CA Nancy, 5e ch., 8 octobre 2025, n° 24/02188
NANCY
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /25 DU 08 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/02188 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FOKT
Décision déférée à la Cour :
jugement du Président du tribunal de commerce de NANCY, R.G. n°2023008815, en date du 03 septembre 2024,
APPELANT :
Monsieur [Z] [N] né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 9]
Représenté par Me Alexandre GASSE de la SCP SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH LEDERLE, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
S.C.P. [8], mandataire judiciaire ayant son siège [Adresse 2]
ès qualités de Mandataire Liquidateur de l'EURL [5], désigné à ces fonction selon jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 4 juillet 2023
Représentée par Me Marie-christine DRIENCOURT, avocat au barreau de NANCY
LE MINISTERE PUBLIC, ayant son siège [Adresse 6]
en la personne de Mme Virginie KAPLAN substitut général près de la cour d'appel de Nancy présent à l'audience
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.Benoit JOBERT magistrat honoraire, Président d'audience et chargé du rapport ;
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry SILHOL Président de chambre ,
Madame Hélène ROUSTAING Conseillère
Monsieur Benoit JOBERT, magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l'issue des débats le M.Benoit JOBERT magistrat honoraire faisant fonction de présidenta annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2025, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 08 Octobre 2025, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par MonsieurThierry SILHOL Président de chambre à la cinquième chambre commerciale, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement du 4 juillet 2023, le tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de l'EURL [5], la SCP [8] étant désignée en qualité mandataire liquidateur. Cette procédure a été transformée en procédure de liquidation judiciaire de droit commun le même jour.
Par requête en date du 24 octobre 2023, le parquet près le tribunal judiciaire de Nancy a sollicité de ce tribunal le prononcé d'une interdiction de gérer une société à l'encontre du dirigeant de cette société, M. [Z] [N], d'une durée de 12 ans, pour défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les 45 jours, la disparition d'éléments comptables, l'omission de tenir une comptabilité et le détournement de tout ou partie de l'actif de la société.
Par acte du 3 janvier 2024, la SCP [4], ès qualités, a assigné M. [N] devant le tribunal judiciaire de Nancy en vue de faire prononcer à son encontre une faillite personnelle d'une durée de 15 ans ou, à titre subsidiaire, une interdiction de gérer de la même durée.
Par jugement du 3 septembre 2024, ce tribunal a joint les deux requêtes (dans les motifs mais non repris dans le dispositif), prononcé une interdiction de gérer d'une durée de 12 ans accompagnée d'un comblement de passif à hauteur de la somme de 107 084 euros à l'encontre de M. [N] et l'a condamné à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la SCP [8], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société [5].
Par jugement du 1er octobre 2024, statuant sur requête en rectification d'erreur matérielle et en omission de statuer émanant de la SCP [8], ès qualités, ce même tribunal a rectifié le dispositif du jugement du 3 septembre 2024 en condamnant M. [N] à supporter une insuffisance d'actif à hauteur de 107 084 euros et à régler cette somme à la SCP [8], ès qualités, et condamné ce dernier à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 6 novembre 2024, M. [N] a interjeté appel de ces deux jugements.
Aux termes d'écritures récapitulatives remises le 5 février 2025 au greffe de la cour, l'appelant conclut à leur infirmation en ce qu'il l'ont condamné à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 107 084 euros et à régler cette somme au mandataire liquidateur de la société [5], ès qualités, en ce qu'il l'a condamné à une interdiction de gérer d'une durée de 12 ans et en ce qu'il l'a condamné à payer au mandataire liqudateur de la société [5], ès qualités, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il demande à la cour, statuant à nouveau, de rejeter les demandes de M. le procureur de la République et de la SCP [8], ès qualités.
A titre subsidiaire, il lui demande de limiter sa participation à la couverture de l'insuffisance d'actif à la somme de 6 057,34 euros ou, à titre encore plus subsidiaire, à la somme de 32 431 euros.
En tout état de cause, il sollicite la condamnation de la SCP [8], ès qualités, à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de son recours, M. [N] fait valoir en substance que :
- il a mentionné la date du 30 août 2021 dans sa déclaration au greffe et le requérant n'apporte pas la preuve que la date de cessation des paiements remonte à plus de 45 jours avant cette déclaration en date du 20 juin 2023 et rien ne justifie que la date de cessation des paiements soit fixée au 28 février 2023.
- Il a tenu une comptabilité jusqu'à la date de cessation des paiements ; les derniers comptes sociaux concernent l'exercice clos le 31 mars 2021 en raison d'un conflit avec son expert-comptable qui a procédé à la rétention des pièces comptables ; il était donc dans l'impossibilité de faire tenir sa comptabilité par un expert-comptable ; le défaut de tenue de comptabilité n'était donc pas intentionnel ; depuis, il tenait la comptabilité sur un logiciel dédié.
- Par ignorance, il s'est remboursé des frais qu'il a engagés à hauteur de la somme de 6 057,34 euros, ce qui ne constitue pas un détournement d'actif ; il s'est juste remboursé des frais qui lui étaient dus par préférence aux autres créanciers.
- Il n'est pas démontré un quelconque lien de cause à effet entre les fautes qui lui sont reprochées et l'insuffisance d'actif.
Selon des écritures récapitulatives reçues le 6 février 2025 au greffe de la cour, la SCP [8], ès qualités, conclut à la confirmation des jugements entrepris en toutes leurs dispositions.
Elle sollicite en outre la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de la procédure.
Elle expose en substance que :
- L'appelant a commis des fautes de gestion (défaut en connaissance de cause de déclaration des paiements dans les délais, défaut de tenue de comptabilité et détournements d'actifs) qui ont contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur de 32 431 euros ; c'est à juste titre que les premiers juges l'ont condamné à supporter la totalité du passif.
- les fautes de gestion commises par M. [N], qui a d'ores et déjà fait l'objet de deux procédures collectives, justifient la mesure d'interdiction de gérer de douze ans prononcée à son encontre.
Par des réquisitions reçues le 23 décembre 2024 au greffe de la cour, M. le procureur général près la cour de [Localité 7] conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Il expose que les fautes de gestion commises par le débiteur ont contribué à l'insuffisance d'actif de la société et justifient les mesures prises à son encontre qui sont proportionnées à la gravité desdites fautes.
MOTIFS
1- Sur l'interdiction de gérer
Aux termes de l'article L653-8, alinéa 1, du Code de commerce, 'dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci'.
Il résulte des pièces versées aux débats que M. [N] était le gérant et seul associé de la société [5] ; une procédure de liquidation judiciaire ayant été ouverte à l'égard de cette société, l'interdiction de gérer peut être prononcée à son encontre en tant que dirigeant de droit de cette personne morale.
Par ailleurs, il lui est reproché un défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les 45 jours, la disparition d'éléments comptables, l'omission de tenir une comptabilité et enfin un détournement de tout ou partie de l'actif de la société [5], qui sont des faits prévus aux articles L653-3, L653-5 et L653-8 du Code de commerce pouvant être sanctionnés par une interdiction de gérer.
- Sur le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements :
M. [N] a déclaré l'état de cessation des paiements de la société [5] le 20 juin 2023, celle-ci ayant été acquise au 31 août 2021 à ses propres dires.
Le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du 4 juillet 2023 a fixé la date de cessation des paiements au 28 février 2023 ; ni le mandataire judiciaire ni le ministère public n'ont demandé la modification de la date de cessation des paiements dans le délai d'un an à compter du jugement d'ouverture de la procédure comme l'exige l'article L631-8 du Code de commerce ; il y a lieu de préciser à cet égard que le débiteur ne peut contester la date de cessation des paiements retenue par le tribunal.
La date du 28 février 2023 s'impose donc à M. [N] ; toutefois, s'il en résulte que la déclaration de cessation des paiements n'est pas intervenue dans le délai légal, il n'en découle pas pour autant que ce dernier ait sciemment omis d'y procéder, ce qui est imposé par l'article L653-8 du même code pour la sanction d'interdiction de gérer.
Dans son jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société [5], le tribunal a retenu le 28 février 2023 comme date de cessation des paiements au motif qu'elle correspondrait à la date d'une facture impayée ; dans le jugement entrepris, le tribunal a relevé que cette facture n'était toujours pas réglée et en a déduit que le gérant de la société avait sciemment dissimulé de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai légal.
Toutefois, cette déduction est abusive car on ne peut inférer du seul défaut de paiement d'une créance la prise de conscience par le gérant de l'état de cessation des paiements d'une société et sa dissimulation en connaissance de cause par le débiteur.
Il en va de même pour la circonstance que M. [N] ait été auparavant le dirigeant de droit de deux sociétés ayant fait l'objet de procédures collectives ; s'il peut en être conclu que les règles applicables en la matière ne lui étaient pas étrangères, on ne peut en tirer que le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais légaux dans la présente procédure ait un caractère délibéré.
Dans ses conclusions récapitulatives d'appel, le mandataire liquidateur de la société [5] se contente de dire que l'état de cessation des paiements de la société n'avait pu échapper à son gérant, ce qui revient à procéder par affirmation.
La cour ne peut dès lors que constater que la preuve que M. [N] ait sciemment omis de déclarer l'état de cessation des paiements de la société [5] dans le délai de 45 jours, n'est apportée ni par le ministère public ni par le mandataire judiciaire.
Dès lors, ce grief ne peut être retenu pour le prononcé d'une interdiction de gérer.
- Sur l'absence de comptabilité ou la tenue d'une comptabilité incomplète :
Aux termes de l'article L123-12 du Code de commerce, tout commerçant est obligé de tenir des comptes annuels comprenant le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable et, en vertu de l'article L. 123-14 du même code, ces comptes doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise.
Il est d'abord reproché à M. [N] la disparition d'éléments comptables : ce grief n'est cependant pas établi
Il lui est ensuite reproché l'absence de tenue d'une comptabilité conforme aux exigences ci-dessus exposées pour les exercices 2021/2022 et 2022/2023, soit antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; une preuve négative ne pouvant être imposée au demandeur à l'action, il incombe au débiteur d'établir qu'il a accompli ses obligations comptables ; le fait que son expert-comptable ait pu retenir des pièces comptables en raison d'un différend qui les opposait, n'exonèrait pas M. [N] de l'accomplissement de ces diligences en la matière.
Ainsi, celui-ci ne justifie pas d'avoir tenu une comptabilité conforme aux règles ci-dessus exposées pour les exercices 2021/2022 et 2022/2023, ce qu'il a au demeurant expressément reconnu dans ses conclusions récapitulatives d'appel.
Ce grief est constitué.
- Sur le détournement d'actifs de la société [5] :
Il est constant qu'entre le 2 juin 2023 et le 3 juillet 2023, M. [N] a procédé à des prélèvements à son profit sur le compte bancaire de la société [5] pour un total de 6.057,34 euros.
Ces prélèvements sont intervenus avant l'ouverture de la procédure collective prononcée le 4 juillet 2023
Le débiteur a prétendu qu'il s'agissait de remboursements de frais avancés à la société, son compte courant d'associé ayant été crédité d'autant.
Cependant, il ne justifie ni de l'existence d'avances faites au profit de la société [5] ni de leur inscription dans un compte courant d'associé ; en outre, si tel avait été le cas, la remise de ces créances leur aurait faire perdre leur individualité et aurait eu un effet extinctif, de sorte que M. [N] n'aurait pu en réclamer le remboursement.
Ces prélèvements non justifiés à son profit personnel ne peuvent s'analyser qu'en autant de détournements d'actifs si bien que ce grief est établi.
Les griefs prouvés à l'encontre de M. [N] révèlent des manquements aux obligations d'un dirigeant dans la gestion d'une société ainsi que des décisions contraires à l'intérêt des créanciers, des prélèvements ayant été opérés alors que dans le même temps, le débiteur avait procédé à la déclaration de cessation des paiements de la société et qu'il ne pouvait ignorer que ces actes leur nuiraient ; ces agissements sont incompatibles avec des fonctions de dirigeant, soucieux d'une gestion saine et transparente de la société qu'il dirige et prenant en compte l'intérêt de la société et des créanciers.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé une interdiction de gérer à l'encontre de M. [N].
Toutefois une durée de 12 ans est disproportionnée au regard de la gravité des faits et de l'absence d'antécédents en matière de sanction de sorte qu'il doit être infirmé en ce qu'il a fixé à 12 ans la durée de cette interdiction de gérer.
Statuant à nouveau, il y a lieu de la fixer à cinq ans à compter du 3 septembre 2024.
2- sur l'action en insuffisance d'actif dirigée à l'encontre de M. [N]
L'article L651-2, alinéa 1, du Code de commerce énonce notamment que : 'lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion...'.
En l'espèce, une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l'égard de la société [5] dont M. [N] a été le dirigeant de droit ; le mandataire liquidateur a évalué l'insuffisance d'actif créée avant l'ouverture de la procédure collective à la somme de 107 084 euros.
L'absence de tenue d'une comptabilité régulière pendant deux exercices comptables constitue une faute de gestion qui, par sa durée et ses conséquences, excède la simple négligence ; cette omission n'a pas permis à M. [N] de prendre conscience de la dégradation de la situation financière de la société qu'il dirigeait et de prendre les mesures de gestion efficaces qui s'imposaient à lui pour pérenniser la société et préserver les droits des créanciers ; cette omission a nécessairement contribué à la création de l'insuffisance d'actif de la société [5].
Il en va de même pour les détournements d'actifs commis quelques jours avant l'ouverture de la procédure collective qui excèdent également la simple négligence en ce qu'ils ont été accomplis alors que, concomitament, M. [N] procédait à la déclaration de cessation des paiements de sorte qu'il ne pouvait ignorer que ces agissements réduisaient l'actif de la société à son profit personnel et aux dépens des créanciers.
C'est donc à juste titre que les premiers juges l'ont condamné à supporter l'insuffisance d'actif de la société [5].
Cependant, il n'est pas prouvé que les fautes de gestion retenues à l'encontre de M. [N] soient à l'origine de la création de la totalité du passif de cette société.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a fixé à 107 084 euros la contribution de ce dernier à l'insuffisance d'actif de la société [5].
Statuant à nouveau dans cette limite, en l'absence d'éléments sur la situation patrimoniale du débiteur, que le tribunal aurait pu recueillir en faisant application des dispositions des articles L651-4 et R651-5 du Code de commerce, l'insuffisance d'actif que celui-ci devra combler doit être fixée à la somme de 10 000 euros ; M. [N] doit être condamné à payer cette somme à la SCP [8], ès qualités.
3- Sur les demandes accessoires
Le jugement du 3 septembre 2024 doit être confirmé en ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens de première instance en frais privilégiés de procédure collective et en ce qu'il a condamné M. [N] à payer à la SCP [4], ès qualités, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
A hauteur d'appel, les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
Il est équitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés en appel si bien que leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du Code de procédure civile doivent être rejetées.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
INFIRME le jugement rendu le 3 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Nancy, tel que rectifié par le jugement du 1er octobre 2024, en ce qu'il a fixé à 12 ans la durée de l'interdiction de gérer frappant M. [Z] [N] et en ce qu'il l'a condamné à supporter l'insuffisance d'actif de la société [5] à hauteur de 107.084 euros et à régler cette somme à la SCP [8], ès qualités
Statuant à nouveau dans cette limite,
FIXE la durée de l'interdiction de gérer infligée à M. [Z] [N] à cinq ans à compter du 3 septembre 2024.
LE CONDAMNE à payer à la SCP [4], ès qualités de mandataire liquidateur de la société [5], au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif de cette société, la somme de 10 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
CONFIRME le jugement rendu le 3 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Nancy, tel que rectifié par le jugement du 1er octobre 2024, en ses autres dispositions.
Y ajoutant,
DIT que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
REJETTE les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur ThierrySILHOL Président de chambre à la cinquième chambre commerciale , à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Minute en dix pages.
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /25 DU 08 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/02188 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FOKT
Décision déférée à la Cour :
jugement du Président du tribunal de commerce de NANCY, R.G. n°2023008815, en date du 03 septembre 2024,
APPELANT :
Monsieur [Z] [N] né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 9]
Représenté par Me Alexandre GASSE de la SCP SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH LEDERLE, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
S.C.P. [8], mandataire judiciaire ayant son siège [Adresse 2]
ès qualités de Mandataire Liquidateur de l'EURL [5], désigné à ces fonction selon jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 4 juillet 2023
Représentée par Me Marie-christine DRIENCOURT, avocat au barreau de NANCY
LE MINISTERE PUBLIC, ayant son siège [Adresse 6]
en la personne de Mme Virginie KAPLAN substitut général près de la cour d'appel de Nancy présent à l'audience
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.Benoit JOBERT magistrat honoraire, Président d'audience et chargé du rapport ;
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry SILHOL Président de chambre ,
Madame Hélène ROUSTAING Conseillère
Monsieur Benoit JOBERT, magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l'issue des débats le M.Benoit JOBERT magistrat honoraire faisant fonction de présidenta annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2025, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 08 Octobre 2025, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par MonsieurThierry SILHOL Président de chambre à la cinquième chambre commerciale, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement du 4 juillet 2023, le tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de l'EURL [5], la SCP [8] étant désignée en qualité mandataire liquidateur. Cette procédure a été transformée en procédure de liquidation judiciaire de droit commun le même jour.
Par requête en date du 24 octobre 2023, le parquet près le tribunal judiciaire de Nancy a sollicité de ce tribunal le prononcé d'une interdiction de gérer une société à l'encontre du dirigeant de cette société, M. [Z] [N], d'une durée de 12 ans, pour défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les 45 jours, la disparition d'éléments comptables, l'omission de tenir une comptabilité et le détournement de tout ou partie de l'actif de la société.
Par acte du 3 janvier 2024, la SCP [4], ès qualités, a assigné M. [N] devant le tribunal judiciaire de Nancy en vue de faire prononcer à son encontre une faillite personnelle d'une durée de 15 ans ou, à titre subsidiaire, une interdiction de gérer de la même durée.
Par jugement du 3 septembre 2024, ce tribunal a joint les deux requêtes (dans les motifs mais non repris dans le dispositif), prononcé une interdiction de gérer d'une durée de 12 ans accompagnée d'un comblement de passif à hauteur de la somme de 107 084 euros à l'encontre de M. [N] et l'a condamné à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la SCP [8], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société [5].
Par jugement du 1er octobre 2024, statuant sur requête en rectification d'erreur matérielle et en omission de statuer émanant de la SCP [8], ès qualités, ce même tribunal a rectifié le dispositif du jugement du 3 septembre 2024 en condamnant M. [N] à supporter une insuffisance d'actif à hauteur de 107 084 euros et à régler cette somme à la SCP [8], ès qualités, et condamné ce dernier à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 6 novembre 2024, M. [N] a interjeté appel de ces deux jugements.
Aux termes d'écritures récapitulatives remises le 5 février 2025 au greffe de la cour, l'appelant conclut à leur infirmation en ce qu'il l'ont condamné à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 107 084 euros et à régler cette somme au mandataire liquidateur de la société [5], ès qualités, en ce qu'il l'a condamné à une interdiction de gérer d'une durée de 12 ans et en ce qu'il l'a condamné à payer au mandataire liqudateur de la société [5], ès qualités, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il demande à la cour, statuant à nouveau, de rejeter les demandes de M. le procureur de la République et de la SCP [8], ès qualités.
A titre subsidiaire, il lui demande de limiter sa participation à la couverture de l'insuffisance d'actif à la somme de 6 057,34 euros ou, à titre encore plus subsidiaire, à la somme de 32 431 euros.
En tout état de cause, il sollicite la condamnation de la SCP [8], ès qualités, à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de son recours, M. [N] fait valoir en substance que :
- il a mentionné la date du 30 août 2021 dans sa déclaration au greffe et le requérant n'apporte pas la preuve que la date de cessation des paiements remonte à plus de 45 jours avant cette déclaration en date du 20 juin 2023 et rien ne justifie que la date de cessation des paiements soit fixée au 28 février 2023.
- Il a tenu une comptabilité jusqu'à la date de cessation des paiements ; les derniers comptes sociaux concernent l'exercice clos le 31 mars 2021 en raison d'un conflit avec son expert-comptable qui a procédé à la rétention des pièces comptables ; il était donc dans l'impossibilité de faire tenir sa comptabilité par un expert-comptable ; le défaut de tenue de comptabilité n'était donc pas intentionnel ; depuis, il tenait la comptabilité sur un logiciel dédié.
- Par ignorance, il s'est remboursé des frais qu'il a engagés à hauteur de la somme de 6 057,34 euros, ce qui ne constitue pas un détournement d'actif ; il s'est juste remboursé des frais qui lui étaient dus par préférence aux autres créanciers.
- Il n'est pas démontré un quelconque lien de cause à effet entre les fautes qui lui sont reprochées et l'insuffisance d'actif.
Selon des écritures récapitulatives reçues le 6 février 2025 au greffe de la cour, la SCP [8], ès qualités, conclut à la confirmation des jugements entrepris en toutes leurs dispositions.
Elle sollicite en outre la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de la procédure.
Elle expose en substance que :
- L'appelant a commis des fautes de gestion (défaut en connaissance de cause de déclaration des paiements dans les délais, défaut de tenue de comptabilité et détournements d'actifs) qui ont contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur de 32 431 euros ; c'est à juste titre que les premiers juges l'ont condamné à supporter la totalité du passif.
- les fautes de gestion commises par M. [N], qui a d'ores et déjà fait l'objet de deux procédures collectives, justifient la mesure d'interdiction de gérer de douze ans prononcée à son encontre.
Par des réquisitions reçues le 23 décembre 2024 au greffe de la cour, M. le procureur général près la cour de [Localité 7] conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Il expose que les fautes de gestion commises par le débiteur ont contribué à l'insuffisance d'actif de la société et justifient les mesures prises à son encontre qui sont proportionnées à la gravité desdites fautes.
MOTIFS
1- Sur l'interdiction de gérer
Aux termes de l'article L653-8, alinéa 1, du Code de commerce, 'dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci'.
Il résulte des pièces versées aux débats que M. [N] était le gérant et seul associé de la société [5] ; une procédure de liquidation judiciaire ayant été ouverte à l'égard de cette société, l'interdiction de gérer peut être prononcée à son encontre en tant que dirigeant de droit de cette personne morale.
Par ailleurs, il lui est reproché un défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les 45 jours, la disparition d'éléments comptables, l'omission de tenir une comptabilité et enfin un détournement de tout ou partie de l'actif de la société [5], qui sont des faits prévus aux articles L653-3, L653-5 et L653-8 du Code de commerce pouvant être sanctionnés par une interdiction de gérer.
- Sur le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements :
M. [N] a déclaré l'état de cessation des paiements de la société [5] le 20 juin 2023, celle-ci ayant été acquise au 31 août 2021 à ses propres dires.
Le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du 4 juillet 2023 a fixé la date de cessation des paiements au 28 février 2023 ; ni le mandataire judiciaire ni le ministère public n'ont demandé la modification de la date de cessation des paiements dans le délai d'un an à compter du jugement d'ouverture de la procédure comme l'exige l'article L631-8 du Code de commerce ; il y a lieu de préciser à cet égard que le débiteur ne peut contester la date de cessation des paiements retenue par le tribunal.
La date du 28 février 2023 s'impose donc à M. [N] ; toutefois, s'il en résulte que la déclaration de cessation des paiements n'est pas intervenue dans le délai légal, il n'en découle pas pour autant que ce dernier ait sciemment omis d'y procéder, ce qui est imposé par l'article L653-8 du même code pour la sanction d'interdiction de gérer.
Dans son jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société [5], le tribunal a retenu le 28 février 2023 comme date de cessation des paiements au motif qu'elle correspondrait à la date d'une facture impayée ; dans le jugement entrepris, le tribunal a relevé que cette facture n'était toujours pas réglée et en a déduit que le gérant de la société avait sciemment dissimulé de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai légal.
Toutefois, cette déduction est abusive car on ne peut inférer du seul défaut de paiement d'une créance la prise de conscience par le gérant de l'état de cessation des paiements d'une société et sa dissimulation en connaissance de cause par le débiteur.
Il en va de même pour la circonstance que M. [N] ait été auparavant le dirigeant de droit de deux sociétés ayant fait l'objet de procédures collectives ; s'il peut en être conclu que les règles applicables en la matière ne lui étaient pas étrangères, on ne peut en tirer que le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais légaux dans la présente procédure ait un caractère délibéré.
Dans ses conclusions récapitulatives d'appel, le mandataire liquidateur de la société [5] se contente de dire que l'état de cessation des paiements de la société n'avait pu échapper à son gérant, ce qui revient à procéder par affirmation.
La cour ne peut dès lors que constater que la preuve que M. [N] ait sciemment omis de déclarer l'état de cessation des paiements de la société [5] dans le délai de 45 jours, n'est apportée ni par le ministère public ni par le mandataire judiciaire.
Dès lors, ce grief ne peut être retenu pour le prononcé d'une interdiction de gérer.
- Sur l'absence de comptabilité ou la tenue d'une comptabilité incomplète :
Aux termes de l'article L123-12 du Code de commerce, tout commerçant est obligé de tenir des comptes annuels comprenant le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable et, en vertu de l'article L. 123-14 du même code, ces comptes doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise.
Il est d'abord reproché à M. [N] la disparition d'éléments comptables : ce grief n'est cependant pas établi
Il lui est ensuite reproché l'absence de tenue d'une comptabilité conforme aux exigences ci-dessus exposées pour les exercices 2021/2022 et 2022/2023, soit antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; une preuve négative ne pouvant être imposée au demandeur à l'action, il incombe au débiteur d'établir qu'il a accompli ses obligations comptables ; le fait que son expert-comptable ait pu retenir des pièces comptables en raison d'un différend qui les opposait, n'exonèrait pas M. [N] de l'accomplissement de ces diligences en la matière.
Ainsi, celui-ci ne justifie pas d'avoir tenu une comptabilité conforme aux règles ci-dessus exposées pour les exercices 2021/2022 et 2022/2023, ce qu'il a au demeurant expressément reconnu dans ses conclusions récapitulatives d'appel.
Ce grief est constitué.
- Sur le détournement d'actifs de la société [5] :
Il est constant qu'entre le 2 juin 2023 et le 3 juillet 2023, M. [N] a procédé à des prélèvements à son profit sur le compte bancaire de la société [5] pour un total de 6.057,34 euros.
Ces prélèvements sont intervenus avant l'ouverture de la procédure collective prononcée le 4 juillet 2023
Le débiteur a prétendu qu'il s'agissait de remboursements de frais avancés à la société, son compte courant d'associé ayant été crédité d'autant.
Cependant, il ne justifie ni de l'existence d'avances faites au profit de la société [5] ni de leur inscription dans un compte courant d'associé ; en outre, si tel avait été le cas, la remise de ces créances leur aurait faire perdre leur individualité et aurait eu un effet extinctif, de sorte que M. [N] n'aurait pu en réclamer le remboursement.
Ces prélèvements non justifiés à son profit personnel ne peuvent s'analyser qu'en autant de détournements d'actifs si bien que ce grief est établi.
Les griefs prouvés à l'encontre de M. [N] révèlent des manquements aux obligations d'un dirigeant dans la gestion d'une société ainsi que des décisions contraires à l'intérêt des créanciers, des prélèvements ayant été opérés alors que dans le même temps, le débiteur avait procédé à la déclaration de cessation des paiements de la société et qu'il ne pouvait ignorer que ces actes leur nuiraient ; ces agissements sont incompatibles avec des fonctions de dirigeant, soucieux d'une gestion saine et transparente de la société qu'il dirige et prenant en compte l'intérêt de la société et des créanciers.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé une interdiction de gérer à l'encontre de M. [N].
Toutefois une durée de 12 ans est disproportionnée au regard de la gravité des faits et de l'absence d'antécédents en matière de sanction de sorte qu'il doit être infirmé en ce qu'il a fixé à 12 ans la durée de cette interdiction de gérer.
Statuant à nouveau, il y a lieu de la fixer à cinq ans à compter du 3 septembre 2024.
2- sur l'action en insuffisance d'actif dirigée à l'encontre de M. [N]
L'article L651-2, alinéa 1, du Code de commerce énonce notamment que : 'lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion...'.
En l'espèce, une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l'égard de la société [5] dont M. [N] a été le dirigeant de droit ; le mandataire liquidateur a évalué l'insuffisance d'actif créée avant l'ouverture de la procédure collective à la somme de 107 084 euros.
L'absence de tenue d'une comptabilité régulière pendant deux exercices comptables constitue une faute de gestion qui, par sa durée et ses conséquences, excède la simple négligence ; cette omission n'a pas permis à M. [N] de prendre conscience de la dégradation de la situation financière de la société qu'il dirigeait et de prendre les mesures de gestion efficaces qui s'imposaient à lui pour pérenniser la société et préserver les droits des créanciers ; cette omission a nécessairement contribué à la création de l'insuffisance d'actif de la société [5].
Il en va de même pour les détournements d'actifs commis quelques jours avant l'ouverture de la procédure collective qui excèdent également la simple négligence en ce qu'ils ont été accomplis alors que, concomitament, M. [N] procédait à la déclaration de cessation des paiements de sorte qu'il ne pouvait ignorer que ces agissements réduisaient l'actif de la société à son profit personnel et aux dépens des créanciers.
C'est donc à juste titre que les premiers juges l'ont condamné à supporter l'insuffisance d'actif de la société [5].
Cependant, il n'est pas prouvé que les fautes de gestion retenues à l'encontre de M. [N] soient à l'origine de la création de la totalité du passif de cette société.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a fixé à 107 084 euros la contribution de ce dernier à l'insuffisance d'actif de la société [5].
Statuant à nouveau dans cette limite, en l'absence d'éléments sur la situation patrimoniale du débiteur, que le tribunal aurait pu recueillir en faisant application des dispositions des articles L651-4 et R651-5 du Code de commerce, l'insuffisance d'actif que celui-ci devra combler doit être fixée à la somme de 10 000 euros ; M. [N] doit être condamné à payer cette somme à la SCP [8], ès qualités.
3- Sur les demandes accessoires
Le jugement du 3 septembre 2024 doit être confirmé en ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens de première instance en frais privilégiés de procédure collective et en ce qu'il a condamné M. [N] à payer à la SCP [4], ès qualités, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
A hauteur d'appel, les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
Il est équitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés en appel si bien que leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du Code de procédure civile doivent être rejetées.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
INFIRME le jugement rendu le 3 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Nancy, tel que rectifié par le jugement du 1er octobre 2024, en ce qu'il a fixé à 12 ans la durée de l'interdiction de gérer frappant M. [Z] [N] et en ce qu'il l'a condamné à supporter l'insuffisance d'actif de la société [5] à hauteur de 107.084 euros et à régler cette somme à la SCP [8], ès qualités
Statuant à nouveau dans cette limite,
FIXE la durée de l'interdiction de gérer infligée à M. [Z] [N] à cinq ans à compter du 3 septembre 2024.
LE CONDAMNE à payer à la SCP [4], ès qualités de mandataire liquidateur de la société [5], au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif de cette société, la somme de 10 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
CONFIRME le jugement rendu le 3 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Nancy, tel que rectifié par le jugement du 1er octobre 2024, en ses autres dispositions.
Y ajoutant,
DIT que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
REJETTE les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur ThierrySILHOL Président de chambre à la cinquième chambre commerciale , à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Minute en dix pages.