Livv
Décisions

CJUE, 8e ch., 16 octobre 2025, n° C-59/24 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Royaume des Pays-Bas

Défendeur :

European Gaming and Betting Association

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

O. Spineanu‑Mate

Juges :

S. Rodin, N. Fenger

Avocat général :

A. Rantos

CJUE n° C-59/24 P

15 octobre 2025

 Par son pourvoi, le Royaume des Pays-Bas demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 novembre 2023, European Gaming and Betting Association/Commission (T‑167/21, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:723), par lequel celui-ci a annulé la décision C(2020) 8965 final de la Commission, du 18 décembre 2020, relative à l’affaire SA.44830 (2016/FC) – Pays-Bas – Prolongation des licences de jeux de hasard aux Pays-Bas (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le règlement (UE) 2015/1589

2 L’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

h) “partie intéressée” : tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles. »

3 L’article 4 de ce règlement, intitulé « Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission », dispose, à ses paragraphes 3 et 4 :

« 3. Si la Commission [européenne] constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché intérieur (ci-après dénommée “décision de ne pas soulever d’objections”). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le [traité] FUE a été appliquée.

4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, [TFUE] (ci-après dénommée “décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen”). »

4 L’article 15 dudit règlement, intitulé « Décisions de la Commission », prévoit, à son paragraphe 1 :

« L’examen d’une éventuelle aide illégale débouche sur l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphe 2, 3 ou 4. Dans le cas d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la procédure est close par voie de décision au titre de l’article 9. Dans le cas où un État membre omet de se conformer à une injonction de fournir des informations, cette décision est prise sur la base des renseignements disponibles. »

5 Aux termes de l’article 24 du même règlement, intitulé « Droits des parties intéressées » :

« 1. Toute partie intéressée peut présenter des observations conformément à l’article 6 à la suite d’une décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Toute partie intéressée qui a présenté de telles observations et tout bénéficiaire d’une aide individuelle reçoivent une copie de la décision prise par la Commission conformément à l’article 9.

2. Toute partie intéressée peut déposer une plainte pour informer la Commission de toute aide présumée illégale ou de toute application présumée abusive d’une aide. À cet effet, la partie intéressée remplit en bonne et due forme un formulaire figurant dans une disposition d’application visée à l’article 33 et fournit les renseignements obligatoires qui y sont demandés.

Lorsque la Commission estime que la partie intéressée ne respecte pas l’obligation de recourir au formulaire de plainte ou que les éléments de fait et de droit invoqués par la partie intéressée ne suffisent pas à démontrer, sur la base d’un examen à première vue, l’existence d’une aide d’État illégale ou l’application abusive d’une aide, elle en informe la partie intéressée et l’invite à présenter ses observations dans un délai déterminé qui ne dépasse normalement pas un mois. Si la partie intéressée ne fait pas connaître son point de vue dans le délai fixé, la plainte est réputée avoir été retirée. Lorsqu’une plainte est réputée avoir été retirée, la Commission en informe l’État membre concerné.

La Commission envoie au plaignant une copie de toute décision adoptée dans une affaire concernant le sujet de sa plainte.

3. À sa demande, toute partie intéressée obtient une copie de toute décision prise dans le cadre des articles 4 et 9, de l’article 12, paragraphe 3, et de l’article 13. »

 La communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE

6 Aux termes du point 115 de la communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] (JO 2016, C 262, p. 1, ci-après la « communication relative à la notion d’“aide d’État” » ) :

« Un avantage peut être procuré à d’autres entreprises que celles auxquelles des ressources d’État sont directement transférées (avantage indirect) [...] Une mesure peut également constituer à la fois un avantage direct en faveur de l’entreprise bénéficiaire et un avantage indirect en faveur d’autres entreprises, par exemple des entreprises opérant à des niveaux d’activité ultérieurs [...] Le bénéficiaire direct de l’avantage peut être soit une entreprise, soit une entité (personne physique ou morale) n’exerçant aucune activité économique [...] »

7 Le point 116 de cette communication prévoit :

« Il convient de distinguer ces avantages indirects des simples effets économiques secondaires qui sont inhérents à presque toutes les mesures d’aide d’État (par exemple, un accroissement de production). À cette fin, il convient d’examiner les effets prévisibles de la mesure d’un point de vue ex ante. Il existe un avantage indirect si la mesure est conçue de manière à orienter ses effets secondaires vers des entreprises ou des groupes d’entreprises identifiables. C’est le cas, par exemple, si l’aide directe est subordonnée de fait ou de droit à l’acquisition de biens ou de services produits par certaines entreprises seulement (par exemple, uniquement les entreprises établies dans certaines régions) [...] »

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

8 Les faits à l’origine du litige figurent aux points 2 à 23 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

9 European Gaming and Betting Association (ci-après « EGBA ») est une association sans but lucratif, dont les membres sont des opérateurs européens de jeux et de paris en ligne.

10 La réglementation néerlandaise relative aux jeux de hasard est fondée sur un système d’autorisations exclusives, ou de licences, selon lequel il est interdit d’organiser ou de promouvoir des jeux de hasard, à moins qu’une autorisation administrative n’ait été délivrée à cet effet.

11 Le 8 mars 2016, EGBA a déposé une plainte auprès de la Commission, au titre de l’article 24 du règlement 2015/1589, concernant une aide prétendument illégale et incompatible avec le marché intérieur accordée par le Royaume des Pays-Bas à plusieurs exploitants de loteries et autres activités de paris et de jeux de hasard dans cet État membre.

12 La plainte visait, d’une part, une règle de politique générale adoptée par le Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (secrétaire d’État à la Sécurité et à la Justice, Pays Bas) le 7 octobre 2014 concernant la prolongation, jusqu’au 1er janvier 2017, des licences délivrées, aux titulaires de licences, pour les paris sportifs, les paris sur les courses hippiques, les loteries et les casinos. Elle visait, d’autre part, les décisions adoptées par la Nederlandse Kansspelautoriteit (Autorité néerlandaise des jeux de hasard, Pays-Bas) le 25 novembre 2014 en application de cette règle, qui renouvelaient six licences arrivant à expiration pour des loteries caritatives, des paris sur les événements sportifs, de la loterie instantanée, le loto et des paris sur les courses hippiques (ci-après, prises ensemble, la « mesure en cause »).

13 Dans sa plainte, EGBA alléguait, en substance, que, en application de la mesure en cause, les autorités néerlandaises avaient accordé une aide d’État aux titulaires de ces licences. Elle soutenait que cette aide avait été accordée sous la forme d’une prolongation des licences existantes sur une base exclusive, sans que les autorités néerlandaises aient demandé le paiement d’une rémunération au prix du marché et sans qu’elles aient organisé de procédure d’attribution des licences ouverte, transparente et non discriminatoire.

14 Au cours de l’année 2016, la Commission a transmis une version non confidentielle de cette plainte ainsi qu’une demande de renseignements aux autorités néerlandaises, qui y ont répondu. Au cours de la même année, EGBA a présenté des observations complémentaires.

15 Le 30 mai 2017, la Commission a informé EGBA du résultat de son évaluation préliminaire selon laquelle la prolongation des licences des titulaires de licences en place sur une base exclusive n’impliquait pas de transfert de ressources d’État et, dès lors, la mesure en cause ne constituait pas une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

16 Au cours de l’année 2017, EGBA a contesté l’appréciation de la Commission et fourni des informations complémentaires. Au cours de la même année, les autorités néerlandaises ont répondu à une demande de renseignements complémentaires de la Commission.

17 Le 19 février 2019, le Nederlandse Senaat (Sénat néerlandais, Pays-Bas) a adopté une nouvelle loi sur les jeux de hasard, qui est entrée en vigueur le 1er avril 2021. Par une lettre du 5 avril 2019, EGBA a communiqué à la Commission ses observations sur l’adoption de cette loi et a soutenu que l’adoption de ladite loi n’avait ni modifié ni supprimé l’illégalité de l’aide d’État visée par sa plainte.

18 Par une lettre du 27 juin 2019, la Commission a informé EGBA de sa conclusion préliminaire selon laquelle la prolongation des licences exclusives concernées ne conférait pas d’avantage aux titulaires de licences en place et, par conséquent, la mesure en cause ne constituait pas une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

19 La procédure a été clôturée par l’adoption de la décision litigieuse, dont il est fait mention au Journal officiel de l’Union européenne du 15 janvier 2021 (JO 2021, C 17, p. 1), dans laquelle la Commission a considéré que la mesure en cause ne conférait pas d’avantage à ses bénéficiaires et ne constituait donc pas une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

20 En particulier, la Commission a relevé, tout d’abord, que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la Wet houdende nadere regelen met betrekking tot kansspelen (loi portant réglementation complémentaire en matière de jeux de hasard), du 10 décembre 1964 (Stb. 1964, no 483), l’offre d’activités de jeux de hasard était interdite aux Pays-Bas, à moins qu’une licence n’ait été octroyée au titre de cette loi. En vertu de l’article 3 de ladite loi, ces licences ne pouvaient être octroyées que si les recettes générées par les activités de jeux étaient versées au profit d’organisations œuvrant pour l’intérêt général.

21 Ensuite, la Commission a constaté que l’article 2, sous b), du Besluit tot vaststelling van de algemene maatregel van bestuur, bedoeld in artikel 6 van de Wet op de kansspelen (Kansspelenbesluit) [décret fixant la mesure générale d’administration visée à l’article 6 de la loi sur les jeux de hasard (décret sur les jeux de hasard)], du 1er décembre 1997 (Stb. 1997, no 616), prévoyait que les opérateurs de jeux ayant obtenu une licence au titre de cette loi étaient tenus de verser les recettes générées par la vente des billets de participation aux bénéficiaires spécifiés dans les licences et que ce versement devait s’élever à au moins 50 % de la valeur nominale des billets de participation vendus.

22 Enfin, la Commission a constaté que les titulaires de licences concernés étaient tenus de verser la totalité du produit de leurs activités de jeux de hasard, à savoir leurs recettes après déduction des dépenses relatives aux prix attribués et des coûts raisonnables, à des organismes d’intérêt général et que, dès lors, ces titulaires de licences ne pouvaient pas réaliser de bénéfices ou pouvaient seulement réaliser un bénéfice qui n’était pas supérieur à un bénéfice raisonnable. Elle a, en outre, considéré que les données financières desdits titulaires de licences pour la période 2015-2016, fournies par les autorités néerlandaises, confirmaient cette analyse.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

23 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mars 2021, EGBA a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

24 À l’appui de son recours, EGBA a soulevé deux moyens, tirés, le premier, de la violation de ses droits procéduraux en raison du refus de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen, alors que l’examen préliminaire, au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE (ci-après l’« examen préliminaire »), ne permettait pas d’éliminer tous les doutes quant à l’existence d’une aide d’État, et, le second, d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission avait conclu que la mesure en cause n’accordait pas d’avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, aux titulaires de licences.

25 Par son premier moyen, divisé en trois branches, EGBA a soutenu que la Commission avait violé ses droits procéduraux en n’ouvrant pas la procédure formelle d’examen, alors que l’examen préliminaire ne permettait pas d’éliminer tous les doutes quant à l’existence d’une aide d’État. Ces branches étaient tirées, la première, de la durée et des circonstances de l’examen préliminaire, la deuxième, de la modification substantielle de l’analyse de la Commission au cours de l’examen préliminaire et, la troisième, du fait que la Commission avait conclu à tort, dans la décision litigieuse, qu’aucun doute ne subsistait quant à la question de savoir si la mesure en cause conférait un avantage aux titulaires de licences.

26 Après un exposé des principes applicables, le Tribunal a estimé opportun d’examiner en premier lieu la troisième branche du premier moyen, qui comportait, en substance, deux griefs, tirés, le premier, d’un avantage prétendument accordé aux titulaires de licences et, le second, de l’absence d’évaluation de la question de savoir si les licences en cause ne conféraient pas un avantage indirect aux organismes auxquels les titulaires de ces licences devaient reverser une partie de leurs recettes générées par les activités de jeux de hasard.

27 Le Tribunal a tout d’abord analysé le second grief de la troisième branche du premier moyen et a accueilli cette troisième branche, en ce qu’elle concernait ce grief, et a annulé la décision litigieuse.

 Les conclusions des parties au pourvoi

28 Par son pourvoi, le Royaume des Pays-Bas demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

– de condamner EGBA aux dépens.

29 EGBA demande à la Cour :

– de déclarer le pourvoi irrecevable ;

– à titre subsidiaire, de rejeter le pourvoi, et

– de condamner le Royaume des Pays-Bas aux dépens.

 Sur le pourvoi

30 À l’appui de son pourvoi, le Royaume des Pays-Bas soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 1er, sous h), de l’article 4, paragraphes 3 et 4, et de l’article 24 du règlement 2015/1589 ainsi que de l’obligation de motivation. Ce moyen unique est articulé en quatre branches. La première branche est tirée de ce que le Tribunal aurait dû déclarer comme étant irrecevable le grief d’EGBA tiré d’une prétendue aide d’État indirecte aux associations caritatives. La deuxième branche est tirée de ce que le Tribunal a manqué à son obligation de motivation lors de l’examen du grief tiré d’une prétendue aide d’État indirecte aux associations caritatives. La troisième branche est tirée d’une application erronée de l’arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology (C‑57/19 P, ci-après l’« arrêt Tempus », EU:C:2021:663), ainsi que de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589, lus en combinaison avec l’article 24 de celui-ci. La quatrième branche est tirée d’une méconnaissance de la notion de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.

 Sur la recevabilité

31 EGBA soutient que le pourvoi est irrecevable en raison de la violation des articles 36 à 42 du règlement de procédure de la Cour. En effet, le pourvoi ne relèverait pas des exceptions figurant à l’article 38, paragraphe 4, de ce règlement de procédure, qui confèrent à un État membre le droit d’utiliser sa langue officielle au lieu de la langue de procédure devant le Tribunal, qui était en l’espèce la langue anglaise.

32 À cet égard, il ressort de l’article 56, deuxième et troisième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que, sauf dans les cas de litiges opposant l’Union européenne à ses agents, les États membres peuvent former un pourvoi contre une décision du Tribunal mettant fin à l’instance, même s’ils ne sont pas intervenus au litige devant le Tribunal, et, dans ce cas, ces États membres sont dans une position identique à celle d’États qui seraient intervenus en première instance.

33 Si cette règle vaut pour les États membres, qui sont requérants au pourvoi devant la Cour et qui n’étaient pas parties intervenantes à la procédure devant le Tribunal, elle vaut, à plus forte raison, pour les États membres qui étaient parties intervenantes à cette procédure.

34 De même que, en vertu de l’article 38, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, les États membres qui interviennent à un litige pendant devant la Cour sont autorisés à utiliser leur propre langue officielle, les États membres qui interviennent dans le cadre d’une procédure pendante devant le Tribunal sont autorisés à utiliser leur propre langue officielle en vertu de l’article 46, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal.

35 Il ressort de la lecture combinée de ces dispositions que, lorsque les États membres introduisent un pourvoi devant la Cour, ils sont autorisés à utiliser leur propre langue officielle, cette version du pourvoi étant traduite par les soins du greffier vers la langue de procédure.

36 En l’espèce, il est constant que le Royaume des Pays-Bas était partie intervenante à la procédure devant le Tribunal. Le pourvoi a été déposé en langue néerlandaise, puis il a été traduit par les soins du greffier vers la langue anglaise, qui est la langue de procédure, pour être enfin signifié, dans ces deux langues, à EGBA.

37 Il ne saurait, dès lors, être considéré que le pourvoi a été formé en violation des articles 36 à 42 du règlement de procédure de la Cour.

38 Par conséquent, le pourvoi est recevable.

 Sur le fond

 Argumentation des parties

39 Par la première branche du moyen unique, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que le Tribunal a manqué à son obligation de motivation en examinant sur le fond le grief d’EGBA tiré d’une prétendue aide d’État indirecte aux associations caritatives, sans examiner la recevabilité de ce grief. En effet, la Commission aurait opposé l’irrecevabilité dudit grief, au motif qu’EGBA n’aurait soulevé celui-ci ni dans sa plainte ni dans ses observations ultérieures lors de la procédure administrative. Le Tribunal aurait mentionné cet argument de la Commission au point 43 de l’arrêt attaqué, sans l’aborder par la suite de manière explicite, ce qui constituerait une violation de l’obligation de motivation. Par ailleurs, si le Tribunal avait examiné la recevabilité du même grief, il aurait dû le déclarer comme étant irrecevable.

40 Par la deuxième branche du moyen unique, le Royaume des Pays-Bas soutient que, aux points 41 à 53 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a manqué à son obligation de motivation lors de l’examen du grief tiré d’une prétendue aide d’État indirecte aux associations caritatives. Cette branche se divise en deux griefs.

41 Par le premier grief, le Royaume des Pays-Bas reproche au Tribunal de ne pas avoir suffisamment motivé la pertinence de la question d’une aide d’État indirecte aux associations caritatives pour l’appréciation de l’aide d’État présumée aux titulaires de licences. Il souligne que le grief d’EGBA n’avait fait nullement apparaître de quelle manière un éventuel avantage indirect aux associations caritatives pourrait être pertinent quant aux doutes éventuels sur l’existence d’un avantage pour les titulaires de licences. En outre, le Tribunal n’aurait pas expliqué en quoi une aide d’État indirecte aux associations caritatives pourrait affecter les intérêts d’EGBA et ainsi être pertinente pour l’appréciation qu’il devait effectuer.

42 Par le second grief, le Royaume des Pays-Bas reproche au Tribunal de ne pas avoir répondu de manière motivée à l’argument invoqué en première instance par la Commission, soutenue par lui-même, par lequel était contesté le grief d’EGBA tiré d’une prétendue aide d’État indirecte aux associations caritatives. En premier lieu, selon le Royaume des Pays-Bas, la Commission a fait valoir qu’EGBA n’avait pas soulevé ce grief lors de la procédure administrative et que les associations caritatives ne pouvaient pas être considérées comme étant des entreprises opérant à des niveaux d’activité ultérieurs à ceux des titulaires de licences. Or, bien que le Tribunal ait mentionné cet argument au point 43 de l’arrêt attaqué, il ne l’aurait pas abordé par la suite de manière explicite, ce qui constituerait une violation de l’obligation de motivation. En second lieu, le Royaume des Pays-Bas conteste le point 50 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal y présenterait de manière incomplète un argument de la Commission, qui, en outre, aurait eu trait à l’applicabilité du critère de l’opérateur en économie de marché et n’aurait pas été invoqué en réponse audit grief d’EGBA. En outre, la constatation du Tribunal concernant l’absence d’examen par la Commission de la nature des organismes concernés, bien que correcte, ne serait pas pertinente pour l’aide d’État présumée aux titulaires de licences.

43 Par la troisième branche du moyen unique, le Royaume des Pays-Bas invoque une application erronée aux points 46 à 53 de l’arrêt attaqué, de l’arrêt Tempus, ainsi que de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589, lus en combinaison avec l’article 24 de celui-ci. Cette branche se divise en deux griefs.

44 Par le premier grief, le Royaume des Pays-Bas conteste l’applicabilité en l’espèce des critères établis dans l’arrêt Tempus, au motif que la décision litigieuse a été adoptée en réponse à la plainte d’une partie intéressée, introduite en vertu de l’article 24 du règlement 2015/1589, et ladite décision n’est pas une décision de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une mesure d’aide notifiée, que viserait en substance l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement.

45 Par le second grief, le Royaume des Pays-Bas soutient que, à supposer que ces critères soient applicables en l’espèce, le Tribunal les aurait méconnus aux points 46 à 53 de l’arrêt attaqué, en étendant l’obligation d’examen qui pesait sur la Commission du fait de la plainte d’EGBA et, en substance, en modifiant l’objet de cette plainte et donc du recours ou en étendant les conditions de recevabilité de celui-ci. En effet, en premier lieu, ladite plainte aurait été entièrement axée sur l’aide d’État présumée aux titulaires de licences. Le Tribunal aurait élargi l’objet du recours en supposant qu’un avantage dont bénéficieraient les associations caritatives, même s’il était qualifié d’avantage indirect, au sens des points 47 et 48 de l’arrêt attaqué, serait pertinent pour un éventuel avantage aux titulaires de licences. En second lieu, EGBA ne pourrait pas être qualifiée de partie intéressée et ne bénéficierait pas des droits prévus à l’article 24 du règlement 2015/1589.

46 Par la quatrième branche du moyen unique, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que, si l’arrêt attaqué, en particulier les points 42 et suivants de celui-ci, doit être compris en ce sens que le Tribunal a qualifié EGBA de partie intéressée en ce qui concerne une éventuelle aide d’État indirecte accordée aux associations caritatives, le Tribunal a méconnu la notion de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, et a commis une erreur de droit en accordant à EGBA des droits procéduraux à cet égard. Ni dans sa plainte ni dans son recours en première instance, EGBA n’aurait fourni aucun critère de rattachement qui aurait été nécessaire pour la considérer comme étant une telle partie intéressée. En effet, EGBA n’aurait ni indiqué ni démontré en quoi ses intérêts ou ceux de ses membres seraient concernés par la manière dont est affecté le versement auquel les titulaires de licences sont tenus.

47 Dans son mémoire en réplique, le Royaume des Pays-Bas ajoute, en premier lieu, que, à défaut d’exposer en quoi EGBA, qui a allégué pour la première fois en première instance l’existence d’une aide d’État indirecte en faveur de tiers bénéficiaires, était affectée par cette prétendue aide, le Tribunal ne pouvait pas considérer que la Commission avait méconnu les droits procéduraux d’EGBA en n’ouvrant pas la procédure formelle d’examen. Le Tribunal aurait omis de faire le lien entre son appréciation et l’intérêt concret d’EGBA à l’égard de ladite prétendue aide.

48 En deuxième lieu, EGBA établirait à tort une distinction entre un « intéressé », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et une « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589. Selon le Royaume des Pays-Bas, EGBA aurait dû soit établir qu’elle se trouvait dans un rapport de concurrence directe ou indirecte avec les bénéficiaires de la prétendue aide d’État indirecte, soit démontrer que cette aide risquait d’avoir une incidence concrète sur sa situation. Il en irait d’autant plus ainsi que le Tribunal a uniquement examiné le grief d’EGBA concernant cette prétendue aide d’État indirecte aux associations caritatives.

49 En troisième lieu, le Royaume des Pays-Bas ajoute que, à supposer que la législation néerlandaise sur les jeux de hasard confère un avantage aux associations caritatives, cet avantage est indépendant de l’octroi des licences, même s’il est exact qu’il est inhérent au versement auquel les titulaires de licences sont tenus.

50 EGBA soutient que le pourvoi est non fondé.

 Appréciation de la Cour

51 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée au paragraphe 3 de cet article, laquelle a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause avec le marché intérieur, et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 dudit article. Ce n’est que dans le cadre de celle-ci, laquelle est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité FUE prévoit l’obligation, pour cette institution, de mettre en demeure les « intéressés » de présenter leurs observations (arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 52 ainsi que jurisprudence citée, et ordonnance du 14 décembre 2023, CAPA e.a./Commission, C‑742/21 P, EU:C:2023:1000, point 65).

52 Il en résulte que, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue au paragraphe 2 de l’article 108 TFUE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 de cet article, qu’une aide est compatible avec le marché intérieur, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester cette décision devant le juge de l’Union. Pour ces motifs, un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un « intéressé », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, est recevable lorsque l’auteur de ce recours cherche, par l’introduction de celui-ci, à sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 53 ainsi que jurisprudence citée, et ordonnance du 14 décembre 2023, CAPA e.a./Commission, C‑742/21 P, EU:C:2023:1000, point 66).

53 Par ailleurs, il convient de rappeler également que l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ainsi que de l’article 36 et de l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne lui impose de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 113 ainsi que jurisprudence citée).

54 Cette obligation de motiver les arrêts n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons sur lesquelles se fonde l’arrêt attaqué et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2024, Nevinnomysskiy Azot et NAK « Azot »/Commission, C‑725/22 P, EU:C:2024:217, point 131 ainsi que jurisprudence citée).

55 Il importe de souligner que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 79, ainsi que du 15 mai 2025, Sberbank/CRU, C‑793/23 P, EU:C:2025:356, point 38 et jurisprudence citée).

Sur la première branche du moyen unique

56 Par la première branche du moyen unique, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que le Tribunal a manqué à son obligation de motivation en examinant sur le fond le grief d’EGBA tiré d’une prétendue aide d’État indirecte aux associations caritatives, sans examiner la recevabilité de ce grief.

57 À cet égard, il y a lieu de relever que, comme le Tribunal l’a mentionné au point 43 de l’arrêt attaqué, la Commission a soutenu qu’EGBA n’avait soulevé ce grief ni dans sa plainte ni dans le cadre de ses observations ultérieures. En revanche, contrairement à ce que le Royaume des Pays-Bas suggère, la Commission n’a pas soutenu que ledit grief était irrecevable.

58 Par ailleurs, il convient de considérer que, dans la mesure où, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné le second grief de la troisième branche du premier moyen sur le fond, il a implicitement admis la recevabilité de ce grief.

59 Étant donné que la recevabilité dudit grief n’était pas contestée, le Tribunal pouvait, dans la mesure où il considérait que celui-ci était recevable, l’examiner sur le fond sans, préalablement, exposer les raisons pour lesquelles il estimait que le même grief était recevable et qu’il n’y avait pas lieu de soulever d’office la question de sa recevabilité.

60 Il ne saurait, dès lors, être considéré que le Tribunal a méconnu son obligation de motivation en ne précisant pas les motifs pour lesquels il avait considéré que le second grief de la troisième branche du premier moyen était recevable.

61 Par ailleurs, l’argument du Royaume des Pays-Bas selon lequel le Tribunal aurait dû déclarer ce grief comme étant irrecevable vise à contester le bien-fondé de la décision implicite du Tribunal, et non pas un défaut ou une insuffisance de la motivation de l’arrêt attaqué. En outre, force est de constater que cet argument se recoupe avec l’argumentation du Royaume des Pays-Bas exposée au soutien du second grief de la quatrième branche du moyen unique et est examiné dans le cadre de l’analyse de cette branche.

62 Par conséquent, il y a lieu d’écarter la première branche du moyen unique.

Sur la deuxième branche du moyen unique

63 Par la deuxième branche du moyen unique, divisée en deux griefs, le Royaume des Pays-Bas soutient que, aux points 41 à 53 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a manqué à son obligation de motivation lors de l’examen du grief relatif à l’aide d’État indirecte aux associations caritatives.

64 Par le premier grief, le Royaume des Pays-Bas reproche au Tribunal de ne pas avoir suffisamment motivé la pertinence de la question de l’aide d’État indirecte aux associations caritatives pour l’appréciation de l’aide d’État présumée aux titulaires de licences.

65 À cet égard, il importe de relever que la mesure en cause, qui, comme il ressort du point 4 de l’arrêt attaqué, faisait l’objet de la plainte d’EGBA et qui a été examinée par la Commission, était constituée, d’une part, de la prolongation des licences délivrées pour les paris sportifs, les paris sur les courses hippiques, les loteries et les casinos aux titulaires de licences ainsi que, d’autre part, des décisions adoptées par l’Autorité néerlandaise des jeux de hasard en application de cette règle, qui renouvelaient six licences.

66 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, au point 44 de celui-ci, relevé qu’il ressortait de la réglementation néerlandaise relative aux jeux de hasard soumise à l’appréciation de la Commission qu’une partie des recettes générées par les activités de jeux de hasard devait être reversée, par les titulaires de licences, exclusivement à des organismes d’intérêt général, tels que désignés dans les licences. Au point 45 de cet arrêt, il a observé que la Commission avait fondé son analyse de l’absence d’avantage pour les titulaires de licences précisément sur l’obligation leur incombant de reverser une partie de leurs recettes à des organismes d’intérêt général. Au point 46 dudit arrêt, il a estimé que, lors de l’adoption de la décision litigieuse, la Commission disposait d’informations sur la mesure en cause qui auraient dû la conduire à se demander si cette réglementation néerlandaise n’était pas conçue de manière à orienter le versement des recettes générées par l’activité des titulaires de licences essentiellement vers des organismes d’intérêt général désignés par les licences.

67 Le Tribunal a précisé, aux points 47 à 49 du même arrêt, en se référant à sa jurisprudence ainsi qu’aux points 115 et 116 de la communication relative à la notion d’« aide d’État », que, en effet, lors de l’examen d’une mesure, la Commission pouvait être amenée à examiner si un avantage pouvait être considéré comme étant indirectement accordé à des opérateurs autres que le récipiendaire immédiat du transfert de ressources d’État. Selon le Tribunal, la Commission aurait, dès lors, dû se poser la question de savoir si la mesure en cause ne procurait pas un avantage indirect aux organismes d’intérêt général. Il a relevé que la décision litigieuse était néanmoins « muette » quant à cette question.

68 Au point 51 du même arrêt, le Tribunal a constaté que la Commission n’avait pas examiné la question de savoir si la mesure en cause ne procurait pas un avantage indirect aux organismes auxquels les titulaires de licences devaient verser une partie de leurs recettes, et ce alors même que le versement d’une partie des recettes générées par l’activité des titulaires de licences à des organismes d’intérêt général désignés par ces licences constituait l’une des caractéristiques principales de la réglementation concernée. Le Tribunal a estimé que, ce faisant, la Commission avait exclu sans plus de précisions que cette question puisse susciter des difficultés sérieuses dans la qualification de la mesure en cause en tant qu’aide d’État, que seule la procédure formelle d’examen aurait permis d’élucider.

69 Eu égard à ces considérations du Tribunal, il doit être considéré que celui-ci a exposé les raisons pour lesquelles il a estimé que la Commission aurait dû, lors de son analyse de la mesure en cause, telle que définie au point 4 de l’arrêt attaqué, examiner si cette mesure ne procurait pas un avantage indirect, en l’occurrence aux organismes auxquels les titulaires de licences devaient verser une partie de leurs recettes, et que l’absence d’examen de cette question dans la décision litigieuse ne permettait pas d’exclure l’existence de difficultés sérieuses.

70 Par le second grief, le Royaume des Pays-Bas reproche au Tribunal de ne pas avoir répondu de manière motivée à l’argument invoqué en première instance par la Commission, soutenue par lui-même, par lequel était contesté le grief d’EGBA tiré d’une prétendue aide d’État indirecte aux associations caritatives.

71 En premier lieu, d’une part, comme il est relevé au point 57 du présent arrêt, le Tribunal a mentionné, au point 43 de l’arrêt attaqué, que la Commission soutenait qu’EGBA n’avait pas soulevé ce grief lors de la procédure administrative. Il a également précisé que, dans ce contexte, la Commission avait soutenu qu’il ne lui appartenait pas de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pouvaient présenter un lien avec l’affaire dont elle était saisie, quand bien même de telles informations se seraient trouvées dans le domaine public.

72 À cet égard, le Tribunal a, tout d’abord, rappelé, au point 34 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence selon laquelle la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections prise au terme de la procédure d’examen préliminaire doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction non seulement des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée, mais aussi des éléments dont elle pouvait disposer.

73 Ensuite, le Tribunal a relevé, au point 44 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait de la réglementation néerlandaise relative aux jeux de hasard soumise à l’appréciation de la Commission qu’une partie des recettes générées par les activités de jeux de hasard devait être reversée, par les titulaires des licences, exclusivement à des organismes d’intérêt général, tels que désignés dans les licences. Il a considéré que, dans ces conditions, la Commission ne pouvait pas ignorer l’existence d’une telle obligation.

74 Enfin, le Tribunal a observé, au point 45 de l’arrêt attaqué, que, dans la décision litigieuse, la Commission avait fondé son analyse de l’absence d’avantage pour les titulaires de licences précisément sur l’obligation leur incombant de reverser une partie de leurs recettes à des organismes d’intérêt général.

75 Partant, les motifs pour lesquels le Tribunal a écarté l’argument de la Commission mentionné au point 71 du présent arrêt ressortent clairement de la motivation de l’arrêt attaqué. Il s’ensuit que le Royaume des Pays-Bas n’est pas fondé à soutenir que le Tribunal a méconnu son obligation de motivation à cet égard.

76 D’autre part, le Tribunal a également mentionné, au point 43 de l’arrêt attaqué, que la Commission contestait le grief d’EGBA tiré d’une prétendue aide d’État indirecte aux associations caritatives au motif que les organismes concernés ne pouvaient pas être considérés comme étant des entreprises opérant à des niveaux d’activité ultérieurs à ceux des titulaires des licences de jeux de hasard, au sens du point 115 de la communication relative à la notion d’« aide d’État ».

77 Il y a lieu de relever que, outre les motifs figurant aux points 47 à 49 de l’arrêt attaqué, rappelés au point 67 du présent arrêt, le Tribunal a constaté, au point 50 de l’arrêt attaqué, que, s’agissant de l’argument de la Commission selon lequel, en obligeant les titulaires de licences à verser une partie de leurs recettes à des organismes d’intérêt général, les autorités néerlandaises poursuivaient des objectifs directement liés à l’ordre public et à la moralité publique, cette institution n’avait, dans la décision litigieuse, pas examiné si les organismes associés à la mesure en cause constituaient des entreprises ou poursuivaient des missions de service public.

78 À cet égard, il convient de considérer que le Tribunal a entendu souligner que la Commission n’avait examiné ni la question de savoir si un avantage indirect, tel que défini notamment au point 115 de la communication relative à la notion d’« aide d’État », pouvait avoir été accordé ni même celle de savoir si les associations caritatives concernées constituaient des entreprises.

79 Le Tribunal a ainsi implicitement écarté l’argument de la Commission en ce qu’il visait une analyse que celle-ci n’avait pas effectuée dans la décision litigieuse, puisque la Commission n’ayant pas examiné la question de l’existence d’un avantage indirect ni si les associations caritatives concernées constituaient des entreprises, elle n’avait a fortiori pas examiné si celles-ci pouvaient être considérées comme étant des entreprises opérant à des niveaux d’activité ultérieurs à ceux des titulaires des licences de jeux de hasard, au sens du point 115 de la communication relative à la notion d’« aide d’État ».

80 Il s’ensuit que, s’il est certes exact que le Tribunal aurait pu exposer plus clairement le motif pour lequel il a écarté l’argument de la Commission, il ressort néanmoins suffisamment de la motivation de l’arrêt attaqué que cet argument a été écarté du fait de la lacune d’examen dont le Tribunal a estimé que la décision litigieuse était entachée. Le Royaume des Pays-Bas n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que le Tribunal a méconnu son obligation de motivation à cet égard.

81 En second lieu, dans la mesure où le Royaume des Pays-Bas conteste le point 50 de l’arrêt attaqué, il importe, d’une part, de constater que cet État membre n’explique pas en quoi l’argument de la Commission aurait été présenté de manière incomplète.

82 D’autre part, l’argumentation du Royaume des Pays-Bas par laquelle il conteste la pertinence de la constatation du Tribunal concernant l’absence d’examen par la Commission de la nature des organismes concernés vise à contester le bien-fondé des motifs de l’arrêt attaqué, et non pas un défaut ou une insuffisance de la motivation de celui-ci. En outre, force est de constater que cette argumentation se recoupe avec celle exposée au soutien du second grief de la troisième branche du moyen unique et est examinée dans le cadre de l’analyse de cette branche.

83 Par conséquent, il y a lieu d’écarter la deuxième branche du moyen unique.

Sur la troisième branche du moyen unique

84 Par la troisième branche du moyen unique, divisée en deux griefs, le Royaume des Pays-Bas invoque une application erronée, aux points 46 à 53 de l’arrêt attaqué, de l’arrêt Tempus ainsi que de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589, lus en combinaison avec l’article 24 de celui-ci.

85 Par le premier grief, le Royaume des Pays-Bas conteste l’applicabilité en l’espèce des critères établis dans l’arrêt Tempus, au motif que l’article 4, paragraphe 3, règlement 2015/1589 concernerait, en substance, les aides notifiées, alors que, contrairement à la situation ayant donné lieu à cet arrêt, la mesure en cause n’a pas été notifiée, mais a été portée à la connaissance de la Commission au moyen d’une plainte. À cet égard, il suffit de relever que, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, de ce règlement, l’article 4, paragraphe 3, dudit règlement est, le cas échéant, également applicable dans l’hypothèse d’une décision de la Commission faisant suite au dépôt d’une plainte.

86 Par le second grief, le Royaume des Pays-Bas soutient que, à supposer que ces critères soient applicables en l’espèce, le Tribunal les aurait méconnus aux points 46 à 53 de l’arrêt attaqué.

87 À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, il peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑321/21 P, EU:C:2023:713, point 131 et jurisprudence citée).

88 En outre, dans certaines circonstances, il peut être nécessaire, lors de l’examen de l’existence et de la légalité d’une aide d’État, que la Commission aille au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, notamment dans une plainte. En effet, la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures en cause de manière diligente et impartiale afin de disposer, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire. Le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2024, Slovénie/Commission, C‑447/22 P, EU:C:2024:678, points 52 à 56 ainsi que jurisprudence citée).

89 En l’espèce, ainsi qu’il est rappelé au point 65 du présent arrêt, la mesure en cause, qui, comme il ressort du point 4 de l’arrêt attaqué, faisait l’objet de la plainte d’EGBA et qui a été examinée par la Commission, était constituée, d’une part, de la prolongation des licences délivrées pour les paris sportifs, les paris sur les courses hippiques, les loteries et les casinos aux titulaires de licences ainsi que, d’autre part, des décisions adoptées par l’Autorité néerlandaise des jeux de hasard en application de cette règle, qui renouvelaient six licences.

90 Force est de constater que l’argumentation du Royaume des Pays-Bas repose sur la prémisse erronée que, lors de cet examen, la Commission ne devait analyser la réglementation néerlandaise dans laquelle la mesure en cause s’inscrivait que pour autant que cette réglementation était susceptible d’inclure une aide d’État accordée aux titulaires de licences concernés et dans la forme de l’octroi des licences.

91 Or, ainsi que le Tribunal l’a considéré aux points 47 et 48 de l’arrêt attaqué, l’examen d’un éventuel avantage indirect accordé aux associations caritatives est pertinent pour déterminer si une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, existait. Cet examen impliquait en effet l’analyse de la réglementation néerlandaise dans laquelle la mesure en cause s’inscrivait dans son ensemble, et non l’examen d’un autre cadre juridiquement distinct adopté par le Royaume des Pays-Bas. En effet, comme le Tribunal l’a souligné, aux points 49 et 51 de cet arrêt, le versement d’une partie des recettes générées par l’activité des titulaires de licences à des organismes désignés par ces licences constituait l’une des caractéristiques principales de la réglementation concernée sur laquelle la Commission a fondé ses conclusions dans la décision litigieuse. Il était donc pertinent d’examiner si ces organismes recevaient de ce fait une aide d’État.

92 Par conséquent, au vu, tout particulièrement, du fait ainsi relevé que la Commission a elle-même exclu que la mesure en cause constituait une aide d’État sur la seule base de cette caractéristique et ainsi uniquement d’une partie de la réglementation néerlandaise, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que, dans son analyse de cette mesure à la suite de la plainte d’EGBA, la Commission était tenue d’examiner s’il existait un avantage direct et, le cas échéant, un avantage indirect, découlant de cette mesure.

93 Compte tenu, en outre, des obligations pesant sur cette institution et rappelées au point 88 du présent arrêt, il est sans incidence que, dans sa plainte, EGBA ait fait valoir plus particulièrement l’existence d’un avantage aux titulaires de licences et d’une aide d’État accordée à ceux‑ci par la mesure en cause.

94 De même, EGBA, en ayant été considérée comme étant une partie intéressée s’agissant de la mesure en cause, pouvait, pour autant qu’il était susceptible de remettre en cause la décision litigieuse relative à cette mesure, invoquer un argument devant le Tribunal ayant trait au versement d’une partie des recettes générées par l’activité des titulaires de licences à des organismes désignés par ces licences.

95 Par conséquent, contrairement à ce que le Royaume des Pays-Bas soutient, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir étendu l’obligation d’examen qui pesait sur la Commission à la suite de la plainte d’EGBA, ni d’avoir élargi l’objet de cette plainte et celui du recours, ni d’avoir étendu les conditions de recevabilité de ce dernier, au regard de la structure particulière de la réglementation néerlandaise relative aux jeux de hasard dans laquelle s’insère la mesure en cause.

96 Par conséquent, il y a lieu d’écarter la troisième branche du moyen unique.

Sur la quatrième branche du moyen unique

97 Par la quatrième branche du moyen unique, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que, si l’arrêt attaqué, en particulier les points 42 et suivants de celui-ci, doit être compris en ce sens que le Tribunal a qualifié EGBA de partie intéressée en ce qui concerne une éventuelle aide d’État indirecte accordée aux associations caritatives, le Tribunal a méconnu la notion de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, et a commis une erreur de droit en accordant à EGBA des droits procéduraux à cet égard.

98 Or, il suffit de constater que l’argumentation du Royaume des Pays-Bas repose sur la même prémisse erronée que celle relevée au point 90 du présent arrêt et doit être écartée pour les motifs exposés aux points 91 à 95 du présent arrêt.

99 Par conséquent, il y a lieu d’écarter la quatrième branche du moyen unique.

100 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, aucune des branches du moyen unique du pourvoi n’ayant été accueillie, il y a lieu de rejeter ce dernier dans son intégralité.

 Sur les dépens

101 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. EGBA ayant conclu à la condamnation du Royaume des Pays-Bas et celui-ci ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par EGBA.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Le Royaume des Pays-Bas est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par European Gaming and Betting Association.

 

 

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site