CA Paris, Pôle 6 - ch. 4, 17 septembre 2025, n° 22/05373
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2025
(n° /2025, 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05373 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYIQ
Décision déférée à la Cour : Décision du 12 Avril 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F19/06180
APPELANTE
S.A.S. DELICES D'AMOUR
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Yann DEBRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0888
INTIMES
Madame [D] [T] veuve [Z] venant aux droits de Monsieur [B] [L] [Z]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374
Monsieur [X] [G] [Z] venant aux droits de son père, M. [B] [L] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [U] [M] venant aux droits de son père, M. [B] [L] [Z], représentée légalement par sa mère, Mme [Y] [M]
[Adresse 1]
[Localité 5]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère
Mme MARQUES Florence, conseillère rédactrice
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
- rendu par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure et prétentions
Suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel (10 heures par semaine conclu pour une durée de 6 mois), en date du 16 octobre 2002, M. [B] [L] [Z] a été engagé par la SARL les Délices d'Amour en qualité de serveur dans un restaurant moyennant une rémunération brute de 273,20 euros.
La relation de travail s'est ensuite poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel.
Selon Mme [T] veuve [Z], un contrat de travail a durée indéterminée à temps complet en date du 1er février 2009 a été signé entre la société Le Bel Amour et M. [Z].
Il est précisé que le contrat de travail a été transféré à la société Le Grand Amour, puis à la société Le Bel Amour, puis à la société Paradis d'Amour et à compter du 1 er février 2018 à la société Delices d'Amour, en raison de la cession successive du fonds de commerce du restaurant sis [Adresse 2], à [Localité 5] et en application de l'article L122-12 du code du travail puis de l'article L1224-1 du code du travail.
Le salarié est décédé le 17 avril 2018.
Le 10 juillet 2019, Mme [D] [T] veuve [Z], M. [X] [Z] et Mme [U] [M], représentée par Mme [Y] [M], venant aux droits de M. [B] [L] [Z] ont saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir condamner la société à leur payer des sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
Par jugement en date du 12 avril 2022 , le conseil de prud'hommes de Paris statuant en formation de départage a condamné la société Délices d'Amour, à payer sous le bénéfice de l'exécution provisoire à Mme [D] [Z] les sommes suivantes :
- 60.606,72 euros brute à titre de rappel de salaire outre 6.060 euros au titre des congés payés,
- 25.000 euros de dommages et intérêts pour perte d'une chance de percevoir un capital décès.
- 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration au greffe en date du 12 mai 2022, la SAS Délices d'Amour a régulièrement interjeté appel de la décision.
Aux termes de ses dernières conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 5 février 2024, Mme [T] veuve [Z] sollicite la cour afin qu'elle :
A titre liminaire:
Déclare irrecevable la déclaration d'appel n°22/11888 ;
En tout état de cause,
Déclare Madame [Z] recevable et bien fondée en son appel incident ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Les Délices D'amour à lui verser la somme de 60.606,72 euros à titre de rappel de salaire ainsi que 6.060 euros au titre des congés payés afférents ;
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui verser 25.000 euros au titre de la perte de chance de percevoir un capital décès tel que prévu par la convention collective ;
Infirme le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes relatives à l'exécution déloyale du contrat de travail, au travail dissimulé et à l'indemnisation de son préjudice moral
Statuant à nouveau,
Juge déloyale l'exécution du contrat de travail ;
En conséquence:
Condamne la société à lui verser la somme de 19.600 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
Condamne la société à lui verser la somme de 19.600 euros au titre du préjudice moral ;
Condamne la société à lui verser la somme de 14.700 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
Prononce la suppression dans les conclusions de la société de toute référence à la production d'un faux ;
Condamne la société à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour diffamation ;
Déboute la société de ses demandes ;
Condamne la société à verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la société au paiement des dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 16 juillet 2024 , la société Délices d'Amour demande à la cour de :
Avant dire droit,
Donner acte à la société Délices d'amour qu'elle argue de faux :
- le contrat de travail prétendument conclu le 2 février 2009 entre la société Le Bel Amour et M. [Z], produit par Madame [T] veuve [Z] en pièce n°3 dans le cadre de la présente instance,
- l'attestation de travail prétendument établie par la société Le Bel Amour, produite par Madame [T] veuve [Z] en pièce n°46 dans le cadre de la présente instance;
- les trois bulletins de salaire prétendument établis par la société Le Bel Amour en décembre 2009, janvier et février 2010, produits par Madame [T] veuve [Z] en pièce 45,
Mettre en oeuvre la procédure d'incident de faux prévue à l'article 299 du Code de procédure civile combiné aux articles 287 à 295 dudit Code, en :
- Interrogeant Mme [T] veuve [Z] sur sa volonté de maintenir la pièce aux débats,
Dans la négative donner acte à la demanderesse du retrait des pièces n°3 et 46 des débats,
o Dans l'affirmative,
- ordonner à Mme [T] veuve [Z] de produire l'original des pièces n°3, 45 et 46 afin qu'il soit procédé à la vérification,
- procéder aux actes visés aux articles 287 et suivants du Code de procédure civile que la Cour estimera nécessaire,
- juger que les pièces n°3, 45 et 46 produites par Mme [T] veuve [Z] sont des faux,
- ordonner à Mme [T] veuve [Z] de procéder au retrait des débats des pièces n°3, 45 et 46 qu'elle a produite en produisant un bordereau de pièce tenant compte dudit retrait et des écritures sans référence à cette pièce,
A titre principal sur l'irrecevabilité des demandes,
Déclarer Madame [D] [T] irrecevable en ses demandes,
En conséquence,
- infirmer le jugement rendu le 12 avril 2022 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Délices d'Amour à payer à Mme [T] veuve [Z] les sommes de 60.606,72 euros au titre d'un rappel de salaire outre 6.060 euros au titre des congés payés y afférents, 25.000 euros au titre de la perte d'une chance de percevoir la garantie au titre de la prévoyance HCR et 1.500 euros au titre de l'article 700 CPC outre les entiers dépens et le confirmer en ce qu'il a débouté Madame [T] veuve [Z] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral et sa demande au titre de l'indemnité forfaitaires pour travail dissimulé,
Et statuant à nouveau,
- débouter Madame [D] [T] veuve [Z] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire au fond,
- infirmer le jugement rendu le 12 avril 2022 par le Conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Délices d'Amour à payer à Madame [T] veuve [Z] les sommes de 60.606,72 euros au titre d'un rappel de salaire outre 6.060 euros au titre des congés payés y afférents, 25.000 euros au titre de la perte d'une chance de percevoir la garantie au titre de la prévoyance HCR et 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, et le confirmer en ce qu'il a débouté Mme [D] [T] veuve [Z] de ses autres demandes et débouté Monsieur [X] [Z] et Madame [A] [Z] représentée par sa représentante légale Madame [Y] [M] de leurs demandes,
Et statuant à nouveau,
- Ecarter des débats les pièces n°3, 45 et 46 produites par Mme [D] [T] veuve [Z] ,
A titre principal,
- débouter Mme [T] veuve [Z] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire,
- limiter le montant des éventuelles condamnations mises à la charge de l'employeur au titre du rappel de salaire et des congés payés y afférant à un quart de la somme réclamée soit 15.151,68 euros brut outre 1.515,17 euros au titre des congés payés y afférent,
- débouter Mme [T] veuve [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir la garantie HCR,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral, sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
A titre infiniment subsidiaire,
Si par extraordinaire, la cour de céans devait faire droit à tout ou partie de ces demandes limiter le montant des éventuelles condamnations mises à la charge de l'employeur au bénéfice de Mme [T] veuve [Z] à un quart des sommes que la cour estimerait dues,
En tout état de cause,
- débouter Mme [T] veuve [Z] de sa demande de cancellation et de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une diffamation,
- condamner Mme [T] veuve [Z] à payer à la société Délices d'Amour la somme de 6 .000 € au titre de l'article 700 du code d eprocédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par acte d'huissier en date du 11 juillet 2022, la société appelante a fait signifier sa déclaration d'appel à Mme [D] [T].
Par acte d'huissier en date 12 août 2022 , la société appelante a fait signifier ses conclusions à M. [X] [Z]. L'acte a été remis à étude d'huissier.
Par acte d'huissier en date 12 août 2022 , la société appelante a fait signifier ses conclusions à Mme [U] [M], représentée par sa mère. L'acte a été remis à étude d'huissier.
L'intimée n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2024.
Par arrêt avant dire droit en date du 8 janvier 2025, la cour a :
- Ordonné la réouverture des débats à l'audience du 7 avril 2025 à 9 heures ,
- Enjoint à Mme [D] [T] veuve [Z] de produire un acte de notoriété établissant sa qualité d'héritière de M. [B] [L] [Z],
- Enjoint à Mme [D] [T] de produire aux débats l'original de l'attestation de travail objet de la pièce n°46 et les originaux des bulletins de paie objets de la pièce 45.
- Enjoint aux parties de produire aux débats, en original, les contrats de travail régularisés, le cas échéant, entre les sociétés qui ont successivement acquis le fonds de commerce du restaurant sis [Adresse 2] à [Localité 5] et M. [B] [L] [Z],
- Enjoint à la société DELICES d'AMOUR de verser aux débats le contrat de travail en application duquel la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée,
- Rappelé qu'à défaut d'exécution de ces diligences, l'affaire pourra être radiée,
- Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation à l'audience,
- Réservé les dépens et les frais irrépétibles.
Par note transmise à la cour par RPVA, la société Délices d'Amour indique ne disposer que du contrat du 16 octobre 2002, dont l'authenticité n'est pas contestée, que le contrat s'étant poursuivi au delà de son terme, il s'est transformé en contrat à durée indéterminée à temps partiel et a été transmis aux employeurs différents successifs de M. [Z], en application de l'article L 1224-1 du code du travail, sans qu'aucun contrat ne soit formalisé. Elle rappelle qu'elle a été le dernier employeur de M. [Z] pendant une durée de deux mois et demi.
Mme [T] a produit un acte de notoriété. Elle n'a pas produit les documents sollicités en original.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour rappelle que dans son arrêt en date du 8 janvier 2025, elle n'avait pas retenu la demande de Mme [T] tendant à voir déclarer irrecevable la déclaration d'appel de la société Les Délices d'Amour, et n'avait pas retenu les irrecevabilités soulevées par la société les Délices d'Amour, tirées de l'absence de réclamation préalable de M. [Z] et celle tirée du défaut de son droit à agir concernant l'exécution du contrat de travail. L'arrêt du 8 janvier 2025 n'en fait cependant pas mention dans son dispositif. Il y sera remédié dans le présent arrêt.
1-Sur l'irrecevabilité des demandes de Mme [T] veuve [Z] tirée du défaut de son droit à agir concernant l'exécution du contrat de travail de M. [Z]
La société soutenant que Mme [T] ne rapportait pas la preuve de sa qualité d'héritière, s'étonnant qu'elle ne produise pas d'acte de notoriété, il a été demandé à l'intéressée, dans le cadre de la réouverture des débats, de produire un acte de notoriété établissant sa qualité d'héritière de M. [B] [L] [Z].
Mme [T] verse aux débats une attestation de dévolution successorale en date du 31 mars 2025 et un acte de notoriété en date du 25 avril 2025, délivrés par Maître [C] [N], notaire à [Localité 8], aux termes de laquelle, Mme [T] a la qualité d'épouse de M. [B] [Z] et a droit à un quart de la succession du défunt en pleine propriété.
Ce faisant, elle établit sa qualité à agir. L'irrecevabilité soulevée est rejetée.
2-Sur la demande de rappel de salaire et des congés payés afférents formée par Mme [T]
Mme [T] expose que son défunt époux, après avoir été renouvelé dans ses fonctions selon contrats à durée déterminée, a été embauché par la société Le Bel Amour, suivant contrat à durée indéterminé à temps plein, le 1er février 2009, moyennant une rémunération mensuelle de 2450 euros.
Elle indique que néanmoins, ses derniers bulletins de salaires ( de janvier 2017 à mars 2018), mentionnaient une rémunération de 766,48 euros pour une durée de travail de 86,67 heures mensuelles. Elle soutient que la société a modifié de manière unilatérale le contrat de travail de M. [Z], sans qu'elle ne démontre que ce dernier l'a accepté.
Elle s'oppose par ailleurs à l'argumentation de la société selon laquelle le contrat de travail, les 3 bulletins de salaires produits et l'attestation de la société Le Bel Amour seraient des faux. Elle fait également valoir que la gardienne de l'immeuble, dans sa seconde attestation, témoigne de ce que M. [Z] travaillait à temps plein et que la société ne justifie pas, si son époux ne travaillait pas à temps plein, et par qui l'amplitude horaire du restaurant était couverte.
La société soutient que les pièces produites sont des faux utilisés afin de pouvoir obtenir un bail d'habitation, signé en avril 2010.
En l'état des éléments soumis à son appréciation, la cour constate que :
- l'attestation de travail ( piéce 46 de Mme [T]), si elle porte le nom de M. [Z] mentionne que l'intéressé ' est employé dans notre entreprise depuis le 2 /01/2009", l'attestation étant faite ' à la demande de l'intéressée pour valoir ce que de droit', étant souligné que l'ancienneté de M. [Z] est supérieure à celle mentionnée,
- la signature attribuée au gérant portée sur le contrat de travail daté du 2 février 2009 à effet du 2 janvier 2009 ( dont l'original se trouvait dans la côte du dossier reconstitué de la cour), est sensiblement différente de celle portée sur l'attestation de travail, et totalement différente de celle portée par le gérant de la société Le Bel Amour sur ses statuts,
- la société Euro Audit Consulting, société d'expertise comptable, expert comptable de la société Le Bel Amour, atteste qu'elle établissait les bulletins de paie pour cette société et que seuls les bulletins de salaires produits par la société sur la base d'un temps partiel ont été établis par ses soins, étant souligné que ceux produits par Mme [T] pour justifier d'un temps complet sont effectivement présentés de manière totalement différente,
- il n'apparaît pas que M. [Z] a réclamé un solde de rémunération durant la relation de travail.
La cour estime en conséquence que les pièces n°3, 45 et 46, combinées avec celles produites par la société, en particulier l'attestation de son comptable, n'emportent pas sa conviction sur l'existence d'une relation de travail à temps plein à compter du 2 janvier 2009, sans qu'il ne soit nécessaire, d'écarter des débats les dites pièces comme étant des faux, ni de procéder à une mesure d'expertise graphologique.
Mme [T] est déboutée de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents.
Le jugement est infirmé de ce chef.
3-Sur la demande de retrait des conclusions de la société des accusations de production d'un faux et la demande de dommages et intérêts pour diffamation
Mme [Z] soutient qu'en l'accusant d'avoir communiqué un faux, c'est à dire d'avoir commis un délit pénal, la société a porté atteinte à son honneur. Elle estime avoir été diffamée et avoir subi un préjudice moral lié à l'atteinte à sa dignité et à l'anxiété provoquée par la crainte que la société aille jusqu'à porter plainte à son encontre.
Il n'appartient pas à la cour, juridiction civile, d'ordonner le retrait d'un passage des conclusions produites, ni de se prononcer sur une demande de dommages et intérêts sur le fondement d'une éventuelle diffamation.
Mme [T] est déboutée de ses demandes de ces chefs. Il sera ajouté au jugement déféré.
4-Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé
Compte tenu de ce qui précède, Mme [T] ne peut qu'être déboutée de sa demande de ce chef.
Le jugement est confirmé de ce chef.
5-sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l'employeur d'exécuter le contrat de travail de bonne foi.
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.
En l'espèce Mme [T] invoque les manquements suivants :
- la société a fait signer plusieurs CDD à son époux sans faire référence au motif du recours au CDD,
- la société n'a pas payé à son époux son salaire dû sur la base d'un temps plein à compter de février 2009,
- M. [Z] a changé à de nombreuses reprises d'employeur, ses changements ayant un impact sur sa situation, l'analyse des différents contrats de travail permettant de constater qu'il a été soumis à plusieurs périodes d'essai successives, dont la dernière à l'occasion du contrat du 2 février 2009,
- ses bulletins de salaire mentionnent une date d'ancienneté erronée.
La cour constate qu'un seul contrat à durée déterminée est versé aux débats et que si le motif du recours à ce type de contrat n'est pas mentionné, il n'en est pas tiré la conséquence jurdique adaptée.
Il a été retenu ci-avant que la preuve de l'existence d'un contrat à durée indeterminée à temps plein n'est pas rapportée.
Il n'est pas produit aux débats les contrats successifs qui auraient été conclus, si bien que la clause prévoyant une période d'essai alléguée ne peut être vérifié. .
Par ailleurs, il n'est pas démontré de préjudice effectif tiré de la mention erronée de l'ancienneté de M. [Z] sur ses bulletins de salaire.
La preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail n'étant pas rapportée, Mme [T] est déboutée de sa demande de ce chef.
Le jugement est confirmé de ce chef.
6 sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Mme [T] soutient que son défunt époux a subi un préjudice considérable vis à vis des cotisations sociales, dont il n'a pu demander la réparation en raison de son décès en 2018.
Elle soutient que la santé mentale de son défunt époux a été profondément altérée en raison de la dégradation des conditions dans lesquelles il a été contraint de travailler , lesquelles ont nécessairement porté atteinte à son honneur et à sa réputation.
L'existence d'un contrat à temps complet n'est pas établie, comme d'ailleurs ne l'est pas la dégradation des conditions de travail de M. [Z].
Mme [T] est déboutée de sa demande de ce chef.
Le jugement est confirmé de ce chef.
7-sur la demande de la société tendant à voir infirmer sa condamnation à payer à Mme [T] la somme de 25000 euros au titre de la perte de chance de percevoir un capital décès tel que prévu par la convention collective
La société justifie que Mme [T] a perçu une somme de 18243,87 euros dont 367,04 euros d'intérêts au titre du capital décès , le 27 septembre 2023.
La salariée ne peut plus se prévaloir de la perte de chance de percevoir ce capital décès.
Le jugement est infirmé de ce chef
8-Sur les demandes accessoires
Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté la SAS Délices d'Amour de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Partie perdante, Mme [D] [T] veuve [Z] est condamnée aux dépens d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS Délices d'Amour à payer à Mme [D] [T] veuve [Z] la somme de 60606,72 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 6060 euros au titre des congés payés afférents, celle de 25000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir un capital décès et la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et sur les dépens,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la demande de Mme [D] [T] veuve [Z] tendant à voir déclarer irrecevable la déclaration d'appel de la société Les délices d'Amour est de la compétence du conseiller de la mise en état,
Rejette la demande de la société Les délices d'Amour tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de Mme [T] tirée de l'absence de réclamation préalable de M. [Z],
Rejette la demande de la société Les Délices d'Amour tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de Mme [T] tirée du défaut de son droit à agir concernant l'exécution du contrat de travail de M. [Z],
Rejette les demandes avant dire droit de la SAS Délices d'Amour,
Déboute Mme [D] [T] veuve [Z] de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents,
Déboute Mme [D] [T] veuve [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir un capital décès prévu par la convention collective,
Déboute Mme [D] [T] veuve [Z] de sa demande tendant à voir ordonner le retrait des conclusions de la SAS Délices d'Amour des accusations de production d'un faux et de sa demande de dommages et intérêts pour diffamation,
Déboute les parties de leur demande respective fondée l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et en cause d'appel,
Condamne Mme [D] [T] veuve [Z] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2025
(n° /2025, 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05373 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYIQ
Décision déférée à la Cour : Décision du 12 Avril 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F19/06180
APPELANTE
S.A.S. DELICES D'AMOUR
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Yann DEBRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0888
INTIMES
Madame [D] [T] veuve [Z] venant aux droits de Monsieur [B] [L] [Z]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374
Monsieur [X] [G] [Z] venant aux droits de son père, M. [B] [L] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [U] [M] venant aux droits de son père, M. [B] [L] [Z], représentée légalement par sa mère, Mme [Y] [M]
[Adresse 1]
[Localité 5]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère
Mme MARQUES Florence, conseillère rédactrice
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
- rendu par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure et prétentions
Suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel (10 heures par semaine conclu pour une durée de 6 mois), en date du 16 octobre 2002, M. [B] [L] [Z] a été engagé par la SARL les Délices d'Amour en qualité de serveur dans un restaurant moyennant une rémunération brute de 273,20 euros.
La relation de travail s'est ensuite poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel.
Selon Mme [T] veuve [Z], un contrat de travail a durée indéterminée à temps complet en date du 1er février 2009 a été signé entre la société Le Bel Amour et M. [Z].
Il est précisé que le contrat de travail a été transféré à la société Le Grand Amour, puis à la société Le Bel Amour, puis à la société Paradis d'Amour et à compter du 1 er février 2018 à la société Delices d'Amour, en raison de la cession successive du fonds de commerce du restaurant sis [Adresse 2], à [Localité 5] et en application de l'article L122-12 du code du travail puis de l'article L1224-1 du code du travail.
Le salarié est décédé le 17 avril 2018.
Le 10 juillet 2019, Mme [D] [T] veuve [Z], M. [X] [Z] et Mme [U] [M], représentée par Mme [Y] [M], venant aux droits de M. [B] [L] [Z] ont saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir condamner la société à leur payer des sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
Par jugement en date du 12 avril 2022 , le conseil de prud'hommes de Paris statuant en formation de départage a condamné la société Délices d'Amour, à payer sous le bénéfice de l'exécution provisoire à Mme [D] [Z] les sommes suivantes :
- 60.606,72 euros brute à titre de rappel de salaire outre 6.060 euros au titre des congés payés,
- 25.000 euros de dommages et intérêts pour perte d'une chance de percevoir un capital décès.
- 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration au greffe en date du 12 mai 2022, la SAS Délices d'Amour a régulièrement interjeté appel de la décision.
Aux termes de ses dernières conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 5 février 2024, Mme [T] veuve [Z] sollicite la cour afin qu'elle :
A titre liminaire:
Déclare irrecevable la déclaration d'appel n°22/11888 ;
En tout état de cause,
Déclare Madame [Z] recevable et bien fondée en son appel incident ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Les Délices D'amour à lui verser la somme de 60.606,72 euros à titre de rappel de salaire ainsi que 6.060 euros au titre des congés payés afférents ;
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui verser 25.000 euros au titre de la perte de chance de percevoir un capital décès tel que prévu par la convention collective ;
Infirme le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes relatives à l'exécution déloyale du contrat de travail, au travail dissimulé et à l'indemnisation de son préjudice moral
Statuant à nouveau,
Juge déloyale l'exécution du contrat de travail ;
En conséquence:
Condamne la société à lui verser la somme de 19.600 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
Condamne la société à lui verser la somme de 19.600 euros au titre du préjudice moral ;
Condamne la société à lui verser la somme de 14.700 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
Prononce la suppression dans les conclusions de la société de toute référence à la production d'un faux ;
Condamne la société à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour diffamation ;
Déboute la société de ses demandes ;
Condamne la société à verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la société au paiement des dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 16 juillet 2024 , la société Délices d'Amour demande à la cour de :
Avant dire droit,
Donner acte à la société Délices d'amour qu'elle argue de faux :
- le contrat de travail prétendument conclu le 2 février 2009 entre la société Le Bel Amour et M. [Z], produit par Madame [T] veuve [Z] en pièce n°3 dans le cadre de la présente instance,
- l'attestation de travail prétendument établie par la société Le Bel Amour, produite par Madame [T] veuve [Z] en pièce n°46 dans le cadre de la présente instance;
- les trois bulletins de salaire prétendument établis par la société Le Bel Amour en décembre 2009, janvier et février 2010, produits par Madame [T] veuve [Z] en pièce 45,
Mettre en oeuvre la procédure d'incident de faux prévue à l'article 299 du Code de procédure civile combiné aux articles 287 à 295 dudit Code, en :
- Interrogeant Mme [T] veuve [Z] sur sa volonté de maintenir la pièce aux débats,
Dans la négative donner acte à la demanderesse du retrait des pièces n°3 et 46 des débats,
o Dans l'affirmative,
- ordonner à Mme [T] veuve [Z] de produire l'original des pièces n°3, 45 et 46 afin qu'il soit procédé à la vérification,
- procéder aux actes visés aux articles 287 et suivants du Code de procédure civile que la Cour estimera nécessaire,
- juger que les pièces n°3, 45 et 46 produites par Mme [T] veuve [Z] sont des faux,
- ordonner à Mme [T] veuve [Z] de procéder au retrait des débats des pièces n°3, 45 et 46 qu'elle a produite en produisant un bordereau de pièce tenant compte dudit retrait et des écritures sans référence à cette pièce,
A titre principal sur l'irrecevabilité des demandes,
Déclarer Madame [D] [T] irrecevable en ses demandes,
En conséquence,
- infirmer le jugement rendu le 12 avril 2022 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Délices d'Amour à payer à Mme [T] veuve [Z] les sommes de 60.606,72 euros au titre d'un rappel de salaire outre 6.060 euros au titre des congés payés y afférents, 25.000 euros au titre de la perte d'une chance de percevoir la garantie au titre de la prévoyance HCR et 1.500 euros au titre de l'article 700 CPC outre les entiers dépens et le confirmer en ce qu'il a débouté Madame [T] veuve [Z] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral et sa demande au titre de l'indemnité forfaitaires pour travail dissimulé,
Et statuant à nouveau,
- débouter Madame [D] [T] veuve [Z] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire au fond,
- infirmer le jugement rendu le 12 avril 2022 par le Conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Délices d'Amour à payer à Madame [T] veuve [Z] les sommes de 60.606,72 euros au titre d'un rappel de salaire outre 6.060 euros au titre des congés payés y afférents, 25.000 euros au titre de la perte d'une chance de percevoir la garantie au titre de la prévoyance HCR et 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, et le confirmer en ce qu'il a débouté Mme [D] [T] veuve [Z] de ses autres demandes et débouté Monsieur [X] [Z] et Madame [A] [Z] représentée par sa représentante légale Madame [Y] [M] de leurs demandes,
Et statuant à nouveau,
- Ecarter des débats les pièces n°3, 45 et 46 produites par Mme [D] [T] veuve [Z] ,
A titre principal,
- débouter Mme [T] veuve [Z] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire,
- limiter le montant des éventuelles condamnations mises à la charge de l'employeur au titre du rappel de salaire et des congés payés y afférant à un quart de la somme réclamée soit 15.151,68 euros brut outre 1.515,17 euros au titre des congés payés y afférent,
- débouter Mme [T] veuve [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir la garantie HCR,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral, sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
A titre infiniment subsidiaire,
Si par extraordinaire, la cour de céans devait faire droit à tout ou partie de ces demandes limiter le montant des éventuelles condamnations mises à la charge de l'employeur au bénéfice de Mme [T] veuve [Z] à un quart des sommes que la cour estimerait dues,
En tout état de cause,
- débouter Mme [T] veuve [Z] de sa demande de cancellation et de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une diffamation,
- condamner Mme [T] veuve [Z] à payer à la société Délices d'Amour la somme de 6 .000 € au titre de l'article 700 du code d eprocédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par acte d'huissier en date du 11 juillet 2022, la société appelante a fait signifier sa déclaration d'appel à Mme [D] [T].
Par acte d'huissier en date 12 août 2022 , la société appelante a fait signifier ses conclusions à M. [X] [Z]. L'acte a été remis à étude d'huissier.
Par acte d'huissier en date 12 août 2022 , la société appelante a fait signifier ses conclusions à Mme [U] [M], représentée par sa mère. L'acte a été remis à étude d'huissier.
L'intimée n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2024.
Par arrêt avant dire droit en date du 8 janvier 2025, la cour a :
- Ordonné la réouverture des débats à l'audience du 7 avril 2025 à 9 heures ,
- Enjoint à Mme [D] [T] veuve [Z] de produire un acte de notoriété établissant sa qualité d'héritière de M. [B] [L] [Z],
- Enjoint à Mme [D] [T] de produire aux débats l'original de l'attestation de travail objet de la pièce n°46 et les originaux des bulletins de paie objets de la pièce 45.
- Enjoint aux parties de produire aux débats, en original, les contrats de travail régularisés, le cas échéant, entre les sociétés qui ont successivement acquis le fonds de commerce du restaurant sis [Adresse 2] à [Localité 5] et M. [B] [L] [Z],
- Enjoint à la société DELICES d'AMOUR de verser aux débats le contrat de travail en application duquel la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée,
- Rappelé qu'à défaut d'exécution de ces diligences, l'affaire pourra être radiée,
- Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation à l'audience,
- Réservé les dépens et les frais irrépétibles.
Par note transmise à la cour par RPVA, la société Délices d'Amour indique ne disposer que du contrat du 16 octobre 2002, dont l'authenticité n'est pas contestée, que le contrat s'étant poursuivi au delà de son terme, il s'est transformé en contrat à durée indéterminée à temps partiel et a été transmis aux employeurs différents successifs de M. [Z], en application de l'article L 1224-1 du code du travail, sans qu'aucun contrat ne soit formalisé. Elle rappelle qu'elle a été le dernier employeur de M. [Z] pendant une durée de deux mois et demi.
Mme [T] a produit un acte de notoriété. Elle n'a pas produit les documents sollicités en original.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour rappelle que dans son arrêt en date du 8 janvier 2025, elle n'avait pas retenu la demande de Mme [T] tendant à voir déclarer irrecevable la déclaration d'appel de la société Les Délices d'Amour, et n'avait pas retenu les irrecevabilités soulevées par la société les Délices d'Amour, tirées de l'absence de réclamation préalable de M. [Z] et celle tirée du défaut de son droit à agir concernant l'exécution du contrat de travail. L'arrêt du 8 janvier 2025 n'en fait cependant pas mention dans son dispositif. Il y sera remédié dans le présent arrêt.
1-Sur l'irrecevabilité des demandes de Mme [T] veuve [Z] tirée du défaut de son droit à agir concernant l'exécution du contrat de travail de M. [Z]
La société soutenant que Mme [T] ne rapportait pas la preuve de sa qualité d'héritière, s'étonnant qu'elle ne produise pas d'acte de notoriété, il a été demandé à l'intéressée, dans le cadre de la réouverture des débats, de produire un acte de notoriété établissant sa qualité d'héritière de M. [B] [L] [Z].
Mme [T] verse aux débats une attestation de dévolution successorale en date du 31 mars 2025 et un acte de notoriété en date du 25 avril 2025, délivrés par Maître [C] [N], notaire à [Localité 8], aux termes de laquelle, Mme [T] a la qualité d'épouse de M. [B] [Z] et a droit à un quart de la succession du défunt en pleine propriété.
Ce faisant, elle établit sa qualité à agir. L'irrecevabilité soulevée est rejetée.
2-Sur la demande de rappel de salaire et des congés payés afférents formée par Mme [T]
Mme [T] expose que son défunt époux, après avoir été renouvelé dans ses fonctions selon contrats à durée déterminée, a été embauché par la société Le Bel Amour, suivant contrat à durée indéterminé à temps plein, le 1er février 2009, moyennant une rémunération mensuelle de 2450 euros.
Elle indique que néanmoins, ses derniers bulletins de salaires ( de janvier 2017 à mars 2018), mentionnaient une rémunération de 766,48 euros pour une durée de travail de 86,67 heures mensuelles. Elle soutient que la société a modifié de manière unilatérale le contrat de travail de M. [Z], sans qu'elle ne démontre que ce dernier l'a accepté.
Elle s'oppose par ailleurs à l'argumentation de la société selon laquelle le contrat de travail, les 3 bulletins de salaires produits et l'attestation de la société Le Bel Amour seraient des faux. Elle fait également valoir que la gardienne de l'immeuble, dans sa seconde attestation, témoigne de ce que M. [Z] travaillait à temps plein et que la société ne justifie pas, si son époux ne travaillait pas à temps plein, et par qui l'amplitude horaire du restaurant était couverte.
La société soutient que les pièces produites sont des faux utilisés afin de pouvoir obtenir un bail d'habitation, signé en avril 2010.
En l'état des éléments soumis à son appréciation, la cour constate que :
- l'attestation de travail ( piéce 46 de Mme [T]), si elle porte le nom de M. [Z] mentionne que l'intéressé ' est employé dans notre entreprise depuis le 2 /01/2009", l'attestation étant faite ' à la demande de l'intéressée pour valoir ce que de droit', étant souligné que l'ancienneté de M. [Z] est supérieure à celle mentionnée,
- la signature attribuée au gérant portée sur le contrat de travail daté du 2 février 2009 à effet du 2 janvier 2009 ( dont l'original se trouvait dans la côte du dossier reconstitué de la cour), est sensiblement différente de celle portée sur l'attestation de travail, et totalement différente de celle portée par le gérant de la société Le Bel Amour sur ses statuts,
- la société Euro Audit Consulting, société d'expertise comptable, expert comptable de la société Le Bel Amour, atteste qu'elle établissait les bulletins de paie pour cette société et que seuls les bulletins de salaires produits par la société sur la base d'un temps partiel ont été établis par ses soins, étant souligné que ceux produits par Mme [T] pour justifier d'un temps complet sont effectivement présentés de manière totalement différente,
- il n'apparaît pas que M. [Z] a réclamé un solde de rémunération durant la relation de travail.
La cour estime en conséquence que les pièces n°3, 45 et 46, combinées avec celles produites par la société, en particulier l'attestation de son comptable, n'emportent pas sa conviction sur l'existence d'une relation de travail à temps plein à compter du 2 janvier 2009, sans qu'il ne soit nécessaire, d'écarter des débats les dites pièces comme étant des faux, ni de procéder à une mesure d'expertise graphologique.
Mme [T] est déboutée de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents.
Le jugement est infirmé de ce chef.
3-Sur la demande de retrait des conclusions de la société des accusations de production d'un faux et la demande de dommages et intérêts pour diffamation
Mme [Z] soutient qu'en l'accusant d'avoir communiqué un faux, c'est à dire d'avoir commis un délit pénal, la société a porté atteinte à son honneur. Elle estime avoir été diffamée et avoir subi un préjudice moral lié à l'atteinte à sa dignité et à l'anxiété provoquée par la crainte que la société aille jusqu'à porter plainte à son encontre.
Il n'appartient pas à la cour, juridiction civile, d'ordonner le retrait d'un passage des conclusions produites, ni de se prononcer sur une demande de dommages et intérêts sur le fondement d'une éventuelle diffamation.
Mme [T] est déboutée de ses demandes de ces chefs. Il sera ajouté au jugement déféré.
4-Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé
Compte tenu de ce qui précède, Mme [T] ne peut qu'être déboutée de sa demande de ce chef.
Le jugement est confirmé de ce chef.
5-sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l'employeur d'exécuter le contrat de travail de bonne foi.
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.
En l'espèce Mme [T] invoque les manquements suivants :
- la société a fait signer plusieurs CDD à son époux sans faire référence au motif du recours au CDD,
- la société n'a pas payé à son époux son salaire dû sur la base d'un temps plein à compter de février 2009,
- M. [Z] a changé à de nombreuses reprises d'employeur, ses changements ayant un impact sur sa situation, l'analyse des différents contrats de travail permettant de constater qu'il a été soumis à plusieurs périodes d'essai successives, dont la dernière à l'occasion du contrat du 2 février 2009,
- ses bulletins de salaire mentionnent une date d'ancienneté erronée.
La cour constate qu'un seul contrat à durée déterminée est versé aux débats et que si le motif du recours à ce type de contrat n'est pas mentionné, il n'en est pas tiré la conséquence jurdique adaptée.
Il a été retenu ci-avant que la preuve de l'existence d'un contrat à durée indeterminée à temps plein n'est pas rapportée.
Il n'est pas produit aux débats les contrats successifs qui auraient été conclus, si bien que la clause prévoyant une période d'essai alléguée ne peut être vérifié. .
Par ailleurs, il n'est pas démontré de préjudice effectif tiré de la mention erronée de l'ancienneté de M. [Z] sur ses bulletins de salaire.
La preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail n'étant pas rapportée, Mme [T] est déboutée de sa demande de ce chef.
Le jugement est confirmé de ce chef.
6 sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Mme [T] soutient que son défunt époux a subi un préjudice considérable vis à vis des cotisations sociales, dont il n'a pu demander la réparation en raison de son décès en 2018.
Elle soutient que la santé mentale de son défunt époux a été profondément altérée en raison de la dégradation des conditions dans lesquelles il a été contraint de travailler , lesquelles ont nécessairement porté atteinte à son honneur et à sa réputation.
L'existence d'un contrat à temps complet n'est pas établie, comme d'ailleurs ne l'est pas la dégradation des conditions de travail de M. [Z].
Mme [T] est déboutée de sa demande de ce chef.
Le jugement est confirmé de ce chef.
7-sur la demande de la société tendant à voir infirmer sa condamnation à payer à Mme [T] la somme de 25000 euros au titre de la perte de chance de percevoir un capital décès tel que prévu par la convention collective
La société justifie que Mme [T] a perçu une somme de 18243,87 euros dont 367,04 euros d'intérêts au titre du capital décès , le 27 septembre 2023.
La salariée ne peut plus se prévaloir de la perte de chance de percevoir ce capital décès.
Le jugement est infirmé de ce chef
8-Sur les demandes accessoires
Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté la SAS Délices d'Amour de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Partie perdante, Mme [D] [T] veuve [Z] est condamnée aux dépens d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS Délices d'Amour à payer à Mme [D] [T] veuve [Z] la somme de 60606,72 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 6060 euros au titre des congés payés afférents, celle de 25000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir un capital décès et la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et sur les dépens,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la demande de Mme [D] [T] veuve [Z] tendant à voir déclarer irrecevable la déclaration d'appel de la société Les délices d'Amour est de la compétence du conseiller de la mise en état,
Rejette la demande de la société Les délices d'Amour tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de Mme [T] tirée de l'absence de réclamation préalable de M. [Z],
Rejette la demande de la société Les Délices d'Amour tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de Mme [T] tirée du défaut de son droit à agir concernant l'exécution du contrat de travail de M. [Z],
Rejette les demandes avant dire droit de la SAS Délices d'Amour,
Déboute Mme [D] [T] veuve [Z] de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents,
Déboute Mme [D] [T] veuve [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir un capital décès prévu par la convention collective,
Déboute Mme [D] [T] veuve [Z] de sa demande tendant à voir ordonner le retrait des conclusions de la SAS Délices d'Amour des accusations de production d'un faux et de sa demande de dommages et intérêts pour diffamation,
Déboute les parties de leur demande respective fondée l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et en cause d'appel,
Condamne Mme [D] [T] veuve [Z] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente