Cass. com., 2 juin 2021, n° 20-10.690
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Banque CIC Ouest (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Le Prado, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
La société CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-10.690 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2019 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à M. [Y] [A], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la société CIC Ouest, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [A], et l'avis écrit de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Vaissette, Fevre, M. Riffaud, conseillers, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 5 novembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 3 avril 2019, pourvoi n° 17-22.501), par un acte du 7 novembre 2008, la société Banque CIC Ouest (la banque) a accordé à l'EURL Châteauroux Or (la société) un prêt, garanti par le cautionnement de M. [A]. L'engagement de caution a été consenti dans un acte annexé au contrat de prêt, le tout étant établi en deux exemplaires originaux, remis l'un à la banque, l'autre à la caution.
2. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a obtenu une ordonnance d'injonction de payer contre la caution, à laquelle celle-ci a formé opposition, en faisant valoir que la mention manuscrite de l'acte de cautionnement n'était pas conforme à la loi.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de mettre à néant l'ordonnance portant injonction de payer du 29 janvier 2014, prononcer la nullité du cautionnement et la débouter de toutes ses demandes contre M. [A], alors « que si la mention manuscrite visée par l'article L. 341-2 du code de la consommation doit figurer sur le cautionnement sous seing privé à peine de nullité, le texte n'exige pas qu'elle soit portée intégralement sur plusieurs originaux, la preuve de la validité du consentement de la caution étant suffisamment établie par une mention pleinement conforme aux exigences de la loi ; qu'en affirmant pourtant que le cautionnement était nul en l'état d'une mention imparfaite sur l'un des exemplaires originaux, bien que l'autre original du contrat ait comporté une mention manuscrite complète, ce qui suffisait à s'assurer du consentement éclairé de la caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. M. [A] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient, d'une part, que le moyen est contraire aux écritures de la banque devant la cour d'appel et, d'autre part, qu'il invite la Cour de cassation à revenir sur la doctrine de son précédent arrêt, quand la juridiction de renvoi s'y est conformée.
5. Cependant, d'une part, la banque soutenait, dans ses conclusions devant la cour d'appel de renvoi, que l'exemplaire du cautionnement produit par elle ne comportait aucune omission et que l'omission du mot « caution » sur l'acte détenu par la caution procédait d'une simple erreur matérielle, dès lors que le texte avait été correctement et intégralement reproduit dans le second exemplaire. Le moyen n'est donc pas contraire à ses écritures d'appel.
6. D'autre part, la Cour de cassation n'ayant pas été saisie, lors du premier pourvoi, de l'existence de deux exemplaires originaux de l'acte de cautionnement, le moyen, qui repose sur des faits dont elle n'a pas connu, n'appelle pas la Cour de Cassation à revenir sur la doctrine affirmée par son précédent arrêt.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :
8. Aux termes de ce texte, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. »
9. Pour mettre à néant l'ordonnance portant injonction de payer et prononcer la nullité du cautionnement, l'arrêt, après avoir relevé que l'acte produit par M. [A] comportait une mention manuscrite ne respectant pas le formalisme prévu par le texte précité, en ce que le mot « caution » en a été omis, et que cette divergence avec la formule légale affecte le sens et la portée de la mention manuscrite, retient qu'il importe peu que la banque détienne un autre exemplaire de l'acte qui comporte, cette fois, l'intégralité de la mention légale, dès lors que la mention est incomplète sur un des exemplaires et que la différence qui en résulte avec la mention légale est déterminante et n'a pas permis à M. [A] de prendre la pleine mesure de la nature et de la teneur de son engagement.
10. En statuant ainsi, alors que, le cautionnement étant un contrat unilatéral, un seul original était requis et que M. [A] ne contestait pas avoir écrit de sa main les mentions conformes aux prescriptions légales sur l'exemplaire original détenu par le créancier, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'opposition formée par la société Banque CIC Ouest contre l'ordonnance portant injonction de payer du 29 janvier 2014, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne M. [A] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.