CA Lyon, ch. soc. a, 1 octobre 2025, n° 22/06549
LYON
Arrêt
Autre
AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 22/06549 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ORB2
[Y]
C/
S.A.R.L. AMEDURI
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 06 Septembre 2022
RG : 20/00964
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2025
APPELANT :
[O] [Y]
né le 09 Mai 1963 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Amaury CANTAIS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SOCIETE AMEDURI
RCS DE [Localité 8] N° 423 920 636
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Philippe TRUCHE, avocat au barreau de LYON substitué par Me François-xavier LECLERC, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Juin 2025
Présidée par Antoine-Pierre D'USSEL, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Catherine MAILHES, présidente
- Anne BRUNNER, conseillère
- Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 01 Octobre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DU LITIGE
La société Ameduri (ci-après la société, ou l'employeur), venant aux droits de la société Romzy, exploite un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie à [Localité 10], sous l'enseigne Boulangerie Félicie et Michel.
Au moment des faits, elle employait habituellement 10 salariés, et applique les dispositions de la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie artisanale.
M. [Y] a été embauché le 2 janvier 2014 par la société en qualité de boulanger, d'abord dans le cadre d'un contrat à durée déterminé, puis, à compter du 1er octobre 2019, d'un contrat à durée indéterminée, pour une durée de travail de 42 heures hebdomadaires sur 6 jours.
Le 17 février 2017, le salarié a été victime d'un accident de travail, dont le caractère professionnel a été reconnu le 2 mars 2017 par la CPAM du Rhône. Il a été placé en arrêt de travail à compter du 17 février 2019, lequel s'est poursuivi jusqu'à la fin de son contrat de travail.
Le 10 septembre 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude en précisant : " ne peut pas effectuer d'efforts physiques ; peut être reclassé sur des tâches de type commerciales ou administratives ".
Par courrier recommandé du 23 septembre 2019, l'employeur a informé le salarié que ses recherches de reclassement étaient restées vaines, et, le 25 septembre suivant, l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 4 octobre 2019.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 octobre 2019, l'employeur a notifié à M. [Y] son licenciement pour inaptitude dans les termes suivants : " comme suite à l'entretien préalable que nous avons eu le vendredi 4 octobre 2019 à 11h30 par application de l'article L. 1132 - 6 du code du travail, nous vous notifions par la présente votre licenciement et ce, pour les motifs exposés lors de cet entretien à savoir :
Le 10 septembre 2019 dernier, Madame le médecin du travail vous déclarait inapte à votre emploi de boulanger en nous précisant : " ne peut effectuer d'efforts physiques, peut être reclassé sur des tâches de type commerciales ou administratives ".
Conformément aux dispositions de l'article R. 4624 - 42 du code du travail, vous avez pu échanger au cours de cet examen médical avec le médecin du travail sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de votre poste ou la nécessité de proposer un changement de poste, vous permettant le cas échéant de formuler des éventuelles observations.
En outre, préalablement à la visite du 10 septembre 2019, une étude de poste et des conditions de travail a été réalisées par le médecin du travail dans l'entreprise.
À la suite de nos échanges avec le médecin du travail sur l'avis et les propositions qu'il envisageait, le docteur [H] [R] vous a déclaré inapte en date du 10 septembre 2019 dans les termes rappelés ci-dessus.
Par courrier du 18 septembre 2019, nous avons demandé au docteur [H] de nous confirmer qu'aucun poste sur le laboratoire Boulangerie - pâtisserie ne pouvait vous être proposée. Nous lui indiquions par ailleurs qu'aucun poste administratif ou commercial ne pouvait vous être proposé compte tenu de notre organisation actuelle.
Nous avons également interrogé la maison de la Boulangerie Loire Rhône afin qu'elle puisse éventuellement diffuser auprès de ses adhérents notre recherche de reclassement, et ce nonobstant les conclusions très restrictives émises par Madame le médecin du travail.
Nous avons enfin interrogé la SARL Géocea pour connaître leurs éventuelles vacances de poste qui aurait pu être compatible avec les préconisations de Madame le médecin du travail.
Nos tentatives de reclassement se sont malheureusement révélées vaines tant en raison des prescriptions très restrictives édictées par le médecin du travail qu'en raison de l'activité et de la taille dans l'entreprise, comme nous vous l'avons indiqué aux termes de notre courrier du 23 septembre 2019.
Ce constat nous conduit donc à procéder à votre licenciement pour inaptitude médicalement constatée, sans qu'aucun reclassement ne soit possible, y compris par mutation, transformation, adaptation ou aménagement de poste.
La date d'envoi de cette lettre à votre domicile fixera la date de rupture de votre contrat de travail (') ".
Par requête du 6 septembre 2019, le salarié a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de Lyon aux fins d'obtenir réparation du préjudice causé par la résistance abusive de la société relative au rappel de salaire correspondant à son stage de reconversion pour la période du 24 juin au 12 juillet 2019. Par une ordonnance du 30 octobre 2019, la formation des référés du conseil de prud'hommes de Lyon a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.
Parallèlement, le 1er avril 2020, le salarié a saisi le tribunal judiciaire de Vienne d'une demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de son accident du travail.
Par jugement du 5 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Vienne a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes, décision confirmée par arrêt de la chambre de la protection sociale de la cour d'appel de Grenoble du 8 décembre 2023.
Contestant le licenciement dont il a fait l'objet, M. [Y] a, par requête déposée le 23 avril 2020, saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir ordonner à titre provisionnel, la communication du registre unique du personnel, dire et juger que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité et de préservation de l'état de santé de son salarié, juger que la recherche de reclassement n'a pas été sérieuse, et, en conséquence, juger que le licenciement pour inaptitude dont il a fait l'objet est sans cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur à lui payer la somme de 13.066,56 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 6 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
- Débouté M. [Y] de toutes ses demandes ;
- Condamné M. [Y] aux entiers dépens ;
- Débouté la société de l'ensemble de ses demandes.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 29 septembre 2022, le salarié a interjeté appel de ce jugement aux fins d'infirmation en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes et condamné aux entiers dépens.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 13 octobre 2022, le salarié demande à la cour de :
- Infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 6 septembre 2022 ;
Et statuant à nouveau,
- Dire et juger que la société n'a pas respecté son obligation de sécurité et de préservation de l'état de santé de son salarié ;
- Dire et juger que la recherche de reclassement n'a pas été sérieuse ;
En conséquence,
- Dire et juger que le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société à lui payer la somme de 13 066,56 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société à payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 4 janvier 2023, la société, demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon ;
En conséquence,
- Débouter M. [Y] de l'intégralité de ses moyens, fins et prétentions ;
- Condamner M. [Y] à verser à la société la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner le même aux entiers dépens.
La clôture des débats a été ordonnée le 22 mai 2025 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 2 juin 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS
A titre liminaire, il sera rappelé que les " demandes " tendant à voir " constater " ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des " demandes " tendant à voir " dire et juger " lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
I - Sur la contestation du bien fondé du licenciement pour inaptitude.
Au soutien de sa contestation du licenciement pour inaptitude dont il a fait l'objet, le salarié fait valoir d'une part que celle-ci est la conséquence des manquements de l'employeur, et ensuite, que ce dernier a manqué à son obligation de reclassement.
L'employeur conteste tout manquement à son obligation de prévention des risques et de préservation de l'état de santé du salarié, et indique que la salariée sur le témoignage de laquelle s'appuie le salarié n'était pas présente le jour de l'accident, et qu'elle a un initié un litige prud'homal à l'encontre de l'employeur. Il soutient encore avoir respecté son obligation de reclassement.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, " l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ".
L'article L. 1226-2 du code du travail énonce que " lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (')
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté (') ".
L'article L. 1226-2-1 du même code dispose que " lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel (') ".
Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse lorsque le comportement fautif de l'employeur est à l'origine de l'inaptitude du salarié.
1 - En ce qui concerne en premier lieu le manquement allégué à l'obligation de prévention des risques et de préservation de l'état de santé du salarié, le salarié fait valoir que, le 17 février 2017, alors qu'il travaillait au sein du magasin de [Localité 10], il a chuté sur le sol de sa hauteur en glissant sur le sol lavé avec du produit vaisselle et alors qu'il ne portait pas de chaussures de sécurité. Au vu des pièces produites par les parties, doivent être retenus les éléments suivants :
- Le certificat médical initial du 18 février 2017 consécutif à l'accident du travail du salarié mentionne au titre des constatations détaillées : " épaule droite : contusion " ; le caractère professionnel de cet accident du travail a été reconnu par la CPAM du Rhône le 2 mars 2017. Ces constatations médicales ont conduit les juridictions de la protection sociale à écarter les allégations du demandeur aux termes desquels sa chute aurait provoqué un traumatisme crânien avec perte de connaissance (décisions précitées).
- Le salarié produit deux attestations de Mme [K] indiquant pour la première (P 18) que l'employeur n'a jamais fourni à M. [Y] comme à ses autres salariés de chaussures de sécurité ; pour la seconde (P 19), établie le 1er avril 2022, que, " ce jour-là ", M. [Y] ne portait pas de chaussures de sécurité mais " des baskets jaunes ", l'employeur n'en fournissant pas à ses salariés - sauf aux apprentis - pour des questions de coût. Elle ajoute que les salariés étaient souvent en manque de produits d'entretien pour laver les sols, de sorte qu'ils étaient obligés de prendre du produit vaisselle, et de demander aux magasins de [Localité 5] et [Localité 11] de leur en fournir.
L'employeur conteste cette attestation en indiquant que cette salariée a un contentieux prud'homal avec lui, et produit l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Lyon du 10 juin 2020 en justifiant. Il soutient également que Mme [K] était affectée à un autre magasin le jour de l'accident, mais son nom ne figure pas sur le planning fourni (une salariée est dénommée sous le prénom " [C] ", mais son patronyme ne correspond pas et aucune indication n'est donnée sur le fait que le nom figurant sur le planning soit un nom d'usage de Mme [K]).
- L'employeur verse au débat l'attestation de M. [E], chef-pâtissier, qui était présent au moment des faits, selon le courrier du 11 mai 2019 de saisine de la CPAM cité dans l'arrêt de la cour d'appel de [6] du 8 décembre 2023. Celui-ci indique : " Je suis effaré par la mauvaise foi de mon collègue [O] [Y] et par ses mensonges ('). J'atteste formellement n'avoir jamais demandé à M. [Y] de laver le sol avec du produit vaisselle. Nous (ne) sommes jamais en rupture de stock concernant les produits de nettoyage des sols puisque des commandes sont passées régulièrement afin d'éviter ce type de désagrément. Etant moi-même présent sur les lieux au moment de l'accident, j'atteste que le sol n'était absolument pas glissant ('). M. [Y] est certes tombé dans le laboratoire (') mais il n'a jamais perdu connaissance et s'est immédiatement relevé ".
En réponse aux accusations de faux du salarié, l'employeur précise que M. [E] ne fait plus partie des effectifs de l'entreprise : si ce dernier ne le précise pas explicitement, il a en revanche indiqué qu'il n'avait pas de lien de subordination dans le cadre de son attestation.
- L'employeur produit également une facture d'achat de 10 litres de nettoyant professionnel du 13 février 2017, soit 4 jours avant l'accident.
- Il produit encore l'attestation de M. [M], qui indique être salarié, affecté en production depuis une vingtaine d'années et qu'il venait quotidiennement au magasin de [Localité 10]. Il poursuit : " J'ai toujours vu M. [Y] avec des chaussures de sécurité jaunes très visibles vu la couleur. L'entreprise a toujours fourni des chaussures de sécurité aux salariés ".
- Sont également versées au débat deux factures d'achat de chaussures de sécurité en septembre et octobre 2018 (P 25), c'est-à-dire postérieurement à l'accident, ainsi qu'un courriel du 6 septembre 2019 de la société à l'Agemetra relatif chaussures de sécurité adaptées pour l'intéressé, ainsi qu'un courriel de mai 2018 relatif à l'achat de chaussures de sécurité adaptées pour une autre salariée.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le seul témoignage de Mme [K] produit par le salarié est contredit, en ce qui concerne l'absence de produit nettoyage, par le témoignage de M. [E] et la facture d'achat de produits d'entretien quelques jours avant l'accident ; qu'en ce qui concerne l'absence de fourniture de chaussures de sécurité, il est contredit par le témoignage de M. [M], l'employeur démontrant de surcroît l'achat de telles chaussures postérieurement à l'accident. Ces éléments, alliés au fait que l'attestante a eu un contentieux avec l'employeur - ce qui affecte la crédibilité de son témoignage -, conduisent à considérer qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation de prévention des risques et de préservation de l'état de santé du salarié n'est caractérisé.
2 - En ce qui concerne l'obligation de reclassement, il apparaît qu'à la suite de l'avis d'inaptitude du 10 septembre 2019 dans lequel le médecin du travail a mentionné : " Ne peut pas effectuer d'efforts physiques ; peut être reclassé sur des tâches de type commerciales ou administratives ", l'employeur s'est rapproché du médecin du travail pour lui demander de lui confirmer " qu'aucun poste en production sur le laboratoire boulangerie ne peut aujourd'hui être proposé (au) salarié ", et en lui précisant qu'une telle restriction ne permettrait pas son reclassement interne (courrier du 18 septembre 2019).
Par courrier du 24 septembre 2019, le médecin du travail lui a répondu : " Je vous confirme qu'un poste en production même aménagé n'est pas envisageable ".
La société justifie avoir transmis, le 20 septembre 2019, un courrier à la [Adresse 9], dont elle indique qu'il s'agit d'une organisation professionnelle syndicale, pour qu'elle interroge ses adhérents sur une possibilité éventuelle de reclassement de l'intéressé. Elle indique ne pas avoir eu de réponse à sa demande.
Pour sa part, après consultation du registre unique du personnel, le salarié estime qu'auraient dû lui être proposés un certain nombre de postes au vu notamment de l'obtention de son diplôme de technico-commercial. A ce sujet, il convient de retenir les éléments suivants :
- Le poste de vendeur (sandwicherie ou boulangerie) implique des manipulations physiques importantes et constantes, tel qu'il résulte des attestations de salariés et photographies produites par l'employeur (P 31 à 36), incompatibles avec les restrictions médicales précitées qui proscrivent tout effort physique et limitent les possibilités de reclassement aux fonctions commerciales ou administratives ;
- Les postes en apprentissage n'étaient pas ouverts au salarié, dans la mesure où celui-ci était âgé de 57 ans au jour du licenciement, et avait donc largement dépassé la limite d'âge de ce type de contrat, fixée à 29 ans (sauf dérogation) par les articles L. 6222-1 et suivants du code du travail ; de surcroît, il s'agissait également de postes de vendeur, de sorte que la réserve ci-dessus s'appliquaient à eux également.
Dès lors, il est constaté que l'employeur a satisfait à son obligation de recherche de reclassement. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes.
II - Sur les autres demandes.
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens.
Succombant à l'instance, le salarié sera débouté de ses demandes sur ces fondements.
L'équité commande de le condamner à payer à l'employeur la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles. Il sera en outre condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile,
Dans la limite de la dévolution,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Lyon dans le litige opposant M. [Y] à la société Ameduri ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE M. [Y] à verser à la société Ameduri la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
CONDAMNE M. [Y] aux entiers dépens de l'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
RAPPORTEUR
N° RG 22/06549 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ORB2
[Y]
C/
S.A.R.L. AMEDURI
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 06 Septembre 2022
RG : 20/00964
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2025
APPELANT :
[O] [Y]
né le 09 Mai 1963 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Amaury CANTAIS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SOCIETE AMEDURI
RCS DE [Localité 8] N° 423 920 636
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Philippe TRUCHE, avocat au barreau de LYON substitué par Me François-xavier LECLERC, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Juin 2025
Présidée par Antoine-Pierre D'USSEL, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Catherine MAILHES, présidente
- Anne BRUNNER, conseillère
- Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 01 Octobre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DU LITIGE
La société Ameduri (ci-après la société, ou l'employeur), venant aux droits de la société Romzy, exploite un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie à [Localité 10], sous l'enseigne Boulangerie Félicie et Michel.
Au moment des faits, elle employait habituellement 10 salariés, et applique les dispositions de la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie artisanale.
M. [Y] a été embauché le 2 janvier 2014 par la société en qualité de boulanger, d'abord dans le cadre d'un contrat à durée déterminé, puis, à compter du 1er octobre 2019, d'un contrat à durée indéterminée, pour une durée de travail de 42 heures hebdomadaires sur 6 jours.
Le 17 février 2017, le salarié a été victime d'un accident de travail, dont le caractère professionnel a été reconnu le 2 mars 2017 par la CPAM du Rhône. Il a été placé en arrêt de travail à compter du 17 février 2019, lequel s'est poursuivi jusqu'à la fin de son contrat de travail.
Le 10 septembre 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude en précisant : " ne peut pas effectuer d'efforts physiques ; peut être reclassé sur des tâches de type commerciales ou administratives ".
Par courrier recommandé du 23 septembre 2019, l'employeur a informé le salarié que ses recherches de reclassement étaient restées vaines, et, le 25 septembre suivant, l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 4 octobre 2019.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 octobre 2019, l'employeur a notifié à M. [Y] son licenciement pour inaptitude dans les termes suivants : " comme suite à l'entretien préalable que nous avons eu le vendredi 4 octobre 2019 à 11h30 par application de l'article L. 1132 - 6 du code du travail, nous vous notifions par la présente votre licenciement et ce, pour les motifs exposés lors de cet entretien à savoir :
Le 10 septembre 2019 dernier, Madame le médecin du travail vous déclarait inapte à votre emploi de boulanger en nous précisant : " ne peut effectuer d'efforts physiques, peut être reclassé sur des tâches de type commerciales ou administratives ".
Conformément aux dispositions de l'article R. 4624 - 42 du code du travail, vous avez pu échanger au cours de cet examen médical avec le médecin du travail sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de votre poste ou la nécessité de proposer un changement de poste, vous permettant le cas échéant de formuler des éventuelles observations.
En outre, préalablement à la visite du 10 septembre 2019, une étude de poste et des conditions de travail a été réalisées par le médecin du travail dans l'entreprise.
À la suite de nos échanges avec le médecin du travail sur l'avis et les propositions qu'il envisageait, le docteur [H] [R] vous a déclaré inapte en date du 10 septembre 2019 dans les termes rappelés ci-dessus.
Par courrier du 18 septembre 2019, nous avons demandé au docteur [H] de nous confirmer qu'aucun poste sur le laboratoire Boulangerie - pâtisserie ne pouvait vous être proposée. Nous lui indiquions par ailleurs qu'aucun poste administratif ou commercial ne pouvait vous être proposé compte tenu de notre organisation actuelle.
Nous avons également interrogé la maison de la Boulangerie Loire Rhône afin qu'elle puisse éventuellement diffuser auprès de ses adhérents notre recherche de reclassement, et ce nonobstant les conclusions très restrictives émises par Madame le médecin du travail.
Nous avons enfin interrogé la SARL Géocea pour connaître leurs éventuelles vacances de poste qui aurait pu être compatible avec les préconisations de Madame le médecin du travail.
Nos tentatives de reclassement se sont malheureusement révélées vaines tant en raison des prescriptions très restrictives édictées par le médecin du travail qu'en raison de l'activité et de la taille dans l'entreprise, comme nous vous l'avons indiqué aux termes de notre courrier du 23 septembre 2019.
Ce constat nous conduit donc à procéder à votre licenciement pour inaptitude médicalement constatée, sans qu'aucun reclassement ne soit possible, y compris par mutation, transformation, adaptation ou aménagement de poste.
La date d'envoi de cette lettre à votre domicile fixera la date de rupture de votre contrat de travail (') ".
Par requête du 6 septembre 2019, le salarié a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de Lyon aux fins d'obtenir réparation du préjudice causé par la résistance abusive de la société relative au rappel de salaire correspondant à son stage de reconversion pour la période du 24 juin au 12 juillet 2019. Par une ordonnance du 30 octobre 2019, la formation des référés du conseil de prud'hommes de Lyon a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.
Parallèlement, le 1er avril 2020, le salarié a saisi le tribunal judiciaire de Vienne d'une demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de son accident du travail.
Par jugement du 5 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Vienne a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes, décision confirmée par arrêt de la chambre de la protection sociale de la cour d'appel de Grenoble du 8 décembre 2023.
Contestant le licenciement dont il a fait l'objet, M. [Y] a, par requête déposée le 23 avril 2020, saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir ordonner à titre provisionnel, la communication du registre unique du personnel, dire et juger que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité et de préservation de l'état de santé de son salarié, juger que la recherche de reclassement n'a pas été sérieuse, et, en conséquence, juger que le licenciement pour inaptitude dont il a fait l'objet est sans cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur à lui payer la somme de 13.066,56 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 6 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
- Débouté M. [Y] de toutes ses demandes ;
- Condamné M. [Y] aux entiers dépens ;
- Débouté la société de l'ensemble de ses demandes.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 29 septembre 2022, le salarié a interjeté appel de ce jugement aux fins d'infirmation en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes et condamné aux entiers dépens.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 13 octobre 2022, le salarié demande à la cour de :
- Infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 6 septembre 2022 ;
Et statuant à nouveau,
- Dire et juger que la société n'a pas respecté son obligation de sécurité et de préservation de l'état de santé de son salarié ;
- Dire et juger que la recherche de reclassement n'a pas été sérieuse ;
En conséquence,
- Dire et juger que le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société à lui payer la somme de 13 066,56 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société à payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 4 janvier 2023, la société, demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon ;
En conséquence,
- Débouter M. [Y] de l'intégralité de ses moyens, fins et prétentions ;
- Condamner M. [Y] à verser à la société la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner le même aux entiers dépens.
La clôture des débats a été ordonnée le 22 mai 2025 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 2 juin 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS
A titre liminaire, il sera rappelé que les " demandes " tendant à voir " constater " ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des " demandes " tendant à voir " dire et juger " lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
I - Sur la contestation du bien fondé du licenciement pour inaptitude.
Au soutien de sa contestation du licenciement pour inaptitude dont il a fait l'objet, le salarié fait valoir d'une part que celle-ci est la conséquence des manquements de l'employeur, et ensuite, que ce dernier a manqué à son obligation de reclassement.
L'employeur conteste tout manquement à son obligation de prévention des risques et de préservation de l'état de santé du salarié, et indique que la salariée sur le témoignage de laquelle s'appuie le salarié n'était pas présente le jour de l'accident, et qu'elle a un initié un litige prud'homal à l'encontre de l'employeur. Il soutient encore avoir respecté son obligation de reclassement.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, " l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ".
L'article L. 1226-2 du code du travail énonce que " lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (')
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté (') ".
L'article L. 1226-2-1 du même code dispose que " lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel (') ".
Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse lorsque le comportement fautif de l'employeur est à l'origine de l'inaptitude du salarié.
1 - En ce qui concerne en premier lieu le manquement allégué à l'obligation de prévention des risques et de préservation de l'état de santé du salarié, le salarié fait valoir que, le 17 février 2017, alors qu'il travaillait au sein du magasin de [Localité 10], il a chuté sur le sol de sa hauteur en glissant sur le sol lavé avec du produit vaisselle et alors qu'il ne portait pas de chaussures de sécurité. Au vu des pièces produites par les parties, doivent être retenus les éléments suivants :
- Le certificat médical initial du 18 février 2017 consécutif à l'accident du travail du salarié mentionne au titre des constatations détaillées : " épaule droite : contusion " ; le caractère professionnel de cet accident du travail a été reconnu par la CPAM du Rhône le 2 mars 2017. Ces constatations médicales ont conduit les juridictions de la protection sociale à écarter les allégations du demandeur aux termes desquels sa chute aurait provoqué un traumatisme crânien avec perte de connaissance (décisions précitées).
- Le salarié produit deux attestations de Mme [K] indiquant pour la première (P 18) que l'employeur n'a jamais fourni à M. [Y] comme à ses autres salariés de chaussures de sécurité ; pour la seconde (P 19), établie le 1er avril 2022, que, " ce jour-là ", M. [Y] ne portait pas de chaussures de sécurité mais " des baskets jaunes ", l'employeur n'en fournissant pas à ses salariés - sauf aux apprentis - pour des questions de coût. Elle ajoute que les salariés étaient souvent en manque de produits d'entretien pour laver les sols, de sorte qu'ils étaient obligés de prendre du produit vaisselle, et de demander aux magasins de [Localité 5] et [Localité 11] de leur en fournir.
L'employeur conteste cette attestation en indiquant que cette salariée a un contentieux prud'homal avec lui, et produit l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Lyon du 10 juin 2020 en justifiant. Il soutient également que Mme [K] était affectée à un autre magasin le jour de l'accident, mais son nom ne figure pas sur le planning fourni (une salariée est dénommée sous le prénom " [C] ", mais son patronyme ne correspond pas et aucune indication n'est donnée sur le fait que le nom figurant sur le planning soit un nom d'usage de Mme [K]).
- L'employeur verse au débat l'attestation de M. [E], chef-pâtissier, qui était présent au moment des faits, selon le courrier du 11 mai 2019 de saisine de la CPAM cité dans l'arrêt de la cour d'appel de [6] du 8 décembre 2023. Celui-ci indique : " Je suis effaré par la mauvaise foi de mon collègue [O] [Y] et par ses mensonges ('). J'atteste formellement n'avoir jamais demandé à M. [Y] de laver le sol avec du produit vaisselle. Nous (ne) sommes jamais en rupture de stock concernant les produits de nettoyage des sols puisque des commandes sont passées régulièrement afin d'éviter ce type de désagrément. Etant moi-même présent sur les lieux au moment de l'accident, j'atteste que le sol n'était absolument pas glissant ('). M. [Y] est certes tombé dans le laboratoire (') mais il n'a jamais perdu connaissance et s'est immédiatement relevé ".
En réponse aux accusations de faux du salarié, l'employeur précise que M. [E] ne fait plus partie des effectifs de l'entreprise : si ce dernier ne le précise pas explicitement, il a en revanche indiqué qu'il n'avait pas de lien de subordination dans le cadre de son attestation.
- L'employeur produit également une facture d'achat de 10 litres de nettoyant professionnel du 13 février 2017, soit 4 jours avant l'accident.
- Il produit encore l'attestation de M. [M], qui indique être salarié, affecté en production depuis une vingtaine d'années et qu'il venait quotidiennement au magasin de [Localité 10]. Il poursuit : " J'ai toujours vu M. [Y] avec des chaussures de sécurité jaunes très visibles vu la couleur. L'entreprise a toujours fourni des chaussures de sécurité aux salariés ".
- Sont également versées au débat deux factures d'achat de chaussures de sécurité en septembre et octobre 2018 (P 25), c'est-à-dire postérieurement à l'accident, ainsi qu'un courriel du 6 septembre 2019 de la société à l'Agemetra relatif chaussures de sécurité adaptées pour l'intéressé, ainsi qu'un courriel de mai 2018 relatif à l'achat de chaussures de sécurité adaptées pour une autre salariée.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le seul témoignage de Mme [K] produit par le salarié est contredit, en ce qui concerne l'absence de produit nettoyage, par le témoignage de M. [E] et la facture d'achat de produits d'entretien quelques jours avant l'accident ; qu'en ce qui concerne l'absence de fourniture de chaussures de sécurité, il est contredit par le témoignage de M. [M], l'employeur démontrant de surcroît l'achat de telles chaussures postérieurement à l'accident. Ces éléments, alliés au fait que l'attestante a eu un contentieux avec l'employeur - ce qui affecte la crédibilité de son témoignage -, conduisent à considérer qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation de prévention des risques et de préservation de l'état de santé du salarié n'est caractérisé.
2 - En ce qui concerne l'obligation de reclassement, il apparaît qu'à la suite de l'avis d'inaptitude du 10 septembre 2019 dans lequel le médecin du travail a mentionné : " Ne peut pas effectuer d'efforts physiques ; peut être reclassé sur des tâches de type commerciales ou administratives ", l'employeur s'est rapproché du médecin du travail pour lui demander de lui confirmer " qu'aucun poste en production sur le laboratoire boulangerie ne peut aujourd'hui être proposé (au) salarié ", et en lui précisant qu'une telle restriction ne permettrait pas son reclassement interne (courrier du 18 septembre 2019).
Par courrier du 24 septembre 2019, le médecin du travail lui a répondu : " Je vous confirme qu'un poste en production même aménagé n'est pas envisageable ".
La société justifie avoir transmis, le 20 septembre 2019, un courrier à la [Adresse 9], dont elle indique qu'il s'agit d'une organisation professionnelle syndicale, pour qu'elle interroge ses adhérents sur une possibilité éventuelle de reclassement de l'intéressé. Elle indique ne pas avoir eu de réponse à sa demande.
Pour sa part, après consultation du registre unique du personnel, le salarié estime qu'auraient dû lui être proposés un certain nombre de postes au vu notamment de l'obtention de son diplôme de technico-commercial. A ce sujet, il convient de retenir les éléments suivants :
- Le poste de vendeur (sandwicherie ou boulangerie) implique des manipulations physiques importantes et constantes, tel qu'il résulte des attestations de salariés et photographies produites par l'employeur (P 31 à 36), incompatibles avec les restrictions médicales précitées qui proscrivent tout effort physique et limitent les possibilités de reclassement aux fonctions commerciales ou administratives ;
- Les postes en apprentissage n'étaient pas ouverts au salarié, dans la mesure où celui-ci était âgé de 57 ans au jour du licenciement, et avait donc largement dépassé la limite d'âge de ce type de contrat, fixée à 29 ans (sauf dérogation) par les articles L. 6222-1 et suivants du code du travail ; de surcroît, il s'agissait également de postes de vendeur, de sorte que la réserve ci-dessus s'appliquaient à eux également.
Dès lors, il est constaté que l'employeur a satisfait à son obligation de recherche de reclassement. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes.
II - Sur les autres demandes.
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens.
Succombant à l'instance, le salarié sera débouté de ses demandes sur ces fondements.
L'équité commande de le condamner à payer à l'employeur la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles. Il sera en outre condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile,
Dans la limite de la dévolution,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Lyon dans le litige opposant M. [Y] à la société Ameduri ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE M. [Y] à verser à la société Ameduri la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
CONDAMNE M. [Y] aux entiers dépens de l'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE