CA Rennes, 8e ch prud'homale, 8 octobre 2025, n° 21/07522
RENNES
Arrêt
Autre
8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°255
N° RG 21/07522 -
N° Portalis DBVL-V-B7F-SIJE
M. [V] [E]
C/
S.A.R.L. CADUT
Sur appel du jugement du C.P.H. de [Localité 6] du 29/10/2021
RG : F 19/01298
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Juin 2025
En présence de Madame [A] [P], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [V] [E]
né le 1er Août 1971 à [Localité 6] (44)
demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Camille SUDRON substituant à l'audience Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Virginie GLORIEUX KERGALL, Avocat plaidant du Barreau de PARIS
INTIMÉE :
La SARL CADUT prise en la personne de son liquidateur amiable M. [S] [B] et domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 5]
[Localité 4]
Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l'audience par Me Sandra LEVY-REGNAULT de la SARL SLR AVOCAT, Avocat plaidant du Barreau de NANTES
M. [V] [E] occupe le poste de gérant de la société SARL Cadut, de 2003 à 2012. Il a alors la qualité d'associé majoritaire.
La société Cadut emploie moins de onze salariés et est spécialisée dans la négociation des fonds de commerce et de boulangeries pâtisseries.
M. [E], qui était jusqu'alors associé et gérant majoritaire, est devenu salarié de la société, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 4 avril 2012, prenant effet au 1er avril 2012. M. [E] a alors cédé la majorité du capital détenu à une société financière, la société CFLC, et a changé de statut en devenant salarié au poste de Directeur de développement, niveau C4 de la convention collective de l'immobilier.
Fin 2015, la société financière a cédé ses parts au Groupe Bakertilly devenant l'associé majoritaire qui a modifié le statut de M. [E], ce dernier perdant le titre de gérant minoritaire le 1er janvier 2016.
Depuis 2012, M. [E] détient 27% du capital de la SARL.
Courant 2018, la SARL Cadut est entrée en négociation avec le groupe Terrena en vue d'une cession partielle du fonds de commerce.
Le 26 septembre 2019, M. [E] a adressé à son employeur une mise en demeure pour faire cesser les actes de harcèlement moral dont il était victime. La SARL a alors initié une enquête et a statué sur une absence d'une situation de harcèlement.
Le 14 octobre 2019, M. [E] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable le 22 octobre suivant.
Le 25 octobre 2019, date d'envoi de la lettre de licenciement, la société a notifié à M. [E] son licenciement pour faute grave.
Le 27 décembre 2019, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :
- Fixer le salaire mensuel brut de base de référence à la somme de 6 103,44 €
- Indemnité de préavis (3mois) :18 325,32 € Brut
- Congés payés afférents : 1 832,53 € Brut
- Rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire : 1 584,78 €
- Congés payés afférents : 158,47 €
- Indemnité de licenciement : 29 254,08 €
- A titre principal, dommages et intérêts pour licenciement nul, nets de CSG/CRDS (18 mois de salaire) : 109 951,92 €
- A titre subsidiaire, dommages et intérêts, nets de CSG/CRDS (13,5 mois de salaires) (barême Macron) : 82 463,94 €
- Dommages-intérêts pour licenciement abusif, nets de CSG/CRDS (13,5 mois de salaires) (barême Macron) : 82 435,56 €
- En tout état de cause, juger que la convention de forfait jour est privée de tout effet
- Au titre des heures supplémentaires sur les trois dernières années : 83 464,21 € Brut
- Congés payés afférents : 8 346,15 € Brut
- Dommages-intérêts pour travail dissimulé 6 mois de salaires nets de CSG CRDS au titre de l'article L. 8223-1 du code du travail : 36 650,64 € Net
- Dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat pour non-respect de l'obligation de formation et de tenue d'entretien biennal : 10 000,00 € Net
- Remboursement à pôle emploi des indemnités de chômage
- Intérêts de droit à compter du 14 octobre 2019 (date de la mise à pied à titre conservatoire)
- Dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 08 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse
- Exécution provisoire du jugement à intervenir (article 515 du code de procédure civile) outre celle de droit
- Article 700 du code de procédure civile : 3 000, 00 €
- Condamner la partie défenderesse aux dépens
Par jugement en date du 29 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Nantes a :
- Dit qu'il n'est pas démontré un harcèlement moral de la part de la SARL Cadut à l'encontre de M. [E]
- Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse
- Débouté M. [E] du surplus de ses demandes
- Débouté la SARL Cadut du surplus de ses demandes
- Condamné M. [E] à verser à la SARL Cadut la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamné M. [E] aux dépens éventuels
M. [E] a interjeté appel le 1er décembre 2021.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 juin 2025, l'appelant, M. [E], sollicite :
- Recevoir M. [E] en l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- Juger que la déclaration d'appel emporte effet dévolutif et rejeter toute demande contraire comme mal fondée,
- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nantes du 29 Octobre 2021 dans toutes
ses dispositions et notamment en ce qu'il a :
- « Dit qu'il n'est pas démontré un harcèlement moral de la part de la SARL Cadut à l'encontre de Monsieur [V] [E]
- Juge que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse
- Déboute Monsieur [V] [E] du surplus de ses demandes
- Condamne Monsieur [V] [E] à verser à la SARL CADUT, la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne Monsieur [V] [E] aux dépens éventuels. »
Et statuant à nouveau :
- A titre principal, Dire et juger le licenciement de M. [E] nul
- A titre subsidiaire, Dire et juger le licenciement de M. [E] dénué pour le moins de toute cause réelle et sérieuse et a fortiori de faute grave
En conséquence :
- Fixer le salaire mensuel brut de base de référence à la somme de 6108,44 euros
- Condamner la SARL Cadut à payer à M. [E] ses trois mois de préavis, soit une somme de 18 325,32 € brut, outre les congés payés y afférents et correspondant à la somme de 1832,53 € ;
- Condamner la SARL Cadut à payer M. [E] sa mise à pied à titre conservatoire, soit une somme de 1584,78 €, outre les congés payés y afférents et correspondant à la somme brute de 158,47 €
- Condamner la SARL Cadut à payer à M. [E] l'indemnité de licenciement due, soit une somme de 29524,08 euros pour 17 ans d'ancienneté.
- A titre principal, Condamner la SARL Cadut à payer à M. [E] des dommages et intérêts pour licenciement nul à hauteur de 18 mois de salaire, soit une somme nette de CSG/CRDS de 109 951,92 € ;
- A titre subsidiaire, Condamner pour le moins la SARL Cadut à payer à M. [E] des dommages et intérêts pour licenciement abusif à hauteur de 13,5 mois de salaire, en application du barème MACRON, soit une somme nette de CSG/CRDS de 82 463,94 € ;
- En tout état de cause, Dire et juger que la convention de forfait annuel en jours opposée par la SARL CADUT à M. [E] est privée de tout effet ;
- En conséquence Condamner en tout état de cause, la SARL Cadut à payer à M. [E], les heures supplémentaires qu'il a effectué au cours des trois dernières années, soit une somme brute de 83 464,21 euros, outre les congés payés y afférents, soit une somme de 8346,15 € brut en sus ;
- Conformément aux dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail, Condamner la SARL Cadut à verser à M. [E] une somme forfaitaire égale à 6 mois de salaire pour travail dissimulé, soit une somme de 36 650,64 € net de CSG-CRDS ;
- Condamner la SARL CADUT à payer à M. [E], la somme de 10 000 € net de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ;
- Condamner la SARL Cadut au remboursement des allocations chômage dans la limite légale des six mois prévus à l'article L. 1235'4 du code du travail et à assurer la compensation au bénéfice de M. [E], vis-à-vis de toute carence spécifique imposée par Pôle Emploi à M.
[E], à l'issue de la présente procédure ;
- Dire avoir lieu aux intérêts de droit à compter du 14 Octobre 2019 (date de la mise à pied à titre conservatoire), ainsi qu'à l'article 1343'2 du Code civil ;
- Dire qu'à défaut de règlement spontané par la SARL Cadut des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par huissier instrumentaire devront être supportées par la partie défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de 700 du code de procédure civile ;
Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,
- Condamner la SARL Cadut au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance, outre 5 000 euros au titre de la présente procédure d'appel.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 juin 2025, l'intimé sollicite :
A titre principal et statuant à nouveau
- Constater qu'aux termes de la déclaration d'appel enregistrée sous le n° 21/07101 en date du 1er décembre 2021, M. [E] n'a pas expressément critiqué les chefs du jugement dont appel, à savoir :
- La nullité du licenciement et l'ensemble des conséquences salariales et indemnitaires qui en découlent,
- La validité de la convention de forfait annuel en jours, les rappels de salaires pour heures supplémentaires, le travail dissimulé et les dommages et intérêts subséquents,
- Le préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ainsi que les dommages et intérêts subséquents,
- La compensation au bénéfice de M. [E], vis-à-vis de toute carence spécifique imposée par Pôle Emploi (non chiffrée),
- Dire et juger que la déclaration d'appel de M. [E] enregistrée sous le n° 21/07101 en date du 1er décembre 2021 contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nantes du 29 octobre 2021 ne défère pas à la cour d'appel de Céans les chefs du jugement déféré visés ci-avant,
- Dire et juger qu'à défaut d'énonciation expresse, dans la déclaration d'appel, des chefs du jugement critiqués visés ci-avant, conformément à l'article 562 du code de procédure civile, la cour d'appel de Rennes n'a été saisie d'aucun de ces chefs du jugement entrepris en l'absence d'effet dévolutif en ce sens,
- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Nantes le 29 octobre 2021 en toute ses dispositions,
- Débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire et statuant à nouveau
- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Nantes le 29 octobre 2021 en toute ses dispositions,
- Débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
A titre infiniment subsidiaire et statuant à nouveau
- Fixer la rémunération mensuelle moyenne au montant de 5 934,75 €,
- Limiter le montant des dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 35 649 € nets ou à tout le moins le ramener à de plus justes proportions,
- Limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 17 824,50 € nets ou à tout le moins le ramener à de plus justes proportions,
- Ramener à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté en matière de formation,
- Condamner M. [E] à verser à la société CADUT la somme de 8 370 € nets au titre du remboursement des jours de repos supplémentaires en cas de remise en cause du forfait annuel en jours,
- Ramener à de plus justes proportions le montant de la créance salariale liée à l'action en rappel d'heures supplémentaires,
- Fixer le point de départ des intérêts légaux à la date de notification du jugement,
En tout état de cause et statuant à nouveau
- Débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- Condamner M. [E] à verser à la société CADUT, à titre reconventionnel, outre l'indemnité prononcée en première instance qui devra être confirmée pour un montant de 500 €, s'y ajoutant, la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner M. [E] aux entiers dépens, en ceux compris les éventuels frais d'huissier de signification et/ou d'exécution forcée de la décision à intervenir.
La société Cadut a fait l'objet d'une liquidation amiable, désignant M. [S] [B] domicilié [Adresse 1], en qualité de liquidateur pendant toute la durée de la liquidation, selon PV d'Assemblée Générale du 28 février 2022.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 juin 2025.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'effet dévolutif
Au vu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2015-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Selon l'article 901,4°du même code, dans sa version applicable au litige, la déclaration d'appel qui tend à la réformation du jugement doit mentionner les chefs de jugement critiqué.
Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de dispositif du jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.
La société Cadut intimée prétend que la déclaration d'appel en date du 1er décembre 2021 n'a pas pu s'opérer sur :
- Les demandes portant sur la nullité du licenciement et l'ensemble des conséquences salariales et indemnitaires qui en découlent,
- La validité de la convention de forfait annuel en jours, les rappels de salaire pour heures supplémentaires, le travail dissimulé, les dommages et intérêts subséquents,
- L'existence d'un préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ainsi que les dommages et intérêts subséquents,
- La compensation au bénéficie de l'appelant, vis-à-vis de toute carence spécifique imposée par Pôle emploi.
L'appelant, M. [E], soutient que l'effet dévolutif opère dès lors que le dispositif du jugement mentionne 'déboute M. [E] du surplus de ses demandes' concernant les demandes relatives au licenciement pour nullité, à la convention de forfait annuel, aux heures supplémentaires, au travail dissimulé et aux dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, à l'existence d'un préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ainsi que les dommages et intérêts subséquents.
En l'espèce, le dispositif du jugement déféré est ainsi rédigé :
' Dit qu'il n'est pas démontré un harcèlement moral de la part de la SARL CADUT à l'encontre de Monsieur [V] [E]
- Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
- Déboute Monsieur [V] [E] du surplus de ses demandes,
- Condamne Monsieur [V] [E] à verser à la SARL CADUT, la somme de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne Monsieur [V] [E] aux dépens éventuels'.
La déclaration d'appel est ainsi formulée :
'L'appel tend à la réformation totale du jugement rendu le 29 Octobre 2021, par le Conseil de Prud'hommes de Nantes, portant le N° RG F 19/01298- N° Portalis DCV7 ' X-B7D-BZSZ, section encadrement, minute N° 21/331, en ce qu'il a dit : 'Qu'il n'est pas démontré un harcèlement moral de la part de la SARL CADUT à l'encontre de Monsieur [V] [E]
- Que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse
- Déboute Monsieur [V] [E] du surplus de ses demandes
- Condamne Monsieur [V] [E] à verser à la SARL CADUT, la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Condamne Monsieur [V] [E] aux dépens éventuels'.
A ce titre, il est demandé à la Cour d'Appel de Rennes de réformer le jugement ainsi rendu et :
A titre principal, dire et juger que le licenciement de M. [E] est nul en raison des actes de harcèlement dont il a été victime
A titre subsidiaire, dire et juger que le licenciement de M. [E] est dénué pour le moins de toute cause réelle et sérieuse et à fortiori de faute grave
En conséquence :
- Fixer le salaire mensuel brut de base de référence à la somme de 6108,44 euros
- Condamner la SARL CADUT à payer à M. [E] ses trois mois de préavis, soit une somme de 18 325,32 € brut, outre les congés payés y afférents et correspondant à la somme des 1832,53€ ;
- Condamner la SARL CADUT à payer M. [E] sa mise à pied à titre conservatoire, soit une somme de 1584,78 €, outre les congés payés y afférents et correspondant à la somme brute de 158,47 €
- Condamner la SARL CADUT à payer à M. [E] l'indemnité de licenciement due, soit une somme de 29524,08 euros pour 17 ans d'ancienneté.
- A titre principal, condamner la SARL CADUT à payer à M. [E] des dommages et intérêts pour licenciement nul à hauteur de 18 mois de salaire, soit une somme nette de CSG/CRDS de 109 951,92 € ;
- A titre subsidiaire, condamner pour le moins la SARL CADUT à payer à M. [E] des dommages et intérêts pour licenciement abusif à hauteur de 13,5 mois de salaire, en application du barème MACRON, soit une somme nette de CSG/CRDS de 82 463,94€ ;
- En tout état de cause, dire et juger que la convention de forfait annuel en jours opposée par la SARL CADUT à M. [E] est privée de tout effet ;
- En conséquence condamner en tout état de cause, la SARL CADUT à payer à M. [E], les heures supplémentaires qu'il a effectué au cours des trois dernières années, soit une somme brute de 83 464,21 €, outre les congés payés y afférents, soit une somme de 8346,15 € brut en sus ;
- Conformément aux dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail, condamner la SARL CADUT à verser à M. [E] une somme forfaitaire égale à 6 mois de salaire pour travail dissimulé, soit une somme de 36 650,64 € net de CSG-CRDS ;
- Condamner la SARL CADUT à payer à M.[E], la somme de 10 000 € net de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ;
- Condamner la SARL CADUT au remboursement des allocations chômage dans la limite légale des six mois prévus à l'article L. 1235'4 du code du travail et à assurer la compensation au bénéfice de M. [E], vis-à-vis de toute carence spécifique imposée par Pôle Emploi à M. [E], à l'issue de la présente procédure ;
- dire avoir lieu aux intérêts de droit à compter du 14 Octobre 2019 (date de la mise à pied à titre conservatoire), ainsi qu'à l'article 1343'2 du code civil ;
- dire qu'à défaut de règlement spontané par la SARL CADUT des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par huissier instrumentaire devront être supportées par la partie défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SARL CADUT au paiement d'une somme de 3000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais engagés pour la première instance
- condamner la SARL CADUT au paiement d'une somme de 3000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la présente instance'.
Force est donc de constater que la déclaration d'appel précise bien les chefs du jugement expressément critiqués par l'appelant, à savoir celui ayant rejeté l'existence d'un harcèlement moral, rejeté la contestation du licenciement et débouté M. [E] du surplus de ses demandes. Dès lors, contrairement à ce que soutient la société CADUT, l'effet dévolutif de l'appel a opéré.
Ainsi la cour constate que la déclaration d'appel de M. [E] a opéré effet dévolutif.
Sur la sommation de communiquer le registre du personnel et les provisions constituées au titre du litige
Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 juin 2025, M. [E] expose avoir fait sommation à la société de communiquer :
- le registre du personnel ;
- la constitution de provisions.
La société intimée soutient que le registre du personnel n'est pas communicable en ce qu'il ne s'agit pas d'une procédure de licenciement économique. Par ailleurs, elle prétend qu'elle n'est pas contrainte pour la même raison à la constitution de provisions.
Aux termes des dispositions de l'article 142 du code de procédure civile, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139. Le juge, s'il estime la demande de communication de pièce fondée, ordonne la délivrance ou la production de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte.
A titre liminaire la cour relève qu'en vertu des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, la cour n'est saisie que des demandes reprises au dispositif des conclusions. Or si M. [E] développe un argumentaire dans la discussion de ses conclusions relativement à une demande de sommation de production de pièces, il ne le sollicite pas au dispositif de ses conclusions.
Il s'ensuit que la cour n'est pas saisie d'une telle demande.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le licenciement nul
L'appelant soutient que son licenciement est nul du fait du harcèlement moral qu'il déclare avoir subi de la part de son employeur.
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.
Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L'appelant expose que lors du rachat du fonds de commerce de la SARL Cadut par le Groupe TERRENA, ce dernier n'a souhaité reprendre le fonds de commerce qu'avec deux salariés sur trois, l'excluant alors de cette reprise, en sa qualité de directeur commercial. Il ajoute avoir dès lors subi un isolement organisé par ses supérieurs, ainsi qu'une dégradation de ses conditions de travail qu'il définit comme constitutifs d'un harcèlement managérial. Il précise que les pressions se sont exercées via deux entretiens, l'un réalisé par le conseil de la SARL Cadut le 19 septembre 2019 afin de lui préciser qu'il n'était pas possible d'accepter le prix qu'il demandait pour le rachat de ses parts et afin de lui proposer son départ dans le cadre d'un licenciement économique, l'autre initié par le directeur des métiers du groupe Bakertilly, en date du 20 septembre 2019, lors duquel il expose que lui a été indiqué qu'il ne pouvait pas rester associé au sein de la SARL Cadut et lors duquel la proposition de licenciement économique a été réitérée.
Au soutien du harcèlement moral, M. [E] produit un courrier qu'il a communiqué à la SARL Cadut en date du 26 septembre 2019, dans lequel il expose que, depuis plusieurs mois, il ressent des pressions de la part du groupe Strego pour le 'faire sortir de la SARL CADUT tant en [sa] qualité de salarié, qu'en [sa] qualité d'associé'.
S'il ressort de ce courrier qu'a été proposé une négociation en vue d'un départ de M. [E], dans le cadre de ses activités de salarié et d'associé, et si, via ce courrier, M. [E] se plaint des méthodes employées à son égard dans le cadre de la cession du fonds de commerce, M. [E] échoue à présenter des éléments de faits réitérés laissant présumer un harcèlement moral. En effet, si l'existence des deux entretiens des 19 et 20 septembre 2019 est un fait constant, il ne ressort d'aucune pièce produite que ces réunions ont été l'occasion de pressions. Le courrier du 26 septembre 2019 ne peut suffire, en l'absence de pièces concordantes et corroborant les faits allégués par le salarié, à en établir la matérialité.
M. [E] ne produit par ailleurs aucun document permettant de justifier d'une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Il ne produit en outre aucune pièce médicale justifiant d'une altération de sa santé.
S'il est manifeste qu'un désaccord existait sur la valorisation de ses parts sociales en cas de rachat, ce n'est que par voie d'affirmation que M. [E] expose avoir été victime d'une mise en place progressive d'un isolement afin de l'exclure du projet de reprise du fonds. Il ne produit pas plus de pièces permettant de corroborer des agissements consistant en des pressions directes de la part de son employeur et des associés du groupe, au delà de l'existence des deux réunions précitées, dont il ne ressort pas des pièces produites qu'elles ont été l'occasion d'agissements répétés de l'employeur ou des associés du groupe.
Ces éléments, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de reconnaissance d'un licenciement nul ainsi que de ses demandes financières subséquentes.
Sur le licenciement pour faute grave
Est disposé à l'article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
En vertu de l'article L. 1235-2 du même code, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
Selon l'article L. 1235-1 du même code, à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur.
Au cas présent, le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 25 octobre 2019 dont il ressort les griefs suivants reprochés à M. [E] par la société intimée :
- des critiques répétées par le salarié à l'encontre de la société et contre le groupe d'appartenance Bakertilly Strago,
- un refus d'exercer ses fonctions (absence d'animation commerciale, refus de collaborer avec les partenaires du groupe),
- une communication auprès du personnel et des partenaires sur son désintérêt relativement au chiffre d'affaires développé,
- une communication auprès du personnel et des partenaires sur son souhait de quitter l'entreprise rapidement.
Le salarié conteste le bien fondé de son licenciement. Il soutient une absence de faute grave et affirme que la société a uniquement procédé à des reproches de façade servant à masquer le fait qu'elle voulait lui imposer un départ dans le cadre d'une rupture conventionnelle ou d'un licenciement pour motif économique avec un rachat des parts qu'il détient en qualité d'associé à un prix qu'il n'a pas accepté. Il précise que la société s'est servie de sa qualité d'associé minoritaire pour tenter de justifier sa décision de licenciement pour faute grave. Il affirme que la véritable cause de son départ est un recentrage de l'activité de la société, excluant la cession de fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie.
A titre liminaire, la cour rappelle qu'il convient d'analyser la gravité des faits reprochés au salarié à l'aune des exigences professionnelles inhérentes aux fonctions de directeur.
Il ressort ainsi de son contrat de travail que M. [E] a été recruté en 2012 en qualité de Directeur du Développement, Statut Cadre, Niveau C4, niveau le plus élevé de la convention collective, à la suite de la cession de la majorité de ses parts sociales. Il est, à cette occasion, passé d'associé et gérant majoritaire à gérant minoritaire, à hauteur de27,5% de participation. Est stipulé dans ledit contrat de travail qu'en qualité de Directeur du Développement, il était chargé notamment de :
'- définir et mettre en 'uvre la politique de développement de la SARL CADUT ;
- d'assurer le leadership sur les collaborateurs de la Société ;
- de réaliser les objectifs annuels ['].'
Il ressort en outre de l'avenant en date du 1er janvier 2016 qu'il ne disposait plus d'un mandat social - il restait néanmoins associé minoritaire-, et que l'intitulé de son poste était contractuellement modifié pour devenir 'Directeur Commercial', plutôt que 'Directeur du Développement'. Il ne ressort toutefois pas dudit avenant que ses missions ont évolué.
Concernant l'ensemble des griefs, le salarié expose que les fautes retenues à son encontre ne peuvent prospérer en ce qu'est mentionné dans la lettre de licenciement qu'il exerçait les fonctions de directeur du développement et non les fonctions de directeur commercial à la date de la rupture. Or ce moyen est inopérant, s'agissant d'une erreur de plume, en ce que si l'intitulé du poste a bien été modifié, les fonctions de M. [E] étaient indentiques avant et après la signature de l'avenant du 1er janvier 2016.
- Sur les critiques répétées par le salarié à l'encontre de la société et contre le groupe d'appartenance Bakertilly Strago
Au soutien de ce grief, la société intimée produit un courriel de M. [C], salarié de la société Cadut sous la responsabilité de M. [E], adressé à M. [X], membre de la direction, en date du 10 octobre 2019, ainsi repris :
'(...) Nous sommes en préparation d'un salon avec [D] [T] (Le Serbotel sur une durée de 4 jours) et toujours un discours négatif sur STREGO. Mon inquiétude est grande puisque sur un tel salon, qui a lieu tous les deux ans, nous rencontrons de nombreux acquéreurs potentiels qui constituent notre vivier pour plusieurs mois, voire plus. Cela ne peut continuer de la sorte avec une telle ambiance de travail et pas de business proche à venir'.
S'il ne ressort de ce courriel aucun fait précis et circonstancié venant étayer des faits de critiques répétées, la matérialité des critiques est toutefois corroborée par la production du courriel de Maître [I], en date du 11 octobre 2019, ainsi rédigé :
'[V] a en effet et à cette occasion tenu un discours à charge, que je qualifierai de rupture, en imputant l'échec économique de la société CADUT au Groupe STREGO ; selon ses propres mots, la société CADUT et à travers elle, le Groupe STREGO devaient payer le prix fort pour ses parts sociales et accepter sa demande de rupture négociée de son contrat de travail'.
Les critiques du groupe Strego sont dès lors caractérisées mais ne peuvent constituer une faute en l'espèce, en ce qu'elles sont intervenues dans le cadre de négociations en vue du départ de M. [E], devant un autre salarié, devant le conseil du groupe, Maître [I], ou en Assemblée Générale, sans qu'il ne puisse être établi que lesdites critiques constituent un abus de la liberté d'expression du salarié qui a dénigré son employeur.
Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L. 1121-1 du code du travail nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but reproché.
À ce titre tout salarié dispose d'une liberté d'expression dont il peut faire usage dès lors qu'il n'en abuse pas par l'adoption de propos diffamatoires, injurieux ou de nature à dénigrer l'employeur, étant précisé que les cadres ont plus particulièrement pour mission de proposer des solutions et inovations de nature à permettre une amélioration du fonctionnement d'une entreprise, et qu'ils sont en droit à ce titre de critiquer la stratégie de la direction si cette critique respecte les limites déjà énoncées devant être apportées à la liberté d'expression.
De même s'il ressort du procès-verbal de l'Assemblée Générale du 31 juillet 2019 que M. [E] 'souligne son désaccord sur la politique menée par l'entreprise et manifeste son souhait de ne plus poursuivre ses fonctions de directeur commercial', aucun dénigrement ni aucune critique ne sont expressement relatés au sein dudit document.
L'employeur échoue par conséquent en l'espèce à démontrer que les critiques effectuées ont outrepassé les critiques normalement attendues de la part d'un cadre concernant les stratégies de la direction, d'autant que doit être tenu compte du contexte dans lequel ces propos sont intervenus, à savoir une période de négociation quant au départ de M. [E]. Les critiques ne constituent pas plus un manquement à son obligation de discrétion et de secret professionnel, stipulée dans son contrat de travail.
Dès lors, ce grief n'est pas caractérisé.
- Sur le refus d'exercer ses fonctions (absence d'animation commerciale, refus de collaborer avec les partenaires du groupe)
Si la société intimée produit un courrier de M. [C], salarié exerçant au sein de l'équipe commerciale de M. [E], corroborant l'absence d'animation commerciale qui lui est reprochée à compter de la mise en oeuvre de la cession du fonds de commerce, il ressort de l'attestation de Mme [T], négociatrice au sein de l'équipe de M. [E], que ce dernier était 'disponible et présent pour [l]'accompagner en [sa] qualité de négociatrice. Jusqu'à son départ il a organisé des réunions et il était là pour nous rebooster en cas de besoin'.
En présence de déclarations contraires de salariés placés dans la même situation vis à vis de M. [E], pour avoir exercé, sous son contrôle leur activité professionnelle, la cour constate que l'employeur échoue à démontrer la matérialité du grief consistant en une absence d'animation commerciale.
L'employeur échoue également à démontrer le refus de M. [E] de collaborer avec les partenaires du groupe, tandis que le salarié produit le témoignage d'un client, Mme [Z], qui expose qu'au cours de l'année 2019 M. [E] a vendu leur fonds de commerce de boulangerie et qu'elle a notamment 'apprécié [son] professionnalisme'.
C'est par ailleurs vainement que l'employeur expose que cette seule attestation de client est bien la preuve de ce que M. [E] avait peu de contact avec les partenaires alors que la charge de la preuve en matière de licenciement disciplinaire pour faute grave incombe à l'employeur, qui ne produit en l'espèce pas de pièce au soutien de ce grief, outre le courrier de M. [C] qui n'est ni précis ni circonstancié au titre de ce grief.
Dès lors, la cour constate que ce grief n'est pas caractérisé.
- Sur le communication auprès du personnel et des partenaires de son désintérêt relativement au chiffre d'affaires développé
Il ressort du contrat de travail de M. [E], qu'au titre de ses obligations professionnelles, M. [E] s'est engagé à ' exercer sa fonction aux mieux des intérêts de l'employeur, en travaillant dans un souci d'une plus grande efficacité, en parfaite collaboration avec la direction et sa hiérarchie'.
M. [C] expose dans son courriel précité : 'Autre fait qui me perturbe, le discours qu'il tient sur le fait qu'il n'ait pas d'objectifs de chiffres pour un salaire plus que confortable, donc, selon ses dires, pas de souci pour lui si pas d'affaires à conclure ! Cela est assez dur à entendre du Directeur commercial, et qui démontre clairement son manque d'investissement pour l'entreprise'.
M. [C] a réitéré ses propos concernant l'absence d'intérêt de M. [E] pour le chiffre d'affaires réalisé dans une attestation versée en procédure ainsi rédigée :
' Je confirme bien mon mail d'inquiétude en date du 10 octobre 2019 concernant mes rapports de travail avec mon supérieur hiérarchique [V] [E]. Il répétait régulièrement que son chiffre d'affaires n'était pas important pour lui n'ayant pas d'objectif à atteindre et une rémunération fixe'.
Ce témoignage précis et circonstancié, réalisé spontanément par un collaborateur de M. [E], préalablement à la mise en 'uvre de la procédure de licenciement permet de caractériser le désintérêt de M. [E] concernant le chiffre d'affaires de l'entreprise, en contradiction avec les stipulations de son contrat de travail.
Le grief est dès lors caractérisé s'agissant d'un directeur commercial, qui se devait d'exercer ses fonctions 'aux mieux des intérêts de l'employeur' et alors qu'il encadrait des salariés, dont une partie de la rémunération dépendait du chiffre d'affaires réalisé, et qui s'étaient quelques mois plus tôt interrogés sur les conséquences de la restructuration de l'entreprise sur leur rémunération et leur emploi, ainsi qu'il ressort des mails de salariés de l'entreprise versés en procédure par l'employeur concernant les conséquences du partenariat.
En sa qualité de directeur commercial, M. [E] devait animer l'équipe commerciale en valorisant les ventes des salariés sous sa responsabilité afin d'obtenir le meilleur chiffre d'affaires possible et non sciemment négliger les intérêts de l'entreprise alors qu'il est constant qu'elle était en difficulté financière.
Le grief est établi mais ne peut caractériser à lui seul une faute grave en ce qu'il ne justifie pas l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.
- Sur la communication auprès du personnel et des partenaires sur son souhait de quitter l'entreprise rapidement
Il ressort du courriel précité de M. [C] que M. [E] lui a fait part à plusieurs reprises de son souhait de quitter la société, étant en désaccord avec la politique commerciale mise en oeuvre.
Il est également établi par le procès-verbal de l'Assemblée Générale précité que M. [E] 'a manifesté son souhait de ne plus poursuivre ses fonctions de Directeur Commercial ; aussi, Monsieur [V] [E] a fait part de son intérêt de quitter la société dans le cadre d'une rupture conventionnelle ou mieux d'un licenciement économique ce qui lui permettrait d'accroître ses droits à assurance chômage'.
Le souhait de M. [E] de quitter la société était par ailleurs largement connu au sein de l'entreprise, ainsi qu'en atteste le courriel de M. [R], directeur général métiers du groupe Baker Tilly Strego, en date du 10 octobre 2019, qui expose que 'des collaborateurs du site de [Localité 6] [lui] avaient d'ailleurs rapporté cette information ainsi que son profond désaccord avec la politique/stratégie commerciale.'
Toutefois, la société intimée échoue a démontrer que la volonté de M. [E] de quitter l'entreprise, rendue publique par lui, constitue une faute au regard de ses obligations contractuelles de discrétion et de loyauté.
Ce grief n'est pas caractérisé.
Il ressort ainsi de ce qui précède que les fonctions de directeur commercial ne permettaient pas à M. [E] d'ignorer l'importance des résultats de l'entreprise, et ce, même si sa rémunération personnelle n'était pas fonction desdits résultats. Il est ainsi établi que le comportement de M. [E] adopté à l'égard de M. [C] a été inadapté, conduisant ce dernier à s'inquiéter pour son avenir au sein de l'entreprise.
Toutefois, ces faits caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, au regard du devoir d'exemplarité d'un manager, qui plus est d'un directeur, sans pour autant présenter un degré de gravité tel qu'ils rendaient impossible son maintien dans l'entreprise.
La cour relève une contradiction entre les motifs des premiers juges, reconnaissant la faute grave, et le dispositif du jugement déféré, reconnaissant la cause réelle et sérieuse du licenciement. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'en présence d'une contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision de première instance, il convient de faire prévaloir le dispositif, qui seul a autorité de la chose jugée aux termes de l'article 480 du code de procédure civile.
Par conséquent, la cour confirme le jugement de première instance en ce qu'est mentionné à son dispositif que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.
Il en résulte qu'en application des dispositions de l'article L. 1332-3 du code du travail, en l'absence de faute grave, la mise à pied à titre conservatoire n'était pas justifiée et que M. [E] était en conséquence fondé à percevoir le salaire correspondant, soit la somme de 1584,78 euros, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente, soit 158,47 euros, le jugement étant infirmé de ce chef.
En confirmation du jugement entrepris, M. [E] sera débouté de ses demandes de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuses, indemnité de licenciement et indemnité de préavis.
* * *
* Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la convention de forfait annuel en jours
Au soutien de sa demande d'infirmation à ce titre, M. [E] rappelle n'avoir jamais bénéficié d'un entretien annuel sur sa charge de travail contrairement aux dispositions de la convention collective, la SARL Cadut n'apportant pas la preuve de la tenue de ses obligations de contrôle de son activité.
Pour confirmation du jugement entrepris, la SARL Cadut expose que M. [E] bénéficiait d'une large autonomie dans son organisation personnelle et qu'il avait accepté la convention de forfait annuel de 217 jours. Elle ajoute qu'un suivi individuel des jours travaillés était réalisé et porté à sa connaissance chaque mois sur les bulletins de salaire ainsi que les jours de congés ou de repos, qu'enfin au regard de la taille de l'entreprise comportant trois salariés, les entretiens réguliers individuels sur l`appréciation de la charge de travail étaient réalisés.
L'article L. 3121-64 du code du travail, en vigueur depuis le 22 décembre 2017, dispose que :
'I.- L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine :
1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;
2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
3° Le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;
4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.
II.-L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17.
L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.
Ainsi, conformément à l'article L. 3121-64 du code du travail, l'employeur assure le suivi de la charge de travail du salarié, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération, ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.
Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations de l'accord collectif destiné à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours.
En l'espèce, il ressort de l'article 5 du contrat de travail de M. [E] que celui-ci a été embauché dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jours.
Cette convention de forfait annuel en jours est notamment régie par les stipulations de l'article 19. 9 de la convention collective de l'immobilier applicable à l'entreprise. Aux termes des stipulations de l'article 19.9.6, concernant le suivi de la charge de travail, il est mentionné que :
'Afin de garantir au salarié le droit à la santé, à la sécurité, au repos et à l'articulation entre sa vie professionnelle et sa vie privée, l'employeur ou son représentant assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail.
L'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
L'employeur, son représentant ou le salarié sous le contrôle et la responsabilité de l'employeur ou de son représentant établit, par tout moyen, tous les mois, un document de suivi individuel qui permet de faire apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, le positionnement et la qualification des journées ou demi-journées non travaillées (notamment en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels, jours fériés chômés, jours de repos liés au plafond de la convention individuelle de forfait en jours (...)
Par ailleurs, un entretien individuel distinct de l'entretien annuel d'évaluation lorsqu'il existe, a lieu chaque année pour établir :
' le bilan de la charge de travail de la période écoulée ;
' l'organisation du travail dans l'entreprise ;
' l'amplitude des journées d'activité ;
' l'adéquation de sa rémunération avec sa charge de travail ;
' l'éventuel calendrier prévisionnel des jours de repos pour la prochaine période de référence. (...)'.
La cour rappelle concernant les conventions de forfait que l'obligation de l'entretien annuel a disparu depuis le 22 décembre 2017 dans la nouvelle rédaction de l'article L. 3121-64 du code du travail. C'est donc à tort que le salarié expose que l'entreprise n'a pas respecté son obligation légale en la matière.
Toutefois, la convention collective précitée prévoit expressément la tenue d'un tel entretien. Si la restitution de l'entretien exigé ne répond à aucun formalisme spécifique, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de l'effectivité de sa tenue, mais aussi de son contenu tel que strictement défini pour s'assurer que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié, et, donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé.
La société ne rapporte pas la preuve de ce que M. [E] a bénéficié d'un entretien annuel sur sa charge de travail.
La cour, par infirmation du jugement, juge que la convention de forfait jours est privée d'effet.
Sur les heures supplémentaires
La convention de forfait jours ayant été jugée précédemment privée d'effet, les règles ordinaires relatives au paiement d'heures supplémentaires doivent s'appliquer. Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Or, aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L.3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
Selon l'article L. 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
L'article L. 3121-36 du même code dispose qu'à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
M. [E] produit un décompte hebdomadaire allant du 15 octobre 2016 au 15 octobre 2019 qui indique pour chaque semaine le nombre d'heures travaillées.
La société Cadut critique la valeur probante des éléments produits par le salarié, les estimant notamment insuffisamment précis sur les horaires accomplis. Elle expose que ces extraits ne sont pas issus d'un agenda professionnel ou personnel mais ont été téléchargés sur un site internet 'icalendrier' et ont été complétés a posteriori pour les seuls besoins de la cause. Elle précise qu'il n'est mentionné qu'un chiffre dont on ne sait pas s'il s'agit de l'amplitude de la journée de travail ou du temps de travail effectif, et que ces extraits ne constituent pas des preuves loyales car elles empêchent toute contradiction par l'employeur en raison de leur caractère imprécis et abstrait.
En ce que M. [E] ne produit qu'un décompte, sans relevé d'heures quotidiennes, ni amplitude horaire journalière, et en ce qu'il ne produit aucun autre document au soutien de cette prétention, tels que courriels ou attestations de collègues qui apporteraient des précisions, il y a lieu de considérer que le salarié ne fournit pas des éléments suffisamment précis, objectifs et concordants permettant à l'employeur d'y répondre utilement.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
Sur le travail dissimulé
M. [E] sollicite la condamnation de la société Cadut à lui verser l'indemnité pour travail dissimulé arguant que l'employeur ne pouvait ignorer l'illicéité de la convention de forfait jours et qu'il n'a pas mentionné l'intégralité des heures effectuées par lui sur les fiches de paie.
La société intimée réplique que le travail dissimulé requiert la preuve de l'élément intentionnel d'échapper au paiement de cotisations sociales afférentes, que les fiches de paie mentionnaient le forfait jours car il le croyait valide.
Il résulte de l'article L.8223-1 du code du travail que le salarié dont le travail a été dissimulé par l'employeur a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Selon l'article L. 8221-5 du même code, le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié est notamment caractérisé par le fait pour l'employeur de mentionner intentionnellement sur les bulletins de paie, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou encore par le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Cette indemnité forfaitaire est cumulable avec des dommages et intérêts du fait du préjudice résultant de la dissimulation de l'emploi.
La cour relève que les fiches de paie mentionnent que le salarié était rémunéré dans le cadre d'une convention de forfait jours de 217 jours annuels et aucun élément en l'espèce ne permet d'affirmer que l'employeur ait su que cette convention n'était pas valide et n'avait agi que dans le but de ne pas payer de cotisations sociales.
En outre le fait que la cour ait invalidé la convention de forfait jours n'induit pas nécessairement le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi.
Il convient donc de rejeter la demande de M. [E] formée au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de confirmer le jugement entrepris.
Sur les manquements de l'entreprise à son obligation de loyauté
L'obligation de loyauté découle notamment de l'article L. 1222-1 du code du travail aux termes duquel 'le contrat de travail est exécuté de bonne foi'.
- au regard de l'obligation de formation
Aux termes des dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences.
Ce n'est que par voie d'affirmation que l'employeur prétend que M. [E] aurait eu accès à quelques formations entre 2012 et 2019, faute de produire la moindre attestation de suivi de formation ou le moindre document de convocation de M. [E] au suivi d'une formation.
De même, c'est vainement que l'employeur excipe de l'absence de sollicitation du salarié pour suivre des formations. En effet, cette obligation relevant de l'initiative de l'employeur, il importe peu que le salarié n'ait pas formulé de demande de formation.
Une formation n'aurait eu aucune incidence sur son avancement dans la mesure où M. [E] a été embauché en tant que Cadre au Niveau C4, soit le coefficient le plus élevé de la convention collective de l'Immobilier.
C'est à tort que le salarié excipe de ce que la carence de son employeur en la matière a duré seize années en ce qu'il n'était lié avec la société Cadut par contrat de travail que depuis l'année 2012, soit durant sept années.
Si M. [E] ne démontre pas qu'il ne disposait pas de toutes les compétences nécessaires pour assurer au mieux ses missions de directeur commercial, c'est à tort que l'employeur expose qu'il ne démontre aucun préjudice en ce que sa situation de demandeur d'emploi depuis 2019 suffit à la cour pour reconnaître que l'absence de suivi de formations dans le cadre de la relation de travail a contribué à son inemployabilité depuis lors.
- au regard de l'obligation de l'employeur en matière d'entretien professionnel
Le salarié expose n'avoir bénéficié d'aucun entretien professionnel.
La société soutient qu'un tel entretien était sans objet dans la mesure où Monsieur [E] a été embauché en tant que Directeur du Développement au Niveau C4, à savoir le poste et le coefficient les plus élevés possibles au sein de l'entreprise.
L'article L. 6315-1 du code du travail issu de la loi du 5 mars 2014 et modifié par les lois des 8 août 2016 et 5 septembre 2018 prévoit :
- que, tous les 2 ans, le salarié bénéficie d'un entretien professionnel consacré aux perspectives d'évolution professionnelle, ne portant pas sur l'évaluation, comportant également des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation (CPF), aux abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle ; l'entretien donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié ;
- tous les 6 ans, que l'entretien professionnel ci-dessus fasse un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié, afin de s'assurer que le salarié a suivi au moins une formation, qu'il a acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience, et qu'il a bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle ; cet état des lieux donne lieu également à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié ;
Il résulte des articles L. 6313-1 et L. 6313-3 que les actions concourant au développement des compétences qui entrent dans le champ des dispositions relatives à la formation professionnelle sont notamment les actions de formation favorisant l'adaptation du travailleur à son poste de travail et à l'évolution des emplois, à son maintien dans l'emploi et au développement de ses compétences.
Les salariés embauchés avant l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014 doivent avoir passé leur premier entretien professionnel avant le 7 mars 2016 et leur second entretien professionnel avant le 7 mars 2018.
La société échoue à démontrer que de tels entretiens ne pouvaient être proposés à M. [E] du fait de la nature de son poste.
M. [E] devait bénéficier :
- d'un entretien biennal avant le 7 mars 2016 ;
- d'un nouvel entretien biennal avant le 7 mars 2018.
La relation de travail ayant pris fin courant 2019, la société n'était pas tenue de réaliser l'entretien-bilan des 6 ans, qui devait se tenir avant le 1er juillet 2021.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et il sera alloué à M. [E] la somme de 1000 euros en réparation du préjudice subi par lui pour inexécution déloyale du contrat de travail.
Sur la demande en lien avec les intérêts légaux
M. [E] sollicite que les intérêts légaux commencent à courir à compter du 14 octobre 2019, date de la mise à pied à titre conservatoire.
La cour rappelle qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce.
Il ne sera dès lors pas fait droit à cette demande, ajoutant au jugement entrepris.
Sur l'anatocisme
En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée. Il sera donc fait droit à cette demande du salarié.
Sur la demande de condamnation aux frais d'exécution
S'agissant de la demande de condamnation aux frais d'exécution, il sera rappelé que le titre servant de fondement aux poursuites permet le recouvrement des frais de l'exécution forcée qui sont à la charge du débiteur.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles exposés sont infirmées.
Succombant à l'instance, la société Cadut prise en la personne de M. [B], es qualité de liquidateur amiable, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [E] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
Rejette le moyen soulevé par la SARL Cadut prise en la personne de son liquidateur amiable M. [B] tenant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel concernant les demandes de M. [E] suivantes :
- Les demandes portant sur la nullité du licenciement et l'ensemble des conséquences salariale et indemnitaires qui en découlent,
- La validité de la convention de forfait annuel en jours, les rappels de salaire pour heures supplémentaires, le travail dissimulé, les dommages et intérêts subséquents,
- L'existence d'un préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ainsi que les dommages et intérêts subséquents,
- La compensation au bénéficie de l'appelant, vis-à-vis de toute carence spécifique imposée par France Travail.
Confirme le jugement déféré sauf :
- en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et des congés payés y afférents,
- en ce qu'il a déclaré la convention de forfait annuel en jours valide,
- en ce qu'il a débouté M. [E] de ses demandes au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles,
Infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la SARL Cadut prise en la personne de M. [S] [B], en qualité de liquidateur amiable, à payer M. [E] sa mise à pied à titre conservatoire injustifiée, soit une somme de 1584,78 euros, outre les congés payés y afférents et correspondant à la somme brute de 158,47 euros,
Condamne la SARL Cadut prise en la personne de M. [S] [B], en qualité de liquidateur amiable, à payer M. [E] la somme de 1 000 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Rappelle qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce,
Ordonne la capitalisation des intérêts,
Dit que la convention de forfait jours est inopposable au salarié,
Condamne la S.A.R.L. Cadut prise en la personne de M. [S] [B], en qualité de liquidateur amiable à payer à M. [E] une somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne la SARL Cadut prise en la personne de M. [S] [B], en qualité de liquidateur amiable aux dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENTempêché
A.-.L. DELACOUR, Conseiller.
ARRÊT N°255
N° RG 21/07522 -
N° Portalis DBVL-V-B7F-SIJE
M. [V] [E]
C/
S.A.R.L. CADUT
Sur appel du jugement du C.P.H. de [Localité 6] du 29/10/2021
RG : F 19/01298
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Juin 2025
En présence de Madame [A] [P], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [V] [E]
né le 1er Août 1971 à [Localité 6] (44)
demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Camille SUDRON substituant à l'audience Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Virginie GLORIEUX KERGALL, Avocat plaidant du Barreau de PARIS
INTIMÉE :
La SARL CADUT prise en la personne de son liquidateur amiable M. [S] [B] et domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 5]
[Localité 4]
Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l'audience par Me Sandra LEVY-REGNAULT de la SARL SLR AVOCAT, Avocat plaidant du Barreau de NANTES
M. [V] [E] occupe le poste de gérant de la société SARL Cadut, de 2003 à 2012. Il a alors la qualité d'associé majoritaire.
La société Cadut emploie moins de onze salariés et est spécialisée dans la négociation des fonds de commerce et de boulangeries pâtisseries.
M. [E], qui était jusqu'alors associé et gérant majoritaire, est devenu salarié de la société, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 4 avril 2012, prenant effet au 1er avril 2012. M. [E] a alors cédé la majorité du capital détenu à une société financière, la société CFLC, et a changé de statut en devenant salarié au poste de Directeur de développement, niveau C4 de la convention collective de l'immobilier.
Fin 2015, la société financière a cédé ses parts au Groupe Bakertilly devenant l'associé majoritaire qui a modifié le statut de M. [E], ce dernier perdant le titre de gérant minoritaire le 1er janvier 2016.
Depuis 2012, M. [E] détient 27% du capital de la SARL.
Courant 2018, la SARL Cadut est entrée en négociation avec le groupe Terrena en vue d'une cession partielle du fonds de commerce.
Le 26 septembre 2019, M. [E] a adressé à son employeur une mise en demeure pour faire cesser les actes de harcèlement moral dont il était victime. La SARL a alors initié une enquête et a statué sur une absence d'une situation de harcèlement.
Le 14 octobre 2019, M. [E] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable le 22 octobre suivant.
Le 25 octobre 2019, date d'envoi de la lettre de licenciement, la société a notifié à M. [E] son licenciement pour faute grave.
Le 27 décembre 2019, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :
- Fixer le salaire mensuel brut de base de référence à la somme de 6 103,44 €
- Indemnité de préavis (3mois) :18 325,32 € Brut
- Congés payés afférents : 1 832,53 € Brut
- Rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire : 1 584,78 €
- Congés payés afférents : 158,47 €
- Indemnité de licenciement : 29 254,08 €
- A titre principal, dommages et intérêts pour licenciement nul, nets de CSG/CRDS (18 mois de salaire) : 109 951,92 €
- A titre subsidiaire, dommages et intérêts, nets de CSG/CRDS (13,5 mois de salaires) (barême Macron) : 82 463,94 €
- Dommages-intérêts pour licenciement abusif, nets de CSG/CRDS (13,5 mois de salaires) (barême Macron) : 82 435,56 €
- En tout état de cause, juger que la convention de forfait jour est privée de tout effet
- Au titre des heures supplémentaires sur les trois dernières années : 83 464,21 € Brut
- Congés payés afférents : 8 346,15 € Brut
- Dommages-intérêts pour travail dissimulé 6 mois de salaires nets de CSG CRDS au titre de l'article L. 8223-1 du code du travail : 36 650,64 € Net
- Dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat pour non-respect de l'obligation de formation et de tenue d'entretien biennal : 10 000,00 € Net
- Remboursement à pôle emploi des indemnités de chômage
- Intérêts de droit à compter du 14 octobre 2019 (date de la mise à pied à titre conservatoire)
- Dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 08 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse
- Exécution provisoire du jugement à intervenir (article 515 du code de procédure civile) outre celle de droit
- Article 700 du code de procédure civile : 3 000, 00 €
- Condamner la partie défenderesse aux dépens
Par jugement en date du 29 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Nantes a :
- Dit qu'il n'est pas démontré un harcèlement moral de la part de la SARL Cadut à l'encontre de M. [E]
- Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse
- Débouté M. [E] du surplus de ses demandes
- Débouté la SARL Cadut du surplus de ses demandes
- Condamné M. [E] à verser à la SARL Cadut la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamné M. [E] aux dépens éventuels
M. [E] a interjeté appel le 1er décembre 2021.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 juin 2025, l'appelant, M. [E], sollicite :
- Recevoir M. [E] en l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- Juger que la déclaration d'appel emporte effet dévolutif et rejeter toute demande contraire comme mal fondée,
- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nantes du 29 Octobre 2021 dans toutes
ses dispositions et notamment en ce qu'il a :
- « Dit qu'il n'est pas démontré un harcèlement moral de la part de la SARL Cadut à l'encontre de Monsieur [V] [E]
- Juge que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse
- Déboute Monsieur [V] [E] du surplus de ses demandes
- Condamne Monsieur [V] [E] à verser à la SARL CADUT, la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne Monsieur [V] [E] aux dépens éventuels. »
Et statuant à nouveau :
- A titre principal, Dire et juger le licenciement de M. [E] nul
- A titre subsidiaire, Dire et juger le licenciement de M. [E] dénué pour le moins de toute cause réelle et sérieuse et a fortiori de faute grave
En conséquence :
- Fixer le salaire mensuel brut de base de référence à la somme de 6108,44 euros
- Condamner la SARL Cadut à payer à M. [E] ses trois mois de préavis, soit une somme de 18 325,32 € brut, outre les congés payés y afférents et correspondant à la somme de 1832,53 € ;
- Condamner la SARL Cadut à payer M. [E] sa mise à pied à titre conservatoire, soit une somme de 1584,78 €, outre les congés payés y afférents et correspondant à la somme brute de 158,47 €
- Condamner la SARL Cadut à payer à M. [E] l'indemnité de licenciement due, soit une somme de 29524,08 euros pour 17 ans d'ancienneté.
- A titre principal, Condamner la SARL Cadut à payer à M. [E] des dommages et intérêts pour licenciement nul à hauteur de 18 mois de salaire, soit une somme nette de CSG/CRDS de 109 951,92 € ;
- A titre subsidiaire, Condamner pour le moins la SARL Cadut à payer à M. [E] des dommages et intérêts pour licenciement abusif à hauteur de 13,5 mois de salaire, en application du barème MACRON, soit une somme nette de CSG/CRDS de 82 463,94 € ;
- En tout état de cause, Dire et juger que la convention de forfait annuel en jours opposée par la SARL CADUT à M. [E] est privée de tout effet ;
- En conséquence Condamner en tout état de cause, la SARL Cadut à payer à M. [E], les heures supplémentaires qu'il a effectué au cours des trois dernières années, soit une somme brute de 83 464,21 euros, outre les congés payés y afférents, soit une somme de 8346,15 € brut en sus ;
- Conformément aux dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail, Condamner la SARL Cadut à verser à M. [E] une somme forfaitaire égale à 6 mois de salaire pour travail dissimulé, soit une somme de 36 650,64 € net de CSG-CRDS ;
- Condamner la SARL CADUT à payer à M. [E], la somme de 10 000 € net de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ;
- Condamner la SARL Cadut au remboursement des allocations chômage dans la limite légale des six mois prévus à l'article L. 1235'4 du code du travail et à assurer la compensation au bénéfice de M. [E], vis-à-vis de toute carence spécifique imposée par Pôle Emploi à M.
[E], à l'issue de la présente procédure ;
- Dire avoir lieu aux intérêts de droit à compter du 14 Octobre 2019 (date de la mise à pied à titre conservatoire), ainsi qu'à l'article 1343'2 du Code civil ;
- Dire qu'à défaut de règlement spontané par la SARL Cadut des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par huissier instrumentaire devront être supportées par la partie défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de 700 du code de procédure civile ;
Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,
- Condamner la SARL Cadut au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance, outre 5 000 euros au titre de la présente procédure d'appel.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 juin 2025, l'intimé sollicite :
A titre principal et statuant à nouveau
- Constater qu'aux termes de la déclaration d'appel enregistrée sous le n° 21/07101 en date du 1er décembre 2021, M. [E] n'a pas expressément critiqué les chefs du jugement dont appel, à savoir :
- La nullité du licenciement et l'ensemble des conséquences salariales et indemnitaires qui en découlent,
- La validité de la convention de forfait annuel en jours, les rappels de salaires pour heures supplémentaires, le travail dissimulé et les dommages et intérêts subséquents,
- Le préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ainsi que les dommages et intérêts subséquents,
- La compensation au bénéfice de M. [E], vis-à-vis de toute carence spécifique imposée par Pôle Emploi (non chiffrée),
- Dire et juger que la déclaration d'appel de M. [E] enregistrée sous le n° 21/07101 en date du 1er décembre 2021 contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nantes du 29 octobre 2021 ne défère pas à la cour d'appel de Céans les chefs du jugement déféré visés ci-avant,
- Dire et juger qu'à défaut d'énonciation expresse, dans la déclaration d'appel, des chefs du jugement critiqués visés ci-avant, conformément à l'article 562 du code de procédure civile, la cour d'appel de Rennes n'a été saisie d'aucun de ces chefs du jugement entrepris en l'absence d'effet dévolutif en ce sens,
- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Nantes le 29 octobre 2021 en toute ses dispositions,
- Débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire et statuant à nouveau
- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Nantes le 29 octobre 2021 en toute ses dispositions,
- Débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
A titre infiniment subsidiaire et statuant à nouveau
- Fixer la rémunération mensuelle moyenne au montant de 5 934,75 €,
- Limiter le montant des dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 35 649 € nets ou à tout le moins le ramener à de plus justes proportions,
- Limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 17 824,50 € nets ou à tout le moins le ramener à de plus justes proportions,
- Ramener à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté en matière de formation,
- Condamner M. [E] à verser à la société CADUT la somme de 8 370 € nets au titre du remboursement des jours de repos supplémentaires en cas de remise en cause du forfait annuel en jours,
- Ramener à de plus justes proportions le montant de la créance salariale liée à l'action en rappel d'heures supplémentaires,
- Fixer le point de départ des intérêts légaux à la date de notification du jugement,
En tout état de cause et statuant à nouveau
- Débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- Condamner M. [E] à verser à la société CADUT, à titre reconventionnel, outre l'indemnité prononcée en première instance qui devra être confirmée pour un montant de 500 €, s'y ajoutant, la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner M. [E] aux entiers dépens, en ceux compris les éventuels frais d'huissier de signification et/ou d'exécution forcée de la décision à intervenir.
La société Cadut a fait l'objet d'une liquidation amiable, désignant M. [S] [B] domicilié [Adresse 1], en qualité de liquidateur pendant toute la durée de la liquidation, selon PV d'Assemblée Générale du 28 février 2022.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 juin 2025.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'effet dévolutif
Au vu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2015-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Selon l'article 901,4°du même code, dans sa version applicable au litige, la déclaration d'appel qui tend à la réformation du jugement doit mentionner les chefs de jugement critiqué.
Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de dispositif du jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.
La société Cadut intimée prétend que la déclaration d'appel en date du 1er décembre 2021 n'a pas pu s'opérer sur :
- Les demandes portant sur la nullité du licenciement et l'ensemble des conséquences salariales et indemnitaires qui en découlent,
- La validité de la convention de forfait annuel en jours, les rappels de salaire pour heures supplémentaires, le travail dissimulé, les dommages et intérêts subséquents,
- L'existence d'un préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ainsi que les dommages et intérêts subséquents,
- La compensation au bénéficie de l'appelant, vis-à-vis de toute carence spécifique imposée par Pôle emploi.
L'appelant, M. [E], soutient que l'effet dévolutif opère dès lors que le dispositif du jugement mentionne 'déboute M. [E] du surplus de ses demandes' concernant les demandes relatives au licenciement pour nullité, à la convention de forfait annuel, aux heures supplémentaires, au travail dissimulé et aux dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, à l'existence d'un préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ainsi que les dommages et intérêts subséquents.
En l'espèce, le dispositif du jugement déféré est ainsi rédigé :
' Dit qu'il n'est pas démontré un harcèlement moral de la part de la SARL CADUT à l'encontre de Monsieur [V] [E]
- Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
- Déboute Monsieur [V] [E] du surplus de ses demandes,
- Condamne Monsieur [V] [E] à verser à la SARL CADUT, la somme de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne Monsieur [V] [E] aux dépens éventuels'.
La déclaration d'appel est ainsi formulée :
'L'appel tend à la réformation totale du jugement rendu le 29 Octobre 2021, par le Conseil de Prud'hommes de Nantes, portant le N° RG F 19/01298- N° Portalis DCV7 ' X-B7D-BZSZ, section encadrement, minute N° 21/331, en ce qu'il a dit : 'Qu'il n'est pas démontré un harcèlement moral de la part de la SARL CADUT à l'encontre de Monsieur [V] [E]
- Que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse
- Déboute Monsieur [V] [E] du surplus de ses demandes
- Condamne Monsieur [V] [E] à verser à la SARL CADUT, la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Condamne Monsieur [V] [E] aux dépens éventuels'.
A ce titre, il est demandé à la Cour d'Appel de Rennes de réformer le jugement ainsi rendu et :
A titre principal, dire et juger que le licenciement de M. [E] est nul en raison des actes de harcèlement dont il a été victime
A titre subsidiaire, dire et juger que le licenciement de M. [E] est dénué pour le moins de toute cause réelle et sérieuse et à fortiori de faute grave
En conséquence :
- Fixer le salaire mensuel brut de base de référence à la somme de 6108,44 euros
- Condamner la SARL CADUT à payer à M. [E] ses trois mois de préavis, soit une somme de 18 325,32 € brut, outre les congés payés y afférents et correspondant à la somme des 1832,53€ ;
- Condamner la SARL CADUT à payer M. [E] sa mise à pied à titre conservatoire, soit une somme de 1584,78 €, outre les congés payés y afférents et correspondant à la somme brute de 158,47 €
- Condamner la SARL CADUT à payer à M. [E] l'indemnité de licenciement due, soit une somme de 29524,08 euros pour 17 ans d'ancienneté.
- A titre principal, condamner la SARL CADUT à payer à M. [E] des dommages et intérêts pour licenciement nul à hauteur de 18 mois de salaire, soit une somme nette de CSG/CRDS de 109 951,92 € ;
- A titre subsidiaire, condamner pour le moins la SARL CADUT à payer à M. [E] des dommages et intérêts pour licenciement abusif à hauteur de 13,5 mois de salaire, en application du barème MACRON, soit une somme nette de CSG/CRDS de 82 463,94€ ;
- En tout état de cause, dire et juger que la convention de forfait annuel en jours opposée par la SARL CADUT à M. [E] est privée de tout effet ;
- En conséquence condamner en tout état de cause, la SARL CADUT à payer à M. [E], les heures supplémentaires qu'il a effectué au cours des trois dernières années, soit une somme brute de 83 464,21 €, outre les congés payés y afférents, soit une somme de 8346,15 € brut en sus ;
- Conformément aux dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail, condamner la SARL CADUT à verser à M. [E] une somme forfaitaire égale à 6 mois de salaire pour travail dissimulé, soit une somme de 36 650,64 € net de CSG-CRDS ;
- Condamner la SARL CADUT à payer à M.[E], la somme de 10 000 € net de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ;
- Condamner la SARL CADUT au remboursement des allocations chômage dans la limite légale des six mois prévus à l'article L. 1235'4 du code du travail et à assurer la compensation au bénéfice de M. [E], vis-à-vis de toute carence spécifique imposée par Pôle Emploi à M. [E], à l'issue de la présente procédure ;
- dire avoir lieu aux intérêts de droit à compter du 14 Octobre 2019 (date de la mise à pied à titre conservatoire), ainsi qu'à l'article 1343'2 du code civil ;
- dire qu'à défaut de règlement spontané par la SARL CADUT des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par huissier instrumentaire devront être supportées par la partie défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SARL CADUT au paiement d'une somme de 3000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais engagés pour la première instance
- condamner la SARL CADUT au paiement d'une somme de 3000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la présente instance'.
Force est donc de constater que la déclaration d'appel précise bien les chefs du jugement expressément critiqués par l'appelant, à savoir celui ayant rejeté l'existence d'un harcèlement moral, rejeté la contestation du licenciement et débouté M. [E] du surplus de ses demandes. Dès lors, contrairement à ce que soutient la société CADUT, l'effet dévolutif de l'appel a opéré.
Ainsi la cour constate que la déclaration d'appel de M. [E] a opéré effet dévolutif.
Sur la sommation de communiquer le registre du personnel et les provisions constituées au titre du litige
Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 juin 2025, M. [E] expose avoir fait sommation à la société de communiquer :
- le registre du personnel ;
- la constitution de provisions.
La société intimée soutient que le registre du personnel n'est pas communicable en ce qu'il ne s'agit pas d'une procédure de licenciement économique. Par ailleurs, elle prétend qu'elle n'est pas contrainte pour la même raison à la constitution de provisions.
Aux termes des dispositions de l'article 142 du code de procédure civile, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139. Le juge, s'il estime la demande de communication de pièce fondée, ordonne la délivrance ou la production de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte.
A titre liminaire la cour relève qu'en vertu des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, la cour n'est saisie que des demandes reprises au dispositif des conclusions. Or si M. [E] développe un argumentaire dans la discussion de ses conclusions relativement à une demande de sommation de production de pièces, il ne le sollicite pas au dispositif de ses conclusions.
Il s'ensuit que la cour n'est pas saisie d'une telle demande.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le licenciement nul
L'appelant soutient que son licenciement est nul du fait du harcèlement moral qu'il déclare avoir subi de la part de son employeur.
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.
Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L'appelant expose que lors du rachat du fonds de commerce de la SARL Cadut par le Groupe TERRENA, ce dernier n'a souhaité reprendre le fonds de commerce qu'avec deux salariés sur trois, l'excluant alors de cette reprise, en sa qualité de directeur commercial. Il ajoute avoir dès lors subi un isolement organisé par ses supérieurs, ainsi qu'une dégradation de ses conditions de travail qu'il définit comme constitutifs d'un harcèlement managérial. Il précise que les pressions se sont exercées via deux entretiens, l'un réalisé par le conseil de la SARL Cadut le 19 septembre 2019 afin de lui préciser qu'il n'était pas possible d'accepter le prix qu'il demandait pour le rachat de ses parts et afin de lui proposer son départ dans le cadre d'un licenciement économique, l'autre initié par le directeur des métiers du groupe Bakertilly, en date du 20 septembre 2019, lors duquel il expose que lui a été indiqué qu'il ne pouvait pas rester associé au sein de la SARL Cadut et lors duquel la proposition de licenciement économique a été réitérée.
Au soutien du harcèlement moral, M. [E] produit un courrier qu'il a communiqué à la SARL Cadut en date du 26 septembre 2019, dans lequel il expose que, depuis plusieurs mois, il ressent des pressions de la part du groupe Strego pour le 'faire sortir de la SARL CADUT tant en [sa] qualité de salarié, qu'en [sa] qualité d'associé'.
S'il ressort de ce courrier qu'a été proposé une négociation en vue d'un départ de M. [E], dans le cadre de ses activités de salarié et d'associé, et si, via ce courrier, M. [E] se plaint des méthodes employées à son égard dans le cadre de la cession du fonds de commerce, M. [E] échoue à présenter des éléments de faits réitérés laissant présumer un harcèlement moral. En effet, si l'existence des deux entretiens des 19 et 20 septembre 2019 est un fait constant, il ne ressort d'aucune pièce produite que ces réunions ont été l'occasion de pressions. Le courrier du 26 septembre 2019 ne peut suffire, en l'absence de pièces concordantes et corroborant les faits allégués par le salarié, à en établir la matérialité.
M. [E] ne produit par ailleurs aucun document permettant de justifier d'une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Il ne produit en outre aucune pièce médicale justifiant d'une altération de sa santé.
S'il est manifeste qu'un désaccord existait sur la valorisation de ses parts sociales en cas de rachat, ce n'est que par voie d'affirmation que M. [E] expose avoir été victime d'une mise en place progressive d'un isolement afin de l'exclure du projet de reprise du fonds. Il ne produit pas plus de pièces permettant de corroborer des agissements consistant en des pressions directes de la part de son employeur et des associés du groupe, au delà de l'existence des deux réunions précitées, dont il ne ressort pas des pièces produites qu'elles ont été l'occasion d'agissements répétés de l'employeur ou des associés du groupe.
Ces éléments, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de reconnaissance d'un licenciement nul ainsi que de ses demandes financières subséquentes.
Sur le licenciement pour faute grave
Est disposé à l'article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
En vertu de l'article L. 1235-2 du même code, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
Selon l'article L. 1235-1 du même code, à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur.
Au cas présent, le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 25 octobre 2019 dont il ressort les griefs suivants reprochés à M. [E] par la société intimée :
- des critiques répétées par le salarié à l'encontre de la société et contre le groupe d'appartenance Bakertilly Strago,
- un refus d'exercer ses fonctions (absence d'animation commerciale, refus de collaborer avec les partenaires du groupe),
- une communication auprès du personnel et des partenaires sur son désintérêt relativement au chiffre d'affaires développé,
- une communication auprès du personnel et des partenaires sur son souhait de quitter l'entreprise rapidement.
Le salarié conteste le bien fondé de son licenciement. Il soutient une absence de faute grave et affirme que la société a uniquement procédé à des reproches de façade servant à masquer le fait qu'elle voulait lui imposer un départ dans le cadre d'une rupture conventionnelle ou d'un licenciement pour motif économique avec un rachat des parts qu'il détient en qualité d'associé à un prix qu'il n'a pas accepté. Il précise que la société s'est servie de sa qualité d'associé minoritaire pour tenter de justifier sa décision de licenciement pour faute grave. Il affirme que la véritable cause de son départ est un recentrage de l'activité de la société, excluant la cession de fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie.
A titre liminaire, la cour rappelle qu'il convient d'analyser la gravité des faits reprochés au salarié à l'aune des exigences professionnelles inhérentes aux fonctions de directeur.
Il ressort ainsi de son contrat de travail que M. [E] a été recruté en 2012 en qualité de Directeur du Développement, Statut Cadre, Niveau C4, niveau le plus élevé de la convention collective, à la suite de la cession de la majorité de ses parts sociales. Il est, à cette occasion, passé d'associé et gérant majoritaire à gérant minoritaire, à hauteur de27,5% de participation. Est stipulé dans ledit contrat de travail qu'en qualité de Directeur du Développement, il était chargé notamment de :
'- définir et mettre en 'uvre la politique de développement de la SARL CADUT ;
- d'assurer le leadership sur les collaborateurs de la Société ;
- de réaliser les objectifs annuels ['].'
Il ressort en outre de l'avenant en date du 1er janvier 2016 qu'il ne disposait plus d'un mandat social - il restait néanmoins associé minoritaire-, et que l'intitulé de son poste était contractuellement modifié pour devenir 'Directeur Commercial', plutôt que 'Directeur du Développement'. Il ne ressort toutefois pas dudit avenant que ses missions ont évolué.
Concernant l'ensemble des griefs, le salarié expose que les fautes retenues à son encontre ne peuvent prospérer en ce qu'est mentionné dans la lettre de licenciement qu'il exerçait les fonctions de directeur du développement et non les fonctions de directeur commercial à la date de la rupture. Or ce moyen est inopérant, s'agissant d'une erreur de plume, en ce que si l'intitulé du poste a bien été modifié, les fonctions de M. [E] étaient indentiques avant et après la signature de l'avenant du 1er janvier 2016.
- Sur les critiques répétées par le salarié à l'encontre de la société et contre le groupe d'appartenance Bakertilly Strago
Au soutien de ce grief, la société intimée produit un courriel de M. [C], salarié de la société Cadut sous la responsabilité de M. [E], adressé à M. [X], membre de la direction, en date du 10 octobre 2019, ainsi repris :
'(...) Nous sommes en préparation d'un salon avec [D] [T] (Le Serbotel sur une durée de 4 jours) et toujours un discours négatif sur STREGO. Mon inquiétude est grande puisque sur un tel salon, qui a lieu tous les deux ans, nous rencontrons de nombreux acquéreurs potentiels qui constituent notre vivier pour plusieurs mois, voire plus. Cela ne peut continuer de la sorte avec une telle ambiance de travail et pas de business proche à venir'.
S'il ne ressort de ce courriel aucun fait précis et circonstancié venant étayer des faits de critiques répétées, la matérialité des critiques est toutefois corroborée par la production du courriel de Maître [I], en date du 11 octobre 2019, ainsi rédigé :
'[V] a en effet et à cette occasion tenu un discours à charge, que je qualifierai de rupture, en imputant l'échec économique de la société CADUT au Groupe STREGO ; selon ses propres mots, la société CADUT et à travers elle, le Groupe STREGO devaient payer le prix fort pour ses parts sociales et accepter sa demande de rupture négociée de son contrat de travail'.
Les critiques du groupe Strego sont dès lors caractérisées mais ne peuvent constituer une faute en l'espèce, en ce qu'elles sont intervenues dans le cadre de négociations en vue du départ de M. [E], devant un autre salarié, devant le conseil du groupe, Maître [I], ou en Assemblée Générale, sans qu'il ne puisse être établi que lesdites critiques constituent un abus de la liberté d'expression du salarié qui a dénigré son employeur.
Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L. 1121-1 du code du travail nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but reproché.
À ce titre tout salarié dispose d'une liberté d'expression dont il peut faire usage dès lors qu'il n'en abuse pas par l'adoption de propos diffamatoires, injurieux ou de nature à dénigrer l'employeur, étant précisé que les cadres ont plus particulièrement pour mission de proposer des solutions et inovations de nature à permettre une amélioration du fonctionnement d'une entreprise, et qu'ils sont en droit à ce titre de critiquer la stratégie de la direction si cette critique respecte les limites déjà énoncées devant être apportées à la liberté d'expression.
De même s'il ressort du procès-verbal de l'Assemblée Générale du 31 juillet 2019 que M. [E] 'souligne son désaccord sur la politique menée par l'entreprise et manifeste son souhait de ne plus poursuivre ses fonctions de directeur commercial', aucun dénigrement ni aucune critique ne sont expressement relatés au sein dudit document.
L'employeur échoue par conséquent en l'espèce à démontrer que les critiques effectuées ont outrepassé les critiques normalement attendues de la part d'un cadre concernant les stratégies de la direction, d'autant que doit être tenu compte du contexte dans lequel ces propos sont intervenus, à savoir une période de négociation quant au départ de M. [E]. Les critiques ne constituent pas plus un manquement à son obligation de discrétion et de secret professionnel, stipulée dans son contrat de travail.
Dès lors, ce grief n'est pas caractérisé.
- Sur le refus d'exercer ses fonctions (absence d'animation commerciale, refus de collaborer avec les partenaires du groupe)
Si la société intimée produit un courrier de M. [C], salarié exerçant au sein de l'équipe commerciale de M. [E], corroborant l'absence d'animation commerciale qui lui est reprochée à compter de la mise en oeuvre de la cession du fonds de commerce, il ressort de l'attestation de Mme [T], négociatrice au sein de l'équipe de M. [E], que ce dernier était 'disponible et présent pour [l]'accompagner en [sa] qualité de négociatrice. Jusqu'à son départ il a organisé des réunions et il était là pour nous rebooster en cas de besoin'.
En présence de déclarations contraires de salariés placés dans la même situation vis à vis de M. [E], pour avoir exercé, sous son contrôle leur activité professionnelle, la cour constate que l'employeur échoue à démontrer la matérialité du grief consistant en une absence d'animation commerciale.
L'employeur échoue également à démontrer le refus de M. [E] de collaborer avec les partenaires du groupe, tandis que le salarié produit le témoignage d'un client, Mme [Z], qui expose qu'au cours de l'année 2019 M. [E] a vendu leur fonds de commerce de boulangerie et qu'elle a notamment 'apprécié [son] professionnalisme'.
C'est par ailleurs vainement que l'employeur expose que cette seule attestation de client est bien la preuve de ce que M. [E] avait peu de contact avec les partenaires alors que la charge de la preuve en matière de licenciement disciplinaire pour faute grave incombe à l'employeur, qui ne produit en l'espèce pas de pièce au soutien de ce grief, outre le courrier de M. [C] qui n'est ni précis ni circonstancié au titre de ce grief.
Dès lors, la cour constate que ce grief n'est pas caractérisé.
- Sur le communication auprès du personnel et des partenaires de son désintérêt relativement au chiffre d'affaires développé
Il ressort du contrat de travail de M. [E], qu'au titre de ses obligations professionnelles, M. [E] s'est engagé à ' exercer sa fonction aux mieux des intérêts de l'employeur, en travaillant dans un souci d'une plus grande efficacité, en parfaite collaboration avec la direction et sa hiérarchie'.
M. [C] expose dans son courriel précité : 'Autre fait qui me perturbe, le discours qu'il tient sur le fait qu'il n'ait pas d'objectifs de chiffres pour un salaire plus que confortable, donc, selon ses dires, pas de souci pour lui si pas d'affaires à conclure ! Cela est assez dur à entendre du Directeur commercial, et qui démontre clairement son manque d'investissement pour l'entreprise'.
M. [C] a réitéré ses propos concernant l'absence d'intérêt de M. [E] pour le chiffre d'affaires réalisé dans une attestation versée en procédure ainsi rédigée :
' Je confirme bien mon mail d'inquiétude en date du 10 octobre 2019 concernant mes rapports de travail avec mon supérieur hiérarchique [V] [E]. Il répétait régulièrement que son chiffre d'affaires n'était pas important pour lui n'ayant pas d'objectif à atteindre et une rémunération fixe'.
Ce témoignage précis et circonstancié, réalisé spontanément par un collaborateur de M. [E], préalablement à la mise en 'uvre de la procédure de licenciement permet de caractériser le désintérêt de M. [E] concernant le chiffre d'affaires de l'entreprise, en contradiction avec les stipulations de son contrat de travail.
Le grief est dès lors caractérisé s'agissant d'un directeur commercial, qui se devait d'exercer ses fonctions 'aux mieux des intérêts de l'employeur' et alors qu'il encadrait des salariés, dont une partie de la rémunération dépendait du chiffre d'affaires réalisé, et qui s'étaient quelques mois plus tôt interrogés sur les conséquences de la restructuration de l'entreprise sur leur rémunération et leur emploi, ainsi qu'il ressort des mails de salariés de l'entreprise versés en procédure par l'employeur concernant les conséquences du partenariat.
En sa qualité de directeur commercial, M. [E] devait animer l'équipe commerciale en valorisant les ventes des salariés sous sa responsabilité afin d'obtenir le meilleur chiffre d'affaires possible et non sciemment négliger les intérêts de l'entreprise alors qu'il est constant qu'elle était en difficulté financière.
Le grief est établi mais ne peut caractériser à lui seul une faute grave en ce qu'il ne justifie pas l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.
- Sur la communication auprès du personnel et des partenaires sur son souhait de quitter l'entreprise rapidement
Il ressort du courriel précité de M. [C] que M. [E] lui a fait part à plusieurs reprises de son souhait de quitter la société, étant en désaccord avec la politique commerciale mise en oeuvre.
Il est également établi par le procès-verbal de l'Assemblée Générale précité que M. [E] 'a manifesté son souhait de ne plus poursuivre ses fonctions de Directeur Commercial ; aussi, Monsieur [V] [E] a fait part de son intérêt de quitter la société dans le cadre d'une rupture conventionnelle ou mieux d'un licenciement économique ce qui lui permettrait d'accroître ses droits à assurance chômage'.
Le souhait de M. [E] de quitter la société était par ailleurs largement connu au sein de l'entreprise, ainsi qu'en atteste le courriel de M. [R], directeur général métiers du groupe Baker Tilly Strego, en date du 10 octobre 2019, qui expose que 'des collaborateurs du site de [Localité 6] [lui] avaient d'ailleurs rapporté cette information ainsi que son profond désaccord avec la politique/stratégie commerciale.'
Toutefois, la société intimée échoue a démontrer que la volonté de M. [E] de quitter l'entreprise, rendue publique par lui, constitue une faute au regard de ses obligations contractuelles de discrétion et de loyauté.
Ce grief n'est pas caractérisé.
Il ressort ainsi de ce qui précède que les fonctions de directeur commercial ne permettaient pas à M. [E] d'ignorer l'importance des résultats de l'entreprise, et ce, même si sa rémunération personnelle n'était pas fonction desdits résultats. Il est ainsi établi que le comportement de M. [E] adopté à l'égard de M. [C] a été inadapté, conduisant ce dernier à s'inquiéter pour son avenir au sein de l'entreprise.
Toutefois, ces faits caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, au regard du devoir d'exemplarité d'un manager, qui plus est d'un directeur, sans pour autant présenter un degré de gravité tel qu'ils rendaient impossible son maintien dans l'entreprise.
La cour relève une contradiction entre les motifs des premiers juges, reconnaissant la faute grave, et le dispositif du jugement déféré, reconnaissant la cause réelle et sérieuse du licenciement. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'en présence d'une contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision de première instance, il convient de faire prévaloir le dispositif, qui seul a autorité de la chose jugée aux termes de l'article 480 du code de procédure civile.
Par conséquent, la cour confirme le jugement de première instance en ce qu'est mentionné à son dispositif que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.
Il en résulte qu'en application des dispositions de l'article L. 1332-3 du code du travail, en l'absence de faute grave, la mise à pied à titre conservatoire n'était pas justifiée et que M. [E] était en conséquence fondé à percevoir le salaire correspondant, soit la somme de 1584,78 euros, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente, soit 158,47 euros, le jugement étant infirmé de ce chef.
En confirmation du jugement entrepris, M. [E] sera débouté de ses demandes de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuses, indemnité de licenciement et indemnité de préavis.
* * *
* Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la convention de forfait annuel en jours
Au soutien de sa demande d'infirmation à ce titre, M. [E] rappelle n'avoir jamais bénéficié d'un entretien annuel sur sa charge de travail contrairement aux dispositions de la convention collective, la SARL Cadut n'apportant pas la preuve de la tenue de ses obligations de contrôle de son activité.
Pour confirmation du jugement entrepris, la SARL Cadut expose que M. [E] bénéficiait d'une large autonomie dans son organisation personnelle et qu'il avait accepté la convention de forfait annuel de 217 jours. Elle ajoute qu'un suivi individuel des jours travaillés était réalisé et porté à sa connaissance chaque mois sur les bulletins de salaire ainsi que les jours de congés ou de repos, qu'enfin au regard de la taille de l'entreprise comportant trois salariés, les entretiens réguliers individuels sur l`appréciation de la charge de travail étaient réalisés.
L'article L. 3121-64 du code du travail, en vigueur depuis le 22 décembre 2017, dispose que :
'I.- L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine :
1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;
2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
3° Le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;
4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.
II.-L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17.
L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.
Ainsi, conformément à l'article L. 3121-64 du code du travail, l'employeur assure le suivi de la charge de travail du salarié, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération, ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.
Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations de l'accord collectif destiné à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours.
En l'espèce, il ressort de l'article 5 du contrat de travail de M. [E] que celui-ci a été embauché dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jours.
Cette convention de forfait annuel en jours est notamment régie par les stipulations de l'article 19. 9 de la convention collective de l'immobilier applicable à l'entreprise. Aux termes des stipulations de l'article 19.9.6, concernant le suivi de la charge de travail, il est mentionné que :
'Afin de garantir au salarié le droit à la santé, à la sécurité, au repos et à l'articulation entre sa vie professionnelle et sa vie privée, l'employeur ou son représentant assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail.
L'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
L'employeur, son représentant ou le salarié sous le contrôle et la responsabilité de l'employeur ou de son représentant établit, par tout moyen, tous les mois, un document de suivi individuel qui permet de faire apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, le positionnement et la qualification des journées ou demi-journées non travaillées (notamment en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels, jours fériés chômés, jours de repos liés au plafond de la convention individuelle de forfait en jours (...)
Par ailleurs, un entretien individuel distinct de l'entretien annuel d'évaluation lorsqu'il existe, a lieu chaque année pour établir :
' le bilan de la charge de travail de la période écoulée ;
' l'organisation du travail dans l'entreprise ;
' l'amplitude des journées d'activité ;
' l'adéquation de sa rémunération avec sa charge de travail ;
' l'éventuel calendrier prévisionnel des jours de repos pour la prochaine période de référence. (...)'.
La cour rappelle concernant les conventions de forfait que l'obligation de l'entretien annuel a disparu depuis le 22 décembre 2017 dans la nouvelle rédaction de l'article L. 3121-64 du code du travail. C'est donc à tort que le salarié expose que l'entreprise n'a pas respecté son obligation légale en la matière.
Toutefois, la convention collective précitée prévoit expressément la tenue d'un tel entretien. Si la restitution de l'entretien exigé ne répond à aucun formalisme spécifique, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de l'effectivité de sa tenue, mais aussi de son contenu tel que strictement défini pour s'assurer que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié, et, donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé.
La société ne rapporte pas la preuve de ce que M. [E] a bénéficié d'un entretien annuel sur sa charge de travail.
La cour, par infirmation du jugement, juge que la convention de forfait jours est privée d'effet.
Sur les heures supplémentaires
La convention de forfait jours ayant été jugée précédemment privée d'effet, les règles ordinaires relatives au paiement d'heures supplémentaires doivent s'appliquer. Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Or, aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L.3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
Selon l'article L. 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
L'article L. 3121-36 du même code dispose qu'à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
M. [E] produit un décompte hebdomadaire allant du 15 octobre 2016 au 15 octobre 2019 qui indique pour chaque semaine le nombre d'heures travaillées.
La société Cadut critique la valeur probante des éléments produits par le salarié, les estimant notamment insuffisamment précis sur les horaires accomplis. Elle expose que ces extraits ne sont pas issus d'un agenda professionnel ou personnel mais ont été téléchargés sur un site internet 'icalendrier' et ont été complétés a posteriori pour les seuls besoins de la cause. Elle précise qu'il n'est mentionné qu'un chiffre dont on ne sait pas s'il s'agit de l'amplitude de la journée de travail ou du temps de travail effectif, et que ces extraits ne constituent pas des preuves loyales car elles empêchent toute contradiction par l'employeur en raison de leur caractère imprécis et abstrait.
En ce que M. [E] ne produit qu'un décompte, sans relevé d'heures quotidiennes, ni amplitude horaire journalière, et en ce qu'il ne produit aucun autre document au soutien de cette prétention, tels que courriels ou attestations de collègues qui apporteraient des précisions, il y a lieu de considérer que le salarié ne fournit pas des éléments suffisamment précis, objectifs et concordants permettant à l'employeur d'y répondre utilement.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
Sur le travail dissimulé
M. [E] sollicite la condamnation de la société Cadut à lui verser l'indemnité pour travail dissimulé arguant que l'employeur ne pouvait ignorer l'illicéité de la convention de forfait jours et qu'il n'a pas mentionné l'intégralité des heures effectuées par lui sur les fiches de paie.
La société intimée réplique que le travail dissimulé requiert la preuve de l'élément intentionnel d'échapper au paiement de cotisations sociales afférentes, que les fiches de paie mentionnaient le forfait jours car il le croyait valide.
Il résulte de l'article L.8223-1 du code du travail que le salarié dont le travail a été dissimulé par l'employeur a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Selon l'article L. 8221-5 du même code, le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié est notamment caractérisé par le fait pour l'employeur de mentionner intentionnellement sur les bulletins de paie, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou encore par le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Cette indemnité forfaitaire est cumulable avec des dommages et intérêts du fait du préjudice résultant de la dissimulation de l'emploi.
La cour relève que les fiches de paie mentionnent que le salarié était rémunéré dans le cadre d'une convention de forfait jours de 217 jours annuels et aucun élément en l'espèce ne permet d'affirmer que l'employeur ait su que cette convention n'était pas valide et n'avait agi que dans le but de ne pas payer de cotisations sociales.
En outre le fait que la cour ait invalidé la convention de forfait jours n'induit pas nécessairement le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi.
Il convient donc de rejeter la demande de M. [E] formée au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de confirmer le jugement entrepris.
Sur les manquements de l'entreprise à son obligation de loyauté
L'obligation de loyauté découle notamment de l'article L. 1222-1 du code du travail aux termes duquel 'le contrat de travail est exécuté de bonne foi'.
- au regard de l'obligation de formation
Aux termes des dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences.
Ce n'est que par voie d'affirmation que l'employeur prétend que M. [E] aurait eu accès à quelques formations entre 2012 et 2019, faute de produire la moindre attestation de suivi de formation ou le moindre document de convocation de M. [E] au suivi d'une formation.
De même, c'est vainement que l'employeur excipe de l'absence de sollicitation du salarié pour suivre des formations. En effet, cette obligation relevant de l'initiative de l'employeur, il importe peu que le salarié n'ait pas formulé de demande de formation.
Une formation n'aurait eu aucune incidence sur son avancement dans la mesure où M. [E] a été embauché en tant que Cadre au Niveau C4, soit le coefficient le plus élevé de la convention collective de l'Immobilier.
C'est à tort que le salarié excipe de ce que la carence de son employeur en la matière a duré seize années en ce qu'il n'était lié avec la société Cadut par contrat de travail que depuis l'année 2012, soit durant sept années.
Si M. [E] ne démontre pas qu'il ne disposait pas de toutes les compétences nécessaires pour assurer au mieux ses missions de directeur commercial, c'est à tort que l'employeur expose qu'il ne démontre aucun préjudice en ce que sa situation de demandeur d'emploi depuis 2019 suffit à la cour pour reconnaître que l'absence de suivi de formations dans le cadre de la relation de travail a contribué à son inemployabilité depuis lors.
- au regard de l'obligation de l'employeur en matière d'entretien professionnel
Le salarié expose n'avoir bénéficié d'aucun entretien professionnel.
La société soutient qu'un tel entretien était sans objet dans la mesure où Monsieur [E] a été embauché en tant que Directeur du Développement au Niveau C4, à savoir le poste et le coefficient les plus élevés possibles au sein de l'entreprise.
L'article L. 6315-1 du code du travail issu de la loi du 5 mars 2014 et modifié par les lois des 8 août 2016 et 5 septembre 2018 prévoit :
- que, tous les 2 ans, le salarié bénéficie d'un entretien professionnel consacré aux perspectives d'évolution professionnelle, ne portant pas sur l'évaluation, comportant également des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation (CPF), aux abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle ; l'entretien donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié ;
- tous les 6 ans, que l'entretien professionnel ci-dessus fasse un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié, afin de s'assurer que le salarié a suivi au moins une formation, qu'il a acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience, et qu'il a bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle ; cet état des lieux donne lieu également à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié ;
Il résulte des articles L. 6313-1 et L. 6313-3 que les actions concourant au développement des compétences qui entrent dans le champ des dispositions relatives à la formation professionnelle sont notamment les actions de formation favorisant l'adaptation du travailleur à son poste de travail et à l'évolution des emplois, à son maintien dans l'emploi et au développement de ses compétences.
Les salariés embauchés avant l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014 doivent avoir passé leur premier entretien professionnel avant le 7 mars 2016 et leur second entretien professionnel avant le 7 mars 2018.
La société échoue à démontrer que de tels entretiens ne pouvaient être proposés à M. [E] du fait de la nature de son poste.
M. [E] devait bénéficier :
- d'un entretien biennal avant le 7 mars 2016 ;
- d'un nouvel entretien biennal avant le 7 mars 2018.
La relation de travail ayant pris fin courant 2019, la société n'était pas tenue de réaliser l'entretien-bilan des 6 ans, qui devait se tenir avant le 1er juillet 2021.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et il sera alloué à M. [E] la somme de 1000 euros en réparation du préjudice subi par lui pour inexécution déloyale du contrat de travail.
Sur la demande en lien avec les intérêts légaux
M. [E] sollicite que les intérêts légaux commencent à courir à compter du 14 octobre 2019, date de la mise à pied à titre conservatoire.
La cour rappelle qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce.
Il ne sera dès lors pas fait droit à cette demande, ajoutant au jugement entrepris.
Sur l'anatocisme
En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée. Il sera donc fait droit à cette demande du salarié.
Sur la demande de condamnation aux frais d'exécution
S'agissant de la demande de condamnation aux frais d'exécution, il sera rappelé que le titre servant de fondement aux poursuites permet le recouvrement des frais de l'exécution forcée qui sont à la charge du débiteur.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles exposés sont infirmées.
Succombant à l'instance, la société Cadut prise en la personne de M. [B], es qualité de liquidateur amiable, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [E] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
Rejette le moyen soulevé par la SARL Cadut prise en la personne de son liquidateur amiable M. [B] tenant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel concernant les demandes de M. [E] suivantes :
- Les demandes portant sur la nullité du licenciement et l'ensemble des conséquences salariale et indemnitaires qui en découlent,
- La validité de la convention de forfait annuel en jours, les rappels de salaire pour heures supplémentaires, le travail dissimulé, les dommages et intérêts subséquents,
- L'existence d'un préjudice distinct en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail au regard du non-respect de l'obligation de l'employeur en matière de formation professionnelle et la tenue obligatoire d'un entretien biennal en la matière ainsi que les dommages et intérêts subséquents,
- La compensation au bénéficie de l'appelant, vis-à-vis de toute carence spécifique imposée par France Travail.
Confirme le jugement déféré sauf :
- en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et des congés payés y afférents,
- en ce qu'il a déclaré la convention de forfait annuel en jours valide,
- en ce qu'il a débouté M. [E] de ses demandes au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles,
Infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la SARL Cadut prise en la personne de M. [S] [B], en qualité de liquidateur amiable, à payer M. [E] sa mise à pied à titre conservatoire injustifiée, soit une somme de 1584,78 euros, outre les congés payés y afférents et correspondant à la somme brute de 158,47 euros,
Condamne la SARL Cadut prise en la personne de M. [S] [B], en qualité de liquidateur amiable, à payer M. [E] la somme de 1 000 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Rappelle qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce,
Ordonne la capitalisation des intérêts,
Dit que la convention de forfait jours est inopposable au salarié,
Condamne la S.A.R.L. Cadut prise en la personne de M. [S] [B], en qualité de liquidateur amiable à payer à M. [E] une somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne la SARL Cadut prise en la personne de M. [S] [B], en qualité de liquidateur amiable aux dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENTempêché
A.-.L. DELACOUR, Conseiller.