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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 8 octobre 2025, n° 25/06227

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/06227

8 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2025

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/06227 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLDWL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mars 2025 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de paris - RG n° 24/13835

APPELANTE

Mme [R] [N]

De nationalité française

Née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 7] (93)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Isaline POUX de la SELEURL IP ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1668

PARTIE INTERVENANTE :

Organisme ORDRE DES AVOCATS DE [Localité 6] pris en la personne de M. [X] [U] ès qualités de Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de [Localité 6].

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Rodolphe MADER de la SELEURL MADER AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : EV

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Raoul CARBONARO, Président de chambre

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

Mme [N] a exercé à titre individuel la profession d'avocat au Barreau de Paris à compter du 20 janvier 2011 jusqu'au 17 février 2023, date de son omission volontaire actée par le Conseil de l'Ordre réuni en séance du 23 janvier 2023. Elle exerce désormais une activité salariée en tant que juriste, après avoir été en congé maternité non rémunéré entre octobre 2023 et mars 2024.

Par déclaration de cessation des paiements du 25 octobre 2024, Mme [N] a demandé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée. Son passif professionnel exigible s'élevait à la somme de 83 060,30 euros.

Par jugement du 13 mars 2025, le tribunal judiciaire de Paris a débouté Mme [N] de sa demande de liquidation judiciaire simplifiée.

Par déclaration du 26 mars 2025, Mme [N] a interjeté appel.

*****

Par conclusions signifiées par voie électronique le 23 mai 2025, Mme [N] demande à la cour de :

- Déclarer recevable et bien fondé son appel ;

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 13 mars 2025 et, statuant à nouveau,

- Ouvrir une liquidation judiciaire à l'encontre de l'activité libérale de Mme [N] et nommer tel mandataire liquidateur qu'il plaira à la cour ;

- Dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par la SELARL IP Associés auprès de l'Etat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

*****

Par conclusions d'intervention volontaire déposées au greffe et signifiées par voie électronique le 31 juillet 2025, l'Ordre des Avocats de [Localité 6] demande à la cour de :

- Recevoir son intervention volontaire ;

- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 13 mai 2025 ;

- Prononcer l'ouverture d'une liquidation judiciaire à l'égard du patrimoine professionnel de Mme [N].

*****

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'intervention volontaire de l'Ordre des avocats de [Localité 6]

L'Ordre des avocats de [Localité 6] expose intervenir en tant que contrôleur de droit dans le cadre des procédures collectives ouvertes à l'égard des avocats inscrits ou ayant été inscrits à son tableau. Il explique que Mme [N] a été inscrite à son tableau pendant près de 13 ans, jusqu'au 17 février 2023. Son passif professionnel ayant été créé dans le cadre de son exercice à titre individuel, il conclut qu'il justifie d'un intérêt pour intervenir.

Sur ce,

Selon l'article L.621-1 du code de commerce, lors de l'ouverture de la procédure, lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumis à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé, dans les mêmes conditions, l'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont il relève.

En l'espèce, Mme [N] exerçait la profession d'avocat. Il s'ensuit que le tribunal et à sa suite la cour, doivent statuer après avoir entendu l'ordre des avocats de Paris.

Son intervention volontaire sera donc déclarée recevable.

Sur la demande de liquidation judiciaire

Mme [N] fait valoir qu'elle est dans l'incapacité de rembourser ses dettes professionnelles d'un montant de 83.060,30 euros car elle a cessé son activité d'avocat depuis le 17 février 2023 en raison de difficultés personnelles, qu'elle n'a plus de clientèle personnelle et qu'elle ne dispose d'aucun actif professionnel disponible. Elle indique demander l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire portant sur son patrimoine professionnel et non un redressement car elle a cessé son activité, de sorte qu'elle ne générera plus de bénéfices lui permettant de proposer un plan.

Elle reproche au tribunal, après avoir constaté l'état de cessation des paiements de son patrimoine professionnel, d'avoir rejeté sa demande de liquidation judiciaire au motif qu'ayant désormais un emploi salarié, elle disposait d'une capacité de financement lui permettant de rembourser son patrimoine professionnel.

Elle expose ainsi qu'elle ne peut rembourser son passif professionnel avec ses revenus salariés, car ils ne proviennent pas de son activité libérale et relèvent donc de son patrimoine personnel.

Par ailleurs, elle soutient sur le fondement de l'article L. 631-19 I du code de commerce qu'une procédure de redressement judiciaire serait inopérante car elle ne peut être contrainte de présenter un plan de redressement ou d'y apporter son concours. Elle ajoute qu'il ne pourrait non plus y avoir de plan de cession car son activité a cessé depuis février 2023, et conclut qu'il convient de procéder à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

L'Ordre des avocats de Paris soutient que le tribunal judiciaire de Paris a nié le principe de scission du patrimoine personnel et professionnel de l'entrepreneur individuel issu de la loi n°2022-172 du 14 février 2022, et ajoute qu'en toute hypothèse la proposition d'un plan de redressement doit être volontaire et non forcée. Or, Mme [N] n'envisage pas de proposer un tel plan. L'Ordre des avocats de [Localité 6] conclut qu'en l'absence de surendettement, la procédure collective ne devrait concerner que son patrimoine professionnel.

Sur ce,

Il résulte de l'article L. 526-22 du code de commerce, que dans le cas où un entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis.

Ainsi, le simple fait que Mme [N] ait cessé son activité entraîne une réunion de ses 2 patrimoines.

Il résulte de l'article L. 631-1 du code de commerce que la cessation des paiements se définit comme étant l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, mais que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en état de cessation des paiements.

En conséquence, pour apprécier l'impossibilité pour Mme [N] de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, il convient qu'elle fournisse à la cour la totalité de l'actif disponible et du passif exigible de ses 2 patrimoines réunis.

Il convient donc d'ordonner la réouverture des débats pour lui permettre de déposer de nouvelles conclusions et de verser aux débats de nouvelles pièces.

Par ces motifs,

Déclare l'ordre des avocats de [Localité 6] recevable en son intervention,

Révoque la clôture,

Ordonne la réouverture des débats afin que Mme [N] fournisse à la cour la totalité de l'actif disponible et du passif exigible de ses 2 patrimoines réunis,

Renvoie l'affaire à l'audience de la cour du mercredi 15 octobre 2025 à 9h30.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

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