant qui est présumé avoir connaissance de la situation de la société cautionnée ; que M. [Z] a déclaré que le montant de son engagement était compatible avec sa situation financière ; qu'en 2020 le couple percevait des revenus globaux de 51 541 euros ; que M. [T] ne justifie pas la valeur du terrain agricole et ne précise pas s'il possède un bien immobilier en commun avec son épouse.

Aux termes de l'article L 332-1 du code de la consommation dans sa version antérieure à son abrogation et applicable au contrat souscrit avant celle-ci, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La société Minoterie Forest doit être regardée comme un créancier professionnel dès lors que la créance se trouve en lien avec son activité professionnelle.

L'article susvisé s'applique à toutes les cautions personnes physiques, profanes ou averties, y compris les dirigeants sociaux. Cette obligation ne se confondant pas avec le devoir de mise en garde de la caution.

Si sauf anomalies apparentes, le créancier n'est pas tenu de vérifier les déclarations fournies par la caution, à qui il incombe de prouver la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et à ses revenus, il a le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de celle-ci avant la souscription du cautionnement et ne peut se contenter d'une mention manuscrite ou d'une déclaration sommaire.

M. [T] ne soulève toutefois pas la nullité de son engagement mais la disproportion de celui-ci et l'impossibilité qui en résulte pour le créancier de se prévaloir de ce cautionnement.

Il lui appartient donc d'établir cette disproportion.

A la date de signature de son engagement, soit du 1er février 2021, M. [T] avait perçu au titre des revenus de l'année 2020 un salaire net annuel de 30 154 euros (et non de 27 139 euros qui représente le montant des salaires net après abattement fiscal). M. [T] est marié sous le régime de la communauté légale. La proportionnalité du cautionnement suppose de tenir compte des revenus de son épouse. En revanche, cette dernière n'ayant pas signé l'acte de cautionnement, il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'existence d'un bien immobilier commun pour apprécier la proportionnalité du cautionnement.

En 2020, Mme [T] a perçu un revenu de 27 113 euros. Le couple disposait donc d'un revenu annuel de 57 267 euros et assurait l'éducation de deux enfants. Le terrain agricole propriété de M. [T] ne peut utilement être pris en compte la faiblesse de l'impôt foncier témoignant de sa faible valeur.

Au regard de ces éléments le cautionnement consenti n'apparaît pas disproportionné.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

M. [T] fait par ailleurs valoir qu'il est une caution non avertie. Il assure que la société Minoterie Forest est à l'origine de la procédure collective de la société Signature et déclare qu'étant dépourvu d'expérience il a fait confiance à cette dernière.

M. [T] avance tous ces éléments sans justificatif et notamment sans justificatif de son absence d'expérience en gestion d'entreprise. Ce moyen sera donc rejeté.

III- Sur les intérêts :

La société Minoterie Forest sollicite la réformation du jugement en ce que le tribunal a limité les intérêts de retard au taux légal en écartant le taux contractuel de 6,5%. Il est stipulé à l'article 5 du contrat de prêt que le prêt donne lieu à perception d'intérêts calculés sur le capital restant dû après chaque échéance. Les intérêts sont calculés au taux fixe de 3,5% l'an. Toute somme non payée à son échéance normale porte intérêt de plein droit du jour de ladite échéance au jour de son complet paiement au taux ci-dessus indiqué majoré de trois points sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable.

La société Minoterie Forest fixe le point de départ des intérêts au 1er septembre 2022 date de la mise en demeure de la caution.

Les intérêts étant contractuellement fixés par une clause dénuée d'ambiguïté et M. [T] n'excipant pas du caractère abusif de cette clause, il convient de réformer le jugement et de dire que la somme de 27 618,21 euros portera intérêts au taux contractuel de 3,5% majoré de trois points à compter du 1er septembre 2022.

IV- Sur la demande de délais :

Aux termes de l'article 1343-5 alinéa 1 du code civil le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

M. [T] demande à la cour la possibilité d'échelonner le paiement de sa dette sur deux ans.

La société Minoterie Forest ne répond pas sur ce point. La situation du débiteur justifie qu'il soit fait droit à cette demande dans la limite de 24 mois.

V- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [T] succombant en la présente instance sera condamné aux dépens.

L'équité commande de le condamner à verser à la société Minoterie Forest la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- dit qu'il convenait de prendre en compte les biens et les revenus de Mme [N] [U] ;

- condamné M. [G] [Z] au paiement de la somme de 27 618,21 euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2022 ;

Statuant à nouveau ;

- condamne M. [G] [Z] à verser à la SAS Minoterie Forest la somme de 27 618,21 euros outre intérêts au taux contractuel de 3,5% majoré de trois points à compter du 1er septembre 2022.

- condamne M. [G] [Z] à verser à la SAS Minoterie Forest la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que M. [G] [Z] pourra s'acquitter des sommes dues dans un délai de 24 mois à compter de la signification du présent arrêt pendant lequel il ne pourra plus être poursuivi pour le paiement des sommes dues ;

- dit que la société Minoterie Forest pourra reprendre les poursuites à l'issue de ce délai.

- condamne M. [G] [Z] aux dépens.

Le greffier La présidente

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