CA Paris, Pôle 4 - ch. 5, 8 octobre 2025, n° 22/10713
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2025
(n° /2025, 27 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10713 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF5TX
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 mai 2022 - tribunal judiciaire de PARIS- RG n° 15/16898
APPELANTES
S.A.S. BUREAU VERITAS CONSTRUCTION prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 16]
[Localité 20]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Sophie TOURAILLE de la AARPI MONTALESCOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 24]
[Adresse 24]
[Adresse 24]
[Localité 21]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Sophie TOURAILLE de la AARPI MONTALESCOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES
Compagnie d'assurance SMABTP en qualité d'assureur société BRUNET prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 22]
[Adresse 22]
[Localité 12]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Compagnie d'assurance SMABTP en qualité d'assureur de la Société SMAC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 22]
[Adresse 22]
[Localité 12]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Désistement de la société AXA France Iard assureur de la société LRCI à l'égard de la SMABTP assureur de la SMAC par ordonnance du 07 novembre 2023
S.A.S. SMAC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 18]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
S.A.S. ASTRON BUILDINGS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 23]
[Adresse 23]
[Localité 1]
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
S.A. MMA IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
Société d'assurance mutuelle à cotisations fixe MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
S.A. AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur dommages-ouvrage prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 19]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Stella BEN ZENOU de la SELARL CABINET BEN ZENOU, avocat au barreau de PARIS
S.A. AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur de responsabilité civile décennale de la société LRCI prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 17]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Frédéric DOCEUL de la SELAS LGH & ASSOCIES, avcoat au barreau de PARIS
S.C.P. [C] MAMIA venant aux droits de M. [X] [C], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 15]
Représentée par Me Nathalie BOUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Emmanuel RAYNAL, avocat au barreau de LIMOGES
Société d'assurance mutuelle à cotisations variables MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS - M.A.F., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentée par Me Nathalie BOUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Emmanuel RAYNAL, avocat au barreau de LIMOGES
S.E.L.A.R.L. [F] ASSOCIES en qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. LIMOUSINE REALISATION COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE (LRCI) domiciliée [Adresse 3], prise en la personne de Maître [R] [F] domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 14]
N'a pas constituée avocat - par assignation en appel provoqué signifiée le 16 septembre 2022 à personne morale
INTERVENANTS
S.A.S. BRUNET prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 13]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Ludovic JARIEL, président de chambre
Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Emmanuelle BOUTIE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Tiffany CASCIOLI
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 1er octobre 2025, prorogé au 08 octobre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Ludovic JARIEL, président de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
En 2006, la société Dilisco, propriété du groupe Albin Michel, a entrepris la construction d'une plateforme logistique - bâtiment de stockage d'ouvrages, revues et articles littéraires. Sa destination en fait une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), dont la construction est soumise à autorisation et à des normes strictes, notamment relatives à la résistance au feu de la structure.
Le 10 novembre 2006, le permis de construire a été obtenu. Un second a été obtenu en 2007 pour une extension du bâtiment.
Le financement de l'opération a été confiée à la société CMCIC Lease (la société CIC Lease) par un contrat de crédit-bail conclu en 2008.
Une garantie dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la société Axa France IARD (la société Axa DO).
La société Somival, assurée auprès de la société Groupama, est intervenue en qualité d'assistant au maître de l'ouvrage.
Sont, par ailleurs, intervenues à l'opération de construction :
la société CEBTP Solen, devenue la société Ginger CEBTP (la société Ginger), géotechnicien, assurée auprès de la SMABTP et de la HDI-Gerling Industrie Versicherung (la société HDI),
la société Bureau Veritas construction (la société Veritas construction), venant aux droits de la société Bureau Veritas, assistant d'élaboration des dossiers ICPE, assurée auprès de la société QBE Europe Insurance Limited (la société QBE),
la société [C] Mamia, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), en qualité de maître d''uvre,
la société Limousine réalisation commerciale et industrielle (la société LRCI) en qualité de contractant général, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa),
la société SMAC, venant aux droits de la société Ruberoid, sous-traitant de LRCI sur le lot étanchéité,
la société Colas Sud-Ouest (la société Colas), venant aux droits de la société SCREG Ouest, en charge du lot terrassement et VRD, assurée auprès de la SMABTP,
la société Sols industriels du Centre (la société SIC) en charge du lot sol industriel, assurée auprès de la société SMA,
la société Nexen, sous-traitant pour le lot levage-montage,
la société Brunet en charge du lot détection incendie, assurée auprès de la SMABTP,
la société Fourgeau et Cie (la société Fourgeau), en charge du lot plomberie-chauffage,
la société Astron buildings (la société Astron), en charge de la fourniture des éléments de la charpente métallique, assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA),
la société Jungheinrich France (la société Jungheinrich), en charge des installations de stockage aux termes d'un marché direct passé par la société Dilisco, assurée auprès de la société HDI.
Les 27 mai et 4 septembre 2008, les travaux ont été réceptionnés, avec une réserve relative à la planéité du dallage.
La société Dilisco s'est ensuite plainte de l'apparition de désordres divers tenant, notamment, à la stabilité au feu du bâtiment et au dallage.
Par actes en date du 12 avril 2012, la société Dilisco a assigné aux fins d'expertise judiciaire sur les désordres du dallage les sociétés Axa DO, Somival, Groupama, Bureau Veritas, QBE, LRCI, Axa, en sa qualité d'assureur de LRCI, Gautier Mamia, son assureur la MAF, SCREG Ouest, Ginger, assurés par la SMABTP, Jungheinrich et son assureur la société HDI.
Par actes en date du 13 avril 2012, la société Dilisco a assigné aux fins d'expertise judiciaire sur les désordres " divers " les sociétés Axa DO, Somival, Groupama, Bureau Veritas, QBE, LRCI, [C] Mamia, SCREG Ouest, Ginger, et leur assureur la SMABTP, Axa en sa qualité d'assureur de la société LRCI et la MAF.
Deux ordonnances en date du 31 mai 2012 ont fait droit à ces demandes. Le rapport d'expertise unique a été rendu le 29 janvier 2016.
Par actes en dates des 13, 16, 17 et 23 avril 2012, les sociétés Dilisco et CIC Lease ont assigné les sociétés Axa DO, Somival, Groupama, Bureau Veritas, QBE, [C] Mamia, SCREG Ouest, Brunet, et leur assureur la SMABTP, HDI, LRCI et son assureur la société Axa, la MAF aux fins d'indemnisation des désordres hors dallage.
Par jugement du 11 mai 2016, le tribunal de commerce de Limoges a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société LRCI.
Par actes en dates des 23 et 24 mai 2019, la société Axa DO a assigné en garantie les sociétés Fourgeau et Astron, ses assureurs, les sociétés MMA, les sociétés Nexen et SMAC. L'instance a été jointe à celle relative aux désordres divers.
L'ordonnance du juge de la mise en état du 27 mai 2019 a constaté le désistement d'instance et d'action des sociétés Dilisco et CIC Lease auprès de la société Axa DO, cette dernière a repris le cours de l'instance à l'encontre des constructeurs et de leurs assureurs.
Par ordonnance du 8 mars 2022, le juge de la mise en état a constaté le désistement d'instance de la société Axa DO à l'égard de :
la société Colas France venant aux droits de la société Colas Sud Est, venant elle-même aux droits de la société CREG Ouest,
la société Ginger CEBTP, venant aux droits de la société CEBTP Solen,
la SMABTP prise en ses qualités d'assureur de la société CREG Ouest, de la société CEBTP Solen et de la société Brunet,
la société Somival et son assureur la société Groupama Rhône Alpes Auvergne,
la société HDI, en qualité d'assureur de la société CEBTP Solen devenue Ginger CEBTP,
la société Brunet,
la société Fourgeau,
la société Nexen, représentée par son liquidateur judiciaire, Me [J],
la société SMAC venant aux droits de la société Ruberoid,
dit que l'instance se poursuit entre les mêmes parties à l'exception de la société Colas France, la société SMAC et la société Nexen.
Par ordonnance du 16 mars 2022, la société [F] associés, prise en la personne de M. [F], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société LRCI.
Par jugement du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
Reçoit l'intervention volontaire de la société Veritas construction aux droits de la société Bureau Veritas ;
Déclare recevables les appels en garantie formés par la société Axa en sa qualité d'assureur de la société LRCI à l'encontre de la société Groupama ;
Condamne in solidum la société [C] Mamia, la MAF, la société Veritas construction et la société QBE à payer à la société Axa en qualité d'assureur dommages-ouvrage les sommes de :
1 036 326,58 euros au titre de l'indemnité versée pour les travaux réparatoires,
104 480,64 euros au titre de l'indemnité versée pour les frais irrépétibles et frais d'expertise judiciaire,
18 486,25 euros au titre des frais avancés en cours d'expertise ;
Dit que les intérêts courront sur ces sommes à compter du 5 mai 2019 et seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;
Fixe le partage de responsabilité comme suit :
- la société Veritas construction : 40 %,
- la société [C] Mamia : 30 %,
- la société LRCI : 30 %,
Condamne la société Veritas construction et la société Axa en qualité d'assureur de LRCI à garantir la société [C] Mamia dans ces proportions ;
Condamne in solidum la société [C] Mamia, la MAF, et la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI à garantir la société Veritas construction et la société QBE dans ces proportions ;
Condamne in solidum la société Veritas construction, la société QBE, la société [C] Mamia et la MAF à garantir la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI dans ces proportions ;
Déclare la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI bien fondée à opposer sa franchise à son assurée ;
Déboute la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI de sa demande d'inscription de cette franchise au passif de la société LRCI ;
Rejette toute demande à l'encontre des sociétés Somival, Groupama, Colas, Ginger, Brunet, SMABTP, HDI, Fourgeau, Nexen, et SMAC, Astron et MMA ;
Condamne in solidum la société Veritas construction, la société QBE, la société [C] Mamia, la MAF et la société Axa en qualité d'assureur de LRCI aux dépens ;
Condamne in solidum la société Veritas construction, la société QBE, la société [C] Mamia, la MAF et la société Axa en qualité d'assureur de LRCI à payer à la société Axa en qualité d'assureur dommages-ouvrage la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Axa en qualité d'assureur de LRCI à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
à la société Groupama la somme de 1 500 euros,
à la société Ginger la somme de 1 500 euros,
à la société Brunet et la SMABTP la somme de 1 500 euros,
à la société Fourgeau la somme de 1 500 euros ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration en date du 3 juin 2022, la société Veritas construction et la société QBE ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
la société Axa, en qualité d'assureur dommages-ouvrage,
la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI,
la société [C] Mamia,
la société LRCI,
la MAF.
Par acte du 16 septembre 2022, les appelantes ont assigné en intervention forcée la société [F], prise en la personne de M. [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LRCI.
Par acte du 21 novembre 2022, la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, a assigné la société [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LRCI.
Par actes des 21, 22 et 25 novembre 2022, la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI, a assigné en appel provoqué les sociétés suivantes :
les sociétés MMA, en qualité d'assureurs de la société Astron,
la société Astron,
la société SMAC,
la SMABTP, en qualité d'assureur de la société SMAC et de la société Brunet,
la société Brunet.
Par acte du 22 décembre 2022, la société [C] Mamia et la MAF ont assigné en intervention forcée la société [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LRCI.
Par ordonnance du 7 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a :
constaté le désistement d'instance et d'action de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, à l'égard de la SMABTP, en sa qualité d'assureur de la société SMAC ;
déclaré irrecevables les conclusions d'intimée et d'incident communiquées les 23 février et 31 mars 2023 par la société Brunet et la SMABTP, en ses qualités d'assureur des sociétés Brunet et SMAC ;
rejeté la fin de non-recevoir de l'appel provoqué formé par la société Axa en sa qualité d'assureur de la société LRCI, présentée par la société SMAC ;
rejeté la fin de non-recevoir de l'appel provoqué par la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, présentée par la société Astron et les sociétés MMA en leurs qualités d'assureur de cette société.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2024, les sociétés Veritas construction et QBE, son assureur, demandent à la cour de :
Statuant sur l'appel interjeté par l'exposante,
Débouter l'argument de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, en ce qui concerne l'irrecevabilité prétendue de l'appel interjeté par la société Veritas construction, sous couvert de l'article 564 du code de procédure civile, qui ne s'applique pas en l'espèce ;
Infirmer le jugement déféré à la censure de la cour au regard de la part de responsabilité attribuée à la société Veritas construction ;
Donner acte à la société Veritas construction de son intervention volontaire aux droits de la société Bureau Veritas ;
Dire au regard des conclusions expertales et de la nature des obligations pesant sur le maître de l'ouvrage au titre de la réglementation ICPE que celui-ci a engagé sa responsabilité dans la survenance des désordres ;
Dès lors dire que la société Axa se devait de prendre en considération la part de responsabilité de son assuré, ce qui lui interdisait de recourir pour le tout contre les autres intervenants ;
Fixer la part incombant à la société Dilisco à 5 % et de ce fait réduire le recours de l'assureur de préfinancement contre les autres parties au litige ;
Dire que la société Veritas construction a parfaitement respecté ses obligations au visa de ses engagements contractuels, alors que les arguments retenus par le tribunal contre la société Veritas construction déroge à la réalité des missions imparties à cet intervenant ;
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a attribué 40 % de responsabilité à l'exposante sans fondement ;
Condamner in solidum, au visa de leur responsabilité extracontractuelle et des fautes commises par ces parties, la société [C] Mamia, la société LRCI en qualité de contractant général et leurs assureurs à relever les exposantes de toute condamnation en proposant un partage de responsabilité conforme aux propositions de l'expert ;
Débouter la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, et en qualité d'assureur dommages-ouvrage, la société [C] Mamia, la MAF et les sociétés MMA de leurs appels incidents, fins, demandes et conclusions contraires aux présentes ;
Débouter toutes les parties de leur appel en garantie à l'encontre de la société Veritas construction et de la société QBE ;
Condamner tout succombant aux entiers dépens, dont recouvrement par Me Hatet-Sauval pour ceux d'appel, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 juin 2024, la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, demande à la cour de :
La déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Déclarer irrecevables et en tout état de cause mal fondées les demandes, fins et conclusions en tant qu'elles sont dirigées contre la société Axa, prise en sa qualité d'assureur de la société LRCI ;
À titre liminaire,
Juger que l'appel en garantie formé par la société Veritas construction et son assureur la société QBE, à l'encontre de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, relativement aux condamnations pour les désordres autres que ceux affectant le dallage constitue une demande nouvelle en cause d'appel ;
Juger que l'appel en garantie formé par la société Veritas construction et la société QBE, ès qualités, à l'encontre de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, relativement aux condamnations pour les désordres autres que ceux affectant le dallage est prescrit ;
En conséquence,
Déclarer l'appel en garantie formé par la société Veritas construction et la société QBE, ès qualités, à l'encontre de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, relativement aux condamnations pour les désordres autres que ceux affectant le dallage irrecevable ;
Débouter la société Veritas construction et son assureur QBE de toute demande en principal, frais et accessoires formulée à l'encontre de la société Axa, en qualité d'assureur décennal de la société LRCI ;
À titre principal,
Juger que les désordres pour lesquels une indemnité a été versée au titre de l'assurance dommages-ouvrage ne peuvent être imputés à la société LRCI ;
En conséquence,
Infirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 en ce qu'il a retenu une part d'imputabilité à l'encontre de la société LRCI et fait droit aux appels en garantie dirigés à l'encontre de la société Axa, et statuant à nouveau ;
Débouter toute partie de toute demande principale et accessoire, ou appels en garantie formulés à l'encontre de la société Axa, en qualité d'assureur décennal de la société LRCI ;
Prononcer la mise hors de cause de la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI ;
À titre subsidiaire,
Confirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 en ce qu'il a limité la part de responsabilité imputée à la société LRCI à 30 % à l'égard du maître d'ouvrage ;
Juger recevable et bien fondée la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI, en ses appels en garantie formulés à l'encontre de la société Veritas construction et son assureur, de la société Astron et ses assureurs, les sociétés MMA, la société [C] Mamia et son assureur la MAF, la société Brunet et son assureur la SMABTP, ainsi que la SMAC ;
Infirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 en ce qu'il a limité la condamnation de la société Veritas construction et de son assureur, de la société [C] Mamia et de son assureur la MAF, à garantir la société Axa dans les limites de 40 %, pour la société Veritas construction et 30 % pour la société [C] Mamia ;
Infirmer le jugement en ce qu'il a écarté les demandes de la société Axa tendant à être relevée et garantie par les sociétés Brunet, SMAC et Astron et leurs assureurs respectifs de toute condamnation prononcée à son encontre ;
En conséquence et statuant à nouveau,
Condamner in solidum et à défaut solidairement la société Veritas construction et la société QBE, ès qualités, la société Astron et ses assureurs, les sociétés MMA, la société [C] Mamia et son assureur la MAF, les sociétés Brunet et SMAC et leur assureur la SMABTP à relever et garantir la société Axa de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, tant en principal, qu'intérêts frais et accessoires ;
En toute hypothèse,
Faire application des limites et exclusions de garanties de la police n° 375035181990V ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI au paiement d'un article 700 au profit des sociétés Groupama, Ginger, Brunet, SMABTP et Fourgeau ;
Prendre acte du désistement d'instance et d'action de la société Axa à l'encontre de la SMABTP recherchée en qualité d'assureur de la société SMAC ;
Déclarer parfait le désistement de la société Axa à l'encontre de la SMABTP recherchée en qualité d'assureur de la société SMAC ;
Rejeter toutes demandes formées par la SMABTP et la société Brunet à l'encontre de la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI comme étant irrecevables car tardives et en conséquence débouter la société Brunet et son assureur la SMABTP de leur appel en garantie formé à l'encontre de la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI ;
Condamner toute partie succombante à payer à la société Axa la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner toute partie succombante aux entiers frais et dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de la société Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2024, la société SMAC demande à la cour de :
Confirmer le jugement qui n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de la société SMAC ;
Rejeter toute demande présentée à l'encontre de la société SMAC en déclarant la société Axa ou toutes autres mal fondées en toutes leurs prétentions ;
A titre subsidiaire,
Accorder à la société SMAC la garantie pleine et entière et in solidum de la société Veritas construction, de la société QBE, ès qualités, de la société [C] Mamia et de la MAF, ès qualités, au titre de toutes condamnations en principal, frais et accessoires qui pourraient être mises à sa charge ;
Condamner la société Axa à verser à la société SMAC une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif des demandes présentées à son encontre ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, Condamner la société Axa à verser à la société SMAC une somme de 5 000 euros outre les dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la société 2H Avocats en la personne de Me [U], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2023, la société Brunet et la société SMABTP, en sa qualité d'assureur des sociétés SMAC et Brunet, demandent à la cour de :
À titre principal,
Juger irrecevables ou pour le moins, mal fondées la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI et/ou toute autre partie en leurs demandes dirigées à l'encontre de la SMABTP en qualité d'assureur de la société SMAC ;
Les en débouter ;
Juger mal fondées la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI et/ou toute autre partie en leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Brunet et de la SMABTP en qualité d'assureur de ladite société ;
Les en débouter ;
En conséquence,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire et si une responsabilité en qualité d'intervenant à l'acte de construire était retenue à l'encontre de la société Brunet,
Juger que la SMABTP en qualité d'assureur décennale de la société Brunet ainsi que cette société sont recevables et bien fondées à être garanties et relevées indemne in solidum et solidairement de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elles par les sociétés [C] Mamia et Veritas construction et leurs assureurs respectivement la société Axa pour la société LRCI, la MAF pour la société [C] Mamia et la société QBE pour la société Veritas ;
En tout état de cause,
Débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de la société SMAC ;
Condamner toute partie succombante aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux la concernant par la société 2H Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et au paiement de la somme de 40 320 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2023, la société Axa DO demande à la cour de :
Sur l'appel interjeté par la société Veritas construction et son assureur la société QBE à l'encontre du jugement rendu le 10 mai 2022,
Déclarer cet appel recevable mais mal fondé ;
Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a admis la recevabilité de l'action récursoire exercée par la société Axa DO à la suite des indemnités réglées à ses assurées les sociétés Dilisco et CIC Lease, en ce qu'il a admis le principe du recours de la société Axa DO, non seulement au titre des sommes payées au titre des travaux nécessaires pour remédier aux désordres et leurs accessoires, mais aussi pour leur quote-part des frais irrépétibles et frais d'expertise payés par les sociétés Axa DO, Dilisco et CIC Lease, enfin pour les frais d'étude préfinancés par la société Axa DO pour mettre au point les solutions réparatoires, en ce qu'il a admis la nature décennale des dommages indemnisés, en ce qu'il a déclaré responsable des désordres la société LRCI, la société [C] Mamia, et la société Veritas construction et les a déclarés tenus à rembourser à la société Axa DO les indemnités versées, in solidum, avec la MAF, assureur de la société [C] Mamia et QBE assureur de la société Veritas construction ;
Confirmer la responsabilité prépondérante de la société Veritas construction et le pourcentage de 40 % attribué à celui-ci par le tribunal ;
Réformer en revanche le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Astron et les sociétés MMA, ès qualités ;
Déclarer la société Astron également responsable du sinistre affectant la charpente et la condamner in solidum avec les sociétés MMA, ès qualités, à contribuer au remboursement des indemnités versées par la société Axa DO aux sociétés Dilisco et CIC Lease en réparation de l'insuffisante stabilité au feu de la charpente ;
Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a accordé à la société Axa DO la somme de 1 027 337,48 euros au titre des travaux nécessaires pour la stabilité au feu de la charpente et ses accessoires ;
Rejeter comme dépourvu de fondement l'appel incident de l'architecte la société [C] Mamia et de la MAF ;
Confirmer la responsabilité importante de la société [C] Mamia et sa part de responsabilité de 30 % telle que fixée par le tribunal ainsi que la garantie de son assureur la MAF ;
Réformer en revanche le jugement dont appel :
- sur le montant des travaux nécessaires pour remédier au défaut d'isolement coupe-feu des locaux sociaux et du bloc porte coupe-feu entre les locaux sociaux et de stockage, en retenant le montant effectivement réglé par la société Axa DO aux société Dilisco et CIC Lease, soit 49 846,50 euros HT,
- sur les honoraires payés à la société Veritas construction en cours d'expertise et accorder à la société Axa DO la somme de 2 520 euros TTC qu'elle a préfinancée,
- sur la quote-part des frais d'expertise et frais irrépétibles qui doit être évaluée à 105 436,67 euros et non 104 480,64 euros,
- sur le montant des frais et honoraires des sociétés Géosynthèse et Veritas construction qui doit être retenu pour 22 765,58 euros TTC (dont 20 245,58 euros pour Géosynthèse) ;
Confirmer l'indemnité de 10 000 euros accordée à la société Axa DO au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Y ajouter la somme de 10 000 euros pour les frais irrépétibles d'appel ;
Rejeter toutes autres demandes, tous moyens ou toutes fins contraires ;
Condamner les sociétés Veritas construction et QBE ou à défaut tout succombant aux entiers dépens.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2022, la société Astron et les sociétés MMA, ses assureurs, demandent à la cour de :
Recevoir les sociétés MMA et Astron en leurs conclusions et les déclarer bien fondées ;
Juger que les sociétés MMA n'ont jamais été assureur de SCPG ;
Juger que la société Axa DO a assigné en appel provoqué les sociétés MMA par erreur en qualité d'assureur de SCPG ;
Juger la société Axa DO irrecevable en son assignation afin d'appel provoqué délivrée aux sociétés MMA en qualité d'assureur de SCPG ;
Mettre hors de cause les sociétés MMA recherchées en qualité d'assureur de SCPG ;
Constater que l'expert impacte la société Astron dans une proportion certes résiduelle à hauteur de 5 % au titre de la non-conformité des exutoires, mais de manière erronée ;
Juger que la société Astron n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement délictuelle, mais aussi contractuel ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toute imputabilité contre la société Astron et a rejeté toutes demandes à son endroit et à l'encontre des sociétés MMA ;
Subsidiairement,
Rejeter toute condamnation in solidum ;
Limiter la part contributive de la société Astron à 5 % au titre uniquement des exutoires suivant les conclusions de l'expert ;
Limiter toute condamnation à son encontre et à celle de ses assureurs à cette quote-part de 5 % au titre des seuls travaux de mise en conformité desdits exutoires et de leurs frais annexes, y compris les honoraires de maitrise d''uvre pour la somme de 50 995,20 euros et rejeter toute demande au-delà ;
Juger que toutes condamnations accessoires susceptibles d'être prononcées contre les concluantes ne pourront l'être qu'au prorata de leur part contributive sur l'ensemble des condamnations principales ;
En toute hypothèse,
Juger que toutes condamnations éventuelles contre les sociétés ne pourront intervenir que dans leurs limites contractuelles (franchise et plafond) opposable aux tiers ;
Condamner in solidum la société Axa, assureur de la société LRCI, la société [C] Mamia et son assureur la MAF, la société Veritas construction et son assureur QBE, avec tous autres intervenants dont la responsabilité serait retenue, à relever et garantir en principal, intérêts et frais les concluantes de toutes condamnations prononcées à leur encontre ;
Condamner tous succombants à verser à la société Astron et à ses assureurs une somme de 9 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner tous succombants aux entiers dépens, que Me Pelit-Jumel pourra recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, les sociétés [C] Mamia et la MAF demandent à la cour de :
Dire les sociétés Bureau Veritas et QBE non fondées en leur appel,
Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident formé par la société [C] Mamia et son assureur la MAF, à l'égard du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 10 mai 2022 ;
Infirmer le jugement en toutes ses dispositions et en conséquence ;
A titre principal,
Juger irrecevable et mal fondée l'action récursoire exercée par la société Axa DO des sociétés Dilisco et CIC Lease à l'égard de la société [C] Mamia et la MAF, ès qualités ;
Voir débouter la société Axa DO de toutes ses demandes à l'égard de la société [C] Mamia et de la MAF, ès qualités ;
Mettre les concluantes hors de cause ;
À titre subsidiaire,
Juger que la responsabilité de la société [C] Mamia dans le cadre des désordres constatés devra être limité aux postes suivants :
absence et insuffisance des exutoires : 25 %,
isolement des locaux sociaux : 40 %,
insuffisance des RIA et BAES : 40 % ;
Juger que, en cas de condamnation, la société [C] Mamia et la MAF, ès qualités, seront relevées intégralement indemnes par les autres intervenants à l'acte de construire, et plus particulièrement par la société Axa, en sa qualité de d'assureur de la société LRCI dont la culpabilité aura été reconnue ;
En tout état de cause,
Voire débouter les parties de toute autre demande à l'égard de la société [C] Mamia et la MAF, ès qualités ;
Voir condamner les parties succombantes à payer à la société [C] Mamia et la MAF, ès qualités, la somme de 5 000 euros à chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Par actes en dates des 4 août, 16 septembre et 21 novembre 2022, la société [F], ès qualités, a reçu signification de la déclaration d'appel, par remise à personne morale, et n'a pas constitué avocat.
Par acte du 4 août 2022, la société LRCI a reçu signification de la déclaration d'appel, par remise à personne morale, et n'a pas constitué avocat.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 29 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 27 mai 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
I- Sur la recevabilité des demandes formulées à l'encontre de la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI
Moyens des parties
La société Axa soutient, qu'aux termes de ses conclusions en première instance, l'appel en garantie formé par la société Veritas construction et la société QBE, son assureur, portait uniquement sur les condamnations susceptibles d'être prononcées au titre du désordre " dallage " sans qu'il ne soit fait référence aux autres désordres intéressant l'instance objet du présent appel.
Elle expose que l'appel en garantie formé en cause d'appel à son encontre en qualité d'assureur de responsabilité civile décennale de la société LRCI constitue une demande nouvelle qui doit être déclarée irrecevable.
Elle précise aussi que cette demande nouvelle est irrecevable comme prescrite alors que plus de cinq ans se sont écoulés entre l'assignation en référé-expertise du 12 avril 2012 et les conclusions d'appelantes notifiées le 25 août 2022.
En réplique, la société Veritas construction et la société QBE soutiennent que leur demande de réformation ne vise pas des prétentions nouvelles mais constitue la poursuite des moyens développés en première instance, ce qui ne relève pas des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
Elles ajoutent qu'elles ont toujours développé devant les premiers juges des moyens visant à faire échec aux demandes de la société Dilisco, ces derniers portant sur les autres désordres que le dallage de sorte qu'il leur est loisible de développer des moyens visant à obtenir la réformation du jugement entrepris.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Aux termes de l'article 566 de ce code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Aux termes de l'article 567 de ce code, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.
Il est établi qu'une cour d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile (3e Civ., 25 février 2016, pourvoi n° 14-29.760, Bull. 2016, III, n° 32).
Au cas d'espèce, la société Axa soulève l'irrecevabilité de l'appel en garantie formulé par la société Veritas construction et son assureur à son encontre s'agissant d'une demande nouvelle.
Si la société Axa évoque les conclusions notifiées le 4 juin 2021 par la société Bureau Veritas et son assureur dont le dispositif comporte une demande de condamnation à garantir in solidum notamment à l'encontre de la société LRCI en qualité de contractant et de son assureur, la société Axa, force est de constater que cette demande n'est pas limitée aux désordres relatifs au seul lot " dallage " mais concerne toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre relatives à l'ensemble des désordres.
Ainsi l'appel en garantie formulé à son encontre par la société Veritas construction et son assureur en cause d'appel ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel et doit ainsi être déclarée recevable de ce chef.
Par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Aux termes de l'article 2242 du même code, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
Il est établi que la demande d'expertise, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur ou de l'assureur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, la société Axa invoque la prescription de l'appel en garantie formé par la société Veritas construction et son assureur à son encontre en faisant valoir qu'elles n'ont formulé, pour la première fois, un appel en garantie au titre des désordres autres que ceux affectant le dallage, que dans leurs conclusions d'appelantes, plus de cinq ans s'étant écoulés entre l'assignation en référé-expertise du 13 avril 2012 et les conclusions d'appelantes notifiées le 25 août 2022.
Si la prescription a été suspendue à son égard entre l'ordonnance du 31 mai 2012 et le dépôt du rapport d'expertise le 29 janvier 2016, force est de constater que la société Bureau Veritas et son assureur n'ont formulé leur demande au titre de la condamnation de la société LRCI et de son assureur, la société Axa qu'aux termes de leurs conclusions notifiées le 4 juin 2021 soit plus de cinq ans après le dépôt du rapport d'expertise.
En conséquence, la prescription est acquise, en l'espèce, et les demandes formulées par la société Veritas construction et son assureur à l'encontre de la société Axa sont irrecevables comme étant prescrites.
II- Sur la demande d'indemnisation
1 - Sur les désordres et la responsabilité des constructeurs
Moyens des parties
La société Bureau Veritas et son assureur soutiennent que le rôle de contribution du contrôleur technique à la prévention des aléas techniques ne fait peser sur lui aucune obligation de résultat et de garantie de sorte qu'il n'est pas assujetti à la présomption générale de responsabilité qui pèse sur les constructeurs posée par l'articles 1792 et suivants du code civil.
Elles précisent que l'article L. 125-2, anciennement L. 111-24, du code de la construction et de l'habitation est complété par la mention selon laquelle le contrôleur technique ne peut être tenu vis-à-vis des constructeurs, de supporter la réparation des dommages, qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites de sa mission.
Elles ajoutent que la société Bureau Veritas est intervenue dans le dossier en qualité de contrôleur technique, chargée préalablement d'une mission d'assistance à la constitution du dossier ICPE, celui-ci ayant été déposé par la société Dilisco elle-même, en sa qualité de maître d'ouvrage et que celle-ci s'est engagée seule à assurer la condition de stabilité au feu.
Elles avancent que la société Bureau Veritas s'est parfaitement acquittée de sa mission d'assistance en ce qu'elle a permis à la société Dilisco d'obtenir un arrêté préfectoral d'autorisation d'exploiter.
En réplique, la société Axa DO sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu la nature décennale des désordres.
Elle soutient que la présomption de responsabilité des locateurs d'ouvrage prévue par l'article 1792 du code civil trouve à s'appliquer, ces derniers ne s'exonérant pas par la preuve d'une cause étrangère et précise que la responsabilité de la société Bureau Veritas est engagée sur le fondement décennal pour la mission de contrôle technique et sur le fondement contractuel pour les autres missions.
La société [C] Mamia et la MAF font valoir qu'elle n'était titulaire que d'une mission de conception allant jusqu'au permis de construire et qu'aucune pièce contractuelle ne vient démontrer son intervention au titre d'une mission d'exécution.
La société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, soutient que les désordres pour lesquels une indemnité a été versée au titre de l'assurance dommages-ouvrage ne peuvent être imputés à son assuré.
Elle avance que, si la société LRCI s'est vue confier une mission d'entreprise générale, il ne saurait se déduire de cette seule qualité une quelconque responsabilité de sa part sans démontrer les fautes qui lui seraient imputables et le lien de causalité de ces fautes avec la survenance des désordres allégués.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Il est établi qu'il incombe au maître ou à l'acquéreur de l'ouvrage de rapporter la preuve que les conditions d'application de l'article 1792 du code civil sont réunies (3e Civ., 2 mars 2022, pourvoi n° 21-10.753, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, la matérialité des désordres et leur caractère décennal ne sont pas critiquées par les parties.
Il résulte ainsi des termes du rapport d'expertise, d'une part, que la structure du bâtiment n'a pas de stabilité au feu et que la prescription administrative imposant une stabilité de 30 minutes n'est donc pas respectée, d'autre part, que l'isolement coupe-feu des locaux sociaux par rapport au volume de dépôt n'est pas réglementaire.
Ainsi, c'est à juste titre que le tribunal a retenu le caractère décennal des désordres en relevant que le non-respect des seuils réglementaires de stabilité et d'isolement au feu du bâtiment, lequel se trouve, par sa destination (stockage de papier) particulièrement exposé à un risque d'incendie, porte une atteinte directe et grave à sa solidité ainsi qu'à la sécurité de ses occupants ce qui le rend impropre à sa destination.
Par ailleurs, la garantie décennale repose sur une responsabilité de plein droit qui ne tombe que devant la preuve d'une cause étrangère, de sorte que sa mise en jeu n'exige pas la recherche de la cause des désordres (3e Civ., 1er décembre 1999, n° 98-13.252, Bull n° 230). Il suffit que les désordres soient imputables aux travaux réalisés par le locateur d'ouvrage (3e Civ., 20 mai 2015, pourvoi n° 14-13.271, Bull. 2015, III, n° 46).
Aux termes des dispositions de l'article L.111-24 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au présent litige, le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792 et suivants du code civil que dans les limites de sa mission (3e Civ., 23 mai 2019, pourvoi n° 18-12.262, diffusé)
L'obligation de conseil du contrôleur technique ne peut être recherchée en dehors du champ de sa mission (3e Civ., 4 mai 2016, pourvois n° 15-14.671 et n°15-18-717, diffusés).
Il ne peut s'exonérer de sa responsabilité que par la preuve d'une cause étrangère laquelle ne peut résulter des fautes commises par les autres intervenants à la construction (3e Civ., 14 mars 2001, pourvoi n° 97-19.657, diffusé).
Au cas d'espèce, la société Bureau Veritas soutient qu'elle est intervenue à l'opération de construction en qualité de contrôleur technique, chargée préalablement d'une mission d'assistance à la constitution du dossier ICPE, ce dernier ayant été déposé par la société Dilisco.
Il y a donc lieu de définir les contours de sa mission afin de déterminer si la présomption de responsabilité prévue par l'article 1792 du code civil trouve à s'appliquer en l'espèce.
Il n'est pas contesté que la société Bureau Veritas est intervenue à deux titres dans le cadre de la réalisation de l'opération de construction : d'une part, avec une mission d'assistance à l'élaboration des deux dossiers ICPE, s'agissant d'établissements classés, et d'autre part, en qualité de contrôleur technique pour le suivi du déroulement des travaux.
Il résulte des termes de la convention de contrôle technique régularisée entre la société Bureau Veritas et la société Dilisco le 25 mai 2007 que le contrôleur technique avait deux missions principales ainsi libellée :
Mission L relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements indissociables portant sur le domaine d'intervention défini dans les modalités spéciales de la mission ;
Mission STI-i relative à la sécurité des personnes dans les bâtiments industriels portant sur le domaine d'intervention défini dans les modalités spéciales de la mission.
En outre, la mission L comprenait dans son objet : " Les aléas techniques à la prévention desquels le contrôleur technique contribue au titre de la mission L, sont ceux qui, découlant de défauts dans l'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif, sont susceptibles de compromettre la solidité de la construction achevée ou celle des ouvrages et éléments d'équipement indissociables qui la constituent ".
Si sa mission d'assistance à l'établissement des dossiers ICPE ne peut valablement engager sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil, s'agissant d'une assistance au dépôt des demandes d'autorisation d'exploitation, dont il n'est pas contesté qu'elles ont été délivrées au maître d'ouvrage, force est de constater que les missions dévolues dans le cadre de la convention de contrôle technique relatives tant à la solidité des ouvrages et éléments indissociables d'équipement que de la sécurité des personnes, sont directement liées aux désordres relevés par l'expert judiciaire s'agissant de l'absence de stabilité au feu de la structure du bâtiment et de l'absence de respect de la réglementation relative à l'isolement coupe-feu des locaux sociaux par rapport au volume de dépôt.
En outre, l'expert judiciaire a relevé que le contrôleur technique n'avait formulé aucune observation ou avis relatifs à la stabilité au feu de la structure du bâtiment lors de l'exécution des travaux ainsi que la non-cohérence, en matière de description de la structure, entre les dossiers ICPE et le dossier correspondant à la mission chantier.
Ainsi, alors que la société Bureau Veritas ne justifie pas de l'existence d'une cause étrangère susceptible de l'exonérer et que les désordres présentent un lien d'imputabilité avec les missions confiées dans le cadre de la convention de contrôle technique, c'est à juste titre que le tribunal a retenu sa responsabilité décennale à ce titre.
Par ailleurs, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a retenu la responsabilité décennale de la société [C] Mamia, en qualité de maître d''uvre en relevant que, si le premier contrat conclu entre la société Dilisco et la société [C] Mamia n'avait porté que sur la conception du projet jusqu'au permis de construire, ces circonstances n'étaient pas de nature à écarter l'imputabilité des désordres à la mission complète qui lui a été confiée ensuite.
En outre, l'expert judiciaire a relevé qu'elle est devenue titulaire d'une mission complète de maîtrise d''uvre à compter du mois de novembre 2007 et que sa responsabilité " pleine et entière " est engagée en raison d'erreurs techniques relatives à l'ignorance des prescriptions administratives (stabilité au feu, mauvaise distribution des exutoires, insuffisantes localisations des RIA, absence d'isolements des locaux annexes, suivi insuffisant dans l'exécution du dallage').
Alors que la société [C] Mamia ne justifie de l'existence d'une cause étrangère de nature à l'exonérer de sa responsabilité, les désordres en cause sont dans un lien d'imputabilité avec la mission de maîtrise d''uvre qui lui a été confiée.
Enfin, il résulte des termes du rapport d'expertise que la société LRCI était la seule responsable du projet puis du chantier lors de son démarrage et qu'elle est intervenue comme contractant général et maître d''uvre d'exécution dans un premier temps, ayant elle-même rédigé les comptes rendus de chantier.
Si la société Axa conteste l'imputabilité des désordres constatés par l'expert aux missions attribuées à cette dernière, l'expert judiciaire a relevé que la société LRCI n'a formalisé aucune demande ou précision sur la question de la stabilité au feu lors des contrats conclus avec la société Astron, fabricant de la structure métallique et avec la société Nexen, leveur-monteur de celle-ci et que lors du contrat régularisé avec la société Aiso, s'agissant du lot menuiseries et faux-plafond, elle n'a formulé aucune demande ni spécification au titre des isolements entre le bâtiment stockage et les locaux sociaux.
Enfin, il est noté que s'agissant du marché de dallage conclu avec la société Sic, les demandes ou prescriptions techniques émises par la société Jungheinrich n'ont pas été stipulées ni reportées et que dans le cadre de la mise en place des exutoires de fumées, marché conclu avec la société SMAC, aucun contrôle ou vérification du nombre, des emplacements ou des sections des exutoires n'a été effectué par la société LRCI.
Dès lors, alors qu'il n'est pas justifié de l'existence d'une cause étrangère de nature à exonérer la société LRCI de sa responsabilité, la preuve d'un lien d'imputabilité entre les manquements de la société LRCI en qualité de maître d''uvre d'exécution et les désordres constatés par l'expert est rapportée en l'espèce.
Ainsi, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale de la société Bureau Veritas, de la société [C] Mamia et de la société LRCI, en charge de l'intégralité des travaux.
2 - Sur la responsabilité de la société Dilisco
Moyens des parties
La société Bureau Veritas et son assureur font valoir que la société Dilisco a engagé sa responsabilité dans la survenance des désordres au regard des conclusions expertales et des obligations pesant sur elle au titre de la réglementation ICPE.
Elles précisent que la société Dilisco ne pouvait ignorer que la mission de contrôle technique dévolue à la société Bureau Veritas ne portait pas sur la réglementation ICPE.
En réplique, la société Axa DO soutient que la société Bureau Veritas a fait l'impasse sur la sécurité incendie qu'il s'agisse de la charpente ou de l'isolement des locaux sociaux et que la société Dilisco n'est pas un maître d'ouvrage techniquement compétent alors qu'il appartenait à la société Bureau Veritas de définir la stabilité au feu que devait présenter la charpente.
Elle avance que la société Dilisco a transmis aux constructeurs l'autorisation d'exploitation obtenue grâce au dossier ICPE pour qu'ils en tiennent compte dans la conception et la réalisation de l'ouvrage, cette communication représentant la limite de sa propre obligation d'exploitant du bâtiment.
Enfin, elle précise que son recours tient compte de la part propre de la société Dilisco qui a, dans le cadre de la négociation, accepté de garder à sa charge 5 % du coût des travaux nécessaires.
Réponse de la cour
Selon l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en l'occurrence en raison de la date du marché, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Au cas d'espèce, la société Dilisco a entrepris la construction d'un bâtiment industriel et commercial servant de plate-forme logistique de stockage de livres, ouvrages, revues et articles littéraires et a conclu avec la société Bureau Veritas le 28 juin 2006 et le 8 mars 2007, une convention aux fins d'assistance à la constitution du dossier de demande d'autorisation d'exploiter (DAE).
S'il n'est pas contesté que le dossier ICPE a été déposé par la société Dilisco elle-même, étant seule habilitée en sa qualité d'exploitant, et que l'autorisation d'exploiter a été obtenue le 12 décembre 2007, il résulte des termes de la convention d'assistance régularisée par les parties que la mission de la société Bureau Veritas comprenait une évaluation des risques de l'installation pour la sécurité des personnes et pour l'environnement ainsi qu'une définition des mesures propres à faire face à ces dangers, notamment en matière d'incendie.
En outre, alors que la société Bureau Veritas est ensuite intervenue en qualité de contrôleur technique sur l'opération immobilière, l'expert judiciaire a relevé qu'elle n'avait jamais formalisé ni avis ni réserve sur la stabilité au feu de la structure.
De plus, si l'expert judiciaire mentionne que la société Dilisco a fait preuve d'imprécision quant à la communication des éléments techniques et transmission des pièces administratives auprès des différents intervenants, il précise aussi que le bureau de contrôle " aurait pu, ou dû, être en possession de ces pièces et particulièrement celles liées aux dossiers ICPE qu'il a élaboré ", de sorte que ces seuls éléments sont insuffisants à démontrer l'existence d'un manquement de la société Dilisco et de son imputabilité aux désordres constatés par l'expert.
Par ailleurs, la société Bureau Veritas ne démontre pas l'existence d'une immixtion fautive de la société Dilisco dans les opérations de construction de nature à l'exonérer, fût-ce partiellement, de sa responsabilité de plein droit.
Ainsi, il y a lieu de rejeter les demandes formées par la société Bureau Veritas et son assureur à l'encontre de la société Dilisco.
3 - Sur la responsabilité de la société Astron
Moyens des parties
La société Axa DO soutient que la société Astron qui est intervenue comme concepteur et fabricant de la charpente métallique et n'a pas traité l'absence de stabilité au feu doit voir sa responsabilité engagée.
Elle avance que la société Astron est débitrice d'une obligation de résultat à l'égard de la société LRCI, celle-ci emportant présomption de faute et de causalité, la société Dilisco dans les droits de laquelle la société Axa est subrogée pouvant se prévaloir de la faute que constitue le manquement de son sous-traitant à ses obligations contractuelles.
Elle expose que la société Astron a commis une faute que l'expert a mis en évidence consistant dans sa négligence à se préoccuper de la stabilité au feu requise de son propre ouvrage.
La société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI, soutient, quant à elle, que la responsabilité de la société Astron a été minorée dans la mesure où il lui appartenait, en sa qualité de sachant, d'alerter la société LRCI sur les non-conformités affectant la charpente conçue et fabriquée par elle et ne pouvait exécuter ses prestations sans y intégrer la réglementation applicable.
En réplique, la société Astron et ses assureurs sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté toutes les demandes formées à leur encontre.
Elles font valoir que l'intervention de la société Astron a consisté dans la fourniture des éléments de charpente sur la base courant 2007 et qu'il s'agissait de la commande d'une fabrication d'une charpente classique sans aucun degré coupe-feu exigé.
Elles précisent qu'il appartenait à la société LRCI de donner à la société Astron toute information utile complémentaire s'il est apparu, avant fabrication, qu'un degré coupe-feu devait être respecté et que, concernant les exécutoires, elle n'a jamais eu connaissance des conditions de classement éventuel du bâtiment à partir des éléments communiqués par la société LRCI, la commande passée par cette société portant sur une fabrication classique satisfaisant à la réglementation applicable aux établissements industriels et commerciaux.
Réponse de la cour
A titre liminaire, alors qu'il n'est pas contesté que les sociétés MMA ont la qualité d'assureur de la seule société Astron, il y a lieu de déclarer irrecevables l'ensemble des demandes formées à leur encontre en qualité d'assureurs de la société SCPG, le jugement entrepris étant complété de ce chef.
Aux termes de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l'article 1383, devenu 1241, du même code, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Il est établi que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) et que s'il établit un lien de causalité entre ce manquement contractuel et le dommage qu'il subit, il n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Ass. plén. 13 janvier 2020, pourvoi n° 17-19.963, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, la société Astron est intervenue à l'opération de construction au titre de la fourniture des éléments de charpente dans le cadre d'un contrat conclu le 25 avril 2007 avec la société LRCI et sur la base des plans fournis par cette dernière.
Alors qu'il n'est pas contesté que les exigences de stabilité au feu d'une heure ont été stipulées aux termes de l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2007, soit postérieurement à la commande de charpente régularisée au mois d'avril 2007 et à sa livraison intervenue mois d'août 2007, c'est à juste titre que le tribunal a retenu, d'une part, l'absence de lien établi entre la localisation des exécutoires et la stabilité au feu du bâtiment, ces deux aspects techniques ayant été étudiés séparément par l'expert et, d'autre part, l'absence de preuve d'un manquement de la société Astron à son obligation de conseil, celle-ci n'étant que fournisseur de la charpente métallique, alors que, par ailleurs, sa qualité de fournisseur impliquant une connaissance des conditions et circonstances particulières du marché n'est pas établie.
En outre, alors que la commande régularisée le 25 avril 2007 ne portait que sur une charpente classique, sans aucun degré coupe-feu exigé, il appartenait à la société LRCI de communiquer toute information complémentaire sur la nécessité de respecter un degré coupe-feu.
Il en va de même concernant la commande passée au titre des exécutoires qui portait sur une fabrication classique satisfaisant à la réglementation s'appliquant aux établissements industriels et commerciaux sans qu'aucune information complémentaire ne soit communiquée sur le classement de l'établissement et sur son incidence sur le nombre d'exécutoires.
Ainsi, en l'absence de preuve d'une faute susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de la société Astron, il y a lieu de rejeter toutes les demandes formulées à son encontre.
La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
4-Sur la garantie des assureurs
Aux termes des dispositions de l'article L.124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
En l'absence de contestation sur ce point, il y a lieu de condamner in solidum la société [C] Mamia et son assureur la MAF ainsi que la société Bureau Veritas et son assureur, la société QBE, à indemniser les préjudices subis par la société Axa subrogée dans les droits du maître d'ouvrage à la suite des désordres.
5-Sur les préjudices
Moyens des parties
La société Axa DO fait valoir que c'est à tort que le tribunal a limité son recours à la somme de 8 989,10 euros s'agissant du montant accordé au titre de l'isolement coupe-feu entre locaux sociaux et de stockage, telle que retenue par l'expert, cette somme étant insuffisante à régler le défaut de conformité.
Elle précise que ce montant est basé sur une simple estimation et qu'en 2018-2019, quand elle a voulu faire réaliser les travaux, ces derniers n'ont pas pu être réalisés pour ce montant alors qu'elle avait réglé à ce titre à la société Dilisco et la société CIC Lease la somme de 49 846,50 euros HT représentant 95 % du montant du devis SBP du 9 mars 2018.
Sur le poste relatif aux frais et dépenses annexes, elle sollicite aussi l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a refusé de lui accorder le remboursement de la somme réglée en cours d'expertise à la société Bureau Veritas, faisant valoir qu'elle a préfinancé cette somme en qualité d'assureur DO et est donc bien fondée à en solliciter le remboursement.
Enfin, elle précise que le montant des frais d'étude de la société Géosynthèse s'élève à la somme de 20 245,58 euros et non 18 486,25 euros ce qui correspond aux frais avancés pour le sinistre " dallage ".
La société Bureau Veritas et son assureur soutiennent que c'est à juste titre que le tribunal a entériné les conclusions expertales concernant le quantum des réclamations relatifs aux travaux nécessaires à la réfection des lieux et limité le montant accordé au titre de l'isolement coupe-feu entre le coût du stockage qui excédait le chiffrage et l'expert et qui se fondait sur les devis produits postérieurement à son rapport.
Réponse de la cour
En application de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, et du principe de la réparation intégrale, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, de sorte que la victime doit être indemnisée sans perte ni profit (3e Civ., 4 avril 2024, pourvoi n° 22-21.132, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, il est constant que la société Axa DO a versé une indemnité d'un montant de 1 531 585,46 euros à la société CIC Lease au titre de " l'accord sur indemnité et quittance subrogative ".
Aux termes de son rapport, l'expert a retenu que l'absence d'isolement coupe-feu entre le bâtiment stockage et les locaux sociaux constitue " une erreur certaine et donc une non-conformité par rapport à la réglementation " et ayant relevé que les travaux correspondants étaient nécessairement à réaliser, a estimé leur montant à 8 989,10 euros HT, compte tenu des protections à mettre en place.
Alors que l'expert précise avoir retenu ce montant sur la base de l'avis donné par le conseil technique Géosynthèse, pour l'assureur Axa DO, qui a estimé les travaux utiles et nécessaires à la somme de 8 989,10 euros HT, le seul devis établi par la société Blanchet Provost le 9 mars 2018, soit postérieurement à l'expertise, étant insuffisant à remettre en cause cette évaluation en l'absence d'autres éléments de preuve produits aux débats.
Par ailleurs, concernant les frais irrépétibles et frais d'expertise représentant un montant total de 136 576 euros, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a fait application, pour la détermination de la part de ces frais en lien avec les désordres susvisés, du calcul réalisé par la société Axa DO au prorata de la part représentée par les montants des travaux de reprise de ces désordres ainsi que de ceux relatifs au dallage dans le montant total de l'indemnisation accordée et ramené la part des travaux relatifs aux désordres charpente et coupe-feu à 76,5 % soit un montant de 106 480,64 euros au titre de l'indemnité de frais irrépétibles et d'expertise.
En outre, si la société Axa DO sollicite le remboursement de la somme de 2 100 euros HT au titre de la facture de consultation par la société Bureau Veritas d'un spécialiste de l'environnement, il résulte des termes du rapport d'expertise que cette somme a été mise à la charge de la société Bureau Veritas mais aucun justificatif n'est produit au titre de son préfinancement par l'assureur dommages-ouvrage.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs, les sociétés Bureau Veritas et QBE et Gautier Mamia et MAF étant condamnées in solidum à payer à la société Axa DO les sommes de 1 036 326,58 euros au titre de l'indemnité relative aux travaux réparatoires et celle de 104 480,64 euros au titre de l'indemnité relative aux frais irrépétibles et frais d'expertise judiciaire.
Enfin, s'agissant des frais avancés en cours d'expertise, il résulte des termes du rapport d'expertise que les frais engagés au titre des frais de diagnostic, avant-projet, projet et DCE du cabinet Géosynthèse s'élèvent à la somme de 19 085 euros HT soit 3 500 euros HT au titre de la phase 1 et 15 585 euros HT au titre de la phase 2.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur son quantum, les frais avancés en cours d'expertise étant fixés à 19 085 euros HT.
III- Sur la répartition de la charge de la dette entre les coobligés
Moyens des parties
La société Bureau Veritas et la société QBE, son assureur, soutiennent qu'il résulte de l'examen de la convention de contrôle technique que la société Dilisco savait que la mission de la société Bureau Veritas ne comprenait pas le contrôle de la réglementation applicable en matière d'ICPE et que, s'agissant de la mission relative à la sécurité des personnes, celle-ci est limitée aux seules installations électriques de courant fort.
Elles sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu une part de responsabilité de 40 % à la charge de la société Bureau Veritas alors que l'expert judiciaire ne retenait qu'une part minime de 10 % en raison de la non-cohérence en matière de description de la structure entre les dossiers ICPE et le dossier correspondant à la mission chantier, dès lors que le maître d''uvre, investi d'une mission complète, et la société LRCI, investie de l'ensemble des travaux et qui devait se conformer à la réglementation applicable, ont une responsabilité majeure dans la survenance des désordres.
Elles ajoutent que l'expert a relevé que la société LRCI était intervenue comme contractant général mais était également maître d''uvre d'exécution dans un premier temps et que la société [C] Mamia a assuré une mission complète de direction du chantier et sollicitent en conséquence leur condamnation in solidum à les relever de toute condamnation en prononçant un partage de responsabilité conforme aux propositions de l'expert.
La société [C] Mamia et la MAF font valoir que la responsabilité de la société LRCI est prépondérante compte tenu de son rôle de contractant général accepté par contrat du 2 mai 2007 et que l'expert a pu relever aux termes de son rapport.
A titre subsidiaire, elles sollicitent de se voir intégralement relevées indemnes par la société LRCI et son assureur compte tenu de son rôle de contractant général et de sa responsabilité prépondérante dans la survenance des désordres.
La société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu à son encontre une part d'imputabilité de 30% au titre des désordres.
Elle précise qu'il appartenait à la société [C] Mamia de préciser les caractéristiques de la liaison entre les bâtiments 3 et 4 et, au stade de l'exécution, de veiller à ce que les travaux soient exécutés conformément à la réglementation.
Elle ajoute que le plan du permis de construire établi par la société [C] Mamia ne fait pas mention ni de la nécessité de procéder à un isolement coupe-feu des locaux sociaux ni de celle de mise en place d'un système de désenfumage pour le local de charge.
Elle argue qu'aucune exigence de stabilité au feu pour la structure du bâtiment n'était requise au jour de l'établissement du devis de la société LRCI du 2 mai 2007 et que, si les éléments de construction de la charpente étaient jugés insuffisants pour assurer une stabilité au feu, il appartenait à la société [C] Mamia, en sa qualité de maître d''uvre, mais également à la société Bureau Veritas d'émettre toute réserve sur la réalisation de la charpente.
Enfin, à titre subsidiaire, elle demande à être relevée et garantie de l'intégralité des sommes mises à sa charge par les parties intimées et leurs assureurs.
Elle fait valoir qu'elle doit bénéficier de la garantie de la société Brunet et de son assureur, l'expert ayant retenu une responsabilité prépondérante de la société Brunet au titre de l'insuffisance de RIA, de blocs autonomes et d'une mauvaise localisation du tableau de gestion d'alarmes et que ces dernières ne peuvent valablement lui opposer le caractère apparent des désordres et non-conformités.
La société SMAC soutient que la société Axa ne démontre pas le lien existant entre les griefs allégués par le propriétaire et les travaux exécutés en sous-traitance par la société SMAC alors qu'elle n'avait pour mission que l'installation des exécutoires de fumée et leur commande.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1213 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.
Selon l'article 1147 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en l'occurrence en raison de la date du marché, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Aux termes de l'article 1383, devenu 1241, de ce code, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Il est établi que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son assureur n'est pas fondé sur la garantie décennale, mais est de nature contractuelle si ces constructeurs sont contractuellement liés, et de nature quasi-délictuelle s'ils ne le sont pas (3e Civ., 30 avril 2002, pourvoi n° 00-15.645, Bulletin civil 2002, III, n° 86 ; 3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23).
Au cas d'espèce, il est constant que par arrêté préfectoral du 12 décembre 2007, il a été demandé une stabilité au feu de la structure d'une durée d'une heure et que par arrêté du 26 octobre 2010, cette durée a été fixée à 30 minutes.
S'agissant de la contribution à la dette de la société LRCI, contractant général et maître d''uvre d'exécution dans un premier temps, l'expert judiciaire relève qu'elle n'a formulé aucune demande ni apporté de précisions sur les questions de la stabilité au feu de la charpente, le nombre ou l'emplacement des exécutoires ainsi que sur les isolements entre le bâtiment de stockage et les locaux sociaux et bureaux dans le cadre de différents contrats conclus avec les fournisseurs, la société Astron au titre de la fabrication de la charpente métallique, la société Aiso au titre de la menuiserie, la société SIC au titre des chariots et du filoguidage et enfin la société SMAC au titre de la mise en place des exécutoires de fumée et leurs commandes.
En outre, alors qu'il résulte des termes de l'expertise judiciaire que la société LRCI n'a pas su apprécier et saisir les contraintes réglementaires de l'opération, et de ce fait rédiger et imposer les prescriptions correspondantes, le tribunal a justement relevé, d'une part, qu'elle disposait de l'ensemble des informations nécessaires quant à la destination du bâtiment et à son inscription parmi les opérations classées pour apprécier l'importance de la question de la stabilité au feu du bâtiment et soulever l'éventuelle incompatibilité de la charpente avec les exigences posées dans le cadre de son obligation de conseil et, d'autre part, elle a manqué à son obligation de résultat s'agissant de la conformité réglementaire de l'isolement des locaux sociaux et de stockage, ce manquement contractuel constituant une faute délictuelle à l'égard des autres intervenants à l'opération de construction.
Concernant la maîtrise d''uvre d'exécution, il est établi qu'un architecte n'est tenu que d'une obligation de moyens dans l'exécution de ses missions (3e Civ., 3 octobre 2001, pourvoi n° 00-13.718 ; 3e Civ., 21 juin 2018, pourvoi n° 17-17.932).
L'obligation de surveillance qui incombe à l'architecte ne lui impose pas une présence constante sur le chantier et ne se substitue pas à celle que l'entrepreneur doit exercer sur son personnel (3e Civ., 4 juillet 1973, pourvoi n° 72-11.158, Bull. 1973, III, n° 463).
Il est également établi que tout architecte est tenu d'une obligation de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage (3e Civ., 30 novembre 2011, pourvoi n° 10-21.273) et que cette obligation est à la mesure de la mission à lui confiée (3e Civ., 11 juillet 2012, pourvoi n° 11-17.434 ; 3e Civ., 5 janvier 2017, pourvoi n° 15-26.167).
Si la société [C] Mamia n'a eu qu'un rôle de maître d''uvre de conception dans un premier temps et n'a pas participé aux discussions et à l'élaboration des pièces contractuelles et des pièces marché, le chantier étant exécuté sous la seule direction de la société LRCI, elle a accepté une mission de suivi de chantier à partir du mois de novembre 2007, date à laquelle elle est devenue titulaire d'une mission complète de maîtrise d''uvre, l'expert relevant que cette mission a été acceptée " fort légèrement et imprudemment " sur la base de toutes les pièces et marchés passés antérieurement et que son rôle est indéniable et sa responsabilité engagée.
Ainsi, c'est à juste titre que le tribunal a relevé qu'en acceptant la maîtrise d''uvre d'exécution de l'opération, elle a pris en charge la totalité des lacunes du contractant général et qu'il lui appartenait dès lors, en vertu de son obligation de conseil, comme pour la bonne exécution de ses missions contractuelles, de prendre connaissance de l'ensemble des pièces et documents contractuels et techniques se rapportant à l'opération.
En outre, il résulte des éléments du dossier et notamment des termes du rapport d'expertise que l'architecte a commis des erreurs techniques s'agissant de l'ignorance des prescriptions administratives relatives à la stabilité au feu, la mauvaise distribution des exécutoires, les insuffisantes localisations des RIA et l'absence d'isolement des locaux annexes et ne justifie avoir réalisé aucune préconisations préalables ou vérifications permettant de s'assurer de la conformité des travaux réalisés aux prescriptions réglementaires, de sorte que l'existence d'un manquement de la société [C] Mamia à ses obligations est caractérisée en l'espèce et sa responsabilité délictuelle engagée.
Par ailleurs, alors que la société Bureau Veritas est intervenue à trois stades de l'opération de construction, s'agissant de l'assistance à l'établissement du dossier Etablissements classés, le suivi et contrôle du chantier et en tant que coordonnateur sécurité et protection de la santé (SPS) ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire, ni les comptes rendus de chantier ni le rapport final ne font mention d'observation, réserve ou avis du contrôleur relatifs au respect des exigences réglementaires concernant la stabilité au feu, le désenfumage et l'isolement des locaux sociaux ni des problématiques afférentes à la charpente dont il avait été particulièrement informé dans le cadre de son rôle d'assistance à la constitution des dossiers ICPE.
Ainsi, l'existence d'un manquement de la société Bureau Veritas à son obligation de conseil est caractérisée en l'espèce et sa responsabilité engagée.
Ainsi, au regard des fautes de chacun des intervenants et du rôle prépondérant joué par la société LRCI dans la réalisation des opérations de construction et de l'importance des manquements reprochés à chacun des intervenants, il y a lieu de fixer le partage de responsabilité comme suit :
la société LRCI : 50%
la société [C] Mamia : 30%
la société Bureau Veritas : 20%
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef dans le partage de responsabilité retenu au titre de la contribution à la dette, la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI, la société [C] Mamia et la MAF ainsi que la société Bureau Veritas et son assureur QBE étant condamnée in solidum à se garantir dans ses proportions.
Enfin, concernant l'action récursoire formée par la société Axa à l'encontre de la société Brunet, si l'expert judiciaire a relevé l'insuffisance du nombre de RIA et de blocs autonomes ainsi que la mauvaise localisation du tableau de gestion d'alarmes, attribuant la part de responsabilité de la société Brunet, en charge de la réalisation des lots de détection anti-intrusion, incendie et détection, à hauteur de 40 % aux côtés de la société [C] Mamia (40 %) et de la société Bureau Veritas (20 %), il ne ressort pas de ces conclusions que ces manquements soient à l'origine des désordres subis par le maître de l'ouvrage.
Ainsi, alors que l'expert judiciaire n'a pas retenu la responsabilité de la société Brunet dans la réalisation du dommage et en l'absence d'éléments de nature à remettre en cause ces conclusions, la preuve de l'imputabilité existant entre les manquements contractuels et les désordres et non-conformités n'est pas rapportée en l'espèce et il y a lieu de rejeter la demande formée par la société Axa aux fins d'être garantie par la société Brunet et son assureur, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur les frais irrépétibles.
En cause d'appel, la société Bureau Veritas et son assureur, la société QBE, la société [C] Mamia et son assureur la MAF et la société Axa seront condamnés in solidum aux dépens d'appel.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
Au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la société Bureau Veritas et son assureur, la société QBE, la société [C] Mamia et son assureur la MAF et la société Axa seront condamnés in solidum au paiement de la somme globale de la somme de 6 000 euros à la société Axa DO.
En outre, la société Axa sera condamnée à payer la somme de 3 000 euros à la société Astron et ses assureurs, les société MMA ainsi que la somme de 3 000 euros à la société Brunet et son assureur, la SMABTP, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevables comme étant prescrites les demandes formées par la société Bureau Veritas construction et la société QBE insurance limited à l'encontre de la société Axa France IARD, en qualité d'assureur de la société LRCI ;
Déclare irrecevables les demandes formées à l'encontre de la société MMA IARD assurances mutuelles et de la société MMA IARD en qualité d'assureurs de la société SCPG ;
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :
fixé à la somme de 18 486,25 euros le montant des frais avancés en cours d'expertise,
fixé le partage de responsabilité comme suit :
la société Bureau Veritas construction : 40 %
la société [C] Mamia : 30 %
la société LRCI : 30 %,
L'infirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe à la somme de 19 085 euros le montant des frais avancés en cours d'expertise ;
Fixe le partage de responsabilité comme suit :
la société LRCI : 50 %,
la société [C] Mamia : 30 %,
la société Bureau Veritas construction : 20 % ;
Condamne in solidum la société Bureau Veritas construction et son assureur, la société QBE insurance limited, la société [C] Mamia et son assureur, la Mutuelle des architectes Français, et la société Axa France IARD, en qualité d'assureur décennal de la société LRCI, aux dépens d'appel ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la société Bureau Veritas construction et son assureur, la société QBE insurance limited, la société [C] Mamia et son assureur, la Mutuelle des architectes Français, et la société Axa France IARD, en qualité d'assureur décennal de la société LRCI, au paiement de la somme de 6 000 euros à la société Axa France IARD, en qualité d'assureur dommages-ouvrage ;
Condamne la société Axa France IARD, en qualité d'assureur de la société LRCI, à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Astron Buildings et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et la somme globale de 3 000 euros à la société Brunet et, son assureur, la SMABTP, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes formées au titre des frais irrépétibles.
La greffière, Le président de chambre,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2025
(n° /2025, 27 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10713 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF5TX
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 mai 2022 - tribunal judiciaire de PARIS- RG n° 15/16898
APPELANTES
S.A.S. BUREAU VERITAS CONSTRUCTION prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 16]
[Localité 20]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Sophie TOURAILLE de la AARPI MONTALESCOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 24]
[Adresse 24]
[Adresse 24]
[Localité 21]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Sophie TOURAILLE de la AARPI MONTALESCOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES
Compagnie d'assurance SMABTP en qualité d'assureur société BRUNET prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 22]
[Adresse 22]
[Localité 12]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Compagnie d'assurance SMABTP en qualité d'assureur de la Société SMAC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 22]
[Adresse 22]
[Localité 12]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Désistement de la société AXA France Iard assureur de la société LRCI à l'égard de la SMABTP assureur de la SMAC par ordonnance du 07 novembre 2023
S.A.S. SMAC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 18]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
S.A.S. ASTRON BUILDINGS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 23]
[Adresse 23]
[Localité 1]
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
S.A. MMA IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
Société d'assurance mutuelle à cotisations fixe MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
S.A. AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur dommages-ouvrage prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 19]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Stella BEN ZENOU de la SELARL CABINET BEN ZENOU, avocat au barreau de PARIS
S.A. AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur de responsabilité civile décennale de la société LRCI prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 17]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Frédéric DOCEUL de la SELAS LGH & ASSOCIES, avcoat au barreau de PARIS
S.C.P. [C] MAMIA venant aux droits de M. [X] [C], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 15]
Représentée par Me Nathalie BOUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Emmanuel RAYNAL, avocat au barreau de LIMOGES
Société d'assurance mutuelle à cotisations variables MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS - M.A.F., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentée par Me Nathalie BOUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Emmanuel RAYNAL, avocat au barreau de LIMOGES
S.E.L.A.R.L. [F] ASSOCIES en qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. LIMOUSINE REALISATION COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE (LRCI) domiciliée [Adresse 3], prise en la personne de Maître [R] [F] domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 14]
N'a pas constituée avocat - par assignation en appel provoqué signifiée le 16 septembre 2022 à personne morale
INTERVENANTS
S.A.S. BRUNET prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 13]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Ludovic JARIEL, président de chambre
Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Emmanuelle BOUTIE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Tiffany CASCIOLI
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 1er octobre 2025, prorogé au 08 octobre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Ludovic JARIEL, président de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
En 2006, la société Dilisco, propriété du groupe Albin Michel, a entrepris la construction d'une plateforme logistique - bâtiment de stockage d'ouvrages, revues et articles littéraires. Sa destination en fait une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), dont la construction est soumise à autorisation et à des normes strictes, notamment relatives à la résistance au feu de la structure.
Le 10 novembre 2006, le permis de construire a été obtenu. Un second a été obtenu en 2007 pour une extension du bâtiment.
Le financement de l'opération a été confiée à la société CMCIC Lease (la société CIC Lease) par un contrat de crédit-bail conclu en 2008.
Une garantie dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la société Axa France IARD (la société Axa DO).
La société Somival, assurée auprès de la société Groupama, est intervenue en qualité d'assistant au maître de l'ouvrage.
Sont, par ailleurs, intervenues à l'opération de construction :
la société CEBTP Solen, devenue la société Ginger CEBTP (la société Ginger), géotechnicien, assurée auprès de la SMABTP et de la HDI-Gerling Industrie Versicherung (la société HDI),
la société Bureau Veritas construction (la société Veritas construction), venant aux droits de la société Bureau Veritas, assistant d'élaboration des dossiers ICPE, assurée auprès de la société QBE Europe Insurance Limited (la société QBE),
la société [C] Mamia, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), en qualité de maître d''uvre,
la société Limousine réalisation commerciale et industrielle (la société LRCI) en qualité de contractant général, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa),
la société SMAC, venant aux droits de la société Ruberoid, sous-traitant de LRCI sur le lot étanchéité,
la société Colas Sud-Ouest (la société Colas), venant aux droits de la société SCREG Ouest, en charge du lot terrassement et VRD, assurée auprès de la SMABTP,
la société Sols industriels du Centre (la société SIC) en charge du lot sol industriel, assurée auprès de la société SMA,
la société Nexen, sous-traitant pour le lot levage-montage,
la société Brunet en charge du lot détection incendie, assurée auprès de la SMABTP,
la société Fourgeau et Cie (la société Fourgeau), en charge du lot plomberie-chauffage,
la société Astron buildings (la société Astron), en charge de la fourniture des éléments de la charpente métallique, assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA),
la société Jungheinrich France (la société Jungheinrich), en charge des installations de stockage aux termes d'un marché direct passé par la société Dilisco, assurée auprès de la société HDI.
Les 27 mai et 4 septembre 2008, les travaux ont été réceptionnés, avec une réserve relative à la planéité du dallage.
La société Dilisco s'est ensuite plainte de l'apparition de désordres divers tenant, notamment, à la stabilité au feu du bâtiment et au dallage.
Par actes en date du 12 avril 2012, la société Dilisco a assigné aux fins d'expertise judiciaire sur les désordres du dallage les sociétés Axa DO, Somival, Groupama, Bureau Veritas, QBE, LRCI, Axa, en sa qualité d'assureur de LRCI, Gautier Mamia, son assureur la MAF, SCREG Ouest, Ginger, assurés par la SMABTP, Jungheinrich et son assureur la société HDI.
Par actes en date du 13 avril 2012, la société Dilisco a assigné aux fins d'expertise judiciaire sur les désordres " divers " les sociétés Axa DO, Somival, Groupama, Bureau Veritas, QBE, LRCI, [C] Mamia, SCREG Ouest, Ginger, et leur assureur la SMABTP, Axa en sa qualité d'assureur de la société LRCI et la MAF.
Deux ordonnances en date du 31 mai 2012 ont fait droit à ces demandes. Le rapport d'expertise unique a été rendu le 29 janvier 2016.
Par actes en dates des 13, 16, 17 et 23 avril 2012, les sociétés Dilisco et CIC Lease ont assigné les sociétés Axa DO, Somival, Groupama, Bureau Veritas, QBE, [C] Mamia, SCREG Ouest, Brunet, et leur assureur la SMABTP, HDI, LRCI et son assureur la société Axa, la MAF aux fins d'indemnisation des désordres hors dallage.
Par jugement du 11 mai 2016, le tribunal de commerce de Limoges a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société LRCI.
Par actes en dates des 23 et 24 mai 2019, la société Axa DO a assigné en garantie les sociétés Fourgeau et Astron, ses assureurs, les sociétés MMA, les sociétés Nexen et SMAC. L'instance a été jointe à celle relative aux désordres divers.
L'ordonnance du juge de la mise en état du 27 mai 2019 a constaté le désistement d'instance et d'action des sociétés Dilisco et CIC Lease auprès de la société Axa DO, cette dernière a repris le cours de l'instance à l'encontre des constructeurs et de leurs assureurs.
Par ordonnance du 8 mars 2022, le juge de la mise en état a constaté le désistement d'instance de la société Axa DO à l'égard de :
la société Colas France venant aux droits de la société Colas Sud Est, venant elle-même aux droits de la société CREG Ouest,
la société Ginger CEBTP, venant aux droits de la société CEBTP Solen,
la SMABTP prise en ses qualités d'assureur de la société CREG Ouest, de la société CEBTP Solen et de la société Brunet,
la société Somival et son assureur la société Groupama Rhône Alpes Auvergne,
la société HDI, en qualité d'assureur de la société CEBTP Solen devenue Ginger CEBTP,
la société Brunet,
la société Fourgeau,
la société Nexen, représentée par son liquidateur judiciaire, Me [J],
la société SMAC venant aux droits de la société Ruberoid,
dit que l'instance se poursuit entre les mêmes parties à l'exception de la société Colas France, la société SMAC et la société Nexen.
Par ordonnance du 16 mars 2022, la société [F] associés, prise en la personne de M. [F], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société LRCI.
Par jugement du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
Reçoit l'intervention volontaire de la société Veritas construction aux droits de la société Bureau Veritas ;
Déclare recevables les appels en garantie formés par la société Axa en sa qualité d'assureur de la société LRCI à l'encontre de la société Groupama ;
Condamne in solidum la société [C] Mamia, la MAF, la société Veritas construction et la société QBE à payer à la société Axa en qualité d'assureur dommages-ouvrage les sommes de :
1 036 326,58 euros au titre de l'indemnité versée pour les travaux réparatoires,
104 480,64 euros au titre de l'indemnité versée pour les frais irrépétibles et frais d'expertise judiciaire,
18 486,25 euros au titre des frais avancés en cours d'expertise ;
Dit que les intérêts courront sur ces sommes à compter du 5 mai 2019 et seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;
Fixe le partage de responsabilité comme suit :
- la société Veritas construction : 40 %,
- la société [C] Mamia : 30 %,
- la société LRCI : 30 %,
Condamne la société Veritas construction et la société Axa en qualité d'assureur de LRCI à garantir la société [C] Mamia dans ces proportions ;
Condamne in solidum la société [C] Mamia, la MAF, et la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI à garantir la société Veritas construction et la société QBE dans ces proportions ;
Condamne in solidum la société Veritas construction, la société QBE, la société [C] Mamia et la MAF à garantir la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI dans ces proportions ;
Déclare la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI bien fondée à opposer sa franchise à son assurée ;
Déboute la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI de sa demande d'inscription de cette franchise au passif de la société LRCI ;
Rejette toute demande à l'encontre des sociétés Somival, Groupama, Colas, Ginger, Brunet, SMABTP, HDI, Fourgeau, Nexen, et SMAC, Astron et MMA ;
Condamne in solidum la société Veritas construction, la société QBE, la société [C] Mamia, la MAF et la société Axa en qualité d'assureur de LRCI aux dépens ;
Condamne in solidum la société Veritas construction, la société QBE, la société [C] Mamia, la MAF et la société Axa en qualité d'assureur de LRCI à payer à la société Axa en qualité d'assureur dommages-ouvrage la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Axa en qualité d'assureur de LRCI à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
à la société Groupama la somme de 1 500 euros,
à la société Ginger la somme de 1 500 euros,
à la société Brunet et la SMABTP la somme de 1 500 euros,
à la société Fourgeau la somme de 1 500 euros ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration en date du 3 juin 2022, la société Veritas construction et la société QBE ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
la société Axa, en qualité d'assureur dommages-ouvrage,
la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI,
la société [C] Mamia,
la société LRCI,
la MAF.
Par acte du 16 septembre 2022, les appelantes ont assigné en intervention forcée la société [F], prise en la personne de M. [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LRCI.
Par acte du 21 novembre 2022, la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, a assigné la société [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LRCI.
Par actes des 21, 22 et 25 novembre 2022, la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI, a assigné en appel provoqué les sociétés suivantes :
les sociétés MMA, en qualité d'assureurs de la société Astron,
la société Astron,
la société SMAC,
la SMABTP, en qualité d'assureur de la société SMAC et de la société Brunet,
la société Brunet.
Par acte du 22 décembre 2022, la société [C] Mamia et la MAF ont assigné en intervention forcée la société [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LRCI.
Par ordonnance du 7 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a :
constaté le désistement d'instance et d'action de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, à l'égard de la SMABTP, en sa qualité d'assureur de la société SMAC ;
déclaré irrecevables les conclusions d'intimée et d'incident communiquées les 23 février et 31 mars 2023 par la société Brunet et la SMABTP, en ses qualités d'assureur des sociétés Brunet et SMAC ;
rejeté la fin de non-recevoir de l'appel provoqué formé par la société Axa en sa qualité d'assureur de la société LRCI, présentée par la société SMAC ;
rejeté la fin de non-recevoir de l'appel provoqué par la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, présentée par la société Astron et les sociétés MMA en leurs qualités d'assureur de cette société.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2024, les sociétés Veritas construction et QBE, son assureur, demandent à la cour de :
Statuant sur l'appel interjeté par l'exposante,
Débouter l'argument de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, en ce qui concerne l'irrecevabilité prétendue de l'appel interjeté par la société Veritas construction, sous couvert de l'article 564 du code de procédure civile, qui ne s'applique pas en l'espèce ;
Infirmer le jugement déféré à la censure de la cour au regard de la part de responsabilité attribuée à la société Veritas construction ;
Donner acte à la société Veritas construction de son intervention volontaire aux droits de la société Bureau Veritas ;
Dire au regard des conclusions expertales et de la nature des obligations pesant sur le maître de l'ouvrage au titre de la réglementation ICPE que celui-ci a engagé sa responsabilité dans la survenance des désordres ;
Dès lors dire que la société Axa se devait de prendre en considération la part de responsabilité de son assuré, ce qui lui interdisait de recourir pour le tout contre les autres intervenants ;
Fixer la part incombant à la société Dilisco à 5 % et de ce fait réduire le recours de l'assureur de préfinancement contre les autres parties au litige ;
Dire que la société Veritas construction a parfaitement respecté ses obligations au visa de ses engagements contractuels, alors que les arguments retenus par le tribunal contre la société Veritas construction déroge à la réalité des missions imparties à cet intervenant ;
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a attribué 40 % de responsabilité à l'exposante sans fondement ;
Condamner in solidum, au visa de leur responsabilité extracontractuelle et des fautes commises par ces parties, la société [C] Mamia, la société LRCI en qualité de contractant général et leurs assureurs à relever les exposantes de toute condamnation en proposant un partage de responsabilité conforme aux propositions de l'expert ;
Débouter la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, et en qualité d'assureur dommages-ouvrage, la société [C] Mamia, la MAF et les sociétés MMA de leurs appels incidents, fins, demandes et conclusions contraires aux présentes ;
Débouter toutes les parties de leur appel en garantie à l'encontre de la société Veritas construction et de la société QBE ;
Condamner tout succombant aux entiers dépens, dont recouvrement par Me Hatet-Sauval pour ceux d'appel, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 juin 2024, la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, demande à la cour de :
La déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Déclarer irrecevables et en tout état de cause mal fondées les demandes, fins et conclusions en tant qu'elles sont dirigées contre la société Axa, prise en sa qualité d'assureur de la société LRCI ;
À titre liminaire,
Juger que l'appel en garantie formé par la société Veritas construction et son assureur la société QBE, à l'encontre de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, relativement aux condamnations pour les désordres autres que ceux affectant le dallage constitue une demande nouvelle en cause d'appel ;
Juger que l'appel en garantie formé par la société Veritas construction et la société QBE, ès qualités, à l'encontre de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, relativement aux condamnations pour les désordres autres que ceux affectant le dallage est prescrit ;
En conséquence,
Déclarer l'appel en garantie formé par la société Veritas construction et la société QBE, ès qualités, à l'encontre de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, relativement aux condamnations pour les désordres autres que ceux affectant le dallage irrecevable ;
Débouter la société Veritas construction et son assureur QBE de toute demande en principal, frais et accessoires formulée à l'encontre de la société Axa, en qualité d'assureur décennal de la société LRCI ;
À titre principal,
Juger que les désordres pour lesquels une indemnité a été versée au titre de l'assurance dommages-ouvrage ne peuvent être imputés à la société LRCI ;
En conséquence,
Infirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 en ce qu'il a retenu une part d'imputabilité à l'encontre de la société LRCI et fait droit aux appels en garantie dirigés à l'encontre de la société Axa, et statuant à nouveau ;
Débouter toute partie de toute demande principale et accessoire, ou appels en garantie formulés à l'encontre de la société Axa, en qualité d'assureur décennal de la société LRCI ;
Prononcer la mise hors de cause de la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI ;
À titre subsidiaire,
Confirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 en ce qu'il a limité la part de responsabilité imputée à la société LRCI à 30 % à l'égard du maître d'ouvrage ;
Juger recevable et bien fondée la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI, en ses appels en garantie formulés à l'encontre de la société Veritas construction et son assureur, de la société Astron et ses assureurs, les sociétés MMA, la société [C] Mamia et son assureur la MAF, la société Brunet et son assureur la SMABTP, ainsi que la SMAC ;
Infirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 en ce qu'il a limité la condamnation de la société Veritas construction et de son assureur, de la société [C] Mamia et de son assureur la MAF, à garantir la société Axa dans les limites de 40 %, pour la société Veritas construction et 30 % pour la société [C] Mamia ;
Infirmer le jugement en ce qu'il a écarté les demandes de la société Axa tendant à être relevée et garantie par les sociétés Brunet, SMAC et Astron et leurs assureurs respectifs de toute condamnation prononcée à son encontre ;
En conséquence et statuant à nouveau,
Condamner in solidum et à défaut solidairement la société Veritas construction et la société QBE, ès qualités, la société Astron et ses assureurs, les sociétés MMA, la société [C] Mamia et son assureur la MAF, les sociétés Brunet et SMAC et leur assureur la SMABTP à relever et garantir la société Axa de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, tant en principal, qu'intérêts frais et accessoires ;
En toute hypothèse,
Faire application des limites et exclusions de garanties de la police n° 375035181990V ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI au paiement d'un article 700 au profit des sociétés Groupama, Ginger, Brunet, SMABTP et Fourgeau ;
Prendre acte du désistement d'instance et d'action de la société Axa à l'encontre de la SMABTP recherchée en qualité d'assureur de la société SMAC ;
Déclarer parfait le désistement de la société Axa à l'encontre de la SMABTP recherchée en qualité d'assureur de la société SMAC ;
Rejeter toutes demandes formées par la SMABTP et la société Brunet à l'encontre de la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI comme étant irrecevables car tardives et en conséquence débouter la société Brunet et son assureur la SMABTP de leur appel en garantie formé à l'encontre de la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI ;
Condamner toute partie succombante à payer à la société Axa la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner toute partie succombante aux entiers frais et dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de la société Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2024, la société SMAC demande à la cour de :
Confirmer le jugement qui n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de la société SMAC ;
Rejeter toute demande présentée à l'encontre de la société SMAC en déclarant la société Axa ou toutes autres mal fondées en toutes leurs prétentions ;
A titre subsidiaire,
Accorder à la société SMAC la garantie pleine et entière et in solidum de la société Veritas construction, de la société QBE, ès qualités, de la société [C] Mamia et de la MAF, ès qualités, au titre de toutes condamnations en principal, frais et accessoires qui pourraient être mises à sa charge ;
Condamner la société Axa à verser à la société SMAC une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif des demandes présentées à son encontre ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, Condamner la société Axa à verser à la société SMAC une somme de 5 000 euros outre les dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la société 2H Avocats en la personne de Me [U], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2023, la société Brunet et la société SMABTP, en sa qualité d'assureur des sociétés SMAC et Brunet, demandent à la cour de :
À titre principal,
Juger irrecevables ou pour le moins, mal fondées la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI et/ou toute autre partie en leurs demandes dirigées à l'encontre de la SMABTP en qualité d'assureur de la société SMAC ;
Les en débouter ;
Juger mal fondées la société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI et/ou toute autre partie en leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Brunet et de la SMABTP en qualité d'assureur de ladite société ;
Les en débouter ;
En conséquence,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire et si une responsabilité en qualité d'intervenant à l'acte de construire était retenue à l'encontre de la société Brunet,
Juger que la SMABTP en qualité d'assureur décennale de la société Brunet ainsi que cette société sont recevables et bien fondées à être garanties et relevées indemne in solidum et solidairement de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elles par les sociétés [C] Mamia et Veritas construction et leurs assureurs respectivement la société Axa pour la société LRCI, la MAF pour la société [C] Mamia et la société QBE pour la société Veritas ;
En tout état de cause,
Débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de la société SMAC ;
Condamner toute partie succombante aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux la concernant par la société 2H Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et au paiement de la somme de 40 320 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2023, la société Axa DO demande à la cour de :
Sur l'appel interjeté par la société Veritas construction et son assureur la société QBE à l'encontre du jugement rendu le 10 mai 2022,
Déclarer cet appel recevable mais mal fondé ;
Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a admis la recevabilité de l'action récursoire exercée par la société Axa DO à la suite des indemnités réglées à ses assurées les sociétés Dilisco et CIC Lease, en ce qu'il a admis le principe du recours de la société Axa DO, non seulement au titre des sommes payées au titre des travaux nécessaires pour remédier aux désordres et leurs accessoires, mais aussi pour leur quote-part des frais irrépétibles et frais d'expertise payés par les sociétés Axa DO, Dilisco et CIC Lease, enfin pour les frais d'étude préfinancés par la société Axa DO pour mettre au point les solutions réparatoires, en ce qu'il a admis la nature décennale des dommages indemnisés, en ce qu'il a déclaré responsable des désordres la société LRCI, la société [C] Mamia, et la société Veritas construction et les a déclarés tenus à rembourser à la société Axa DO les indemnités versées, in solidum, avec la MAF, assureur de la société [C] Mamia et QBE assureur de la société Veritas construction ;
Confirmer la responsabilité prépondérante de la société Veritas construction et le pourcentage de 40 % attribué à celui-ci par le tribunal ;
Réformer en revanche le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Astron et les sociétés MMA, ès qualités ;
Déclarer la société Astron également responsable du sinistre affectant la charpente et la condamner in solidum avec les sociétés MMA, ès qualités, à contribuer au remboursement des indemnités versées par la société Axa DO aux sociétés Dilisco et CIC Lease en réparation de l'insuffisante stabilité au feu de la charpente ;
Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a accordé à la société Axa DO la somme de 1 027 337,48 euros au titre des travaux nécessaires pour la stabilité au feu de la charpente et ses accessoires ;
Rejeter comme dépourvu de fondement l'appel incident de l'architecte la société [C] Mamia et de la MAF ;
Confirmer la responsabilité importante de la société [C] Mamia et sa part de responsabilité de 30 % telle que fixée par le tribunal ainsi que la garantie de son assureur la MAF ;
Réformer en revanche le jugement dont appel :
- sur le montant des travaux nécessaires pour remédier au défaut d'isolement coupe-feu des locaux sociaux et du bloc porte coupe-feu entre les locaux sociaux et de stockage, en retenant le montant effectivement réglé par la société Axa DO aux société Dilisco et CIC Lease, soit 49 846,50 euros HT,
- sur les honoraires payés à la société Veritas construction en cours d'expertise et accorder à la société Axa DO la somme de 2 520 euros TTC qu'elle a préfinancée,
- sur la quote-part des frais d'expertise et frais irrépétibles qui doit être évaluée à 105 436,67 euros et non 104 480,64 euros,
- sur le montant des frais et honoraires des sociétés Géosynthèse et Veritas construction qui doit être retenu pour 22 765,58 euros TTC (dont 20 245,58 euros pour Géosynthèse) ;
Confirmer l'indemnité de 10 000 euros accordée à la société Axa DO au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Y ajouter la somme de 10 000 euros pour les frais irrépétibles d'appel ;
Rejeter toutes autres demandes, tous moyens ou toutes fins contraires ;
Condamner les sociétés Veritas construction et QBE ou à défaut tout succombant aux entiers dépens.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2022, la société Astron et les sociétés MMA, ses assureurs, demandent à la cour de :
Recevoir les sociétés MMA et Astron en leurs conclusions et les déclarer bien fondées ;
Juger que les sociétés MMA n'ont jamais été assureur de SCPG ;
Juger que la société Axa DO a assigné en appel provoqué les sociétés MMA par erreur en qualité d'assureur de SCPG ;
Juger la société Axa DO irrecevable en son assignation afin d'appel provoqué délivrée aux sociétés MMA en qualité d'assureur de SCPG ;
Mettre hors de cause les sociétés MMA recherchées en qualité d'assureur de SCPG ;
Constater que l'expert impacte la société Astron dans une proportion certes résiduelle à hauteur de 5 % au titre de la non-conformité des exutoires, mais de manière erronée ;
Juger que la société Astron n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement délictuelle, mais aussi contractuel ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toute imputabilité contre la société Astron et a rejeté toutes demandes à son endroit et à l'encontre des sociétés MMA ;
Subsidiairement,
Rejeter toute condamnation in solidum ;
Limiter la part contributive de la société Astron à 5 % au titre uniquement des exutoires suivant les conclusions de l'expert ;
Limiter toute condamnation à son encontre et à celle de ses assureurs à cette quote-part de 5 % au titre des seuls travaux de mise en conformité desdits exutoires et de leurs frais annexes, y compris les honoraires de maitrise d''uvre pour la somme de 50 995,20 euros et rejeter toute demande au-delà ;
Juger que toutes condamnations accessoires susceptibles d'être prononcées contre les concluantes ne pourront l'être qu'au prorata de leur part contributive sur l'ensemble des condamnations principales ;
En toute hypothèse,
Juger que toutes condamnations éventuelles contre les sociétés ne pourront intervenir que dans leurs limites contractuelles (franchise et plafond) opposable aux tiers ;
Condamner in solidum la société Axa, assureur de la société LRCI, la société [C] Mamia et son assureur la MAF, la société Veritas construction et son assureur QBE, avec tous autres intervenants dont la responsabilité serait retenue, à relever et garantir en principal, intérêts et frais les concluantes de toutes condamnations prononcées à leur encontre ;
Condamner tous succombants à verser à la société Astron et à ses assureurs une somme de 9 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner tous succombants aux entiers dépens, que Me Pelit-Jumel pourra recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, les sociétés [C] Mamia et la MAF demandent à la cour de :
Dire les sociétés Bureau Veritas et QBE non fondées en leur appel,
Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident formé par la société [C] Mamia et son assureur la MAF, à l'égard du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 10 mai 2022 ;
Infirmer le jugement en toutes ses dispositions et en conséquence ;
A titre principal,
Juger irrecevable et mal fondée l'action récursoire exercée par la société Axa DO des sociétés Dilisco et CIC Lease à l'égard de la société [C] Mamia et la MAF, ès qualités ;
Voir débouter la société Axa DO de toutes ses demandes à l'égard de la société [C] Mamia et de la MAF, ès qualités ;
Mettre les concluantes hors de cause ;
À titre subsidiaire,
Juger que la responsabilité de la société [C] Mamia dans le cadre des désordres constatés devra être limité aux postes suivants :
absence et insuffisance des exutoires : 25 %,
isolement des locaux sociaux : 40 %,
insuffisance des RIA et BAES : 40 % ;
Juger que, en cas de condamnation, la société [C] Mamia et la MAF, ès qualités, seront relevées intégralement indemnes par les autres intervenants à l'acte de construire, et plus particulièrement par la société Axa, en sa qualité de d'assureur de la société LRCI dont la culpabilité aura été reconnue ;
En tout état de cause,
Voire débouter les parties de toute autre demande à l'égard de la société [C] Mamia et la MAF, ès qualités ;
Voir condamner les parties succombantes à payer à la société [C] Mamia et la MAF, ès qualités, la somme de 5 000 euros à chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Par actes en dates des 4 août, 16 septembre et 21 novembre 2022, la société [F], ès qualités, a reçu signification de la déclaration d'appel, par remise à personne morale, et n'a pas constitué avocat.
Par acte du 4 août 2022, la société LRCI a reçu signification de la déclaration d'appel, par remise à personne morale, et n'a pas constitué avocat.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 29 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 27 mai 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
I- Sur la recevabilité des demandes formulées à l'encontre de la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI
Moyens des parties
La société Axa soutient, qu'aux termes de ses conclusions en première instance, l'appel en garantie formé par la société Veritas construction et la société QBE, son assureur, portait uniquement sur les condamnations susceptibles d'être prononcées au titre du désordre " dallage " sans qu'il ne soit fait référence aux autres désordres intéressant l'instance objet du présent appel.
Elle expose que l'appel en garantie formé en cause d'appel à son encontre en qualité d'assureur de responsabilité civile décennale de la société LRCI constitue une demande nouvelle qui doit être déclarée irrecevable.
Elle précise aussi que cette demande nouvelle est irrecevable comme prescrite alors que plus de cinq ans se sont écoulés entre l'assignation en référé-expertise du 12 avril 2012 et les conclusions d'appelantes notifiées le 25 août 2022.
En réplique, la société Veritas construction et la société QBE soutiennent que leur demande de réformation ne vise pas des prétentions nouvelles mais constitue la poursuite des moyens développés en première instance, ce qui ne relève pas des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
Elles ajoutent qu'elles ont toujours développé devant les premiers juges des moyens visant à faire échec aux demandes de la société Dilisco, ces derniers portant sur les autres désordres que le dallage de sorte qu'il leur est loisible de développer des moyens visant à obtenir la réformation du jugement entrepris.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Aux termes de l'article 566 de ce code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Aux termes de l'article 567 de ce code, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.
Il est établi qu'une cour d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile (3e Civ., 25 février 2016, pourvoi n° 14-29.760, Bull. 2016, III, n° 32).
Au cas d'espèce, la société Axa soulève l'irrecevabilité de l'appel en garantie formulé par la société Veritas construction et son assureur à son encontre s'agissant d'une demande nouvelle.
Si la société Axa évoque les conclusions notifiées le 4 juin 2021 par la société Bureau Veritas et son assureur dont le dispositif comporte une demande de condamnation à garantir in solidum notamment à l'encontre de la société LRCI en qualité de contractant et de son assureur, la société Axa, force est de constater que cette demande n'est pas limitée aux désordres relatifs au seul lot " dallage " mais concerne toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre relatives à l'ensemble des désordres.
Ainsi l'appel en garantie formulé à son encontre par la société Veritas construction et son assureur en cause d'appel ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel et doit ainsi être déclarée recevable de ce chef.
Par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Aux termes de l'article 2242 du même code, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
Il est établi que la demande d'expertise, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur ou de l'assureur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, la société Axa invoque la prescription de l'appel en garantie formé par la société Veritas construction et son assureur à son encontre en faisant valoir qu'elles n'ont formulé, pour la première fois, un appel en garantie au titre des désordres autres que ceux affectant le dallage, que dans leurs conclusions d'appelantes, plus de cinq ans s'étant écoulés entre l'assignation en référé-expertise du 13 avril 2012 et les conclusions d'appelantes notifiées le 25 août 2022.
Si la prescription a été suspendue à son égard entre l'ordonnance du 31 mai 2012 et le dépôt du rapport d'expertise le 29 janvier 2016, force est de constater que la société Bureau Veritas et son assureur n'ont formulé leur demande au titre de la condamnation de la société LRCI et de son assureur, la société Axa qu'aux termes de leurs conclusions notifiées le 4 juin 2021 soit plus de cinq ans après le dépôt du rapport d'expertise.
En conséquence, la prescription est acquise, en l'espèce, et les demandes formulées par la société Veritas construction et son assureur à l'encontre de la société Axa sont irrecevables comme étant prescrites.
II- Sur la demande d'indemnisation
1 - Sur les désordres et la responsabilité des constructeurs
Moyens des parties
La société Bureau Veritas et son assureur soutiennent que le rôle de contribution du contrôleur technique à la prévention des aléas techniques ne fait peser sur lui aucune obligation de résultat et de garantie de sorte qu'il n'est pas assujetti à la présomption générale de responsabilité qui pèse sur les constructeurs posée par l'articles 1792 et suivants du code civil.
Elles précisent que l'article L. 125-2, anciennement L. 111-24, du code de la construction et de l'habitation est complété par la mention selon laquelle le contrôleur technique ne peut être tenu vis-à-vis des constructeurs, de supporter la réparation des dommages, qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites de sa mission.
Elles ajoutent que la société Bureau Veritas est intervenue dans le dossier en qualité de contrôleur technique, chargée préalablement d'une mission d'assistance à la constitution du dossier ICPE, celui-ci ayant été déposé par la société Dilisco elle-même, en sa qualité de maître d'ouvrage et que celle-ci s'est engagée seule à assurer la condition de stabilité au feu.
Elles avancent que la société Bureau Veritas s'est parfaitement acquittée de sa mission d'assistance en ce qu'elle a permis à la société Dilisco d'obtenir un arrêté préfectoral d'autorisation d'exploiter.
En réplique, la société Axa DO sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu la nature décennale des désordres.
Elle soutient que la présomption de responsabilité des locateurs d'ouvrage prévue par l'article 1792 du code civil trouve à s'appliquer, ces derniers ne s'exonérant pas par la preuve d'une cause étrangère et précise que la responsabilité de la société Bureau Veritas est engagée sur le fondement décennal pour la mission de contrôle technique et sur le fondement contractuel pour les autres missions.
La société [C] Mamia et la MAF font valoir qu'elle n'était titulaire que d'une mission de conception allant jusqu'au permis de construire et qu'aucune pièce contractuelle ne vient démontrer son intervention au titre d'une mission d'exécution.
La société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, soutient que les désordres pour lesquels une indemnité a été versée au titre de l'assurance dommages-ouvrage ne peuvent être imputés à son assuré.
Elle avance que, si la société LRCI s'est vue confier une mission d'entreprise générale, il ne saurait se déduire de cette seule qualité une quelconque responsabilité de sa part sans démontrer les fautes qui lui seraient imputables et le lien de causalité de ces fautes avec la survenance des désordres allégués.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Il est établi qu'il incombe au maître ou à l'acquéreur de l'ouvrage de rapporter la preuve que les conditions d'application de l'article 1792 du code civil sont réunies (3e Civ., 2 mars 2022, pourvoi n° 21-10.753, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, la matérialité des désordres et leur caractère décennal ne sont pas critiquées par les parties.
Il résulte ainsi des termes du rapport d'expertise, d'une part, que la structure du bâtiment n'a pas de stabilité au feu et que la prescription administrative imposant une stabilité de 30 minutes n'est donc pas respectée, d'autre part, que l'isolement coupe-feu des locaux sociaux par rapport au volume de dépôt n'est pas réglementaire.
Ainsi, c'est à juste titre que le tribunal a retenu le caractère décennal des désordres en relevant que le non-respect des seuils réglementaires de stabilité et d'isolement au feu du bâtiment, lequel se trouve, par sa destination (stockage de papier) particulièrement exposé à un risque d'incendie, porte une atteinte directe et grave à sa solidité ainsi qu'à la sécurité de ses occupants ce qui le rend impropre à sa destination.
Par ailleurs, la garantie décennale repose sur une responsabilité de plein droit qui ne tombe que devant la preuve d'une cause étrangère, de sorte que sa mise en jeu n'exige pas la recherche de la cause des désordres (3e Civ., 1er décembre 1999, n° 98-13.252, Bull n° 230). Il suffit que les désordres soient imputables aux travaux réalisés par le locateur d'ouvrage (3e Civ., 20 mai 2015, pourvoi n° 14-13.271, Bull. 2015, III, n° 46).
Aux termes des dispositions de l'article L.111-24 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au présent litige, le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792 et suivants du code civil que dans les limites de sa mission (3e Civ., 23 mai 2019, pourvoi n° 18-12.262, diffusé)
L'obligation de conseil du contrôleur technique ne peut être recherchée en dehors du champ de sa mission (3e Civ., 4 mai 2016, pourvois n° 15-14.671 et n°15-18-717, diffusés).
Il ne peut s'exonérer de sa responsabilité que par la preuve d'une cause étrangère laquelle ne peut résulter des fautes commises par les autres intervenants à la construction (3e Civ., 14 mars 2001, pourvoi n° 97-19.657, diffusé).
Au cas d'espèce, la société Bureau Veritas soutient qu'elle est intervenue à l'opération de construction en qualité de contrôleur technique, chargée préalablement d'une mission d'assistance à la constitution du dossier ICPE, ce dernier ayant été déposé par la société Dilisco.
Il y a donc lieu de définir les contours de sa mission afin de déterminer si la présomption de responsabilité prévue par l'article 1792 du code civil trouve à s'appliquer en l'espèce.
Il n'est pas contesté que la société Bureau Veritas est intervenue à deux titres dans le cadre de la réalisation de l'opération de construction : d'une part, avec une mission d'assistance à l'élaboration des deux dossiers ICPE, s'agissant d'établissements classés, et d'autre part, en qualité de contrôleur technique pour le suivi du déroulement des travaux.
Il résulte des termes de la convention de contrôle technique régularisée entre la société Bureau Veritas et la société Dilisco le 25 mai 2007 que le contrôleur technique avait deux missions principales ainsi libellée :
Mission L relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements indissociables portant sur le domaine d'intervention défini dans les modalités spéciales de la mission ;
Mission STI-i relative à la sécurité des personnes dans les bâtiments industriels portant sur le domaine d'intervention défini dans les modalités spéciales de la mission.
En outre, la mission L comprenait dans son objet : " Les aléas techniques à la prévention desquels le contrôleur technique contribue au titre de la mission L, sont ceux qui, découlant de défauts dans l'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif, sont susceptibles de compromettre la solidité de la construction achevée ou celle des ouvrages et éléments d'équipement indissociables qui la constituent ".
Si sa mission d'assistance à l'établissement des dossiers ICPE ne peut valablement engager sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil, s'agissant d'une assistance au dépôt des demandes d'autorisation d'exploitation, dont il n'est pas contesté qu'elles ont été délivrées au maître d'ouvrage, force est de constater que les missions dévolues dans le cadre de la convention de contrôle technique relatives tant à la solidité des ouvrages et éléments indissociables d'équipement que de la sécurité des personnes, sont directement liées aux désordres relevés par l'expert judiciaire s'agissant de l'absence de stabilité au feu de la structure du bâtiment et de l'absence de respect de la réglementation relative à l'isolement coupe-feu des locaux sociaux par rapport au volume de dépôt.
En outre, l'expert judiciaire a relevé que le contrôleur technique n'avait formulé aucune observation ou avis relatifs à la stabilité au feu de la structure du bâtiment lors de l'exécution des travaux ainsi que la non-cohérence, en matière de description de la structure, entre les dossiers ICPE et le dossier correspondant à la mission chantier.
Ainsi, alors que la société Bureau Veritas ne justifie pas de l'existence d'une cause étrangère susceptible de l'exonérer et que les désordres présentent un lien d'imputabilité avec les missions confiées dans le cadre de la convention de contrôle technique, c'est à juste titre que le tribunal a retenu sa responsabilité décennale à ce titre.
Par ailleurs, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a retenu la responsabilité décennale de la société [C] Mamia, en qualité de maître d''uvre en relevant que, si le premier contrat conclu entre la société Dilisco et la société [C] Mamia n'avait porté que sur la conception du projet jusqu'au permis de construire, ces circonstances n'étaient pas de nature à écarter l'imputabilité des désordres à la mission complète qui lui a été confiée ensuite.
En outre, l'expert judiciaire a relevé qu'elle est devenue titulaire d'une mission complète de maîtrise d''uvre à compter du mois de novembre 2007 et que sa responsabilité " pleine et entière " est engagée en raison d'erreurs techniques relatives à l'ignorance des prescriptions administratives (stabilité au feu, mauvaise distribution des exutoires, insuffisantes localisations des RIA, absence d'isolements des locaux annexes, suivi insuffisant dans l'exécution du dallage').
Alors que la société [C] Mamia ne justifie de l'existence d'une cause étrangère de nature à l'exonérer de sa responsabilité, les désordres en cause sont dans un lien d'imputabilité avec la mission de maîtrise d''uvre qui lui a été confiée.
Enfin, il résulte des termes du rapport d'expertise que la société LRCI était la seule responsable du projet puis du chantier lors de son démarrage et qu'elle est intervenue comme contractant général et maître d''uvre d'exécution dans un premier temps, ayant elle-même rédigé les comptes rendus de chantier.
Si la société Axa conteste l'imputabilité des désordres constatés par l'expert aux missions attribuées à cette dernière, l'expert judiciaire a relevé que la société LRCI n'a formalisé aucune demande ou précision sur la question de la stabilité au feu lors des contrats conclus avec la société Astron, fabricant de la structure métallique et avec la société Nexen, leveur-monteur de celle-ci et que lors du contrat régularisé avec la société Aiso, s'agissant du lot menuiseries et faux-plafond, elle n'a formulé aucune demande ni spécification au titre des isolements entre le bâtiment stockage et les locaux sociaux.
Enfin, il est noté que s'agissant du marché de dallage conclu avec la société Sic, les demandes ou prescriptions techniques émises par la société Jungheinrich n'ont pas été stipulées ni reportées et que dans le cadre de la mise en place des exutoires de fumées, marché conclu avec la société SMAC, aucun contrôle ou vérification du nombre, des emplacements ou des sections des exutoires n'a été effectué par la société LRCI.
Dès lors, alors qu'il n'est pas justifié de l'existence d'une cause étrangère de nature à exonérer la société LRCI de sa responsabilité, la preuve d'un lien d'imputabilité entre les manquements de la société LRCI en qualité de maître d''uvre d'exécution et les désordres constatés par l'expert est rapportée en l'espèce.
Ainsi, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale de la société Bureau Veritas, de la société [C] Mamia et de la société LRCI, en charge de l'intégralité des travaux.
2 - Sur la responsabilité de la société Dilisco
Moyens des parties
La société Bureau Veritas et son assureur font valoir que la société Dilisco a engagé sa responsabilité dans la survenance des désordres au regard des conclusions expertales et des obligations pesant sur elle au titre de la réglementation ICPE.
Elles précisent que la société Dilisco ne pouvait ignorer que la mission de contrôle technique dévolue à la société Bureau Veritas ne portait pas sur la réglementation ICPE.
En réplique, la société Axa DO soutient que la société Bureau Veritas a fait l'impasse sur la sécurité incendie qu'il s'agisse de la charpente ou de l'isolement des locaux sociaux et que la société Dilisco n'est pas un maître d'ouvrage techniquement compétent alors qu'il appartenait à la société Bureau Veritas de définir la stabilité au feu que devait présenter la charpente.
Elle avance que la société Dilisco a transmis aux constructeurs l'autorisation d'exploitation obtenue grâce au dossier ICPE pour qu'ils en tiennent compte dans la conception et la réalisation de l'ouvrage, cette communication représentant la limite de sa propre obligation d'exploitant du bâtiment.
Enfin, elle précise que son recours tient compte de la part propre de la société Dilisco qui a, dans le cadre de la négociation, accepté de garder à sa charge 5 % du coût des travaux nécessaires.
Réponse de la cour
Selon l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en l'occurrence en raison de la date du marché, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Au cas d'espèce, la société Dilisco a entrepris la construction d'un bâtiment industriel et commercial servant de plate-forme logistique de stockage de livres, ouvrages, revues et articles littéraires et a conclu avec la société Bureau Veritas le 28 juin 2006 et le 8 mars 2007, une convention aux fins d'assistance à la constitution du dossier de demande d'autorisation d'exploiter (DAE).
S'il n'est pas contesté que le dossier ICPE a été déposé par la société Dilisco elle-même, étant seule habilitée en sa qualité d'exploitant, et que l'autorisation d'exploiter a été obtenue le 12 décembre 2007, il résulte des termes de la convention d'assistance régularisée par les parties que la mission de la société Bureau Veritas comprenait une évaluation des risques de l'installation pour la sécurité des personnes et pour l'environnement ainsi qu'une définition des mesures propres à faire face à ces dangers, notamment en matière d'incendie.
En outre, alors que la société Bureau Veritas est ensuite intervenue en qualité de contrôleur technique sur l'opération immobilière, l'expert judiciaire a relevé qu'elle n'avait jamais formalisé ni avis ni réserve sur la stabilité au feu de la structure.
De plus, si l'expert judiciaire mentionne que la société Dilisco a fait preuve d'imprécision quant à la communication des éléments techniques et transmission des pièces administratives auprès des différents intervenants, il précise aussi que le bureau de contrôle " aurait pu, ou dû, être en possession de ces pièces et particulièrement celles liées aux dossiers ICPE qu'il a élaboré ", de sorte que ces seuls éléments sont insuffisants à démontrer l'existence d'un manquement de la société Dilisco et de son imputabilité aux désordres constatés par l'expert.
Par ailleurs, la société Bureau Veritas ne démontre pas l'existence d'une immixtion fautive de la société Dilisco dans les opérations de construction de nature à l'exonérer, fût-ce partiellement, de sa responsabilité de plein droit.
Ainsi, il y a lieu de rejeter les demandes formées par la société Bureau Veritas et son assureur à l'encontre de la société Dilisco.
3 - Sur la responsabilité de la société Astron
Moyens des parties
La société Axa DO soutient que la société Astron qui est intervenue comme concepteur et fabricant de la charpente métallique et n'a pas traité l'absence de stabilité au feu doit voir sa responsabilité engagée.
Elle avance que la société Astron est débitrice d'une obligation de résultat à l'égard de la société LRCI, celle-ci emportant présomption de faute et de causalité, la société Dilisco dans les droits de laquelle la société Axa est subrogée pouvant se prévaloir de la faute que constitue le manquement de son sous-traitant à ses obligations contractuelles.
Elle expose que la société Astron a commis une faute que l'expert a mis en évidence consistant dans sa négligence à se préoccuper de la stabilité au feu requise de son propre ouvrage.
La société Axa, en qualité d'assureur de la société LRCI, soutient, quant à elle, que la responsabilité de la société Astron a été minorée dans la mesure où il lui appartenait, en sa qualité de sachant, d'alerter la société LRCI sur les non-conformités affectant la charpente conçue et fabriquée par elle et ne pouvait exécuter ses prestations sans y intégrer la réglementation applicable.
En réplique, la société Astron et ses assureurs sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté toutes les demandes formées à leur encontre.
Elles font valoir que l'intervention de la société Astron a consisté dans la fourniture des éléments de charpente sur la base courant 2007 et qu'il s'agissait de la commande d'une fabrication d'une charpente classique sans aucun degré coupe-feu exigé.
Elles précisent qu'il appartenait à la société LRCI de donner à la société Astron toute information utile complémentaire s'il est apparu, avant fabrication, qu'un degré coupe-feu devait être respecté et que, concernant les exécutoires, elle n'a jamais eu connaissance des conditions de classement éventuel du bâtiment à partir des éléments communiqués par la société LRCI, la commande passée par cette société portant sur une fabrication classique satisfaisant à la réglementation applicable aux établissements industriels et commerciaux.
Réponse de la cour
A titre liminaire, alors qu'il n'est pas contesté que les sociétés MMA ont la qualité d'assureur de la seule société Astron, il y a lieu de déclarer irrecevables l'ensemble des demandes formées à leur encontre en qualité d'assureurs de la société SCPG, le jugement entrepris étant complété de ce chef.
Aux termes de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l'article 1383, devenu 1241, du même code, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Il est établi que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) et que s'il établit un lien de causalité entre ce manquement contractuel et le dommage qu'il subit, il n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Ass. plén. 13 janvier 2020, pourvoi n° 17-19.963, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, la société Astron est intervenue à l'opération de construction au titre de la fourniture des éléments de charpente dans le cadre d'un contrat conclu le 25 avril 2007 avec la société LRCI et sur la base des plans fournis par cette dernière.
Alors qu'il n'est pas contesté que les exigences de stabilité au feu d'une heure ont été stipulées aux termes de l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2007, soit postérieurement à la commande de charpente régularisée au mois d'avril 2007 et à sa livraison intervenue mois d'août 2007, c'est à juste titre que le tribunal a retenu, d'une part, l'absence de lien établi entre la localisation des exécutoires et la stabilité au feu du bâtiment, ces deux aspects techniques ayant été étudiés séparément par l'expert et, d'autre part, l'absence de preuve d'un manquement de la société Astron à son obligation de conseil, celle-ci n'étant que fournisseur de la charpente métallique, alors que, par ailleurs, sa qualité de fournisseur impliquant une connaissance des conditions et circonstances particulières du marché n'est pas établie.
En outre, alors que la commande régularisée le 25 avril 2007 ne portait que sur une charpente classique, sans aucun degré coupe-feu exigé, il appartenait à la société LRCI de communiquer toute information complémentaire sur la nécessité de respecter un degré coupe-feu.
Il en va de même concernant la commande passée au titre des exécutoires qui portait sur une fabrication classique satisfaisant à la réglementation s'appliquant aux établissements industriels et commerciaux sans qu'aucune information complémentaire ne soit communiquée sur le classement de l'établissement et sur son incidence sur le nombre d'exécutoires.
Ainsi, en l'absence de preuve d'une faute susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de la société Astron, il y a lieu de rejeter toutes les demandes formulées à son encontre.
La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
4-Sur la garantie des assureurs
Aux termes des dispositions de l'article L.124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
En l'absence de contestation sur ce point, il y a lieu de condamner in solidum la société [C] Mamia et son assureur la MAF ainsi que la société Bureau Veritas et son assureur, la société QBE, à indemniser les préjudices subis par la société Axa subrogée dans les droits du maître d'ouvrage à la suite des désordres.
5-Sur les préjudices
Moyens des parties
La société Axa DO fait valoir que c'est à tort que le tribunal a limité son recours à la somme de 8 989,10 euros s'agissant du montant accordé au titre de l'isolement coupe-feu entre locaux sociaux et de stockage, telle que retenue par l'expert, cette somme étant insuffisante à régler le défaut de conformité.
Elle précise que ce montant est basé sur une simple estimation et qu'en 2018-2019, quand elle a voulu faire réaliser les travaux, ces derniers n'ont pas pu être réalisés pour ce montant alors qu'elle avait réglé à ce titre à la société Dilisco et la société CIC Lease la somme de 49 846,50 euros HT représentant 95 % du montant du devis SBP du 9 mars 2018.
Sur le poste relatif aux frais et dépenses annexes, elle sollicite aussi l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a refusé de lui accorder le remboursement de la somme réglée en cours d'expertise à la société Bureau Veritas, faisant valoir qu'elle a préfinancé cette somme en qualité d'assureur DO et est donc bien fondée à en solliciter le remboursement.
Enfin, elle précise que le montant des frais d'étude de la société Géosynthèse s'élève à la somme de 20 245,58 euros et non 18 486,25 euros ce qui correspond aux frais avancés pour le sinistre " dallage ".
La société Bureau Veritas et son assureur soutiennent que c'est à juste titre que le tribunal a entériné les conclusions expertales concernant le quantum des réclamations relatifs aux travaux nécessaires à la réfection des lieux et limité le montant accordé au titre de l'isolement coupe-feu entre le coût du stockage qui excédait le chiffrage et l'expert et qui se fondait sur les devis produits postérieurement à son rapport.
Réponse de la cour
En application de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, et du principe de la réparation intégrale, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, de sorte que la victime doit être indemnisée sans perte ni profit (3e Civ., 4 avril 2024, pourvoi n° 22-21.132, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, il est constant que la société Axa DO a versé une indemnité d'un montant de 1 531 585,46 euros à la société CIC Lease au titre de " l'accord sur indemnité et quittance subrogative ".
Aux termes de son rapport, l'expert a retenu que l'absence d'isolement coupe-feu entre le bâtiment stockage et les locaux sociaux constitue " une erreur certaine et donc une non-conformité par rapport à la réglementation " et ayant relevé que les travaux correspondants étaient nécessairement à réaliser, a estimé leur montant à 8 989,10 euros HT, compte tenu des protections à mettre en place.
Alors que l'expert précise avoir retenu ce montant sur la base de l'avis donné par le conseil technique Géosynthèse, pour l'assureur Axa DO, qui a estimé les travaux utiles et nécessaires à la somme de 8 989,10 euros HT, le seul devis établi par la société Blanchet Provost le 9 mars 2018, soit postérieurement à l'expertise, étant insuffisant à remettre en cause cette évaluation en l'absence d'autres éléments de preuve produits aux débats.
Par ailleurs, concernant les frais irrépétibles et frais d'expertise représentant un montant total de 136 576 euros, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a fait application, pour la détermination de la part de ces frais en lien avec les désordres susvisés, du calcul réalisé par la société Axa DO au prorata de la part représentée par les montants des travaux de reprise de ces désordres ainsi que de ceux relatifs au dallage dans le montant total de l'indemnisation accordée et ramené la part des travaux relatifs aux désordres charpente et coupe-feu à 76,5 % soit un montant de 106 480,64 euros au titre de l'indemnité de frais irrépétibles et d'expertise.
En outre, si la société Axa DO sollicite le remboursement de la somme de 2 100 euros HT au titre de la facture de consultation par la société Bureau Veritas d'un spécialiste de l'environnement, il résulte des termes du rapport d'expertise que cette somme a été mise à la charge de la société Bureau Veritas mais aucun justificatif n'est produit au titre de son préfinancement par l'assureur dommages-ouvrage.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs, les sociétés Bureau Veritas et QBE et Gautier Mamia et MAF étant condamnées in solidum à payer à la société Axa DO les sommes de 1 036 326,58 euros au titre de l'indemnité relative aux travaux réparatoires et celle de 104 480,64 euros au titre de l'indemnité relative aux frais irrépétibles et frais d'expertise judiciaire.
Enfin, s'agissant des frais avancés en cours d'expertise, il résulte des termes du rapport d'expertise que les frais engagés au titre des frais de diagnostic, avant-projet, projet et DCE du cabinet Géosynthèse s'élèvent à la somme de 19 085 euros HT soit 3 500 euros HT au titre de la phase 1 et 15 585 euros HT au titre de la phase 2.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur son quantum, les frais avancés en cours d'expertise étant fixés à 19 085 euros HT.
III- Sur la répartition de la charge de la dette entre les coobligés
Moyens des parties
La société Bureau Veritas et la société QBE, son assureur, soutiennent qu'il résulte de l'examen de la convention de contrôle technique que la société Dilisco savait que la mission de la société Bureau Veritas ne comprenait pas le contrôle de la réglementation applicable en matière d'ICPE et que, s'agissant de la mission relative à la sécurité des personnes, celle-ci est limitée aux seules installations électriques de courant fort.
Elles sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu une part de responsabilité de 40 % à la charge de la société Bureau Veritas alors que l'expert judiciaire ne retenait qu'une part minime de 10 % en raison de la non-cohérence en matière de description de la structure entre les dossiers ICPE et le dossier correspondant à la mission chantier, dès lors que le maître d''uvre, investi d'une mission complète, et la société LRCI, investie de l'ensemble des travaux et qui devait se conformer à la réglementation applicable, ont une responsabilité majeure dans la survenance des désordres.
Elles ajoutent que l'expert a relevé que la société LRCI était intervenue comme contractant général mais était également maître d''uvre d'exécution dans un premier temps et que la société [C] Mamia a assuré une mission complète de direction du chantier et sollicitent en conséquence leur condamnation in solidum à les relever de toute condamnation en prononçant un partage de responsabilité conforme aux propositions de l'expert.
La société [C] Mamia et la MAF font valoir que la responsabilité de la société LRCI est prépondérante compte tenu de son rôle de contractant général accepté par contrat du 2 mai 2007 et que l'expert a pu relever aux termes de son rapport.
A titre subsidiaire, elles sollicitent de se voir intégralement relevées indemnes par la société LRCI et son assureur compte tenu de son rôle de contractant général et de sa responsabilité prépondérante dans la survenance des désordres.
La société Axa, en sa qualité d'assureur de la société LRCI, sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu à son encontre une part d'imputabilité de 30% au titre des désordres.
Elle précise qu'il appartenait à la société [C] Mamia de préciser les caractéristiques de la liaison entre les bâtiments 3 et 4 et, au stade de l'exécution, de veiller à ce que les travaux soient exécutés conformément à la réglementation.
Elle ajoute que le plan du permis de construire établi par la société [C] Mamia ne fait pas mention ni de la nécessité de procéder à un isolement coupe-feu des locaux sociaux ni de celle de mise en place d'un système de désenfumage pour le local de charge.
Elle argue qu'aucune exigence de stabilité au feu pour la structure du bâtiment n'était requise au jour de l'établissement du devis de la société LRCI du 2 mai 2007 et que, si les éléments de construction de la charpente étaient jugés insuffisants pour assurer une stabilité au feu, il appartenait à la société [C] Mamia, en sa qualité de maître d''uvre, mais également à la société Bureau Veritas d'émettre toute réserve sur la réalisation de la charpente.
Enfin, à titre subsidiaire, elle demande à être relevée et garantie de l'intégralité des sommes mises à sa charge par les parties intimées et leurs assureurs.
Elle fait valoir qu'elle doit bénéficier de la garantie de la société Brunet et de son assureur, l'expert ayant retenu une responsabilité prépondérante de la société Brunet au titre de l'insuffisance de RIA, de blocs autonomes et d'une mauvaise localisation du tableau de gestion d'alarmes et que ces dernières ne peuvent valablement lui opposer le caractère apparent des désordres et non-conformités.
La société SMAC soutient que la société Axa ne démontre pas le lien existant entre les griefs allégués par le propriétaire et les travaux exécutés en sous-traitance par la société SMAC alors qu'elle n'avait pour mission que l'installation des exécutoires de fumée et leur commande.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1213 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.
Selon l'article 1147 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en l'occurrence en raison de la date du marché, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Aux termes de l'article 1383, devenu 1241, de ce code, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Il est établi que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son assureur n'est pas fondé sur la garantie décennale, mais est de nature contractuelle si ces constructeurs sont contractuellement liés, et de nature quasi-délictuelle s'ils ne le sont pas (3e Civ., 30 avril 2002, pourvoi n° 00-15.645, Bulletin civil 2002, III, n° 86 ; 3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23).
Au cas d'espèce, il est constant que par arrêté préfectoral du 12 décembre 2007, il a été demandé une stabilité au feu de la structure d'une durée d'une heure et que par arrêté du 26 octobre 2010, cette durée a été fixée à 30 minutes.
S'agissant de la contribution à la dette de la société LRCI, contractant général et maître d''uvre d'exécution dans un premier temps, l'expert judiciaire relève qu'elle n'a formulé aucune demande ni apporté de précisions sur les questions de la stabilité au feu de la charpente, le nombre ou l'emplacement des exécutoires ainsi que sur les isolements entre le bâtiment de stockage et les locaux sociaux et bureaux dans le cadre de différents contrats conclus avec les fournisseurs, la société Astron au titre de la fabrication de la charpente métallique, la société Aiso au titre de la menuiserie, la société SIC au titre des chariots et du filoguidage et enfin la société SMAC au titre de la mise en place des exécutoires de fumée et leurs commandes.
En outre, alors qu'il résulte des termes de l'expertise judiciaire que la société LRCI n'a pas su apprécier et saisir les contraintes réglementaires de l'opération, et de ce fait rédiger et imposer les prescriptions correspondantes, le tribunal a justement relevé, d'une part, qu'elle disposait de l'ensemble des informations nécessaires quant à la destination du bâtiment et à son inscription parmi les opérations classées pour apprécier l'importance de la question de la stabilité au feu du bâtiment et soulever l'éventuelle incompatibilité de la charpente avec les exigences posées dans le cadre de son obligation de conseil et, d'autre part, elle a manqué à son obligation de résultat s'agissant de la conformité réglementaire de l'isolement des locaux sociaux et de stockage, ce manquement contractuel constituant une faute délictuelle à l'égard des autres intervenants à l'opération de construction.
Concernant la maîtrise d''uvre d'exécution, il est établi qu'un architecte n'est tenu que d'une obligation de moyens dans l'exécution de ses missions (3e Civ., 3 octobre 2001, pourvoi n° 00-13.718 ; 3e Civ., 21 juin 2018, pourvoi n° 17-17.932).
L'obligation de surveillance qui incombe à l'architecte ne lui impose pas une présence constante sur le chantier et ne se substitue pas à celle que l'entrepreneur doit exercer sur son personnel (3e Civ., 4 juillet 1973, pourvoi n° 72-11.158, Bull. 1973, III, n° 463).
Il est également établi que tout architecte est tenu d'une obligation de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage (3e Civ., 30 novembre 2011, pourvoi n° 10-21.273) et que cette obligation est à la mesure de la mission à lui confiée (3e Civ., 11 juillet 2012, pourvoi n° 11-17.434 ; 3e Civ., 5 janvier 2017, pourvoi n° 15-26.167).
Si la société [C] Mamia n'a eu qu'un rôle de maître d''uvre de conception dans un premier temps et n'a pas participé aux discussions et à l'élaboration des pièces contractuelles et des pièces marché, le chantier étant exécuté sous la seule direction de la société LRCI, elle a accepté une mission de suivi de chantier à partir du mois de novembre 2007, date à laquelle elle est devenue titulaire d'une mission complète de maîtrise d''uvre, l'expert relevant que cette mission a été acceptée " fort légèrement et imprudemment " sur la base de toutes les pièces et marchés passés antérieurement et que son rôle est indéniable et sa responsabilité engagée.
Ainsi, c'est à juste titre que le tribunal a relevé qu'en acceptant la maîtrise d''uvre d'exécution de l'opération, elle a pris en charge la totalité des lacunes du contractant général et qu'il lui appartenait dès lors, en vertu de son obligation de conseil, comme pour la bonne exécution de ses missions contractuelles, de prendre connaissance de l'ensemble des pièces et documents contractuels et techniques se rapportant à l'opération.
En outre, il résulte des éléments du dossier et notamment des termes du rapport d'expertise que l'architecte a commis des erreurs techniques s'agissant de l'ignorance des prescriptions administratives relatives à la stabilité au feu, la mauvaise distribution des exécutoires, les insuffisantes localisations des RIA et l'absence d'isolement des locaux annexes et ne justifie avoir réalisé aucune préconisations préalables ou vérifications permettant de s'assurer de la conformité des travaux réalisés aux prescriptions réglementaires, de sorte que l'existence d'un manquement de la société [C] Mamia à ses obligations est caractérisée en l'espèce et sa responsabilité délictuelle engagée.
Par ailleurs, alors que la société Bureau Veritas est intervenue à trois stades de l'opération de construction, s'agissant de l'assistance à l'établissement du dossier Etablissements classés, le suivi et contrôle du chantier et en tant que coordonnateur sécurité et protection de la santé (SPS) ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire, ni les comptes rendus de chantier ni le rapport final ne font mention d'observation, réserve ou avis du contrôleur relatifs au respect des exigences réglementaires concernant la stabilité au feu, le désenfumage et l'isolement des locaux sociaux ni des problématiques afférentes à la charpente dont il avait été particulièrement informé dans le cadre de son rôle d'assistance à la constitution des dossiers ICPE.
Ainsi, l'existence d'un manquement de la société Bureau Veritas à son obligation de conseil est caractérisée en l'espèce et sa responsabilité engagée.
Ainsi, au regard des fautes de chacun des intervenants et du rôle prépondérant joué par la société LRCI dans la réalisation des opérations de construction et de l'importance des manquements reprochés à chacun des intervenants, il y a lieu de fixer le partage de responsabilité comme suit :
la société LRCI : 50%
la société [C] Mamia : 30%
la société Bureau Veritas : 20%
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef dans le partage de responsabilité retenu au titre de la contribution à la dette, la société Axa en qualité d'assureur de la société LRCI, la société [C] Mamia et la MAF ainsi que la société Bureau Veritas et son assureur QBE étant condamnée in solidum à se garantir dans ses proportions.
Enfin, concernant l'action récursoire formée par la société Axa à l'encontre de la société Brunet, si l'expert judiciaire a relevé l'insuffisance du nombre de RIA et de blocs autonomes ainsi que la mauvaise localisation du tableau de gestion d'alarmes, attribuant la part de responsabilité de la société Brunet, en charge de la réalisation des lots de détection anti-intrusion, incendie et détection, à hauteur de 40 % aux côtés de la société [C] Mamia (40 %) et de la société Bureau Veritas (20 %), il ne ressort pas de ces conclusions que ces manquements soient à l'origine des désordres subis par le maître de l'ouvrage.
Ainsi, alors que l'expert judiciaire n'a pas retenu la responsabilité de la société Brunet dans la réalisation du dommage et en l'absence d'éléments de nature à remettre en cause ces conclusions, la preuve de l'imputabilité existant entre les manquements contractuels et les désordres et non-conformités n'est pas rapportée en l'espèce et il y a lieu de rejeter la demande formée par la société Axa aux fins d'être garantie par la société Brunet et son assureur, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur les frais irrépétibles.
En cause d'appel, la société Bureau Veritas et son assureur, la société QBE, la société [C] Mamia et son assureur la MAF et la société Axa seront condamnés in solidum aux dépens d'appel.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
Au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la société Bureau Veritas et son assureur, la société QBE, la société [C] Mamia et son assureur la MAF et la société Axa seront condamnés in solidum au paiement de la somme globale de la somme de 6 000 euros à la société Axa DO.
En outre, la société Axa sera condamnée à payer la somme de 3 000 euros à la société Astron et ses assureurs, les société MMA ainsi que la somme de 3 000 euros à la société Brunet et son assureur, la SMABTP, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevables comme étant prescrites les demandes formées par la société Bureau Veritas construction et la société QBE insurance limited à l'encontre de la société Axa France IARD, en qualité d'assureur de la société LRCI ;
Déclare irrecevables les demandes formées à l'encontre de la société MMA IARD assurances mutuelles et de la société MMA IARD en qualité d'assureurs de la société SCPG ;
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :
fixé à la somme de 18 486,25 euros le montant des frais avancés en cours d'expertise,
fixé le partage de responsabilité comme suit :
la société Bureau Veritas construction : 40 %
la société [C] Mamia : 30 %
la société LRCI : 30 %,
L'infirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe à la somme de 19 085 euros le montant des frais avancés en cours d'expertise ;
Fixe le partage de responsabilité comme suit :
la société LRCI : 50 %,
la société [C] Mamia : 30 %,
la société Bureau Veritas construction : 20 % ;
Condamne in solidum la société Bureau Veritas construction et son assureur, la société QBE insurance limited, la société [C] Mamia et son assureur, la Mutuelle des architectes Français, et la société Axa France IARD, en qualité d'assureur décennal de la société LRCI, aux dépens d'appel ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la société Bureau Veritas construction et son assureur, la société QBE insurance limited, la société [C] Mamia et son assureur, la Mutuelle des architectes Français, et la société Axa France IARD, en qualité d'assureur décennal de la société LRCI, au paiement de la somme de 6 000 euros à la société Axa France IARD, en qualité d'assureur dommages-ouvrage ;
Condamne la société Axa France IARD, en qualité d'assureur de la société LRCI, à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Astron Buildings et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et la somme globale de 3 000 euros à la société Brunet et, son assureur, la SMABTP, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes formées au titre des frais irrépétibles.
La greffière, Le président de chambre,