CA Paris, Pôle 4 - ch. 5, 8 octobre 2025, n° 22/11110
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 08 OCTOBRE 2025
(n° /2025, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11110 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF6W4
Décision déférée à la Cour : jugement du 29 mars 2022 -tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/06192
APPELANTE
Madame [M] [J]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Louis-Michel FAIVRE, avocat au barreau de Paris, toque : P05
INTIMEE
S.A. SOCIETE MURPROTEC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane LAMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0010
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ludovic JARIEL,président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Ludovic JARIEL, président de chambre,
Mme Vivane SZLAMOVICZ, conseillère;
Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Alexandre DARJ
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Ludovic JARIEL, président de chambre et par Tiffany CASCIOLI greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Suivant bon de commande en date du 17 juin 2016, [P] [I], épouse [J], a, compte tenu des remontées capillaires l'affectant, confié à la société Murprotec des travaux d'étanchéité dans sa maison sise [Adresse 3] à [Localité 4] (29), et ce pour un montant de 15 000 euros TTC.
Le 8 juillet 2016, cette société a, avant intervention, établi un rapport technique faisant apparaître, après test à la bombe à carbure, un taux d'humidité de 11,8 % et fixant le délai de séchage au mois de janvier 2018.
Du 20 au 22 juillet 2016, les travaux par injection d'une solution hydrophobe dans les murs de la maison ont été réalisés par un sous-traitant de la société Murprotec.
Le 15 février 2017, un procès-verbal de réception a été établi et un certificat de garantie trentenaire pouvant être activée en cas de taux d'humidité grimpante supérieure à 6 % a été délivré à [P] [I].
Le 16 janvier 2018, une visite de contrôle après asséchement a été effectuée par la société Murprotec laissant apparaître des résultats non satisfaisants en raison d'un taux d'humidité supérieur à 5 %.
En avril 2018, un rapport d'expertise a, à la demande de [P] [I], été établi par M. [Z], membre du cabinet d'expertise ingénierie Sud-Loire, au contradictoire de la société Murprotec.
Se plaignant de la persistante du taux d'humidité et de dégradations commises à l'occasion des travaux, [P] [I] a demandé à la société Murprotec le remboursement intégral du coût des travaux et a régularisé une déclaration de sinistre auprès de son assureur multirisque habitation, la société Mutuelle assurance instituteur de France (la société Maif).
La société Maif a fait diligenter une expertise par le cabinet Saretec.
Le 5 novembre 2018, M. [E], expert désigné du cabinet Saretec, a établi un rapport ensuite de la réunion tenue le 22 octobre 2018 au contradictoire de la société Murprotec.
[P] [I] a sollicité le remboursement du coût des travaux et l'octroi de dommages et intérêts auprès des sociétés Murprotec et Maif.
Le 14 août 2019, [P] [I] est décédée, laissant pour lui succéder Mme [M] [J] (Mme [J]).
Par acte en date du 7 juillet 2020, Mme [J], en sa qualité d'ayant-droit de [P] [I], a assigné la société Murprotec en résolution du contrat et en restitution des sommes dues consécutivement à ladite résolution ainsi qu'en indemnisation du préjudice résultant des dégradations commises à l'occasion des travaux, outre un préjudice moral et un préjudice d'agrément.
Par jugement du 29 mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
Déboute Mme [J] de sa demande en résolution judiciaire du contrat et en restitution du prix payé ;
Condamne la société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 6 836,50 euros TTC en réparation de son préjudice matériel et 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
Déboute Mme [J] de sa demande au titre du préjudice d'agrément,
Condamne la société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Murprotec aux dépens de l'instance lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le 24 mai 2022, Mme [J] a fait dresser, par huissier de justice, un constat de l'état d'humidité de la maison.
Par déclaration en date du 10 juin 2022, Mme [J] a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société Murprotec.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2025, Mme [J] demande à la cour de :
Juger que l'inexécution par la société Murprotec des obligations découlant du contrat passé avec [P] [I] sont suffisamment graves pour justifier la résolution du contrat ;
En conséquence,
Infirmer le jugement entrepris et prononcer la résolution du contrat aux torts de la société Murprotec ;
En conséquence, condamner la société Murprotec à restituer le prix acquitté par Mme [I], soit la somme de 15 000 euros, avec intérêts légaux à compter du paiement en juillet 2016 ;
Subsidiairement,
Condamner la société Murprotec à rembourser à Mme [J] une somme de 3 000 euros avec intérêts légaux à compter du paiement en juillet 2016 ;
Rejeter l'appel incident de la société Murprotec portant sur l'allocation à Mme [J] d'une somme de 6 836,50 euros au titre des reprises des dégradations, d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Murprotec à payer à Mme [J] les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :
actualisation selon l'indice BT01 entre le mois de février 2019 et la date du jugement de la somme de 6 836,50 euros, allouée par le tribunal au titre de la réparation des dégradations occasionnées par les travaux,
30 000 euros à titre de préjudice moral et d'agrément,
Rejeter la demande de la société Murprotec au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Murprotec à verser à Mme [J] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel, comprenant le coût du constat d'huissier de Maître [D], dont distraction au profit de Me Schwab - SELARL 2H, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2022, la société Murprotec demande à la cour de :
Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande en résolution du contrat et en condamnation de société Murprotec au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de restitution du prix ;
Déclarer irrecevable la demande subsidiaire de Mme [J] en condamnation de la société Murprotec au paiement de la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts à titre de restitution partielle du prix ;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 6 836,50 euros de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice matériel ;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral ;
Infirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a condamné société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
Statuant à nouveau,
Débouter Mme [M] [J] de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner Mme [M] [J] à payer à la société Murprotec la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Mme [J] aux dépens dont distraction au profit de Me Lambert, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 1er juillet 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 3 septembre 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur la résolution du contrat
Moyens des parties
Mme [J] soutient qu'il résulte, tant des rapports d'expertise amiable produits au débat que de son propre rapport de contrôle technique, que la société Murprotec a manqué à son obligation de résultat de ramener le taux d'humidité des murs de la maison à un niveau inférieur à 5 %.
Elle estime qu'un tel manquement, résultant du caractère parcellaire de l'intervention du sous-traitant de la société Murprotec, est suffisamment grave pour justifier de la résolution du contrat.
En réponse, la société Murprotec fait valoir que le manquement à ses obligations n'est pas établi dès lors que, si elle était tenue d'atteindre un taux résiduel d'humidité de 5 %, le délai pour ce faire n'était pas de 18 mois puisqu'elle ne s'était engagée, à l'issue d'un tel délai, qu'à effectuer une opération de contrôle.
Elle ajoute que, en tout état de cause, Mme [J] ne démontre pas l'existence d'un manquement d'une gravité suffisante pour justifier de la résolution du contrat dès lors que les mesures effectuées lors du contrôle technique - celle faite par huissier de justice ne pouvant pas être prise en compte faute de l'avoir été selon le procédé prévu au contrat - montrent une amélioration significative du taux d'humidité des murs de la maison.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Au cas d'espèce, la société Murprotec ayant, dans les délais convenus, exécuté, fût-ce partiellement, sa prestation, il appartient à Mme [J] de démontrer que les manquements de cette société sont d'une gravité suffisante pour justifier le prononcé de la résolution du contrat conclu par son auteur.
Cela étant rappelé, il ressort des documents contractuels, notamment, du rapport préalable à l'intervention dit technique que le délai de séchage avait été fixé au terme d'une période de 18 mois, soit au mois de janvier 2018, et, qu'à cette date, l'objectif d'un taux d'humidité inférieur à 5 % n'avait, selon le contrôle technique opéré par la société Murprotec, pas été atteint.
Par ailleurs, il résulte de la lecture des rapports amiables, qui se corroborent entre eux sur ces points, d'une part, que l'intégralité des murs n'a pas été traitée, d'autre part, que les injections de produit hydrophobe n'ont pas été réalisées dans tous les trous.
Dès lors, le manquement de la société Murprotec à son obligation de résultat est démontré.
Néanmoins, alors que les mesures réalisées par huissier de justice ne peuvent être prises en compte pour ne pas avoir été effectuées conformément aux stipulations contractuelles, soit par test à la bombe à carbure, le taux d'humidité, comme le relève le premier juge, avait, lors du contrôle technique, globalement diminué dans la maison.
En outre, tant Mme [J] que son auteur, qui ont refusé toute mesure ou intervention complémentaire par la société Murprotec, n'ont pas activé la garantie trentenaire dont l'objet était justement de couvrir une telle défaillance partielle.
Par suite, c'est exactement que le premier a refusé de prononcer la résolution du contrat.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la recevabilité de la demande en répétition d'une partie du prix
Moyens des parties
La société Murprotec soutient que cette demande est nouvelle en cause d'appel et, partant, irrecevable.
En réponse, Mme [J] fait valoir que sa demande n'est pas nouvelle dès lors qu'elle est fondée sur le même fondement que l'action en résolution et tend aux mêmes fins.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Au cas d'espèce, le demande en répétition du prix versé en raison de son caractère indu tend aux mêmes fins que celle en restitution de son intégralité ensuite de la résolution du contrat.
Par suite, ajoutant au jugement, la demande de Mme [J] en répétition d'une partie du prix versé sera déclarée recevable.
Sur la répétition d'une partie du prix
Moyens des parties
Mme [J] soutient qu'il a été contradictoirement constaté, qu'au lieu des 42,90 ml de mur à traiter mentionnés dans le devis, seuls 34,55 ml l'ont été.
En réponse, la société Murprotec fait valoir que l'inexécution prétendue des injections sur un cinquième du linéaire des murs traités n'a pas été contradictoirement constatée.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 précitée, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui l'a indûment reçu.
Au cas d'espèce, la somme de 15 000 euros a été versée par [P] [I] à la société Murprotec en application des stipulations contractuelles, de sorte que ce paiement n'est pas indu.
Par suite, la demande de Mme [J], qui n'a pas agi à ce titre sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en répétition d'une partie du prix versé sera rejetée.
Sur la responsabilité de la société Murprotec
Moyens des parties
Mme [J] soutient, s'agissant du percement des boiseries, d'une part, que la réception des travaux, dont [P] [I], profane et âgée, n'a pu comprendre la portée, n'a eu aucun effet de purge des vices les affectant, d'autre part, que la responsabilité de la société Murprotec est engagée dès lors qu'elle n'a pas sollicité, en application des stipulations contractuelles, l'enlèvement desdites boiseries préalablement aux injections.
Elle ajoute que son préjudice moral a, au vu des tracas occasionnés, été sous-évalué par le premier juge et que, contrairement à ce qu'a retenu celui-ci, son préjudice d'agrément résulte de l'impossibilité, du fait de l'humidité persistante, d'occuper la salle à manger de la maison.
En réponse, la société Murprotec fait, s'agissant du percement des boiseries, valoir, d'une part, que, quand bien même ses travaux ne sont pas constitutifs d'un ouvrage, la signature du procès-verbal de réception vaut acceptation de ceux-ci y compris dans leurs conséquences pour les existants, d'autre part, que, en tout état de cause, [P] [I] lui avait fait part de son intention de supprimer ces lambris, de sorte que leur percement n'a pu lui générer aucun préjudice.
Elle ajoute que le préjudice moral n'est pas établi du fait du refus de Mme [J] d'aboutir à un règlement amiable du litige et qu'il en est de même du prétendu préjudice d'agrément en l'absence de production de tout élément probant.
Réponse de la cour
Selon l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 précitée, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Aux termes de l'article 1787 du même code, lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière.
Aux termes de l'article 1788 de ce code, si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose.
Aux termes de l'article 1790 de ce code, si, dans le cas de l'article précédent la chose vient à périr, quoique sans aucune faute de la part de l'ouvrier, avant que l'ouvrage ait été reçu et sans que le maître fût en demeure de le vérifier, l'ouvrier n'a point de salaire à réclamer, à moins que la chose n'ait péri par le vice de la matière.
Selon l'article 1792 de ce code, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Il est établi que les désordres de construction apparents, qui n'ont pas fait l'objet de réserves à la réception, ne peuvent donner lieu à réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, pour faute prouvée (3e Civ., 4 novembre 1999, pourvoi n° 98-10.694, 98-11.310, Bull. 1999, III, n° 210).
Au cas d'espèce, comme le reconnaît la société Murprotec, les travaux par elle réalisés ne sont pas constitutifs d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, de sorte que la jurisprudence précitée n'est pas applicable.
Dès lors, il appartient à la cour de déterminer si, en dehors de l'application du régime issu des articles 1792 et suivants du code civil, la réception d'un ouvrage par son maître a un effet de purge des désordres lui étant apparus.
A titre liminaire, il sera rappelé que, si la jurisprudence n'a pas apporté de réponse à cette question, la réception de l'ouvrage par son maître est prévue aux articles 1788 et 1790 du code civil précités applicables à tout louage d'ouvrage.
Une telle réception est un acte juridique, c'est-à-dire une manifestation de volonté destinée à produire des effets juridiques.
Il s'ensuit que le maître qui reçoit un ouvrage sans réserver ce qu'il sait ne pas être conforme aux stipulations contractuelles manifeste ainsi la volonté de l'accepter avec les désordres l'affectant et, partant, de renoncer à exiger du locateur d'ouvrage qu'ils soient réparés ou compensés.
Par ailleurs, le maître de l'ouvrage se trouve être, à la réception, dans une situation analogue avec celle de l'acquéreur qui reçoit un bien, de sorte qu'un raisonnement par analogie avec le droit de la vente est opérant.
A cet égard, il est établi que l'acceptation sans réserve de la marchandise vendue par l'acheteur lui interdit de se prévaloir du défaut de conformité (Com., 1 mars 2005, pourvoi n° 03-19.296, Bull. 2005, IV, n° 42).
Il résulte de tous ces éléments que, même en dehors du champ d'application du régime juridique issu des articles 1792 et suivants du code civil, la réception sans réserve de désordres de construction apparents exclut que la responsabilité contractuelle de leur auteur puisse être recherchée.
Au cas présent, le 15 février 2017, [P] [I] a signé le procès-verbal de réception aux termes duquel elle " constate que les travaux relatifs au contrat ont été totalement effectués aujourd'hui en conformité avec les conditions du contrat mentionné ci-dessus. "
Les atteintes aux existants constituées par les percements des lambris pour procéder aux injections de la solution hydrophobe dans les murs de la maison étant apparentes pour tout maître de l'ouvrage, normalement diligent même profane, elle a ainsi manifesté son intention d'accepter ces désordres apparents.
Par suite, la demande de Mme [J] en réparation de ce préjudice matériel sera rejetée.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
S'agissant du préjudice moral et de celui d'agrément allégués par Mme [J], après examen de l'ensemble des pièces produites au débat tant devant elle que devant le premier juge, la cour estime que celui-ci, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a exactement évalué le premier préjudice, en lien de causalité directe avec le manquement ci-dessus établi de la société Murprotec à son obligation de résultat qui n'était pas apparent à la réception, et retenu que Mme [J] ne rapportait pas la preuve de l'existence du second.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, chacune des parties ayant succombé partiellement en ses prétentions, elles conserveront la charge de leurs propres dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il condamne la société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 6 836,50 euros TTC en réparation de son préjudice matériel,
L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable la demande de Mme [J] en répétition d'une partie du prix versé ;
Rejette la demande de Mme [J] en répétition d'une partie du prix versé ;
Rejette la demande de Mme [J] en condamnation de la société Murprotec à réparer son préjudice matériel ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel ;
Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, Le président de chambre,
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 08 OCTOBRE 2025
(n° /2025, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11110 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF6W4
Décision déférée à la Cour : jugement du 29 mars 2022 -tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/06192
APPELANTE
Madame [M] [J]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Louis-Michel FAIVRE, avocat au barreau de Paris, toque : P05
INTIMEE
S.A. SOCIETE MURPROTEC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane LAMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0010
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ludovic JARIEL,président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Ludovic JARIEL, président de chambre,
Mme Vivane SZLAMOVICZ, conseillère;
Mme Emmanuelle BOUTIE, conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Alexandre DARJ
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Ludovic JARIEL, président de chambre et par Tiffany CASCIOLI greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Suivant bon de commande en date du 17 juin 2016, [P] [I], épouse [J], a, compte tenu des remontées capillaires l'affectant, confié à la société Murprotec des travaux d'étanchéité dans sa maison sise [Adresse 3] à [Localité 4] (29), et ce pour un montant de 15 000 euros TTC.
Le 8 juillet 2016, cette société a, avant intervention, établi un rapport technique faisant apparaître, après test à la bombe à carbure, un taux d'humidité de 11,8 % et fixant le délai de séchage au mois de janvier 2018.
Du 20 au 22 juillet 2016, les travaux par injection d'une solution hydrophobe dans les murs de la maison ont été réalisés par un sous-traitant de la société Murprotec.
Le 15 février 2017, un procès-verbal de réception a été établi et un certificat de garantie trentenaire pouvant être activée en cas de taux d'humidité grimpante supérieure à 6 % a été délivré à [P] [I].
Le 16 janvier 2018, une visite de contrôle après asséchement a été effectuée par la société Murprotec laissant apparaître des résultats non satisfaisants en raison d'un taux d'humidité supérieur à 5 %.
En avril 2018, un rapport d'expertise a, à la demande de [P] [I], été établi par M. [Z], membre du cabinet d'expertise ingénierie Sud-Loire, au contradictoire de la société Murprotec.
Se plaignant de la persistante du taux d'humidité et de dégradations commises à l'occasion des travaux, [P] [I] a demandé à la société Murprotec le remboursement intégral du coût des travaux et a régularisé une déclaration de sinistre auprès de son assureur multirisque habitation, la société Mutuelle assurance instituteur de France (la société Maif).
La société Maif a fait diligenter une expertise par le cabinet Saretec.
Le 5 novembre 2018, M. [E], expert désigné du cabinet Saretec, a établi un rapport ensuite de la réunion tenue le 22 octobre 2018 au contradictoire de la société Murprotec.
[P] [I] a sollicité le remboursement du coût des travaux et l'octroi de dommages et intérêts auprès des sociétés Murprotec et Maif.
Le 14 août 2019, [P] [I] est décédée, laissant pour lui succéder Mme [M] [J] (Mme [J]).
Par acte en date du 7 juillet 2020, Mme [J], en sa qualité d'ayant-droit de [P] [I], a assigné la société Murprotec en résolution du contrat et en restitution des sommes dues consécutivement à ladite résolution ainsi qu'en indemnisation du préjudice résultant des dégradations commises à l'occasion des travaux, outre un préjudice moral et un préjudice d'agrément.
Par jugement du 29 mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
Déboute Mme [J] de sa demande en résolution judiciaire du contrat et en restitution du prix payé ;
Condamne la société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 6 836,50 euros TTC en réparation de son préjudice matériel et 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
Déboute Mme [J] de sa demande au titre du préjudice d'agrément,
Condamne la société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Murprotec aux dépens de l'instance lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le 24 mai 2022, Mme [J] a fait dresser, par huissier de justice, un constat de l'état d'humidité de la maison.
Par déclaration en date du 10 juin 2022, Mme [J] a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société Murprotec.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2025, Mme [J] demande à la cour de :
Juger que l'inexécution par la société Murprotec des obligations découlant du contrat passé avec [P] [I] sont suffisamment graves pour justifier la résolution du contrat ;
En conséquence,
Infirmer le jugement entrepris et prononcer la résolution du contrat aux torts de la société Murprotec ;
En conséquence, condamner la société Murprotec à restituer le prix acquitté par Mme [I], soit la somme de 15 000 euros, avec intérêts légaux à compter du paiement en juillet 2016 ;
Subsidiairement,
Condamner la société Murprotec à rembourser à Mme [J] une somme de 3 000 euros avec intérêts légaux à compter du paiement en juillet 2016 ;
Rejeter l'appel incident de la société Murprotec portant sur l'allocation à Mme [J] d'une somme de 6 836,50 euros au titre des reprises des dégradations, d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Murprotec à payer à Mme [J] les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :
actualisation selon l'indice BT01 entre le mois de février 2019 et la date du jugement de la somme de 6 836,50 euros, allouée par le tribunal au titre de la réparation des dégradations occasionnées par les travaux,
30 000 euros à titre de préjudice moral et d'agrément,
Rejeter la demande de la société Murprotec au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Murprotec à verser à Mme [J] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel, comprenant le coût du constat d'huissier de Maître [D], dont distraction au profit de Me Schwab - SELARL 2H, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2022, la société Murprotec demande à la cour de :
Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande en résolution du contrat et en condamnation de société Murprotec au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de restitution du prix ;
Déclarer irrecevable la demande subsidiaire de Mme [J] en condamnation de la société Murprotec au paiement de la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts à titre de restitution partielle du prix ;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 6 836,50 euros de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice matériel ;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral ;
Infirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a condamné société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
Statuant à nouveau,
Débouter Mme [M] [J] de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner Mme [M] [J] à payer à la société Murprotec la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Mme [J] aux dépens dont distraction au profit de Me Lambert, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 1er juillet 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 3 septembre 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur la résolution du contrat
Moyens des parties
Mme [J] soutient qu'il résulte, tant des rapports d'expertise amiable produits au débat que de son propre rapport de contrôle technique, que la société Murprotec a manqué à son obligation de résultat de ramener le taux d'humidité des murs de la maison à un niveau inférieur à 5 %.
Elle estime qu'un tel manquement, résultant du caractère parcellaire de l'intervention du sous-traitant de la société Murprotec, est suffisamment grave pour justifier de la résolution du contrat.
En réponse, la société Murprotec fait valoir que le manquement à ses obligations n'est pas établi dès lors que, si elle était tenue d'atteindre un taux résiduel d'humidité de 5 %, le délai pour ce faire n'était pas de 18 mois puisqu'elle ne s'était engagée, à l'issue d'un tel délai, qu'à effectuer une opération de contrôle.
Elle ajoute que, en tout état de cause, Mme [J] ne démontre pas l'existence d'un manquement d'une gravité suffisante pour justifier de la résolution du contrat dès lors que les mesures effectuées lors du contrôle technique - celle faite par huissier de justice ne pouvant pas être prise en compte faute de l'avoir été selon le procédé prévu au contrat - montrent une amélioration significative du taux d'humidité des murs de la maison.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Au cas d'espèce, la société Murprotec ayant, dans les délais convenus, exécuté, fût-ce partiellement, sa prestation, il appartient à Mme [J] de démontrer que les manquements de cette société sont d'une gravité suffisante pour justifier le prononcé de la résolution du contrat conclu par son auteur.
Cela étant rappelé, il ressort des documents contractuels, notamment, du rapport préalable à l'intervention dit technique que le délai de séchage avait été fixé au terme d'une période de 18 mois, soit au mois de janvier 2018, et, qu'à cette date, l'objectif d'un taux d'humidité inférieur à 5 % n'avait, selon le contrôle technique opéré par la société Murprotec, pas été atteint.
Par ailleurs, il résulte de la lecture des rapports amiables, qui se corroborent entre eux sur ces points, d'une part, que l'intégralité des murs n'a pas été traitée, d'autre part, que les injections de produit hydrophobe n'ont pas été réalisées dans tous les trous.
Dès lors, le manquement de la société Murprotec à son obligation de résultat est démontré.
Néanmoins, alors que les mesures réalisées par huissier de justice ne peuvent être prises en compte pour ne pas avoir été effectuées conformément aux stipulations contractuelles, soit par test à la bombe à carbure, le taux d'humidité, comme le relève le premier juge, avait, lors du contrôle technique, globalement diminué dans la maison.
En outre, tant Mme [J] que son auteur, qui ont refusé toute mesure ou intervention complémentaire par la société Murprotec, n'ont pas activé la garantie trentenaire dont l'objet était justement de couvrir une telle défaillance partielle.
Par suite, c'est exactement que le premier a refusé de prononcer la résolution du contrat.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la recevabilité de la demande en répétition d'une partie du prix
Moyens des parties
La société Murprotec soutient que cette demande est nouvelle en cause d'appel et, partant, irrecevable.
En réponse, Mme [J] fait valoir que sa demande n'est pas nouvelle dès lors qu'elle est fondée sur le même fondement que l'action en résolution et tend aux mêmes fins.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Au cas d'espèce, le demande en répétition du prix versé en raison de son caractère indu tend aux mêmes fins que celle en restitution de son intégralité ensuite de la résolution du contrat.
Par suite, ajoutant au jugement, la demande de Mme [J] en répétition d'une partie du prix versé sera déclarée recevable.
Sur la répétition d'une partie du prix
Moyens des parties
Mme [J] soutient qu'il a été contradictoirement constaté, qu'au lieu des 42,90 ml de mur à traiter mentionnés dans le devis, seuls 34,55 ml l'ont été.
En réponse, la société Murprotec fait valoir que l'inexécution prétendue des injections sur un cinquième du linéaire des murs traités n'a pas été contradictoirement constatée.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 précitée, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui l'a indûment reçu.
Au cas d'espèce, la somme de 15 000 euros a été versée par [P] [I] à la société Murprotec en application des stipulations contractuelles, de sorte que ce paiement n'est pas indu.
Par suite, la demande de Mme [J], qui n'a pas agi à ce titre sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en répétition d'une partie du prix versé sera rejetée.
Sur la responsabilité de la société Murprotec
Moyens des parties
Mme [J] soutient, s'agissant du percement des boiseries, d'une part, que la réception des travaux, dont [P] [I], profane et âgée, n'a pu comprendre la portée, n'a eu aucun effet de purge des vices les affectant, d'autre part, que la responsabilité de la société Murprotec est engagée dès lors qu'elle n'a pas sollicité, en application des stipulations contractuelles, l'enlèvement desdites boiseries préalablement aux injections.
Elle ajoute que son préjudice moral a, au vu des tracas occasionnés, été sous-évalué par le premier juge et que, contrairement à ce qu'a retenu celui-ci, son préjudice d'agrément résulte de l'impossibilité, du fait de l'humidité persistante, d'occuper la salle à manger de la maison.
En réponse, la société Murprotec fait, s'agissant du percement des boiseries, valoir, d'une part, que, quand bien même ses travaux ne sont pas constitutifs d'un ouvrage, la signature du procès-verbal de réception vaut acceptation de ceux-ci y compris dans leurs conséquences pour les existants, d'autre part, que, en tout état de cause, [P] [I] lui avait fait part de son intention de supprimer ces lambris, de sorte que leur percement n'a pu lui générer aucun préjudice.
Elle ajoute que le préjudice moral n'est pas établi du fait du refus de Mme [J] d'aboutir à un règlement amiable du litige et qu'il en est de même du prétendu préjudice d'agrément en l'absence de production de tout élément probant.
Réponse de la cour
Selon l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 précitée, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Aux termes de l'article 1787 du même code, lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière.
Aux termes de l'article 1788 de ce code, si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose.
Aux termes de l'article 1790 de ce code, si, dans le cas de l'article précédent la chose vient à périr, quoique sans aucune faute de la part de l'ouvrier, avant que l'ouvrage ait été reçu et sans que le maître fût en demeure de le vérifier, l'ouvrier n'a point de salaire à réclamer, à moins que la chose n'ait péri par le vice de la matière.
Selon l'article 1792 de ce code, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Il est établi que les désordres de construction apparents, qui n'ont pas fait l'objet de réserves à la réception, ne peuvent donner lieu à réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, pour faute prouvée (3e Civ., 4 novembre 1999, pourvoi n° 98-10.694, 98-11.310, Bull. 1999, III, n° 210).
Au cas d'espèce, comme le reconnaît la société Murprotec, les travaux par elle réalisés ne sont pas constitutifs d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, de sorte que la jurisprudence précitée n'est pas applicable.
Dès lors, il appartient à la cour de déterminer si, en dehors de l'application du régime issu des articles 1792 et suivants du code civil, la réception d'un ouvrage par son maître a un effet de purge des désordres lui étant apparus.
A titre liminaire, il sera rappelé que, si la jurisprudence n'a pas apporté de réponse à cette question, la réception de l'ouvrage par son maître est prévue aux articles 1788 et 1790 du code civil précités applicables à tout louage d'ouvrage.
Une telle réception est un acte juridique, c'est-à-dire une manifestation de volonté destinée à produire des effets juridiques.
Il s'ensuit que le maître qui reçoit un ouvrage sans réserver ce qu'il sait ne pas être conforme aux stipulations contractuelles manifeste ainsi la volonté de l'accepter avec les désordres l'affectant et, partant, de renoncer à exiger du locateur d'ouvrage qu'ils soient réparés ou compensés.
Par ailleurs, le maître de l'ouvrage se trouve être, à la réception, dans une situation analogue avec celle de l'acquéreur qui reçoit un bien, de sorte qu'un raisonnement par analogie avec le droit de la vente est opérant.
A cet égard, il est établi que l'acceptation sans réserve de la marchandise vendue par l'acheteur lui interdit de se prévaloir du défaut de conformité (Com., 1 mars 2005, pourvoi n° 03-19.296, Bull. 2005, IV, n° 42).
Il résulte de tous ces éléments que, même en dehors du champ d'application du régime juridique issu des articles 1792 et suivants du code civil, la réception sans réserve de désordres de construction apparents exclut que la responsabilité contractuelle de leur auteur puisse être recherchée.
Au cas présent, le 15 février 2017, [P] [I] a signé le procès-verbal de réception aux termes duquel elle " constate que les travaux relatifs au contrat ont été totalement effectués aujourd'hui en conformité avec les conditions du contrat mentionné ci-dessus. "
Les atteintes aux existants constituées par les percements des lambris pour procéder aux injections de la solution hydrophobe dans les murs de la maison étant apparentes pour tout maître de l'ouvrage, normalement diligent même profane, elle a ainsi manifesté son intention d'accepter ces désordres apparents.
Par suite, la demande de Mme [J] en réparation de ce préjudice matériel sera rejetée.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
S'agissant du préjudice moral et de celui d'agrément allégués par Mme [J], après examen de l'ensemble des pièces produites au débat tant devant elle que devant le premier juge, la cour estime que celui-ci, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a exactement évalué le premier préjudice, en lien de causalité directe avec le manquement ci-dessus établi de la société Murprotec à son obligation de résultat qui n'était pas apparent à la réception, et retenu que Mme [J] ne rapportait pas la preuve de l'existence du second.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, chacune des parties ayant succombé partiellement en ses prétentions, elles conserveront la charge de leurs propres dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il condamne la société Murprotec à payer à Mme [J] la somme de 6 836,50 euros TTC en réparation de son préjudice matériel,
L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable la demande de Mme [J] en répétition d'une partie du prix versé ;
Rejette la demande de Mme [J] en répétition d'une partie du prix versé ;
Rejette la demande de Mme [J] en condamnation de la société Murprotec à réparer son préjudice matériel ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel ;
Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, Le président de chambre,