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Décisions

CA Angers, ch. prud'homale, 25 septembre 2025, n° 22/00537

ANGERS

Arrêt

Autre

CA Angers n° 22/00537

25 septembre 2025

COUR D'APPEL

d'[Localité 22]

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00537 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FCCJ.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Septembre 2022, enregistrée sous le n° 21/00467

ARRÊT DU 25 Septembre 2025

APPELANTS :

Monsieur [B] [V]

[Adresse 18]

[Localité 13]

Monsieur [NK] [J]

[Adresse 7]

[Localité 11]

Monsieur [S] [HF]

[Adresse 14]

[Localité 12]

Madame [K] [MW]

[Adresse 9]

[Localité 17]

Monsieur [W] [ZE]

[Adresse 2]

[Localité 10]

représentés par Me Fiodor RILOV de la SCP SCP RILOV, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Maître [R] [M] - Es-qualités de co-mandataire liquidateur de la société [Localité 25] GLOBAL, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de BOBIGNY en date du 31 mars 2015

[Adresse 5]

[Localité 20]

Maître [O] [H] - Es-qualités de co-mandataire liquidateur de la société [Localité 25] GLOBAL, désigné à cette fonction par ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de BOBIGNY en date du 31 décembre 2017

[Adresse 3]

[Localité 20]

représentés par Me Vincent JARRIGE de l'AARPI M&J - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS - N° du dossier 20160100

S.A.S. ARCOLE INDUSTRIES

[Adresse 6]

[Localité 15]

représentée par Maître DE WAILLY, avocat substituant Maître JOURDE, avocat au barreau de PARIS

DÉLÉGATION UNÉDIC [Adresse 21] (CGEA) D'ILE DE FRANCE EST,

[Adresse 4]

[Localité 19]

non comparante - non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2025 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Clarisse PORTMANN

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 25 Septembre 2025, réputé contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSE DU LITIGE

La société [Localité 25] Ducros issue de la fusion intervenue le 31 décembre 2012 avec un effet rétroactif au 1er janvier 2012 de la société Ducros Express et de la Sas [Localité 25], exploitait un fonds de commerce de transport, entreposage de marchandises, commissionnaire de transport et location de matériel. Elle disposait d'un réseau de 85 agences dont 14 plate-formes régionales et 6 plate-formes internationales, et employait environ 5 000 salariés.

Par jugement du 26 novembre 2013, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [Localité 25] Ducros. La société holding Arcole Industries, spécialisée dans la reprise et le redressement d'entreprises sous-performantes ou dont l'exploitation est déficitaire, s'est portée acquéreur d'une partie de ses actifs.

Par jugement du 6 février 2014, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé la liquidation judiciaire de la société [Localité 25] Ducros. Ses actifs ont été transférés à une société constituée à cet effet par la société Arcole Industries, la société [Localité 25] Global.

Par jugement du 10 février 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société [Localité 25] Global. Me [T] [Y] et Me [ZT] [G] ont été désignés en qualité d'administrateurs judiciaires, et Me [L] [WI] et Me [R] [M] en qualité de mandataires judiciaires.

Par jugement du 31 mars 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société [Localité 25] Global avec poursuite d'activité jusqu'au 30 avril 2015. Me [Y] a été reconduit dans ses fonctions d'administrateur judiciaire avec mission de mener à bien les négociations et la validation par l'autorité administrative du plan de sauvegarde de l'emploi, et procéder au licenciement des salariés de l'entreprise dans le délai d'un mois. Me [L] [WI] et Me [R] [M] ont été désignés en qualité de co-mandataires liquidateurs. Ce jugement a également validé la suppression de l'ensemble des postes et autorisé le licenciement des salariés dans le délai d'un mois.

Le 17 avril 2015, un accord collectif majoritaire relatif au plan de sauvegarde de l'emploi, aux modalités des instances représentatives du personnel et de mise en oeuvre des licenciements a été signé par les partenaires sociaux et l'administrateur judiciaire, prévoyant le licenciement de l'ensemble du personnel. Cet accord a été validé par la DIRECCTE d'Ile-de-France le 21 avril 2015.

M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] étaient salariés de la société [Localité 25] Global, leur ancienneté ayant été reprise à compter du :

- M. [B] [V] : 21 avril 1987, celui-ci occupant en son dernier état le poste de responsable d'exploitation ;

- M. [NK] [J] : 6 octobre 1988, celui-ci occupant en son dernier état le poste de responsable d'exploitation ;

- M. [S] [HF] : 29 juin 1987, celui-ci occupant en son dernier état le poste de directeur d'agence ;

- Mme [K] [MW] : 7 juillet 1994, celle-ci occupant en son dernier état le poste de responsable commerciale ;

- M. [W] [ZE] : 24 mars 1984, celui-ci occupant en son dernier état le poste d'affréteur.

M. [V], M. [HF], M. [J], Mme [MW] et M. [ZE] ont tous été licenciés pour motif économique par Me [Y] ès-qualités suite à la liquidation judiciaire de la société [Localité 25] Global. Ils ont tous adhéré au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) à l'exception de M. [ZE].

Par jugements des 5 mai 2015 et 29 juillet 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a ordonné la poursuite d'activité de la société [Localité 25] Global pour les seuls besoins de la liquidation judiciaire jusqu'au 30 octobre 2015.

Par ordonnance du 31 décembre 2017, le président du tribunal de commerce de Bobigny a désigné en qualité de co-mandataires liquidateurs de la société [Localité 25] Global, la Selafa MJA, prise en la personne de Me [O] [H] aux lieu et place de Me [WI], puis par ordonnance du 31 août 2018, la Selas MJS Partners, prise en la personne de Me [R] [M] aux lieu et place de Me [M].

Contestant le bien fondé de leur licenciement, M. [V], M. [J], M. [HF], Mme [MW] et M. [ZE] ont saisi le conseil de prud'hommes d'Angers par requête du 25 avril 2016 afin de voir reconnaître la qualité de co-employeurs des sociétés [Localité 25] Global et Arcole Industries, et la violation des règles relatives au reclassement. Ils sollicitaient la condamnation in solidum des sociétés [Localité 25] Global et Arcole Industries à leur verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la fixation de ces sommes au passif de la société [Localité 25] Global. Ils demandaient enfin une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les mandataires liquidateurs de la société [Localité 25] Global et la société Arcole Industries se sont opposés aux prétentions des salariés et ont sollicité leur condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision du 22 mars 2017, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes d'Angers a ordonné la radiation des affaires, lesquelles ont été réinscrites au rôle le 20 mars 2019. Puis une seconde radiation a été ordonnée le 4 décembre 2019 et les affaires ont été réintroduites le 19 novembre 2021.

Par jugement du 14 septembre 2022, le conseil de prud'hommes a :

- joint les instances inscrites sous les numéros RG 21/00467 à 21/00471 ;

- dit et jugé qu'aucune situation de co-emploi entre les sociétés [Localité 25] Global et Arcole Industries n'est caractérisée en l'espèce ;

- dit et jugé que l'obligation préalable de reclassement a été parfaitement respectée ;

- débouté M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamné solidairement M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] aux dépens ;

- condamné solidairement M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] à verser chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile les sommes suivantes :

- 50 euros à la société Arcole Industries ;

- 50 euros à la société [Localité 25] Global prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires, Me [H] et Me [M] ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- rejeté les autres demandes des parties plus amples ou contraires.

Les cinq salariés ont interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 13 octobre 2022, leur appel portant sur tous les chefs leur faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu'ils énoncent dans leur déclaration.

Me [R] [M] et Me [O] [H], ès-qualités de co-mandataires liquidateurs de la société [Localité 25] Global, ont constitué avocat en qualité de parties intimées le 21 octobre 2022.

La société Arcole Industries a constitué avocat en qualité de partie intimée le 31 octobre 2022.

Le CGEA d'Ile de France Est, unité déconcentrée de l'UNEDIC, association agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, n'a pas constitué avocat et a été régulièrement assigné par acte remis à personne morale du 10 janvier 2023.

Par conclusions d'incident du 23 mai 2025, les cinq salariés ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de communication de divers documents dirigée à l'encontre de la société Arcole Industries et des mandataires liquidateurs de la société [Localité 25] Global dont ils ont été déboutés par ordonnance du 27 mai 2025.

M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE], dans leur dernières conclusions régulièrement communiquées, transmises au greffe le 27 mai 2025 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demandent à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers ;

Statuant à nouveau :

- condamner in solidum les sociétés [Localité 25] Global et Arcole Industries à leur verser les indemnités suivantes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de la situation de co-emploi :

- M. [V] : 156 000 euros, soit 4 ans de salaire ;

- M. [J] : 149 698,64 euros, soit 4 ans de salaire ;

- M. [HF] : 221 100,08 euros, soit 4 ans de salaire ;

- Mme [MW] : 177 543,20 euros, soit 4 ans de salaire ;

- M. [ZE] : 217 086,70 euros, soit 5 ans de salaire ;

- fixer ces sommes au passif de la société [Localité 25] Global ;

- condamner la société [Localité 25] Global à leur payer les indemnités suivantes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de la violation de l'obligation individuelle de reclassement consécutive à l'irrégularité des recherches effectuées par l'employeur :

- M. [V] : 156 000 euros, soit 4 ans de salaire ;

- M. [J] : 149 698,64 euros, soit 4 ans de salaire ;

- M. [HF] : 221 100,08 euros, soit 4 ans de salaire ;

- Mme [MW] : 177 543,20 euros, soit 4 ans de salaire ;

- M. [ZE] : 217 086,70 euros, soit 5 ans de salaire ;

- fixer ces sommes au passif de la société [Localité 25] Global ;

- condamner à titre principal la société [Localité 25] Global à leur payer les indemnités suivantes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de la violation de l'obligation individuelle de reclassement consécutive à l'irrégularité du périmètre de l'obligation de reclassement :

- M. [V] : 156 000 euros, soit 4 ans de salaire ;

- M. [J] : 149 698,64 euros, soit 4 ans de salaire ;

- M. [HF] : 221 100,08 euros, soit 4 ans de salaire ;

- Mme [MW] : 177 543,20 euros, soit 4 ans de salaire ;

- M. [ZE] : 217 086,70 euros, soit 5 ans de salaire ;

- fixer ces sommes au passif de la société [Localité 25] Global ;

En tout état de cause :

- dire la décision à intervenir opposable au CGEA IDF EST ;

- condamner les sociétés [Localité 25] Global et Arcole Industries à leur payer une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- assortir les condamnations à intervenir d'intérêts au taux légal ;

- condamner les sociétés intimées aux dépens.

Me [R] [M] et Me [O] [H], ès-qualités de co-mandataires liquidateurs de la société [Localité 25] Global, dans leurs dernières conclusions régulièrement communiquées, transmises au greffe le 27 mai 2025 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du 14 septembre 2022 en ce qu'il a :

- dit et jugé qu'aucune situation de co-emploi entre les sociétés [Localité 25] Global et Arcole Industries n'est caractérisée en l'espèce ;

- dit et jugé que l'obligation préalable de reclassement a été parfaitement respectée;

- débouté M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamné solidairement M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] aux dépens ;

- condamné solidairement M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] à verser chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 50 euros à la société [Localité 25] Global prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires, Me [H] et Me [M] ;

En conséquence :

- débouter M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] de l'intégralité de leurs demandes tant à titre principal qu'à titre subsidiaire ;

Y ajoutant :

- condamner M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] à verser à la liquidation judiciaire de la société [Localité 25] Global la somme de 1 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause :

- débouter M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] de leur demande d'intérêts au taux légal ;

- juger qu'une éventuelle condamnation ne pourra que tendre à la fixation d'une créance au passif de la société [Localité 25] Global ;

- juger l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA IDF EST ;

- condamner M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] aux entiers dépens.

La société Arcole Industries, dans ses dernières conclusions régulièrement communiquées, transmises au greffe le 27 mai 2025 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 14 septembre 2022 ;

Ce faisant, statuant à nouveau :

- juger de l'absence de co-emploi entre la société [Localité 25] Global et elle-même ;

- juger de l'absence de lien contractuel entre les appelants et elle-même ;

En conséquence :

- la mettre hors de cause et ne pas lui rendre opposable l'arrêt qui serait rendu à l'encontre de Me [M] et Me [H], mandataires liquidateurs ;

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre reconventionnel :

- condamner les appelants au paiement de la somme de 700 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mai 2025 et le dossier a été fixé à l'audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers du 3 juin 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le co-emploi

Les salariés soutiennent que la direction réelle de [Localité 25] Global était confiée à un comité de surveillance seul habilité à autoriser les décisions importantes lequel était constitué des trois principaux dirigeants d'Arcole Industries, à savoir M. [U] [YO], Mme [P] [F] et M. [VU] [MH]. Ils en déduisent que le président de [Localité 25] Global ne disposait d'aucun pouvoir réel puisque l'ensemble des décisions était pris à l'occasion des réunions mensuelles du comité de surveillance. Ils ajoutent que la première décision du comité de surveillance de [Localité 25] Global le 14 février 2014 a consisté à autoriser Arcole Industries à prélever sur la trésorerie de [Localité 25] Global la somme de 300000 euros annuellement alors même que cette dernière venait d'être sauvée in extremis de la liquidation et était dans une situation financière quasi désespérée, et qu'auparavant, les dirigeants d'Arcole Industries avaient déjà prélevé chaque année entre 1 et 1,5 millions d'euros sur la trésorerie de Ducros Express puis de [Localité 25] Ducros.

La société Arcole Industries conteste tout co-emploi avec la société [Localité 25] Global. Elle prétend que le comité de surveillance avait un pouvoir de contrôle et non de gestion, et que les opérations nécessitant son autorisation préalable ne concernaient pas la gestion courante mais des actes engageant la société [Localité 25] Global pour des montants significatifs. Si elle ne nie pas les liens capitalistiques l'ayant liée à cette société, elle fait valoir qu'à aucun moment, il n'y a eu de centralisation ni même de transfert de salariés gérant les équipes informatique, comptabilité ou ressources humaines. Elle observe qu'elle n'emploie que cinq salariés alors que la société [Localité 25] Global en comptait plusieurs milliers, et que cette dernière était dotée de collaborateurs et de ressources lui permettant de gérer directement l'entreprise, notamment d'un directeur des services informatiques qui reportait au directeur général de [Localité 25] Global, d'un directeur comptable qui reportait au directeur administratif et financier de [Localité 25] Global, d'une directrice des ressources humaines qui reportait au directeur général de [Localité 25] Global de sorte que la société [Localité 25] Global a continué à gérer directement à travers sa direction des ressources humaines interne, son recrutement, sa formation et sa mobilité.

Me [M] et Me [H] ès-qualités contestent de la même manière l'existence d'une situation de co-emploi entre les sociétés Arcole Industries et [Localité 25] Global. Ils considèrent que les salariés procèdent par voie d'affirmation sans produire d'élément démontrant l'existence d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société Arcole Industries dans la gestion économique et sociale de la société [Localité 25] Global. Ils ajoutent que la société [Localité 25] Global disposait de ses propres fonctions supports et de ses propres services de direction distincts et indépendants de la société Arcole Industries. En tout état de cause, ils font observer que les cinq salariés de la société Arcole Industries n'étaient pas en capacité matérielle d'assurer ces fonctions, la société [Localité 25] Global employant plus de deux mille salariés.

Il résulte de l'article L.1221-1 du code du travail que, hors l'existence d'un lien de subordination lequel n'est pas invoqué en l'espèce, une société faisant partie d'un groupe peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière. (Soc 23 novembre 2022, n°20-23206)

Il appartient au salarié de démontrer l'existence du co-emploi qu'il invoque.

En l'espèce, la société [Localité 25] Global avait pour forme sociale celle de société par actions simplifiée à associé unique (la société Arcole Industries) et était dirigée par M. [X] en qualité de président et M. [LT] en qualité de directeur général. Dès lors, le fait que les dirigeants de la société Arcole Industries soient membres du comité de surveillance de la société [Localité 25] Global et contrôlent à ce titre les décisions prises par la direction relève du cadre juridique normal de fonctionnement de cette forme de société.

S'il est exact que le comité de surveillance se réunissait régulièrement, il ne peut cependant être retenu aucune immixtion anormale dans la gestion de la société [Localité 25] Global dans la mesure où cette instance ne devait donner son autorisation que pour des opérations engageant financièrement la société [Localité 25] Global au-delà de seuils significatifs, et que les procès-verbaux de réunion démontrent qu'il n'était évoqué que des questions particulièrement sensibles, telles que la cession d'actifs immobiliers, le transfert du siège social ou encore la nomination du président ou du directeur général.

En outre, et quand bien même le comité de surveillance a effectivement autorisé le 14 février 2014 le président de la société [Localité 25] Global à signer une convention d'assistance administrative, juridique et financière avec Arcole Industries pour un montant annuel de 300 000 euros, aucun élément ne confirme le versement d'une telle somme et l'application d'une telle convention. Quant aux facturations en 2012 de divers services par Arcole Industries à Ducros Express et à [Localité 25] Ducros, elles ne concernent pas la société [Localité 25] Global créée en 2014 soit postérieurement.

De son côté, la société Arcole Industries justifie que la société [Localité 25] Global disposait de moyens humains dont des personnels de direction, pour assurer son fonctionnement dans le domaine commercial ou le service qualité, la direction des achats, le contrôle de gestion, ou encore les ressources humaines. Rien ne vient corroborer l'affirmation des salariés selon laquelle ces personnels n'auraient été que de simples exécutants des décisions prises par la société Arcole Industries.

De fait, il n'est communiqué aucun élément concret et factuel sur des actes d'immixtion ou d'ingérence de la société Arcole Industries dans la gestion du personnel ou même dans la gestion courante de la société [Localité 25] Global, étant précisé que les cinq salariés de la société Arcole Industries étaient en nombre insuffisant pour assurer cette gestion au regard de l'effectif de la société [Localité 25] Global qui employait plus de deux mille salariés.

Il résulte de ces développements qu'il n'est aucunement justifié d'une immixtion permanente de la société Arcole Industries dans la gestion économique et sociale de la société [Localité 25] Global conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Le co-emploi n'étant pas caractérisé, les salariés doivent être déboutés de leur demande de condamnation in solidum des sociétés [Localité 25] Global et Arcole Industries au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit fondé de mettre cette dernière hors de cause.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur l'obligation de reclassement

Selon l'article L.1233-4 du code du travail dans sa version applicable à la cause:

'le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'

L'article L.1233-4-1 dans sa rédaction applicable à la cause précise que :

'lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.

Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus.

Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n'est adressée est informé de l'absence d'offres correspondant à celles qu'il a accepté de recevoir.'

Lorsque l'employeur appartient à un groupe, il est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

L'employeur doit rechercher les possibilités de reclassement d'une manière active et sérieuse, et les offres de reclassement adressées au salarié doivent être précises, concrètes et personnalisées.

Si la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement incombe à l'employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.

Il est constant que les démarches aux fins de reclassement doivent être entreprises dès que le licenciement est envisagé. En cas de procédure collective, le respect de cette obligation par l'administrateur judiciaire s'apprécie en fonction des moyens et du délai qui lui sont impartis pour procéder aux licenciements, afin de préserver les droits des salariés à la garantie de l'AGS conformément à l'article L.3253-8 du code du travail.

1. Sur le périmètre de reclassement

- Sur la composition du groupe Arcole

Les salariés prétendent en premier lieu que les mandataires liquidateurs n'apportent aucun élément permettant de vérifier l'exactitude du périmètre du groupe de reclassement retenu par l'administrateur judiciaire, à savoir le groupe Arcole, dans la mesure où en l'état des éléments produits, il est impossible de connaître la composition précise de ce groupe. A cet égard, ils notent que l'organigramme du groupe comprend 14 sociétés outre la société Arcole Industries et que l'administrateur a sollicité 24 sociétés au titre de son obligation de reclassement interne de sorte qu'ils ignorent comment celui-ci a déterminé le périmètre de reclassement.

Selon Me [H] et Me [M] ès-qualités, il n'existe aucun doute sur la composition du groupe Arcole lequel était constitué à l'époque de la liquidation judiciaire des groupes [XL], [Z]-Agediss et de la holding FSD ainsi que de leurs filiales respectives outre la société [Localité 25] Global et ses filiales.

La composition du groupe Arcole ressort de la pièce 6 composée de 13 pages, complétée par la pièce 2, communiquées par les liquidateurs judiciaires.

La pièce 6 liste d'abord 15 sociétés, à savoir :

- la société Arcole Industries ([Localité 26]),

- la société [Z]-Agediss ([Localité 16]),

- la société [Z] (Allemagne),

- la société Wettengel Inter Transporte (Allemagne),

- la société [XL] ([Localité 1] [Localité 28]),

- la société [XL] vehiculos frigorificos (Espagne),

- la société [XL] Deutschland (Ulm - Allemagne),

- la société Frigorent Services (Allemagne),

- la société Kertsner (Allemagne),

- la société Holding FSD ([Localité 8] [Localité 24]) et ses cinq filiales également basées à [Localité 24], soit la société Samsic décontamination, la société AAD Phénix Pressing, la société AAD Phénix II, la société Aqua Bat et la société Phénix Désamiantage.

Ce document fait état ensuite de ce que la société [Z]-Agediss a acquis la société SLS en 2013 de sorte qu'elle doit être incluse dans le groupe.

Il mentionne en outre comme faisant partie du groupe, la société [Localité 25] Global laquelle a 6 filiales, à savoir les sociétés Modus, Morymo, Sotrapoise, Translorraine, Transroute et Cofetrans (pièce 2 pages 7 et 8) qui doivent de la même manière être incluses dans le groupe.

Enfin, il inclut deux agences [XL] en Italie.

Il est par ailleurs établi qu'au titre de son obligation de reclassement interne au groupe Arcole, Me [Y] ès-qualités a sollicité les 24 sociétés concernées, ni plus ni moins, de sorte qu'il n'existe aucune contradiction ou incohérence dans les démarches de l'administrateur au regard de la composition du groupe Arcole dont les contours sont précis et déterminés, étant relevé que les salariés se contentent de critiquer les pièces des intimés et ne communiquent de leur côté aucun élément venant les contredire. Il sera précisé à cet égard que s'ils évoquent la réponse négative d'une société Cirigliano Transporti STI (pièce 77 intimés) qui n'a pas été sollicitée par l'administrateur au titre du reclassement interne, force est cependant de constater, ainsi qu'il sera vu infra, que ce dernier a procédé à des recherches conséquentes auprès de sociétés externes au groupe et que rien ne vient corroborer le fait que cette société appartiendrait au groupe Arcole.

- Sur l'inclusion des sociétés DHL et Caravelle dans le périmètre de reclassement

Les salariés allèguent en second lieu que ce périmètre aurait dû inclure la société DHL et la société Caravelle dont l'activité et l'organisation permettaient, selon eux, d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

S'agissant du groupe DHL, ils font valoir que :

- la très grande majorité des clients de [Localité 25] Global pour la livraison au jour-dit étaient antérieurement des clients de DHL (service 'Day Definite') ;

- les salariés [Localité 25] Global travaillaient avec des camions et remorques portant le sigle DHL et des vêtements du personnel de DHL ;

- la société DHL n'a jamais cessé de sous-traiter une partie de son activité aux repreneurs successifs de sa messagerie et a maintenu des liens étroits avec ceux-ci, à savoir Ducros Express, [Localité 25] Ducros puis [Localité 25] Global.

S'agissant du groupe Caravelle, ils observent que :

- Caravelle a créé et contrôlait le fonds de commerce successivement dénommé [Localité 25] Ducros puis [Localité 25] Global ;

- la société DHL, a cédé son activité de messagerie 'Day to Day' à la société Caravelle laquelle a utilisé la société Arcole Industries pour reprendre et gérer le fonds de commerce de messagerie tour à tour dénommé Ducros Express, [Localité 25] Ducros et [Localité 25] Global ;

- l'organigramme fourni par la société Caravelle dans tous les contentieux relatifs aux licenciement des salariés de [Localité 25] Global indique qu'elle détenait 43,14% du capital d'Arcole Industries, et rien ne vient démontrer qu'elle aurait cédé cette participation à une date antérieure ;

- l'établissement du siège d'Arcole Industries au siège de Caravelle implique l'existence d'une convention entre les deux sociétés susceptible de caractériser des relations permettant de les rattacher au même groupe de reclassement.

Me [M] et Me [H] ès-qualités répliquent que les sociétés DHL et Caravelle ne font pas partie du groupe de reclassement et que les recherches à ce titre n'avaient pas à leur être étendues.

S'agissant de DHL, ils observent que cette société a cédé son activité de messagerie à la société Arcole Industries en 2010, et que la société [Localité 25] Global est née quatre ans après. Ils affirment ensuite qu'il n'existait aucun lien capitalistique ou organisationnel entre la société [Localité 25] Global et la société DHL ou ses filiales, et qu'aucune permutation du personnel n'était possible. Ils ajoutent qu'il n'y avait aucun local partagé entre la société [Localité 25] Global et la société DHL, aucun contrat ou facture de location entre les deux sociétés, aucune prestation de messagerie de [Localité 25] Global pour le compte de DHL ou de DHL pour le compte de [Localité 25] Global, aucun contrat ou facture afférent à ces prétendues prestations, ou relatif aux services informatiques et téléphoniques des deux sociétés, ou aux services de paie, de congés payés ou tout autre aspect de gestion des ressources humaines entre DHL et [Localité 25] Global.

Ils font valoir par ailleurs que les photographies attestant selon les salariés, de l'utilisation des tenues et camions siglés DHL, ont été prises à des dates auxquelles soit la société [Localité 25] Global n'existait pas encore, soit n'existait plus, et que la société [Localité 25] Global n'est jamais mentionnée dans les attestations qu'ils communiquent, à l'exception de six d'entre elles produites après 8 ans de procédure, lesquelles sont particulièrement imprécises et émanent de salariés actuellement en litige avec la liquidation judiciaire. Ils considèrent dès lors que les éléments communiqués par les salariés ne suffisent pas à rapporter la preuve de clients communs et plus généralement de l'appartenance commune à un groupe.

S'agissant du groupe Caravelle, ils se prévalent du jugement du 11 juillet 2014 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, lequel a retenu, selon eux, que les sociétés Arcole Industries et Caravelle ne constituaient pas un groupe de sociétés. Ils ajoutent que le rôle joué par la société Caravelle dans la constitution de la société [Localité 25] Ducros, entre-temps liquidée, ne suffit pas à l'intégrer dans le groupe de reclassement dans la mesure où aucun élément ne vient étayer la possibilité d'une permutation de personnel entre les sociétés [Localité 25] Global et Caravelle.

Enfin, ils invoquent l'arrêt de la cour de cassation du 31 janvier 2024 lequel a selon eux, définitivement exclu la société Caravelle et ses filiales du périmètre de reclassement.

A) DHL

S'agissant de l'existence de clients communs, entre les sociétés [Localité 25] Global et DHL, celle-ci ne saurait se déduire ni des trois courriers datés du 27 novembre 2014 adressés par la société [Localité 25] Global aux sociétés Dexxon, LVMH France et Esselte France ayant pour objet une revalorisation tarifaire au 1er janvier 2015, ni de l'attestation de M. [C] qui se présente comme ayant travaillé en qualité de responsable commercial auprès des sociétés DHL, Ducros Express et [Localité 25] Ducros mais qui ne cite pas [Localité 25] Global, ni du projet de plan de relance de DHL Express non daté mais dont le contenu révèle qu'il a été élaboré en 2006, ni du jugement du tribunal de commerce du 6 février 2014 qui liste les clients de la société [Localité 25] Ducros mais ne mentionne aucun contrat en cours entre DHL et [Localité 25] Ducros dont le bénéfice aurait été transmis à [Localité 25] Global, ni de l'unique page 17 d'un rapport non communiqué dans son intégralité indiquant que début 2013, DHL est '1er client import' de [Localité 25] Ducros. Il sera en outre précisé que la pièce 85 à laquelle les salariés se réfèrent est rédigée sur 7 pages en langue étrangère non traduite. La cour ne peut dès lors l'appréhender.

Quant aux photographies présentées comme provenant de Google Maps, celles-ci sont datées pour la plupart des mois de juin 2012 à septembre 2013. On y voit des camions DHL stationnés à côté de camions [Localité 25] localisés à divers endroits, outre le sigle [Localité 25] et [Localité 25] Team aux abords d'entrepôts ou sur la façade de bâtiments à usage de bureaux. Ces photographies sont antérieures au mois de février 2014 et ne peuvent donc établir que postérieurement à cette date la société [Localité 25] Global aurait utilisé des camions DHL. Une seule photographie permet de constater qu'en juin 2014 un camion [Localité 25] est stationné aux abords d'un camion DHL, et une autre datant de juin 2015 fait apparaître un camion [Localité 25] mais le logo des autres camions stationnés est illisible.

Les attestations de M. [GR], M.[E], M. [I], M. [A], M. [D] et Mme [WX] sont rédigées en des termes vagues ('alors qu'on était sous l'entité Ducros Express on avait toujours des remorques avec encore DHL floqué', 'j'ai vu à plusieurs reprises', 'il n'était pas rare'). Il en va de même de M. [YA] et de M. [CS] qui indiquent 'avoir vu fin 2014 début 2015 une semi-remorque marquée DHL dans la cour du dépôt de [Localité 25] Global à [Localité 27]' ou encore 'régulièrement' à [Localité 29]. Mme [N] évoque quant à elle, avoir retrouvé une photographie sur laquelle apparaît une remorque DHL qu'elle joint à son témoignage et qu'elle affirme datée du 24 mars 2015 et prise sur le site d'[Localité 23] de [Localité 25] Global, mais elle précise qu'elle ne sait pas si cette remorque était utilisée.

Quant aux quatre clichés de personnes portant des vêtements siglés DHL à l'occasion d'un regroupement convivial, Mme [HU], salariée de [Localité 25] Global, atteste qu'ils ont été réalisés lors d'une fête de départ à la retraite d'un chauffeur de Ducros Express qui a eu lieu le 18 février 2011. Il s'agit donc d'une période antérieure à la création de [Localité 25] Global. Seul, M. [YA] précité atteste que 'les collègues anciennement DHL avaient des tenus marquées DHL (blousons, polos, chemises) pour travailler avec nous, les [Localité 25] Global'. Il ne cite cependant ni les noms, ni le nombre des collègues concernés.

Il n'est par ailleurs produit aucun accord de mise à disposition de locaux ou d'échanges de services, ni justifié d'un lien organisationnel entre DHL ou ses filiales et [Localité 25] Global.

Ainsi, en l'absence de contractualisation d'un partenariat et d'éléments révélateurs d'une organisation partagée ou d'une collaboration régulière, les seuls éléments tenant aux équipements et aux camions, à les supposer établis, sont insuffisants à caractériser la permutabilité du personnel entre [Localité 25] Global et DHL et ses filiales.

C'est donc à bon droit que la société DHL et ses filiales n'ont pas été incluses dans le périmètre du groupe de reclassement.

B) Caravelle

A cet égard, il convient de relever que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise considérait déjà dans son jugement du 11 juillet 2014 et alors que la société [Localité 25] Global n'était pas concernée, que 'la seule participation minoritaire de la société Caravelle dans le capital de la société Arcole Industries est insuffisante, nonobstant l'identité de leurs dirigeants et siège social respectifs, pour caractériser l'existence d'un groupe de sociétés entre les sociétés [Localité 25] Ducros, Arcole Industries et Caravelle'. Comme relevé par les mandataires liquidateurs, le rôle joué par la société Caravelle dans la constitution de la société [Localité 25] Ducros entre-temps liquidée, ne suffit pas à l'intégrer dans le groupe de reclassement dès lors qu'aucun élément ne vient étayer la possibilité d'une permutation de personnel entre les sociétés [Localité 25] Global et Caravelle.

Ainsi, à défaut de tout autre élément, la seule participation de la société Caravelle dans le capital de la société Arcole Industries est insuffisante, malgré l'identité de leurs dirigeants et siège social respectifs, pour laisser supposer la possibilité d'une permutation de son personnel avec celui de la société [Localité 25] Global.

Dès lors, la société Caravelle et ses filiales n'avaient pas à être intégrées au périmètre du groupe de reclassement.

Au vu de ces éléments, il apparaît que c'est à juste titre que le périmètre du groupe de reclassement a été fixé au groupe Arcole tel que défini ci-dessus.

Par conséquent, les salariés doivent être déboutés de leur demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour violation de l'obligation de reclassement consécutive à l'irrégularité du périmètre de reclassement.

Le jugement est confirmé de ce chef.

2. Sur les recherches de reclassement

Les salariés, sans remettre en cause le motif économique de leur licenciement, soutiennent que Me [Y] ès-qualités n'a pas effectué de recherche active, précise et sérieuse des possibilités de reclassement au sein du groupe, se contentant de l'envoi de simples lettres circulaires dépourvues de la liste des emplois supprimés et de leurs catégories professionnelles, soulignant que cette liste était en sa possession puisqu'il l'a adressée aux sociétés n'appartenant pas au groupe dans le cadre d'un éventuel reclassement externe.

Ils observent ensuite que le jugement de liquidation judiciaire a prévu la continuation de l'activité de l'entreprise jusqu'au 30 avril 2015, délai prolongé jusqu'au 30 octobre 2015 par jugements des 5 mai et 29 juillet 2015, soit pendant 7 mois, et que l'administrateur bénéficiait dès lors d'un temps conséquent pour procéder aux recherches de reclassement.

Ils notent également que les organes de la procédure collective ont réalisé des démarches de reclassement avant le 31 mars 2015, date du prononcé de la liquidation judiciaire, alors que l'on ignorait qui et combien de salariés seraient licenciés, et leur reprochent de ne pas les avoir réitérées postérieurement alors que la liste des salariés concernés était alors connue. Ils soulignent à cet égard que les courriers sur lesquels s'appuient les intimés ont été adressés entre le 9 et le 26 mars 2015 dans le cadre d'un projet de cession de la société [Localité 25] Global qui n'a pas eu lieu, qu'aucune démarche n'a été effectuée après le 26 mars 2015 auprès des sociétés situées en France, qu'eux-mêmes ont été licenciés le 27 avril 2015 alors même que toutes les sociétés sollicitées n'avaient pas répondu, et que dans ce laps de temps des emplois ont pu devenir disponibles et auraient pu leur être proposés.

Me [M] et Me [H] ès-qualités soutiennent pour leur part, que l'administrateur judiciaire a parfaitement respecté son obligation de reclassement, ce dans un délai contraint, rappelant que le respect de celle-ci doit être apprécié en tenant compte des éléments inhérents et propres à la procédure collective dont la société [Localité 25] Global faisait l'objet.

Ils observent que l'obligation de reclassement naît au jour de l'apparition de la cause de licenciement, et qu'au vu de la situation financière de la société [Localité 25] Global, les licenciements étaient envisagés alors même qu'elle était en redressement judiciaire. Ils en déduisent que les démarches engagées avant le 31 mars 2015 entrent dans le cadre de l'obligation de reclassement.

Quant aux recherches proprement dites, ils font valoir qu'entre le 9 et le 19 mars 2015 l'administrateur judiciaire a adressé à toutes les sociétés du groupe Arcole une lettre les informant du projet de cession engagé à l'égard de la société [Localité 25] Global et les questionnant sur leurs besoins en matière d'emploi à laquelle était jointe une fiche de proposition de poste, que 18 d'entre elles ont été relancées le 26 mars 2015, que l'administrateur judiciaire a procédé à de nouvelles relances les 2 et 13 avril 2015, et qu'il n'a reçu en tout et pour tout que 6 offres d'emploi. Ils observent que M. [V], M. [HF], M. [J] et Mme [MW] ont refusé celles correspondant à leur qualification et qu'aucun poste ne correspondait au profil de M. [ZE].

Enfin, ils ajoutent que l'administrateur judiciaire a en outre procédé à des recherches externes au groupe en adressant un courrier le 20 mars 2015 aux 1 000 premiers transporteurs en termes de chiffre d'affaires et aux 2 000 sous-traitants ou partenaires de [Localité 25] Global, puis un second courrier le 26 mars 2015 aux 30 représentations départementales et régionales de la Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR) et aux 10 représentations régionales de l'Union des Entreprises de Transport et de Logistique de France les informant de la situation de la société [Localité 25] Global et leur adressant la liste des catégories professionnelles risquant d'être supprimées.

Il est acquis que le licenciement collectif visait l'ensemble du personnel de la société [Localité 25] Global, soit 2158 personnes, et qu'aucune solution de reclassement ne pouvait être envisagée en interne en raison de la liquidation judiciaire de la société.

Les liquidateurs judiciaires démontrent tout d'abord que les causes des licenciements pour motif économique des salariés de la société [Localité 25] Global ne sont pas apparues au jour du jugement de liquidation judiciaire mais étaient identifiées bien avant. Il est établi que par ordonnance du 7 novembre 2014, une procédure de conciliation a été édictée par le président du tribunal de commerce de Bobigny ayant notamment pour objet la mise en place des moyens de financement nécessaire à la réalisation du retournement de la société [Localité 25] Global qui affichait à l'époque une perte de plus de 27 millions d'euros sur la période de février à septembre 2014.

Puis par jugement du 10 février 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert, sur déclaration de cessation des paiements, une procédure de redressement judiciaire au profit de la société [Localité 25] Global. Dès le 18 mars 2015, l'administrateur judiciaire constatait dans un rapport transmis à la juridiction commerciale qu'aucune des offres déposées ne réunissait les critères prévus par les dispositions légales pour s'inscrire dans le cadre d'un plan de cession permettant la pérennité de l'activité, la sauvegarde de l'emploi et le désintéressement des créanciers. Il ajoutait que la trésorerie de l'entreprise et les conditions d'exploitation qui s'étaient fortement dégradées, le contraignaient à solliciter la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, avec poursuite d'activité d'un mois à effet de mettre en place le plan de sauvegarde de l'emploi. Le jugement de liquidation judiciaire du 31 mars 2015 confirme que dès le placement en redressement judiciaire, il est apparu aux organes de la procédure que la trésorerie de [Localité 25] Global qui s'élevait à 11,1 millions d'euros début février 2015, serait très rapidement insuffisante pour permettre une poursuite de la période d'observation, faute de règlement de l'échéance de ses très nombreux sous-traitants représentant un décaissement de 29 millions d'euros. En conséquence, l'obligation de reclassement n'est pas née à la date du jugement de liquidation judiciaire mais bien avant. Les démarches engagées par l'administrateur courant mars 2015, soit avant ledit jugement, s'inscrivent donc dans le cadre de cette obligation et il n'était pas tenu de les réitérer après le prononcé de la liquidation judiciaire.

L'obligation de reclassement était de surcroît enserrée dans des délais contraints. C'est à partir du jugement de liquidation judiciaire du 31 mars 2015 que les délais fixés par l'article L.3253-8 du code du travail ont commencé à courir et notamment l'intervention de l'AGS dans le seul intérêt financier des salariés, étant relevé que l'absence de trésorerie de l'entreprise ne permettait plus d'assurer le règlement de l'intégralité des salaires à compter du mois de mars 2015. Il est observé que l'administrateur n'avait alors pas connaissance des jugements des 5 mai et 29 juillet 2015 prolongeant l'activité de la société pour les seuls besoins de la liquidation judiciaire jusqu'au 30 octobre 2015, intervenus postérieurement à la date à laquelle il exécutait son obligation de reclassement dans le délai restreint prévu à l'article L.3253-8 du code du travail qui s'imposait à lui. En outre, le maintien provisoire de l'activité pour les besoins de la liquidation judiciaire n'est pas un droit mais une possibilité de sorte que l'administrateur n'avait aucune certitude sur ce point et ne pouvait sans risque, décider de ne pas mener à son terme la procédure de licenciement des salariés dans les délais légaux suivant le jugement du 31 mars 2015. Les salariés ne peuvent donc valablement soutenir que l'administrateur disposait de plus de temps pour mettre en oeuvre l'obligation de reclassement.

C'est ainsi que Me [Y] ès-qualités a adressé un courrier de recherche de reclassement à partir du 9 mars 2015 aux sociétés du groupe Arcole Industries rédigé dans ces termes :

"Par décision du tribunal de commerce de Bobigny en date du 10 février 2015, notre société d'administrateurs judiciaires, prise en ma personne, a été nommée en qualité d'administrateur judiciaire de la société Sas [Localité 25] Global.

A ce titre, je vous informe que la situation de l'entreprise fait qu'un projet de cession a été engagé à l'égard de la Sas [Localité 25] Global.

A cette occasion, il est prévisible que des postes tant dans la filière transport que dans la filière administrative soient supprimés.

Conformément aux dispositions légales et sachant que l'entreprise fait partie d'un groupe, je vous sollicite afin de connaître vos besoins en matière d'emploi.

A cet effet, vous trouverez ci-joint un formulaire à me retourner permettant de recenser les caractéristiques essentielles du ou des postes que vous seriez en mesure de proposer en France comme à l'étranger.

Le cas échéant, je vous prie de me préciser les raisons pour lesquelles aucun poste ne serait à pourvoir au sein de votre entreprise et de ses établissements.

Par ailleurs, je vous invite à me faire part des moyens que le groupe et les entreprises le constituant sont à même de mettre en place dans le cadre des mesures d'accompagnement afin de limiter les conséquences de la mesure de restructuration envisagée et de faciliter le retour à 1'emploi des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité ".

Chacun de ces courriers est accompagné d'un formulaire de réponse intitulé 'fiche de proposition de poste (merci de compléter une fiche par poste)' que les sociétés interrogées sont invitées à renseigner précisément sur le ou les postes disponibles, notamment son intitulé, le statut, le coefficient, le détail des attributions (résumé du poste), la nature du contrat avec la durée minimale en cas de contrat à durée déterminée, les diplômes ou certificats requis, la rémunération, le lieu d'exécution, et la durée et les horaires de travail.

Si la liste des emplois supprimés et la catégorie professionnelle des salariés n'est pas jointe à ces courriers, il ne saurait être considéré que ces recherches ne sont ni sérieuses ni loyales au regard du nombre de salariés concernés par la procédure de licenciement (2158) et du respect des délais impartis par la procédure collective justifiant de procéder de la sorte, peu important que cette liste ait été transmise aux sociétés sollicitées au titre du reclassement externe. Par ailleurs, il est observé que les courriers de recherche de reclassement font état de la suppression de postes tant dans la filière transport que dans la filière administrative et comprend un formulaire de réponse aux fins de recenser avec précision tous les postes disponibles au sein des sociétés du groupe Arcole, quelles que soient leurs caractéristiques.

Les intimés communiquent en outre les réponses de 16 sociétés du groupe Arcole et les courriers de relance jusqu'au 13 avril 2015 à celles n'ayant pas répondu, étant précisé que celles-ci n'ont aucune obligation de cet ordre. Ces démarches ont permis l'identification de six emplois disponibles.

C'est ainsi qu'il a été proposé à M. [V] et M. [HF] les postes de responsable technique et de responsable exploitation, à M. [J] le poste de responsable d'exploitation et à Mme [MW] le poste de chargée de clientèle, propositions auxquelles ils n'ont donné aucune suite alors même qu'ils ne contestent pas l'adéquation de ces propositions à leurs profils respectifs. Il n'est par ailleurs pas contesté que la qualification et les aptitudes de M. [ZE] ne permettaient pas de lui proposer l'un des six postes identifiés.

Il est enfin établi que cette recherche de reclassement interne a été complétée par une recherche de reclassement externe auprès de plusieurs centaines d'entreprises de transport ainsi qu'auprès d'organismes professionnels du transport routier et de logistique.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'administrateur judiciaire a ainsi procédé à une recherche sérieuse et loyale de reclassement des salariés.

Le licenciement repose en conséquence sur une cause réelle et sérieuse, et les salariés doivent être déboutés de leur demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de la violation de l'obligation individuelle de reclassement consécutive à l'irrégularité des recherches effectuées par l'employeur.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Les salariés sont déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel et condamnés chacun, à payer la somme de 100 euros à la société Arcole Industries, et la somme de 100 euros à M. [M] et Me [H] ès-qualités au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles d'appel.

Les salariés qui succombent à l'instance sont condamnés in solidum aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu le 14 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes d'Angers en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

CONDAMNE chacun des salariés, M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] à payer à la Sas Arcole Industries la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel ;

CONDAMNE chacun des salariés, M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] à payer à la Selas MJS Partners prise en la personne de Me [R] [M] et la Selafa MJA prise en la personne de Me [O] [H], ès-qualités de co-mandataires liquidateurs de la société [Localité 25] Global, la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles d'appel ;

DEBOUTE M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel ;

CONDAMNE in solidum M. [B] [V], M. [NK] [J], M. [S] [HF], Mme [K] [MW] et M. [W] [ZE] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

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