CA Metz, ch. soc.-sect. 1, 8 octobre 2025, n° 22/02708
METZ
Arrêt
Autre
Arrêt n°25/00286
08 Octobre 2025
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N° RG 22/02708 - N° Portalis DBVS-V-B7G-F3OM
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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ
18 Novembre 2022
F 20/00657
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
huit Octobre deux mille vingt cinq
APPELANT :
M. [BN] [XX]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me François BATTLE, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
SAS WILLIS TOWERS WATSON FRANCE (anciennement GRAS SAVOYE) prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant.
Représentée par Me Claire LE TOUZE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
M. François-Xavier KOEHL, Conseiller
Magistrats ayant participé au délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller, substituant la Présidente de chambre regulièrement empêchée, Présidente de chambre, et par Monsieur Alexandre VAZZANA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet du 2 janvier 2004, la SA Gras Savoye a engagé à compter du 1er janvier 2004 M. [BN] [XX] en qualité de directeur du bureau de [Localité 3], statut cadre position HC, moyennant un salaire forfaitaire annuel de 150 000 euros brut et la mise à disposition d'un véhicule de fonction.
La convention collective nationale des entreprises de courtage d'assurances et/ou de réassurances était applicable à la relation de travail.
Selon protocole du 14 septembre 2016, M. [BN] [XX], Mme [D] [XX] et Mme [J] [XX] ont cédé à la SAS Gras Savoye des actions de la SAS Gras Savoye Berger [XX] pour un montant total de 980 096,70 euros.
A la suite de l'acquisition progressive des actions de la société Gras Savoye par la société Willis group holdings plc, la SAS Willis towers Watson France (qui fait partie du groupe Willis Towers Watson) vient aux droits de la société Gras Savoye.
Lors d'une réunion du mois de novembre 2019 organisée par le département de la 'conformité', une juriste 'compliance officer' a évoqué des paiements ordonnés au profit de M. M.M. et de sa société M.M.[V] pendant la période allant de l'année 2008 à l'année 2019.
Une enquête interne a été ordonnée et confiée au cabinet d'avocats [G] [TH] Freehills qui a dressé son rapport le 26 juin 2020.
Par courrier du 19 juin 2020, l'employeur a convoqué M. [XX] à un entretien préalable fixé au 30 juin 2020.
Par lettre du 27 juillet 2020, M. [XX] a été licencié pour faute tenant à des paiements représentant un total de 396 753,62 euros en 'violation des politiques internes', ainsi qu'à une entrave au déroulement de l'enquête interne.
Estimant son licenciement infondé, M. [XX] a saisi, le 16 décembre 2020, la juridiction prud'homale.
Par jugement contradictoire du 18 novembre 2022, la formation paritaire de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Metz :
- a dit le licenciement pour faute simple justifié ;
- a débouté M. [XX] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour préjudice moral et personnel, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- s'est déclaré incompétent pour traiter des demandes :
* de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice professionnel et économique en lien avec un protocole de cession d'actions ;
* au titre de stock-options selon plans d'attribution signés avec la société Willis
towers Watson public limited company ;
- débouté la société Willis towers Watson France, venant aux droits de la société Gras Savoye, de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [XX] 'aux éventuels frais et dépens de l'instance'.
Le 1er décembre 2022, M. [XX] a interjeté appel par voie électronique du jugement qui lui avait été notifié le 19 novembre 2022. (procédure enregistrée sous le numéro 22/2708).
Le 12 janvier 2023, M. [XX] a de nouveau interjeté appel. (procédure enregistrée sous le numéro 23/94).
Le 13 janvier 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures pour l'affaire se poursuivre sous le numéro 22/2708.
Dans ses dernières conclusions remises par voie électronique le 29 juillet 2024, M. [XX] requiert la cour :
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- de dire la juridiction sociale intégralement compétente pour statuer sur tous les chefs de demande ;
- de dire qu'il a été licencié de manière abusive ;
- de condamner la société Willis towers Watson France à lui payer les sommes de :
* 656 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
* 322 813,70 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice professionnel et économique ;
* 287 222,37 euros au titre des stock-options ;
* 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice personnel et moral ;
* 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de rejeter l'appel incident.
A l'appui de ses prétentions, il expose :
- que sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice professionnel et économique a pour fondement l'engagement de non-démarchage et de non- rétablissement qui figure dans le protocole de cession d'actions du 14 septembre 2016 ;
- que cette demande relève de la compétence de la présente juridiction, son préjudice lié à la clause de non-démarchage et de non-rétablissement étant la conséquence de sa perte d'emploi résultant d'un licenciement abusif ;
- que le montant sollicité correspond à la perte de ses salaires annuels ;
- qu'il subit une impossibilité de travailler, y compris en tant que salarié pour une entreprise concurrente.
Il précise :
- qu'il n'a jamais contesté que les stock-options ont été attribuées par une société Willis towers Watson public limited company ;
- qu'il existe néanmoins un lien direct entre la société Willis towers Watson France et lui quant à l'attribution de ces stock-options, de sorte que la juridiction est bien compétente pour statuer sur la demande à ce titre ;
- que l'origine des stock-options importe peu, dès lors qu'elles sont un complément salarial qui lui est garanti, en tant que salarié, par la société Willis towers Watson France.
Il soutient :
- qu'avant même son arrivée en 2004, M. M.M. travaillait déjà avec la société en tant qu'apporteur d'affaires ;
- que la direction de la société Gras Savoye était parfaitement informée depuis l'année 2008 au moins ;
- que, sur le rapport d'activité de l'année 2009, M. M.M. figurait en toute transparence dans la liste de bénéficiaires de retrocessions à hauteur de 57 000 euros ;
- que la connaissance par la direction générale des commissionnements est aussi établie par des attestations de cadres dirigeants ;
- que la direction parisienne effectuait chaque année la déclaration des honoraires versés aux tiers et donc à M. M.M. ;
- que l'organisation de la société est centralisée s'agissant de la comptabilité, du service juridique et de la compliance ;
- que le service financier a bénéficié de tout le temps nécessaire pour procéder à la vérification des bénéficiaires des chèques ;
- que la lettre de licenciement relève comme dates avril 2015, avril 2017, mai 2018, novembre 2018 et mai 2019 ;
- que l'enquête ne saurait interrompre la prescription, eu égard à la connaissance de longue date qu'avait la direction parisienne des commissions versées à M. M.M.
Il fait valoir :
- que l'enquête interne a été diligentée par le cabinet d'avocats [G] [TH] et Freehills, pris en la personne de Maître [C] [F], soit le même cabinet que celui qui est le conseil de l'employeur dans le cadre du présent litige ;
- qu'un autre avocat, Maître [W] [M], intervient dans le mémoire de la société Willis towers Watson France, alors qu'elle a participé, pour le compte de ce cabinet, à l'enquête 'avec une partialité absolue' (sic) ;
- qu'avant même le présent contentieux, son avocat s'est plaint que les auditions n'étaient qu'un simulacre d'enquête interne qui ne faisait que 'cacher la volonté de piéger l'équipe de [Localité 3]' (sic) ;
- que l'enquête interne a été 'totalement dévoyée' (sic), en l'absence d'un véritable respect des droits de la défense, d'information préalable pour préparer sa défense, du refus communication de pièces et du 'développement de l'enquête par effet de surprise' (sic) ;
- que les cadres de l'entreprise qui auraient confirmé la connaissance des faits par la direction parisienne n'ont pas été entendus lors de l'enquête interne ;
- qu'il n'a jamais refusé que participer à un entretien pour les besoins de l'enquête, n'ayant fait que contester le 'process' utilisé.
Il affirme :
- que la société Willis towers Watson France ne peut pas rejeter sur lui une faute imputable à la direction parisienne, à savoir une absence de contrôle et de vérification ;
- que M. M.M. percevait une commission d'environ 36 000 euros en moyenne par an, ce qui représentait moins de 0,1 % du chiffre d'affaires de la société Willis towers Watson France ;
- qu'il n'existait aucune anomalie, avant les années 2015 et 2017, à l'absence de contractualisation des prestations de M. M.M. ;
- que le formalisme utilisé pour mettre un terme aux relations contractuelles avec M. M.M., à savoir la facture de formation du 28 mai 2019, était accepté par la société Gras Savoye '[Localité 4]' ;
- qu'à compter de la mise en place des 'process de conformité', il a été mis un terme aux commissionnements de M. M.M.
Il ajoute :
- qu'à 62 ans, il était encore sans emploi ;
- que son licenciement avait un caractère vexatoire ;
- qu'il a subi un préjudice lié à l'article 4 du protocole de cession d'actions, en ce qu'il a été empêché de retravailler entre la date de son licenciement et le 14 septembre 2021 ;
- que, par l'effet de son licenciement abusif, il ne peut pas bénéficier des stock-options qui lui auraient été attribuées s'il était resté au sein de la société ;
- qu'il doit obtenir indemnisation de la perte de chance qui en résulte ;
- qu'il a subi une atteinte personnelle et morale très importante en raison des conditions dans lesquelles il a été 'limogé', alors qu'il avait une aura extrêmement grande dans le milieu de l'assurance au niveau national.
Dans ses dernières conclusions remises par voie électronique le 16 juillet 2024, la société Willis towers Watson France, venant aux droits de la société Gras Savoye, sollicite que la cour :
à titre principal,
- confirme le jugement, en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de M. [XX] de dommages-intérêts pour préjudice professionnel et économique lié aux dispositions du protocole de cession d'actions et de la demande de paiement des stock-options, puis jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- déboute M. [XX] de l'ensemble de ses prétentions ;
- infirme le jugement pour le surplus ;
à titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement, en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de M. [XX] de dommages-intérêts au titre d'un préjudice professionnel et économique, ainsi que de la demande de paiement de stock-options,
- déboute M. [XX] de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice professionnel et économique ;
- déclare M. [XX] irrecevable en sa demande de paiement de stock-options ;
à titre infiniment subsidiaire,
- déboute M. [XX] de sa demande de paiement de stock-options ;
en tout état de cause,
- condamne M. [XX] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et le même montant pour celle d'appel.
Elle soulève in limine litis l'incompétence matérielle de la cour pour connaître de la demande présentée au titre du préjudice professionnel et économique, aux motifs :
- que cette demande est fondée sur une cession d'actions du 14 septembre 2016 qui est totalement indépendante du contrat de travail et qui prévoit que tout différend serait soumis à la compétence exclusive du tribunal de commerce de Nanterre ;
- que l'engagement de non-démarchage et de non-rétablissement a été contracté dans le cadre exclusif de ce protocole et n'interdit pas, au demeurant, l'exercice d'une activité salariée auprès d'un concurrent ;
- que d'ailleurs, l'obligation s'est appliquée aux deux autres cédants.
Elle soulève aussi l'incompétence de la juridiction prud'homale pour connaître de la demande présentée au titre des stock-options aux motifs :
- que les différents plans d'attribution relatifs aux sommes réclamées ont été signés par M. [XX] avec la société Willis towers Watson public limited company ;
- que les stock-options ont donc été attribuées par une société du groupe qui n'a pas de lien contractuel avec M. [XX] ;
- que l'appartenance de sociétés à un même groupe n'a pas pour effet de faire disparaître la personnalité morale attachée à chaque société du groupe ;
- qu'au demeurant, les trois plans d'attribution contiennent une clause attributive de juridiction donnant compétence exclusive aux tribunaux d'Etat et fédéraux du comté de New York.
Elle réplique :
- que les faits qui ont donné lieu à une enquête interne relèvent de l'activité du département des assurances de personnes ;
- que l'enquête interne, qui portait sur les paiements effectués au profit de M. M.M. ou de sa société pendant la période allant de 2008 à 2019, a conduit à un avertissement et à deux licenciements pour faute simple à l'encontre de M. [XX] et du directeur administratif et financier de l'agence de [Localité 3] ;
- que des documents internes à la société et au groupe rappellent les obligations que ses collaborateurs, et plus particulièrement les membres de la direction, sont tenus de suivre, notamment en matière d'apporteurs d'affaires ;
- que l'enquête interne a démontré que M. [XX] avait violé, de façon répétée, l'ensemble de ces règles fondamentales ;
- qu'un très grand nombre de documents couvrant la période allant de l'année 1999 à l'année 2020 ont été examinés du mois de décembre 2019 au mois de juin 2020 ;
- que tous les salariés entendus ont été informés de leurs droits, conformément au vademecum de l'avocat chargé de l'enquête interne ;
- que, durant les années 2008 à 2019, M. [XX] a déterminé, de manière discrétionnaire, les sommes à verser à M. M.M. et à la société de celui-ci pour un total de 396 753,62 euros sous forme de lettres-chèques dont huit portent sa signature, malgré l'absence de tout contrat, facture, service rendu, de rapport d'évaluation ou d'approbation valide en violation des règles d'affaires et des règles comptables, mais aussi en violation des procédures internes à la société et au groupe, ce dont le salarié avait parfaitement connaissance pendant onze années ;
- que M. [XX] a pris la décision de mettre fin aux relations avec M. M.M. en autorisant le paiement de la somme finale de 29 750 euros HT sur la base d'une facture de formation, alors qu'aucun service de cette nature n'avait été fourni à la société ;
- que l'enquête interne a montré que les montants versés chaque année l'étaient sur le fondement d'une liste de contrats de placement d'assurance que la société avait conclu avec certains acteurs publics ;
- qu'aucun élément ne permet d'établir une connaissance par la direction des agissements fautifs de M. [XX] ;
- que les personnes qui ont attesté en faveur de M. [XX] présentent toutes une communauté d'intérêt très forte avec lui.
Elle soutient :
- que M. [XX] a tenté d'entraver le bon déroulement de l'enquête pour tenter de cacher des manquements ;
- qu'elle a été alertée par une salariée de potentielles irrégularités au sein de 'GS [Localité 3]', de sorte qu'elle a procédé à une enquête interne approfondie ;
- que l'unique mention du nom de M. M.M. dans un rapport de 26 pages de l'année 2009 ne lui permettait pas d'avoir connaissance que des paiements, sous forme de lettre-chèque, étaient effectués, sans contrepartie et sans contrat écrit, à M. M.M. et à la société de celui-ci en lien avec des marchés publics ;
- que le nom de M. M.M. n'était pas mentionné sur les plaquettes de comptes du groupe ;
- que les chèques litigieux ont été établis par M. [I] sur instructions de M. [XX] ;
- que ce n'est qu'après la collecte des informations, l'analyse de l'ensemble des données financières, l'examen des courriels, la revue des documents contractuels et de ceux relatifs aux marchés publics sur la base desquels des montants ont été payés à M. M.M. et à sa société, la conduite d'entretien de salariés potentiellement concernés et l'exploitation des documents en la possession de ceux-ci, qu'elle a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs ;
- que Maître [M] n'a jamais participé à la procédure d'enquête, cette enquête ayant été menée par Maître [F], assisté de Maître [Z] [ZJ] ;
- que l'avocat enquêteur était impartial, car lié par les règles prescrites par le vademecum de l'avocat en la matière.
Elle ajoute :
- que M. [XX] ne justifie d'aucune démarche pour retrouver un emploi ;
- que, depuis le 15 septembre 2021, l'appelant est président et actionnaire d'une société de courtage ;
- que les actions que M. [XX] et deux autres cédants détenaient au sein de la société Gras Savoye ont été vendues à la société pour 'plusieurs centaines de milliers d'euros' ;
- que M. [XX] ne remplit pas les conditions nécessaires au paiement des stock-options, notamment celle de présence ;
- que, de toute façon, M. [XX] ne peut appuyer sa demande au titre des stock-options que sur la perte de chance.
Le 4 septembre 2024, la magistrate chargée de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.
MOTIVATION
Sur l'exception d'incompétence matérielle pour connaître de la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice professionnel et économique
L'article L. 1411-1 du code du travail dispose que :
'Le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.
Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti'.
En l'espèce, dans le protocole de cession d'actions du 14 septembre 2016 conclu entre, d'une part, M. [BN] [XX], Mme [D] [XX] et Mme [J] [XX], cédants, et, d'autre part, la société Gras Savoye, cessionnaire, les parties ont stipulé une clause (article 4) intitulée 'Engagements de non-démarchage et de non-rétablissement de Monsieur [BN] [XX] et des cédants', dans les termes suivants :
'Monsieur [BN] [XX], plus particulièrement, et les Cédants s'interdisent formellement sur le territoire de la République Française :
(i) pendant une durée de (5) cinq ans, à compter de la date de signature du présent Contrat, et ce, pour quelque raison que ce soit, de prendre directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, sans l'accord préalable exprès de Gras Savoye formulé par écrit, un intérêt ou une participation quelconque dans une personne morale ou une entité ne disposant pas de la personnalité morale ayant en France une activité concurrente aux domaines d'activité exercés par la Société ; sauf à ce que la ou les personnes morales ou entités sans personnalité morale concernées n'aient pas pour clients, et s'engagent expressément à ne pas avoir pour nouveaux clients, les clients de la Société ;
(ii) compte tenu de la nature particulière et de l'importance de la relation client en matière de courtage d'assurance, pendant une durée de (5) cinq ans, à compter de la date de signature du présent Contrat, de solliciter, démarcher, détourner ou tenter de détourner, à leur profit ou au profit d'un tiers, de manière directe ou indirecte, les Clients de la Société, sachant que seront considérés comme 'Clients' de la Société, les personnes de droit public ou de droit privé qui, ont recours aux services de la Société ce jour ;
Monsieur [BN] [XX], plus particulièrement et les Cédants déclarent que le Prix de cession constitue une juste contrepartie de leurs obligations de non-rétablissement et de non-démarchage de clientèle. Ils s'engagent en conséquence à ne réclamer aucune indemnité, compensation ou rémunération complémentaire à ce titre, que ce soit à la Société ou au Cessionnaire. (...)'.
Ce protocole qui porte sur une vente d'actions est indépendant de la relation individuelle de travail liant alors M. [XX] à la société Gras Savoye, étant observé que l'article 4 précité n'y fait même pas référence.
La juridiction prud'homale n'est donc pas compétente pour connaître de la demande présentée sur le fondement de cet article 4, mais la juridiction consulaire en application de l'article L. 721-3 du code de commerce s'agissant d'une cession de titres d'une société commerciale. (Cour de cassation, ch. comm., 10 juillet 2007, pourvoi n° 06-16.548)
Il n'y a pas lieu de faire application de l'alinéa 2 de l'article 90 du code de procédure civile qui prévoit que, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.
En effet, à l'article 9.2 du protocole du 14 septembre 2016, les parties ont désigné le tribunal de commerce de Nanterre comme étant compétent en cas de contestation, soit une juridiction extérieure au ressort de la présente cour.
Il s'ensuit que le jugement est confirmé, en ce qu'il a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la société Willis towers Watson France.
Sur l'exception d'incompétence matérielle pour connaître de la demande au titre des stock-options
Il n'est pas contesté que les stock-options concernées par la demande de M. [XX] sont prévues dans des plans d'attribution élaborés par la société Willis towers Watson public limited company qui appartient au même groupe que l'employeur. Cette société n'est pas dans la cause et M. [XX] ne présente d'ailleurs aucune demande à son encontre.
M. [XX] était susceptible, en tant que salarié de la société Willis towers Watson France, de se voir attribuer des stock-options prévues par les trois plans produits par l'intimée (pièces n° 26 à 28) et soumises à diverses conditions notamment de présence.
Il serait donc parfaitement légitime à agir à l'encontre de l'employeur pour obtenir indemnisation dans l'hypothèse d'un licenciement infondé ayant entraîné son départ prématuré de l'entreprise et lui occasionnant ainsi une perte de chance de bénéficier de l'avantage lié aux stock-options.
Il s'ensuit que la demande relève de la compétence de la juridiction prud'homale, de sorte que le jugement est infirmé, en ce que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour traiter de la prétention relative aux stock-options.
Sur le licenciement
En application des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, les motifs reprochés au salarié devant être énoncés dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les termes du litige.
L'article L. 1235-1 du même code ajoute qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La preuve est libre.
Par ailleurs, l'article L. 1332-4 dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins de ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Ce délai de deux mois court à compter du jour où l'employeur a eu connaissance exacte et complète des faits reprochés.
Dès lors que les faits sanctionnés avaient été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des ces poursuites.
En l'espèce, par courrier du 27 juillet 2020, la société Gras Savoye a notifié à M. [XX] son licenciement pour 'faute simple', dans les termes suivants :
'(...) Vous occupez actuellement le poste de Directeur Régional pour la Région Est. A ce titre notamment, vous dirigez et contrôlez les différents services placés sous votre responsabilité, vous vous assurez de la cohérence des actions avec la stratégie de l'entreprise et veillez au respect des process et procédures internes. Vous êtes également chargé d'anticiper les risques afin de sécuriser nos activités.
Entre le 18 mai 2004 et le 30 novembre 2018, vous avez exercé le mandat de Directeur Général de Gras Savoye Berger [XX]. Pendant cette période, votre contrat de travail a été maintenu.
Il est bien sûr impératif que, dans l'exercice de vos fonctions et lorsque vous supervisez d'autres collaborateurs, vous vous assuriez du strict respect de toutes les politiques et procédures en vigueur au sein de la Société et du Groupe.
L'enquête interne diligentée en amont de votre entretien préalable a toutefois révélé les faits suivants :
- Sur la période 2008-2019, vous avez déterminé, de manière discrétionnaire, les sommes à verser à M.M. ('MM') et à M.M. [V] ('MMC'), sans qu'aucun service n'ait été fourni par MM et/ou MMC.
- Vous avez chargé Monsieur [FC] [I] d'inscrire sur les listes annuelles les contrats de placement d'assurance conclus avec certaines entités publiques, listes que vous avez ensuite approuvées et qui ont servi de base de calcul aux commissions versées à MM et MMC, alors qu'aucune prestation n'avait été fournie par MM ou MMC à l'une des sociétés du Groupe.
- A cet égard, votre signature figure sur au moins huit lettres-chèques et le paiement de 15 lettres-chèques adressées à MM et/ou MMC a été effectué avec votre autorisation. Les lettres-chèques concernées sont présentées dans le tableau ci-après, pour un montant de 396 753,62 euros (soit entre 2 et 4 % des montants que la Société a reçu de ces clients publics). (...)
- Vous étiez pleinement conscient, en autorisant ces paiements, qu'aucun service n'avait été fourni par MM ou MMC à la Société ou à une autre société du Groupe.
- Vous avez autorisé le paiement de 396 753,62 euros à MM et MMC sans que MM ou MMC n'aient rendu de services à aucune société du Groupe. Ces paiements n'ont donc pas été effectués dans l'intérêt de la Société.
- Vous saviez ou auriez dû savoir que cela constitue une violation des politiques internes suivantes :
° La procédure 'apporteurs et indicateurs' de la Société Gras Savoye, d'avril 2015, qui prévoit que toute relation avec un apporteur d'affaires doit être 'contractualisée' (...)
° La 'procédure d'approbation des Tiers' du Groupe Willis Towers Watson - Avril 2017
* qui prévoit que toute relation avec un tiers doit avoir un support contractuel écrit (...)
* qui prévoit que les paiements ne peuvent être effectués par chèque (ou en espèces) plutôt que par virement bancaire à un tiers que dans des circonstances exceptionnelles et lorsqu'il existe un formulaire d'évaluation et une approbation valable du département des finances GS/WTW (...)
* qui prévoit qu'un rapport d'évaluation doit être établi pour chaque relation avec un tiers et qu'une approbation valide doit être en place avant tout paiement effectué à un tiers, et qu'une nouvelle évaluation doit être effectuée tous les 12 mois (ou 24 mois pour les parties à faible risque) (...)
° La 'politique de lutte contre la corruption' du Groupe Willis Towers Watson - Avril 2017, qui réitère l'importance de cette évaluation en se référant directement à la procédure d'approbation par un tiers prévue dans la 'procédure d'approbation des Tiers' du Groupe datant d'avril 2017 (...)
- Cette situation constitue un manquement aux exigences formelles de la délégation de pouvoirs que vous détenez depuis le 30 novembre 2018 pour la signature des chèques, les lettres de chèques ayant été signées en violation des politiques et procédures internes (qui imposent notamment la contractualisation de la relation).
- Les paiements de MM et MMC se sont poursuivis jusqu'en avril 2019 et vous n'ayez pris aucune mesure avant cette date pour cesser effectivement et immédiatement les paiements et/ou la relation.
- Les échanges et courriels que vous avez eus avec Monsieur [I] et Madame [R] illustrent votre pleine en entière connaissance du caractère non conforme et non approprié des paiements effectués en faveur de MM et MMC.
- Vous avez pris la décision de mettre fin à l'arrangement au moyen d'un paiement final à MM/MMC par le biais d'une facture de 'formation' ostensiblement inappropriée (dont une copie a été envoyée au siège de Gras Savoye le 28 mai 2019 par courrier électronique) émise par MMC pour un montant de 29 750 euros (hors TVA), qui a été payé par la Société par virement bancaire le 23 juin 2019, suite à votre autorisation.
- Vous avez pris cette décision malgré le fait que vous étiez au courant qu'aucun service de formation n'avait été fourni à une société du groupe Gras Savoye par MM ou MMC et que vous saviez, ou auriez dû savoir, que ce nouveau versement était, là encore, en violation des procédures de la Société et qu'il n'était pas dans l'intérêt de celle-ci.
- Rien n'indique que vous ayez tenté à un moment quelconque de porter cette affaire à l'attention de la Société de manière transparente, en mettant en évidence les questions préoccupantes.
De plus, au cours de l'enquête interne, la Société a également été déçue par votre réticence à coopérer pleinement à l'enquête, notamment en ce qui concerne votre participation à un second entretien, pour lequel la Société a dû insister afin de pouvoir mener à bien son enquête. (...)
Vous avez tenté d'entraver le déroulement de l'enquête et de dicter à votre employeur la manière de la mener, ce qui est inacceptable. (...)'.
L'enquête interne dont le rapport du 26 juin 2020 est produit (pièce n° 7) a été diligentée à la suite d'une réunion du mois de novembre 2019 lors de laquelle une salariée juriste et 'compliance officer' a 'remis en question certains paiements effectués à MM/MMC au cours de la période 2018 à 2019" (page 3).
Il ne ressort pas des éléments du dossier que l'employeur aurait eu, antérieurement à cette réunion du mois de novembre 2019 et à l'enquête interne, une connaissance exacte et complète des faits reprochés dans le courrier de rupture.
Pour soutenir l'inverse, M. [XX] produit :
- le rapport d'activité de l'année 2009 (sa pièce n° 8) de la société Gras Savoye Berger [XX] qui mentionne, sur une ligne en page 10, le total des rétrocessions de l'année 2008 et celui de l'année 2009 au profit de M. M.M. avec pour commentaire 'collectivités locales' ;
- la plaquette des comptes tant de l'année 2010 que de l'année 2011 (ses pièces n° 9 et 10) ;
- l'attestation de M. [WW] [A], directeur général de Gras Savoye Berger [XX] du mois de mai 2004 au mois d'octobre 2016, qui souligne que le rapport d'activité 2009 a été présenté à l'assemblée générale du 13 mars 2010, n'a fait l'objet d''aucune remarque particulière des commissaires aux comptes' et a été 'acté' par l'assemblée générale . (pièce n° 11)
L'appelant verse aussi aux débats :
- l'attestation de M. [FC] [I], directeur financier, qui témoigne (pièce n° 12) 'J'atteste que la Direction Financière du Groupe Gras Savoye Willis Towers Watson avait parfaitement connaissance de la relation commerciale du Cabinet Gras Savoye Berger [XX] avec Monsieur M.M. En effet, toutes les écritures liées à la rémunération de cet apporteur ont toujours été transmises en parfaite transparence à la Direction Comptable Groupe pour intégration dans les systèmes informatiques en vigueur au moment des faits. Cette même Direction effectuait, chaque année, la déclaration des honoraires (DADS2) versés aux tiers dont ceux de Mr M.M. (...)', étant observé que M. [I] souligne aussi la large diffusion du rapport d'activité 2009 au sein de la direction ;
- l'attestation de M. [T] [N], courtier d'assurances, qui relève (pièce n° 13) que 'Le siège de GRAS SAVOIE connaissait depuis plus de 10 ans l'existence de ces commissions' ;
- l'attestation de M. [E] [U], directeur commercial, qui relate (pièce n° 14) que 'Le comité de direction de Gras Savoye (...) a toujours était au courant des relations avec Mr M.' ;
- l'attestation de M. [B] [O], directeur de clientèle, qui expose (pièce n° 15) que la direction générale du groupe 'avait connaissance de ces versements depuis de nombreuses années' ;
- l'attestation de M. [K] [X], directeur département, qui relate (pièce n° 16) que 'cette situation (était) connue de la direction de Gras Savoye France' ;
- l'attestation de M. [S] [Y], courtier d'assurances, qui témoigne (pièce n° 17) que 'les relations Gras Savoye/M.M. ont toujours été connues de la direction à [Localité 4]' ;
- l'attestation de M. [P] [L], directeur général délégué puis directeur général de 2013 à 2020, qui expose (pièce n° 28) que 'la direction de Gras Savoye avait connaissance de l'accord entre la région Est et le cabinet M. faisant l'objet de rétrocessions de commissions' et que 'cet accord était connu de la direction de Gras Savoye depuis 2008, son existence étant mentionnée dans des comptes rendus de réunions entre la région et le siège'.
Le rapport d'activité de l'année 2009 et les plaquettes des comptes pour les années 2010 et 2011 sont anciens par rapport au licenciement et ne sauraient traduire une connaissance des agissements de M. [XX] par sa hiérarchie postérieurement à ces années. En tout état de cause, la ligne relative à M. M.M. dans la rubrique 'rétrocessions par partenaire/apporteur' du rapport d'activité de l'année 2009 n'établit pas que l'employeur, au-delà de l'aspect purement comptable, était informé de la nature et de la réalité des tâches rétribuées, ainsi que des conditions de versement des rétrocessions au profit de M. M.M. et/ou de la société de celui-ci.
L'attestation de M. [A] n'apporte aucun élément supplémentaire.
Les autres attestations produites doivent être examinées avec circonspection, la société Willis towers Watson France démontrant (pièces n° 34 et suivantes de l'intimée) que les témoins qui les ont rédigées ont des intérêts communs avec M. [XX], ce qu'ils n'ont pas mentionné (sauf M. [I]), ou ont été judiciairement en litige avec elle.
Ainsi, M [O], M. [Y], M. [N] et M. [X] sont associés dans une ou plusieurs SCI gérées par M. [XX] (pièce n° 34 de l'intimée).
M. [O], M. [Y], M. [N] et M. [X] ont engagé, au mois de janvier 2024, une procédure à l'encontre de la société Willis towers Watson France devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc (pièce n° 51).
Ces quatre personnes, ainsi que M. [U] et M. [XX] ont été attraits par la société Willis towers Watson France devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz, selon l'affirmation non contestée de l'intimée (pièce n° 48).
M. [XX], M. [N], M. [Y], M. [X] et M. [U] sont président ou associés de la SAS Angelus qui a une activité de courtage en assurances.
La présente cour statuant en matière prud'homale a prononcé le 5 juin 2024 un arrêt dans une affaire entre la société Willis towers Watson France et M. [I].
Quant à M. [L], il est directeur général du groupe de courtage en assurances Adelaïde, alors que la société Adelaïde est actionnaire principal de la société Angelus dont M. [XX] est président.
En tout état de cause, les sept attestations établissent que la société Willis towers Watson France avaient, durant la période litigieuse, connaissance de la relation d'affaires avec M. M.M. et avec la société de celui-ci. En revanche, ces témoignages étant peu circonstanciés, ils n'établissent pas que l'employeur avait une connaissance précise de la nature et de l'étendue des tâches rétribuées, de l'existence ou non de factures, ainsi que des modalités de calcul des rétrocessions.
En définitive, la société Willis towers Watson France n'ayant eu une connaissance exacte et complète des faits que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites le 19 juin 2020, les manquements détaillés dans la lettre de licenciement du 27 juillet 2020 ne se heurtent pas au délai de prescription de deux mois de l'article L. 1332-4 du code du travail.
L'enquête interne a été conduite par le cabinet d'avocats [G] [TH] Freehills et, plus précisément, à la lecture des courriers des 18 et 27 mai 2020 de l'avocat de M. [XX] (pièces n° 18 et 19 de l'appelante) et de ceux du 26 mai 2020 et 1er juin 2020 de ce cabinet (pièces n° 5 et 6 de l'intimée), par Maître [F]. Les conclusions de la société Willis towers Watson France ajoutent que celui-ci était assisté par Maître [ZJ].
Il ne ressort pas des documents produits que Maître [M] - qui appartient au cabinet [G] [TH] Freehills et qui a représenté la société Willis towers Watson France en première instance dans le présent litige - a participé au déroulement de l'enquête interne.
Plus généralement, l'instance n'ayant été introduite que le 16 décembre 2020, le fait qu'un avocat du cabinet [G] [TH] Freehills ait représenté l'employeur devant la juridiction prud'homale ne préjuge en rien de l'impartialité d'un autre avocat de ce cabinet lors du déroulement antérieur de l'enquête durant le premier semestre de l'année 2020.
A la lecture du paragraphe 52 de l'enquête interne et des courriers des 26 mai 2020 et 1er juin 2020 du cabinet d'avocats [G] [TH] et Freehills, les salariés 'détenteurs d'informations' ont été informés de divers droits, à savoir la possibilité d'être assisté d'un avocat de leur choix au cours de l'entretien, la faculté de discuter avec leur avocat à tout moment pendant l'entretien, la possibilité de ne pas répondre aux questions, le droit de ne pas s'incriminer, la confidentialité de l'existence et du contenu de l'entretien, ainsi que la faculté pour l'employeur d'utiliser les informations fournies au cours des entretiens.
Il doit être rappelé que le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n'impose pas que, dans le cadre d'une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d'autres salariés, le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu'il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu'il soit entendu, dès lors que la décision que l'employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement. (Cour de cassation, ch. soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 20-22.220).
L'enquête interne aboutit à des conclusions précises et circonstanciées dont il ressort notamment que :
- 'Des paiements ont été effectués à MM/MMC sur autorisation de [IR] ([BN] [XX]) et au su et avec l'assistance administrative de [UI] ([FC] [I]), sans factures en bonne et due forme émises par MM/MMC mais sur la base d'une liste actualisée des entités publiques avec lesquelles GSBS/GS (Gras Savoye Berger [XX]/Gras Savoye) a conclu un contrat ou une relation contractuelle' ;
- 'Les commissions versées à MM/MMC dans le cadre des marchés publics se sont élevés à 402 520,87 euros de 2007 à 2018" ;
- 'tous les paiements effectués à MM/MMC l'ont été par chèque' ;
- '[IR] ([BN] [XX]) a signé les lettres-chèques et/ou a autorisé ces paiements et l'apposition de sa signature aux chèques préparés par la Direction Financière de GSBS/GS [Localité 3]' ;
- 'Cette pratique est néanmoins en violation des politiques internes de GS (Gras Savoye) et de WTW (Willis towers Watson) (toutes deux applicables à GSBS/GS [Localité 3])' ;
- 'L'enquête interne a conclu que MM/MMC avait bénéficié de paiements par GSBS/GS (Gras Savoye Berger [XX]/ Gras Savoye) [Localité 3] de commissions calculées uniquement sur la base de listes établies par [UI] ([FC] [I]) de certaines entités publiques avec lesquelles GSBS/GS [Localité 3] a conclu ou maintenu une relation contractuelle, mise à jour annuellement et sans qu'aucune base contractuelle écrite ni aucun service n'aient été fournis par MM/MMC à GSBS/GS [Localité 3].
Les listes Excel ont été préparées et même mises à jour par [UI] ([FC] [I]), qui a organisé les paiements par lettres-chèques, portant, au moins pour 8 d'entre elles, la signature de [IR]. En outre, selon les déclarations faites par [UI], notamment dans des e-mails, le calcul des commissions de MM a été discuté entre [UI] et [IR] et validé par [IR].
Ces pratiques sont en violation de la Procédure d'approbation des Tiers de WTW en vigueur depuis avril 2017" ;
- 'Sur la base de l'examen documentaire, aucun document contractuel à l'appui de la relation entre MM et GSBS/GS [Localité 3] ou preuve de services fournis par MM/MMC à GSBS/GS [Localité 3] dans le cadre de marchés publics n'a pu être identifié' ;
- 'il ressort de l'examen que la relation existante avec MM et/ou ses sociétés en matière d'appels d'offres publics n'a jamais été régularisée pendant toute la période (...)'.
La société Willis towers Watson France produit les documents relatifs aux politiques internes qui ont été ainsi violées et qui sont rappelées dans la lettre de licenciement :
- lutte contre la corruption, procédure d'approbation des tiers (pièce n° 10 et 11) avril 2017 ;
- politique de lutte contre la corruption (pièce n° 12) avril 2017 ;
- code de conduite mis à jour au mois de juillet 2018 (pièce n° 13).
Certes, ces documents ne couvrent pas toute la période en litige, mais les agissements opaques décrits par l'enquête interne, notamment l'absence de documents contractuels et de facturation, ne pouvait en aucun cas correspondre à une gestion normale.
La réalité des anomalies et la connaissance répétée qu'en avait [BN] [XX] sont établies par divers courriels produits par la société Willis towers Watson France, indépendamment du déroulement et des conclusions de l'enquête interne :
- courriel du 27 février 2009 de M. [I] à M. [XX] (pièce n° 14) : 'J'attire également ton attention sur le fait que nous réglons à un consultant des commissions sans aucun accord écrit. En cas de contrôle nous serions dans la plus grande illégalité. L'idéal serait de pouvoir signer une convention avec M.M. si ses activités annexes lui permettent ou de trouver un autre deal' ;
- courriel du 15 octobre 2012 de M. [I] à M. [XX] (pièce n° 15) : 'Je rappelle que nous n'avons aucune convention avec M.' ;
- courriel du 31 octobre 2014 de M. [I] à M. [XX] (pièce n° 16) : 'Pour mémoire, nous continuons à verser à M. M. des commissions sans aucune convention apporteur régularisée' ;
- courriel du 26 mai 2016 de M. [I] avec copie à M. [XX] (pièce n° 17) : 'il ne restera que la situation de M. à régulariser pour être conforme aux exigences du groupe' ;
- courriel du 27 décembre 2016 de M. [I] à M. [XX] (pièce n° 18) : 'Comme tons les ans, je prépare la rémunération pour M.M. (...) Enfin, je vous rappelle que nous n'avons aucune convention permettant de justifier ce versement annuel à hauteur de 35 Keuros' ;
- courriel du 11 décembre 2018 de Mme [R], juriste, à M. [XX] : 'Je reviens vers vous sur le sujet M.M. puisque c'est en début d'année 2019, que M. va venir demander le règlement sur les collectivités locales. Mais je vous rappelle que le protocole en place ne permet pas de rétrocéder sur ces affaires'.
L'intimée produit une facture d'un montant de 29 750 euros HT du 27 mai 2019 émise par la société M.M. [V] pour une action de formation. A la lecture d'attestations produites par M. [XX] lui-même, cette facture était en réalité destinée à 'clore' la relation avec cette société M.M. [V] et à compenser l'arrêt du versement de commissions (cf. attestations [N], [U], [O], [X], [Y] et [L]). A ce sujet, la société Willis towers Watson France verse aux débats (pièce n° 24) un courriel du 7 juin 2019 adressé à Mme [H] [VJ], responsable des ressources humaines, par M. [I] qui écrit 'Facture passée en formation à la demande de [IR]' ([BN] [XX]).
Même s'il existe un doute quant à la connaissance qu'avait la société Willis towers Watson France de la facture précitée du 27 mai 2019 et de la finalité de son règlement, il n'en demeure pas moins que M. [XX] ne peut pas se prévaloir que son employeur était informé des autres faits de la période litigieuse, comme cela a été examiné ci-dessus dans les paragraphes relatifs à la prescription.
En définitive, à l'instar des premiers juges, il y a lieu de retenir que M. [XX] ayant autorisé des paiements discrétionnaires à M. M.M. et à la société M.M.[V], sans contrat et sans détail du service rendu, malgré les alertes de son directeur administratif et financier, et ce sans avoir jamais tenté durant la période allant de l'année 2008 à l'année 2019 de trouver une solution régularisant la situation, notamment à compter de l'année 2017 au regard des règles de politique interne définies par la société Willis towers Watson France, le premier grief est fondé.
Il s'ensuit que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second grief tiré de l'entrave à l'enquête interne, le jugement est confirmé, en ce qu'il a dit justifié le licenciement de M. [XX] pour faute simple et rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Sur les stock-options
La société Willis towers Watson France ne peut pas être tenue de réparer la perte de chance subie par M. [XX] de se voir attribuer des stock-options, dès lors que le licenciement qui est l'origine de cette perte de chance est bien fondé.
En conséquence, la demande relative aux stock-options est rejetée.
Sur le préjudice personnel et moral
En l'absence de faute commise par la société Willis towers Watson France, le jugement est confirmé, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice personnel et moral.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement est confirmé dans ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance.
M. [XX] est débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est condamné à payer à la société Willis towers Watson France la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par celle-ci en cause d'appel.
M. [XX] est condamné aux dépens de première instance, en application de l'article 696 du même code.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement, sauf en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande présentée par M. [BN] [XX] au titre des stock-options ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
Se déclare compétente pour statuer sur la demande présentée par M. [BN] [XX] au titre des stock-options, mais rejette cette demande ;
Rejette la demande présentée par M. [BN] [XX] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [BN] [XX] à payer à la SAS Willis towers Watson France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne M. [BN] [XX] aux dépens d'appel.
Le greffier P/ La Présidente régulièrement empêchée
Le Conseiller
08 Octobre 2025
------------------------
N° RG 22/02708 - N° Portalis DBVS-V-B7G-F3OM
----------------------------
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ
18 Novembre 2022
F 20/00657
----------------------------
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
huit Octobre deux mille vingt cinq
APPELANT :
M. [BN] [XX]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me François BATTLE, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
SAS WILLIS TOWERS WATSON FRANCE (anciennement GRAS SAVOYE) prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant.
Représentée par Me Claire LE TOUZE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
M. François-Xavier KOEHL, Conseiller
Magistrats ayant participé au délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller, substituant la Présidente de chambre regulièrement empêchée, Présidente de chambre, et par Monsieur Alexandre VAZZANA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet du 2 janvier 2004, la SA Gras Savoye a engagé à compter du 1er janvier 2004 M. [BN] [XX] en qualité de directeur du bureau de [Localité 3], statut cadre position HC, moyennant un salaire forfaitaire annuel de 150 000 euros brut et la mise à disposition d'un véhicule de fonction.
La convention collective nationale des entreprises de courtage d'assurances et/ou de réassurances était applicable à la relation de travail.
Selon protocole du 14 septembre 2016, M. [BN] [XX], Mme [D] [XX] et Mme [J] [XX] ont cédé à la SAS Gras Savoye des actions de la SAS Gras Savoye Berger [XX] pour un montant total de 980 096,70 euros.
A la suite de l'acquisition progressive des actions de la société Gras Savoye par la société Willis group holdings plc, la SAS Willis towers Watson France (qui fait partie du groupe Willis Towers Watson) vient aux droits de la société Gras Savoye.
Lors d'une réunion du mois de novembre 2019 organisée par le département de la 'conformité', une juriste 'compliance officer' a évoqué des paiements ordonnés au profit de M. M.M. et de sa société M.M.[V] pendant la période allant de l'année 2008 à l'année 2019.
Une enquête interne a été ordonnée et confiée au cabinet d'avocats [G] [TH] Freehills qui a dressé son rapport le 26 juin 2020.
Par courrier du 19 juin 2020, l'employeur a convoqué M. [XX] à un entretien préalable fixé au 30 juin 2020.
Par lettre du 27 juillet 2020, M. [XX] a été licencié pour faute tenant à des paiements représentant un total de 396 753,62 euros en 'violation des politiques internes', ainsi qu'à une entrave au déroulement de l'enquête interne.
Estimant son licenciement infondé, M. [XX] a saisi, le 16 décembre 2020, la juridiction prud'homale.
Par jugement contradictoire du 18 novembre 2022, la formation paritaire de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Metz :
- a dit le licenciement pour faute simple justifié ;
- a débouté M. [XX] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour préjudice moral et personnel, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- s'est déclaré incompétent pour traiter des demandes :
* de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice professionnel et économique en lien avec un protocole de cession d'actions ;
* au titre de stock-options selon plans d'attribution signés avec la société Willis
towers Watson public limited company ;
- débouté la société Willis towers Watson France, venant aux droits de la société Gras Savoye, de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [XX] 'aux éventuels frais et dépens de l'instance'.
Le 1er décembre 2022, M. [XX] a interjeté appel par voie électronique du jugement qui lui avait été notifié le 19 novembre 2022. (procédure enregistrée sous le numéro 22/2708).
Le 12 janvier 2023, M. [XX] a de nouveau interjeté appel. (procédure enregistrée sous le numéro 23/94).
Le 13 janvier 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures pour l'affaire se poursuivre sous le numéro 22/2708.
Dans ses dernières conclusions remises par voie électronique le 29 juillet 2024, M. [XX] requiert la cour :
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- de dire la juridiction sociale intégralement compétente pour statuer sur tous les chefs de demande ;
- de dire qu'il a été licencié de manière abusive ;
- de condamner la société Willis towers Watson France à lui payer les sommes de :
* 656 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
* 322 813,70 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice professionnel et économique ;
* 287 222,37 euros au titre des stock-options ;
* 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice personnel et moral ;
* 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de rejeter l'appel incident.
A l'appui de ses prétentions, il expose :
- que sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice professionnel et économique a pour fondement l'engagement de non-démarchage et de non- rétablissement qui figure dans le protocole de cession d'actions du 14 septembre 2016 ;
- que cette demande relève de la compétence de la présente juridiction, son préjudice lié à la clause de non-démarchage et de non-rétablissement étant la conséquence de sa perte d'emploi résultant d'un licenciement abusif ;
- que le montant sollicité correspond à la perte de ses salaires annuels ;
- qu'il subit une impossibilité de travailler, y compris en tant que salarié pour une entreprise concurrente.
Il précise :
- qu'il n'a jamais contesté que les stock-options ont été attribuées par une société Willis towers Watson public limited company ;
- qu'il existe néanmoins un lien direct entre la société Willis towers Watson France et lui quant à l'attribution de ces stock-options, de sorte que la juridiction est bien compétente pour statuer sur la demande à ce titre ;
- que l'origine des stock-options importe peu, dès lors qu'elles sont un complément salarial qui lui est garanti, en tant que salarié, par la société Willis towers Watson France.
Il soutient :
- qu'avant même son arrivée en 2004, M. M.M. travaillait déjà avec la société en tant qu'apporteur d'affaires ;
- que la direction de la société Gras Savoye était parfaitement informée depuis l'année 2008 au moins ;
- que, sur le rapport d'activité de l'année 2009, M. M.M. figurait en toute transparence dans la liste de bénéficiaires de retrocessions à hauteur de 57 000 euros ;
- que la connaissance par la direction générale des commissionnements est aussi établie par des attestations de cadres dirigeants ;
- que la direction parisienne effectuait chaque année la déclaration des honoraires versés aux tiers et donc à M. M.M. ;
- que l'organisation de la société est centralisée s'agissant de la comptabilité, du service juridique et de la compliance ;
- que le service financier a bénéficié de tout le temps nécessaire pour procéder à la vérification des bénéficiaires des chèques ;
- que la lettre de licenciement relève comme dates avril 2015, avril 2017, mai 2018, novembre 2018 et mai 2019 ;
- que l'enquête ne saurait interrompre la prescription, eu égard à la connaissance de longue date qu'avait la direction parisienne des commissions versées à M. M.M.
Il fait valoir :
- que l'enquête interne a été diligentée par le cabinet d'avocats [G] [TH] et Freehills, pris en la personne de Maître [C] [F], soit le même cabinet que celui qui est le conseil de l'employeur dans le cadre du présent litige ;
- qu'un autre avocat, Maître [W] [M], intervient dans le mémoire de la société Willis towers Watson France, alors qu'elle a participé, pour le compte de ce cabinet, à l'enquête 'avec une partialité absolue' (sic) ;
- qu'avant même le présent contentieux, son avocat s'est plaint que les auditions n'étaient qu'un simulacre d'enquête interne qui ne faisait que 'cacher la volonté de piéger l'équipe de [Localité 3]' (sic) ;
- que l'enquête interne a été 'totalement dévoyée' (sic), en l'absence d'un véritable respect des droits de la défense, d'information préalable pour préparer sa défense, du refus communication de pièces et du 'développement de l'enquête par effet de surprise' (sic) ;
- que les cadres de l'entreprise qui auraient confirmé la connaissance des faits par la direction parisienne n'ont pas été entendus lors de l'enquête interne ;
- qu'il n'a jamais refusé que participer à un entretien pour les besoins de l'enquête, n'ayant fait que contester le 'process' utilisé.
Il affirme :
- que la société Willis towers Watson France ne peut pas rejeter sur lui une faute imputable à la direction parisienne, à savoir une absence de contrôle et de vérification ;
- que M. M.M. percevait une commission d'environ 36 000 euros en moyenne par an, ce qui représentait moins de 0,1 % du chiffre d'affaires de la société Willis towers Watson France ;
- qu'il n'existait aucune anomalie, avant les années 2015 et 2017, à l'absence de contractualisation des prestations de M. M.M. ;
- que le formalisme utilisé pour mettre un terme aux relations contractuelles avec M. M.M., à savoir la facture de formation du 28 mai 2019, était accepté par la société Gras Savoye '[Localité 4]' ;
- qu'à compter de la mise en place des 'process de conformité', il a été mis un terme aux commissionnements de M. M.M.
Il ajoute :
- qu'à 62 ans, il était encore sans emploi ;
- que son licenciement avait un caractère vexatoire ;
- qu'il a subi un préjudice lié à l'article 4 du protocole de cession d'actions, en ce qu'il a été empêché de retravailler entre la date de son licenciement et le 14 septembre 2021 ;
- que, par l'effet de son licenciement abusif, il ne peut pas bénéficier des stock-options qui lui auraient été attribuées s'il était resté au sein de la société ;
- qu'il doit obtenir indemnisation de la perte de chance qui en résulte ;
- qu'il a subi une atteinte personnelle et morale très importante en raison des conditions dans lesquelles il a été 'limogé', alors qu'il avait une aura extrêmement grande dans le milieu de l'assurance au niveau national.
Dans ses dernières conclusions remises par voie électronique le 16 juillet 2024, la société Willis towers Watson France, venant aux droits de la société Gras Savoye, sollicite que la cour :
à titre principal,
- confirme le jugement, en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de M. [XX] de dommages-intérêts pour préjudice professionnel et économique lié aux dispositions du protocole de cession d'actions et de la demande de paiement des stock-options, puis jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- déboute M. [XX] de l'ensemble de ses prétentions ;
- infirme le jugement pour le surplus ;
à titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement, en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de M. [XX] de dommages-intérêts au titre d'un préjudice professionnel et économique, ainsi que de la demande de paiement de stock-options,
- déboute M. [XX] de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice professionnel et économique ;
- déclare M. [XX] irrecevable en sa demande de paiement de stock-options ;
à titre infiniment subsidiaire,
- déboute M. [XX] de sa demande de paiement de stock-options ;
en tout état de cause,
- condamne M. [XX] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et le même montant pour celle d'appel.
Elle soulève in limine litis l'incompétence matérielle de la cour pour connaître de la demande présentée au titre du préjudice professionnel et économique, aux motifs :
- que cette demande est fondée sur une cession d'actions du 14 septembre 2016 qui est totalement indépendante du contrat de travail et qui prévoit que tout différend serait soumis à la compétence exclusive du tribunal de commerce de Nanterre ;
- que l'engagement de non-démarchage et de non-rétablissement a été contracté dans le cadre exclusif de ce protocole et n'interdit pas, au demeurant, l'exercice d'une activité salariée auprès d'un concurrent ;
- que d'ailleurs, l'obligation s'est appliquée aux deux autres cédants.
Elle soulève aussi l'incompétence de la juridiction prud'homale pour connaître de la demande présentée au titre des stock-options aux motifs :
- que les différents plans d'attribution relatifs aux sommes réclamées ont été signés par M. [XX] avec la société Willis towers Watson public limited company ;
- que les stock-options ont donc été attribuées par une société du groupe qui n'a pas de lien contractuel avec M. [XX] ;
- que l'appartenance de sociétés à un même groupe n'a pas pour effet de faire disparaître la personnalité morale attachée à chaque société du groupe ;
- qu'au demeurant, les trois plans d'attribution contiennent une clause attributive de juridiction donnant compétence exclusive aux tribunaux d'Etat et fédéraux du comté de New York.
Elle réplique :
- que les faits qui ont donné lieu à une enquête interne relèvent de l'activité du département des assurances de personnes ;
- que l'enquête interne, qui portait sur les paiements effectués au profit de M. M.M. ou de sa société pendant la période allant de 2008 à 2019, a conduit à un avertissement et à deux licenciements pour faute simple à l'encontre de M. [XX] et du directeur administratif et financier de l'agence de [Localité 3] ;
- que des documents internes à la société et au groupe rappellent les obligations que ses collaborateurs, et plus particulièrement les membres de la direction, sont tenus de suivre, notamment en matière d'apporteurs d'affaires ;
- que l'enquête interne a démontré que M. [XX] avait violé, de façon répétée, l'ensemble de ces règles fondamentales ;
- qu'un très grand nombre de documents couvrant la période allant de l'année 1999 à l'année 2020 ont été examinés du mois de décembre 2019 au mois de juin 2020 ;
- que tous les salariés entendus ont été informés de leurs droits, conformément au vademecum de l'avocat chargé de l'enquête interne ;
- que, durant les années 2008 à 2019, M. [XX] a déterminé, de manière discrétionnaire, les sommes à verser à M. M.M. et à la société de celui-ci pour un total de 396 753,62 euros sous forme de lettres-chèques dont huit portent sa signature, malgré l'absence de tout contrat, facture, service rendu, de rapport d'évaluation ou d'approbation valide en violation des règles d'affaires et des règles comptables, mais aussi en violation des procédures internes à la société et au groupe, ce dont le salarié avait parfaitement connaissance pendant onze années ;
- que M. [XX] a pris la décision de mettre fin aux relations avec M. M.M. en autorisant le paiement de la somme finale de 29 750 euros HT sur la base d'une facture de formation, alors qu'aucun service de cette nature n'avait été fourni à la société ;
- que l'enquête interne a montré que les montants versés chaque année l'étaient sur le fondement d'une liste de contrats de placement d'assurance que la société avait conclu avec certains acteurs publics ;
- qu'aucun élément ne permet d'établir une connaissance par la direction des agissements fautifs de M. [XX] ;
- que les personnes qui ont attesté en faveur de M. [XX] présentent toutes une communauté d'intérêt très forte avec lui.
Elle soutient :
- que M. [XX] a tenté d'entraver le bon déroulement de l'enquête pour tenter de cacher des manquements ;
- qu'elle a été alertée par une salariée de potentielles irrégularités au sein de 'GS [Localité 3]', de sorte qu'elle a procédé à une enquête interne approfondie ;
- que l'unique mention du nom de M. M.M. dans un rapport de 26 pages de l'année 2009 ne lui permettait pas d'avoir connaissance que des paiements, sous forme de lettre-chèque, étaient effectués, sans contrepartie et sans contrat écrit, à M. M.M. et à la société de celui-ci en lien avec des marchés publics ;
- que le nom de M. M.M. n'était pas mentionné sur les plaquettes de comptes du groupe ;
- que les chèques litigieux ont été établis par M. [I] sur instructions de M. [XX] ;
- que ce n'est qu'après la collecte des informations, l'analyse de l'ensemble des données financières, l'examen des courriels, la revue des documents contractuels et de ceux relatifs aux marchés publics sur la base desquels des montants ont été payés à M. M.M. et à sa société, la conduite d'entretien de salariés potentiellement concernés et l'exploitation des documents en la possession de ceux-ci, qu'elle a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs ;
- que Maître [M] n'a jamais participé à la procédure d'enquête, cette enquête ayant été menée par Maître [F], assisté de Maître [Z] [ZJ] ;
- que l'avocat enquêteur était impartial, car lié par les règles prescrites par le vademecum de l'avocat en la matière.
Elle ajoute :
- que M. [XX] ne justifie d'aucune démarche pour retrouver un emploi ;
- que, depuis le 15 septembre 2021, l'appelant est président et actionnaire d'une société de courtage ;
- que les actions que M. [XX] et deux autres cédants détenaient au sein de la société Gras Savoye ont été vendues à la société pour 'plusieurs centaines de milliers d'euros' ;
- que M. [XX] ne remplit pas les conditions nécessaires au paiement des stock-options, notamment celle de présence ;
- que, de toute façon, M. [XX] ne peut appuyer sa demande au titre des stock-options que sur la perte de chance.
Le 4 septembre 2024, la magistrate chargée de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.
MOTIVATION
Sur l'exception d'incompétence matérielle pour connaître de la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice professionnel et économique
L'article L. 1411-1 du code du travail dispose que :
'Le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.
Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti'.
En l'espèce, dans le protocole de cession d'actions du 14 septembre 2016 conclu entre, d'une part, M. [BN] [XX], Mme [D] [XX] et Mme [J] [XX], cédants, et, d'autre part, la société Gras Savoye, cessionnaire, les parties ont stipulé une clause (article 4) intitulée 'Engagements de non-démarchage et de non-rétablissement de Monsieur [BN] [XX] et des cédants', dans les termes suivants :
'Monsieur [BN] [XX], plus particulièrement, et les Cédants s'interdisent formellement sur le territoire de la République Française :
(i) pendant une durée de (5) cinq ans, à compter de la date de signature du présent Contrat, et ce, pour quelque raison que ce soit, de prendre directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, sans l'accord préalable exprès de Gras Savoye formulé par écrit, un intérêt ou une participation quelconque dans une personne morale ou une entité ne disposant pas de la personnalité morale ayant en France une activité concurrente aux domaines d'activité exercés par la Société ; sauf à ce que la ou les personnes morales ou entités sans personnalité morale concernées n'aient pas pour clients, et s'engagent expressément à ne pas avoir pour nouveaux clients, les clients de la Société ;
(ii) compte tenu de la nature particulière et de l'importance de la relation client en matière de courtage d'assurance, pendant une durée de (5) cinq ans, à compter de la date de signature du présent Contrat, de solliciter, démarcher, détourner ou tenter de détourner, à leur profit ou au profit d'un tiers, de manière directe ou indirecte, les Clients de la Société, sachant que seront considérés comme 'Clients' de la Société, les personnes de droit public ou de droit privé qui, ont recours aux services de la Société ce jour ;
Monsieur [BN] [XX], plus particulièrement et les Cédants déclarent que le Prix de cession constitue une juste contrepartie de leurs obligations de non-rétablissement et de non-démarchage de clientèle. Ils s'engagent en conséquence à ne réclamer aucune indemnité, compensation ou rémunération complémentaire à ce titre, que ce soit à la Société ou au Cessionnaire. (...)'.
Ce protocole qui porte sur une vente d'actions est indépendant de la relation individuelle de travail liant alors M. [XX] à la société Gras Savoye, étant observé que l'article 4 précité n'y fait même pas référence.
La juridiction prud'homale n'est donc pas compétente pour connaître de la demande présentée sur le fondement de cet article 4, mais la juridiction consulaire en application de l'article L. 721-3 du code de commerce s'agissant d'une cession de titres d'une société commerciale. (Cour de cassation, ch. comm., 10 juillet 2007, pourvoi n° 06-16.548)
Il n'y a pas lieu de faire application de l'alinéa 2 de l'article 90 du code de procédure civile qui prévoit que, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.
En effet, à l'article 9.2 du protocole du 14 septembre 2016, les parties ont désigné le tribunal de commerce de Nanterre comme étant compétent en cas de contestation, soit une juridiction extérieure au ressort de la présente cour.
Il s'ensuit que le jugement est confirmé, en ce qu'il a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la société Willis towers Watson France.
Sur l'exception d'incompétence matérielle pour connaître de la demande au titre des stock-options
Il n'est pas contesté que les stock-options concernées par la demande de M. [XX] sont prévues dans des plans d'attribution élaborés par la société Willis towers Watson public limited company qui appartient au même groupe que l'employeur. Cette société n'est pas dans la cause et M. [XX] ne présente d'ailleurs aucune demande à son encontre.
M. [XX] était susceptible, en tant que salarié de la société Willis towers Watson France, de se voir attribuer des stock-options prévues par les trois plans produits par l'intimée (pièces n° 26 à 28) et soumises à diverses conditions notamment de présence.
Il serait donc parfaitement légitime à agir à l'encontre de l'employeur pour obtenir indemnisation dans l'hypothèse d'un licenciement infondé ayant entraîné son départ prématuré de l'entreprise et lui occasionnant ainsi une perte de chance de bénéficier de l'avantage lié aux stock-options.
Il s'ensuit que la demande relève de la compétence de la juridiction prud'homale, de sorte que le jugement est infirmé, en ce que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour traiter de la prétention relative aux stock-options.
Sur le licenciement
En application des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, les motifs reprochés au salarié devant être énoncés dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les termes du litige.
L'article L. 1235-1 du même code ajoute qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La preuve est libre.
Par ailleurs, l'article L. 1332-4 dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins de ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Ce délai de deux mois court à compter du jour où l'employeur a eu connaissance exacte et complète des faits reprochés.
Dès lors que les faits sanctionnés avaient été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des ces poursuites.
En l'espèce, par courrier du 27 juillet 2020, la société Gras Savoye a notifié à M. [XX] son licenciement pour 'faute simple', dans les termes suivants :
'(...) Vous occupez actuellement le poste de Directeur Régional pour la Région Est. A ce titre notamment, vous dirigez et contrôlez les différents services placés sous votre responsabilité, vous vous assurez de la cohérence des actions avec la stratégie de l'entreprise et veillez au respect des process et procédures internes. Vous êtes également chargé d'anticiper les risques afin de sécuriser nos activités.
Entre le 18 mai 2004 et le 30 novembre 2018, vous avez exercé le mandat de Directeur Général de Gras Savoye Berger [XX]. Pendant cette période, votre contrat de travail a été maintenu.
Il est bien sûr impératif que, dans l'exercice de vos fonctions et lorsque vous supervisez d'autres collaborateurs, vous vous assuriez du strict respect de toutes les politiques et procédures en vigueur au sein de la Société et du Groupe.
L'enquête interne diligentée en amont de votre entretien préalable a toutefois révélé les faits suivants :
- Sur la période 2008-2019, vous avez déterminé, de manière discrétionnaire, les sommes à verser à M.M. ('MM') et à M.M. [V] ('MMC'), sans qu'aucun service n'ait été fourni par MM et/ou MMC.
- Vous avez chargé Monsieur [FC] [I] d'inscrire sur les listes annuelles les contrats de placement d'assurance conclus avec certaines entités publiques, listes que vous avez ensuite approuvées et qui ont servi de base de calcul aux commissions versées à MM et MMC, alors qu'aucune prestation n'avait été fournie par MM ou MMC à l'une des sociétés du Groupe.
- A cet égard, votre signature figure sur au moins huit lettres-chèques et le paiement de 15 lettres-chèques adressées à MM et/ou MMC a été effectué avec votre autorisation. Les lettres-chèques concernées sont présentées dans le tableau ci-après, pour un montant de 396 753,62 euros (soit entre 2 et 4 % des montants que la Société a reçu de ces clients publics). (...)
- Vous étiez pleinement conscient, en autorisant ces paiements, qu'aucun service n'avait été fourni par MM ou MMC à la Société ou à une autre société du Groupe.
- Vous avez autorisé le paiement de 396 753,62 euros à MM et MMC sans que MM ou MMC n'aient rendu de services à aucune société du Groupe. Ces paiements n'ont donc pas été effectués dans l'intérêt de la Société.
- Vous saviez ou auriez dû savoir que cela constitue une violation des politiques internes suivantes :
° La procédure 'apporteurs et indicateurs' de la Société Gras Savoye, d'avril 2015, qui prévoit que toute relation avec un apporteur d'affaires doit être 'contractualisée' (...)
° La 'procédure d'approbation des Tiers' du Groupe Willis Towers Watson - Avril 2017
* qui prévoit que toute relation avec un tiers doit avoir un support contractuel écrit (...)
* qui prévoit que les paiements ne peuvent être effectués par chèque (ou en espèces) plutôt que par virement bancaire à un tiers que dans des circonstances exceptionnelles et lorsqu'il existe un formulaire d'évaluation et une approbation valable du département des finances GS/WTW (...)
* qui prévoit qu'un rapport d'évaluation doit être établi pour chaque relation avec un tiers et qu'une approbation valide doit être en place avant tout paiement effectué à un tiers, et qu'une nouvelle évaluation doit être effectuée tous les 12 mois (ou 24 mois pour les parties à faible risque) (...)
° La 'politique de lutte contre la corruption' du Groupe Willis Towers Watson - Avril 2017, qui réitère l'importance de cette évaluation en se référant directement à la procédure d'approbation par un tiers prévue dans la 'procédure d'approbation des Tiers' du Groupe datant d'avril 2017 (...)
- Cette situation constitue un manquement aux exigences formelles de la délégation de pouvoirs que vous détenez depuis le 30 novembre 2018 pour la signature des chèques, les lettres de chèques ayant été signées en violation des politiques et procédures internes (qui imposent notamment la contractualisation de la relation).
- Les paiements de MM et MMC se sont poursuivis jusqu'en avril 2019 et vous n'ayez pris aucune mesure avant cette date pour cesser effectivement et immédiatement les paiements et/ou la relation.
- Les échanges et courriels que vous avez eus avec Monsieur [I] et Madame [R] illustrent votre pleine en entière connaissance du caractère non conforme et non approprié des paiements effectués en faveur de MM et MMC.
- Vous avez pris la décision de mettre fin à l'arrangement au moyen d'un paiement final à MM/MMC par le biais d'une facture de 'formation' ostensiblement inappropriée (dont une copie a été envoyée au siège de Gras Savoye le 28 mai 2019 par courrier électronique) émise par MMC pour un montant de 29 750 euros (hors TVA), qui a été payé par la Société par virement bancaire le 23 juin 2019, suite à votre autorisation.
- Vous avez pris cette décision malgré le fait que vous étiez au courant qu'aucun service de formation n'avait été fourni à une société du groupe Gras Savoye par MM ou MMC et que vous saviez, ou auriez dû savoir, que ce nouveau versement était, là encore, en violation des procédures de la Société et qu'il n'était pas dans l'intérêt de celle-ci.
- Rien n'indique que vous ayez tenté à un moment quelconque de porter cette affaire à l'attention de la Société de manière transparente, en mettant en évidence les questions préoccupantes.
De plus, au cours de l'enquête interne, la Société a également été déçue par votre réticence à coopérer pleinement à l'enquête, notamment en ce qui concerne votre participation à un second entretien, pour lequel la Société a dû insister afin de pouvoir mener à bien son enquête. (...)
Vous avez tenté d'entraver le déroulement de l'enquête et de dicter à votre employeur la manière de la mener, ce qui est inacceptable. (...)'.
L'enquête interne dont le rapport du 26 juin 2020 est produit (pièce n° 7) a été diligentée à la suite d'une réunion du mois de novembre 2019 lors de laquelle une salariée juriste et 'compliance officer' a 'remis en question certains paiements effectués à MM/MMC au cours de la période 2018 à 2019" (page 3).
Il ne ressort pas des éléments du dossier que l'employeur aurait eu, antérieurement à cette réunion du mois de novembre 2019 et à l'enquête interne, une connaissance exacte et complète des faits reprochés dans le courrier de rupture.
Pour soutenir l'inverse, M. [XX] produit :
- le rapport d'activité de l'année 2009 (sa pièce n° 8) de la société Gras Savoye Berger [XX] qui mentionne, sur une ligne en page 10, le total des rétrocessions de l'année 2008 et celui de l'année 2009 au profit de M. M.M. avec pour commentaire 'collectivités locales' ;
- la plaquette des comptes tant de l'année 2010 que de l'année 2011 (ses pièces n° 9 et 10) ;
- l'attestation de M. [WW] [A], directeur général de Gras Savoye Berger [XX] du mois de mai 2004 au mois d'octobre 2016, qui souligne que le rapport d'activité 2009 a été présenté à l'assemblée générale du 13 mars 2010, n'a fait l'objet d''aucune remarque particulière des commissaires aux comptes' et a été 'acté' par l'assemblée générale . (pièce n° 11)
L'appelant verse aussi aux débats :
- l'attestation de M. [FC] [I], directeur financier, qui témoigne (pièce n° 12) 'J'atteste que la Direction Financière du Groupe Gras Savoye Willis Towers Watson avait parfaitement connaissance de la relation commerciale du Cabinet Gras Savoye Berger [XX] avec Monsieur M.M. En effet, toutes les écritures liées à la rémunération de cet apporteur ont toujours été transmises en parfaite transparence à la Direction Comptable Groupe pour intégration dans les systèmes informatiques en vigueur au moment des faits. Cette même Direction effectuait, chaque année, la déclaration des honoraires (DADS2) versés aux tiers dont ceux de Mr M.M. (...)', étant observé que M. [I] souligne aussi la large diffusion du rapport d'activité 2009 au sein de la direction ;
- l'attestation de M. [T] [N], courtier d'assurances, qui relève (pièce n° 13) que 'Le siège de GRAS SAVOIE connaissait depuis plus de 10 ans l'existence de ces commissions' ;
- l'attestation de M. [E] [U], directeur commercial, qui relate (pièce n° 14) que 'Le comité de direction de Gras Savoye (...) a toujours était au courant des relations avec Mr M.' ;
- l'attestation de M. [B] [O], directeur de clientèle, qui expose (pièce n° 15) que la direction générale du groupe 'avait connaissance de ces versements depuis de nombreuses années' ;
- l'attestation de M. [K] [X], directeur département, qui relate (pièce n° 16) que 'cette situation (était) connue de la direction de Gras Savoye France' ;
- l'attestation de M. [S] [Y], courtier d'assurances, qui témoigne (pièce n° 17) que 'les relations Gras Savoye/M.M. ont toujours été connues de la direction à [Localité 4]' ;
- l'attestation de M. [P] [L], directeur général délégué puis directeur général de 2013 à 2020, qui expose (pièce n° 28) que 'la direction de Gras Savoye avait connaissance de l'accord entre la région Est et le cabinet M. faisant l'objet de rétrocessions de commissions' et que 'cet accord était connu de la direction de Gras Savoye depuis 2008, son existence étant mentionnée dans des comptes rendus de réunions entre la région et le siège'.
Le rapport d'activité de l'année 2009 et les plaquettes des comptes pour les années 2010 et 2011 sont anciens par rapport au licenciement et ne sauraient traduire une connaissance des agissements de M. [XX] par sa hiérarchie postérieurement à ces années. En tout état de cause, la ligne relative à M. M.M. dans la rubrique 'rétrocessions par partenaire/apporteur' du rapport d'activité de l'année 2009 n'établit pas que l'employeur, au-delà de l'aspect purement comptable, était informé de la nature et de la réalité des tâches rétribuées, ainsi que des conditions de versement des rétrocessions au profit de M. M.M. et/ou de la société de celui-ci.
L'attestation de M. [A] n'apporte aucun élément supplémentaire.
Les autres attestations produites doivent être examinées avec circonspection, la société Willis towers Watson France démontrant (pièces n° 34 et suivantes de l'intimée) que les témoins qui les ont rédigées ont des intérêts communs avec M. [XX], ce qu'ils n'ont pas mentionné (sauf M. [I]), ou ont été judiciairement en litige avec elle.
Ainsi, M [O], M. [Y], M. [N] et M. [X] sont associés dans une ou plusieurs SCI gérées par M. [XX] (pièce n° 34 de l'intimée).
M. [O], M. [Y], M. [N] et M. [X] ont engagé, au mois de janvier 2024, une procédure à l'encontre de la société Willis towers Watson France devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc (pièce n° 51).
Ces quatre personnes, ainsi que M. [U] et M. [XX] ont été attraits par la société Willis towers Watson France devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz, selon l'affirmation non contestée de l'intimée (pièce n° 48).
M. [XX], M. [N], M. [Y], M. [X] et M. [U] sont président ou associés de la SAS Angelus qui a une activité de courtage en assurances.
La présente cour statuant en matière prud'homale a prononcé le 5 juin 2024 un arrêt dans une affaire entre la société Willis towers Watson France et M. [I].
Quant à M. [L], il est directeur général du groupe de courtage en assurances Adelaïde, alors que la société Adelaïde est actionnaire principal de la société Angelus dont M. [XX] est président.
En tout état de cause, les sept attestations établissent que la société Willis towers Watson France avaient, durant la période litigieuse, connaissance de la relation d'affaires avec M. M.M. et avec la société de celui-ci. En revanche, ces témoignages étant peu circonstanciés, ils n'établissent pas que l'employeur avait une connaissance précise de la nature et de l'étendue des tâches rétribuées, de l'existence ou non de factures, ainsi que des modalités de calcul des rétrocessions.
En définitive, la société Willis towers Watson France n'ayant eu une connaissance exacte et complète des faits que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites le 19 juin 2020, les manquements détaillés dans la lettre de licenciement du 27 juillet 2020 ne se heurtent pas au délai de prescription de deux mois de l'article L. 1332-4 du code du travail.
L'enquête interne a été conduite par le cabinet d'avocats [G] [TH] Freehills et, plus précisément, à la lecture des courriers des 18 et 27 mai 2020 de l'avocat de M. [XX] (pièces n° 18 et 19 de l'appelante) et de ceux du 26 mai 2020 et 1er juin 2020 de ce cabinet (pièces n° 5 et 6 de l'intimée), par Maître [F]. Les conclusions de la société Willis towers Watson France ajoutent que celui-ci était assisté par Maître [ZJ].
Il ne ressort pas des documents produits que Maître [M] - qui appartient au cabinet [G] [TH] Freehills et qui a représenté la société Willis towers Watson France en première instance dans le présent litige - a participé au déroulement de l'enquête interne.
Plus généralement, l'instance n'ayant été introduite que le 16 décembre 2020, le fait qu'un avocat du cabinet [G] [TH] Freehills ait représenté l'employeur devant la juridiction prud'homale ne préjuge en rien de l'impartialité d'un autre avocat de ce cabinet lors du déroulement antérieur de l'enquête durant le premier semestre de l'année 2020.
A la lecture du paragraphe 52 de l'enquête interne et des courriers des 26 mai 2020 et 1er juin 2020 du cabinet d'avocats [G] [TH] et Freehills, les salariés 'détenteurs d'informations' ont été informés de divers droits, à savoir la possibilité d'être assisté d'un avocat de leur choix au cours de l'entretien, la faculté de discuter avec leur avocat à tout moment pendant l'entretien, la possibilité de ne pas répondre aux questions, le droit de ne pas s'incriminer, la confidentialité de l'existence et du contenu de l'entretien, ainsi que la faculté pour l'employeur d'utiliser les informations fournies au cours des entretiens.
Il doit être rappelé que le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n'impose pas que, dans le cadre d'une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d'autres salariés, le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu'il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu'il soit entendu, dès lors que la décision que l'employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement. (Cour de cassation, ch. soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 20-22.220).
L'enquête interne aboutit à des conclusions précises et circonstanciées dont il ressort notamment que :
- 'Des paiements ont été effectués à MM/MMC sur autorisation de [IR] ([BN] [XX]) et au su et avec l'assistance administrative de [UI] ([FC] [I]), sans factures en bonne et due forme émises par MM/MMC mais sur la base d'une liste actualisée des entités publiques avec lesquelles GSBS/GS (Gras Savoye Berger [XX]/Gras Savoye) a conclu un contrat ou une relation contractuelle' ;
- 'Les commissions versées à MM/MMC dans le cadre des marchés publics se sont élevés à 402 520,87 euros de 2007 à 2018" ;
- 'tous les paiements effectués à MM/MMC l'ont été par chèque' ;
- '[IR] ([BN] [XX]) a signé les lettres-chèques et/ou a autorisé ces paiements et l'apposition de sa signature aux chèques préparés par la Direction Financière de GSBS/GS [Localité 3]' ;
- 'Cette pratique est néanmoins en violation des politiques internes de GS (Gras Savoye) et de WTW (Willis towers Watson) (toutes deux applicables à GSBS/GS [Localité 3])' ;
- 'L'enquête interne a conclu que MM/MMC avait bénéficié de paiements par GSBS/GS (Gras Savoye Berger [XX]/ Gras Savoye) [Localité 3] de commissions calculées uniquement sur la base de listes établies par [UI] ([FC] [I]) de certaines entités publiques avec lesquelles GSBS/GS [Localité 3] a conclu ou maintenu une relation contractuelle, mise à jour annuellement et sans qu'aucune base contractuelle écrite ni aucun service n'aient été fournis par MM/MMC à GSBS/GS [Localité 3].
Les listes Excel ont été préparées et même mises à jour par [UI] ([FC] [I]), qui a organisé les paiements par lettres-chèques, portant, au moins pour 8 d'entre elles, la signature de [IR]. En outre, selon les déclarations faites par [UI], notamment dans des e-mails, le calcul des commissions de MM a été discuté entre [UI] et [IR] et validé par [IR].
Ces pratiques sont en violation de la Procédure d'approbation des Tiers de WTW en vigueur depuis avril 2017" ;
- 'Sur la base de l'examen documentaire, aucun document contractuel à l'appui de la relation entre MM et GSBS/GS [Localité 3] ou preuve de services fournis par MM/MMC à GSBS/GS [Localité 3] dans le cadre de marchés publics n'a pu être identifié' ;
- 'il ressort de l'examen que la relation existante avec MM et/ou ses sociétés en matière d'appels d'offres publics n'a jamais été régularisée pendant toute la période (...)'.
La société Willis towers Watson France produit les documents relatifs aux politiques internes qui ont été ainsi violées et qui sont rappelées dans la lettre de licenciement :
- lutte contre la corruption, procédure d'approbation des tiers (pièce n° 10 et 11) avril 2017 ;
- politique de lutte contre la corruption (pièce n° 12) avril 2017 ;
- code de conduite mis à jour au mois de juillet 2018 (pièce n° 13).
Certes, ces documents ne couvrent pas toute la période en litige, mais les agissements opaques décrits par l'enquête interne, notamment l'absence de documents contractuels et de facturation, ne pouvait en aucun cas correspondre à une gestion normale.
La réalité des anomalies et la connaissance répétée qu'en avait [BN] [XX] sont établies par divers courriels produits par la société Willis towers Watson France, indépendamment du déroulement et des conclusions de l'enquête interne :
- courriel du 27 février 2009 de M. [I] à M. [XX] (pièce n° 14) : 'J'attire également ton attention sur le fait que nous réglons à un consultant des commissions sans aucun accord écrit. En cas de contrôle nous serions dans la plus grande illégalité. L'idéal serait de pouvoir signer une convention avec M.M. si ses activités annexes lui permettent ou de trouver un autre deal' ;
- courriel du 15 octobre 2012 de M. [I] à M. [XX] (pièce n° 15) : 'Je rappelle que nous n'avons aucune convention avec M.' ;
- courriel du 31 octobre 2014 de M. [I] à M. [XX] (pièce n° 16) : 'Pour mémoire, nous continuons à verser à M. M. des commissions sans aucune convention apporteur régularisée' ;
- courriel du 26 mai 2016 de M. [I] avec copie à M. [XX] (pièce n° 17) : 'il ne restera que la situation de M. à régulariser pour être conforme aux exigences du groupe' ;
- courriel du 27 décembre 2016 de M. [I] à M. [XX] (pièce n° 18) : 'Comme tons les ans, je prépare la rémunération pour M.M. (...) Enfin, je vous rappelle que nous n'avons aucune convention permettant de justifier ce versement annuel à hauteur de 35 Keuros' ;
- courriel du 11 décembre 2018 de Mme [R], juriste, à M. [XX] : 'Je reviens vers vous sur le sujet M.M. puisque c'est en début d'année 2019, que M. va venir demander le règlement sur les collectivités locales. Mais je vous rappelle que le protocole en place ne permet pas de rétrocéder sur ces affaires'.
L'intimée produit une facture d'un montant de 29 750 euros HT du 27 mai 2019 émise par la société M.M. [V] pour une action de formation. A la lecture d'attestations produites par M. [XX] lui-même, cette facture était en réalité destinée à 'clore' la relation avec cette société M.M. [V] et à compenser l'arrêt du versement de commissions (cf. attestations [N], [U], [O], [X], [Y] et [L]). A ce sujet, la société Willis towers Watson France verse aux débats (pièce n° 24) un courriel du 7 juin 2019 adressé à Mme [H] [VJ], responsable des ressources humaines, par M. [I] qui écrit 'Facture passée en formation à la demande de [IR]' ([BN] [XX]).
Même s'il existe un doute quant à la connaissance qu'avait la société Willis towers Watson France de la facture précitée du 27 mai 2019 et de la finalité de son règlement, il n'en demeure pas moins que M. [XX] ne peut pas se prévaloir que son employeur était informé des autres faits de la période litigieuse, comme cela a été examiné ci-dessus dans les paragraphes relatifs à la prescription.
En définitive, à l'instar des premiers juges, il y a lieu de retenir que M. [XX] ayant autorisé des paiements discrétionnaires à M. M.M. et à la société M.M.[V], sans contrat et sans détail du service rendu, malgré les alertes de son directeur administratif et financier, et ce sans avoir jamais tenté durant la période allant de l'année 2008 à l'année 2019 de trouver une solution régularisant la situation, notamment à compter de l'année 2017 au regard des règles de politique interne définies par la société Willis towers Watson France, le premier grief est fondé.
Il s'ensuit que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second grief tiré de l'entrave à l'enquête interne, le jugement est confirmé, en ce qu'il a dit justifié le licenciement de M. [XX] pour faute simple et rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Sur les stock-options
La société Willis towers Watson France ne peut pas être tenue de réparer la perte de chance subie par M. [XX] de se voir attribuer des stock-options, dès lors que le licenciement qui est l'origine de cette perte de chance est bien fondé.
En conséquence, la demande relative aux stock-options est rejetée.
Sur le préjudice personnel et moral
En l'absence de faute commise par la société Willis towers Watson France, le jugement est confirmé, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice personnel et moral.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement est confirmé dans ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance.
M. [XX] est débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est condamné à payer à la société Willis towers Watson France la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par celle-ci en cause d'appel.
M. [XX] est condamné aux dépens de première instance, en application de l'article 696 du même code.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement, sauf en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande présentée par M. [BN] [XX] au titre des stock-options ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
Se déclare compétente pour statuer sur la demande présentée par M. [BN] [XX] au titre des stock-options, mais rejette cette demande ;
Rejette la demande présentée par M. [BN] [XX] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [BN] [XX] à payer à la SAS Willis towers Watson France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne M. [BN] [XX] aux dépens d'appel.
Le greffier P/ La Présidente régulièrement empêchée
Le Conseiller