CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 9 octobre 2025, n° 21/05850
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Lease Burotic (SASU), CM-CIC Leasing Solutions (SAS), Grenke Location (SAS), Locam Location Automobiles Materiels (SAS), NBB Lease France 1 (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidente :
Mme Simon-Rosenthal
Conseillère :
Mme Lorans
Avocats :
Me Ayache Bourgoin, Me Lopez, Me Grapotte Benetreau, Me Guizard, Me Pozvek, Me Migaud, Me Lallement
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
L'association Arnouville Pétanque a interjeté appel d'un jugement prononcé le 18 mars 2021 par le tribunal de commerce de Paris lequel en substance l'a déboutée de toutes ses demandes à l'encontre de la société SMRJ et des différentes sociétés de location financière.
L'association [Localité 16] Pétanque et son liquidateur Me [K] [U] se sont fondés sur l'article L 622 -13 du code de commerce pour solliciter la résiliation des contrats de maintenance
conclus avec :
- la société SMRJ, en raison de sa mise en liquidation judiciaire le 12 septembre 2018,
- la société Lease Burotic du fait du manquement à son devoir de conseil, avec effet au 5 août 2015,
- la société Parex ltd du fait de sa liquidation judiciaire, le 14 avril 2018,
A titre subsidiaire, constater le caractère manifestement excessif des clauses pénales, les réduire à un euro,
En tout état de cause ,
Constater l'interdépendance des contrats ;
Prononcer la caducité du contrat de location financière souscrit auprès de la société Locam
Prononcer la caducité du contrat de location fi nancière souscrit auprès de la société Grenke Location ;
Prononcer la caducité du contrat de location financière souscrit auprès de la société NBB
Lease ;
Prononcer la caducité du contrat de location fi nancière souscrit auprès de la société CM-CIC
Leasing Solutions ;
Ordonner la restitution à l'association [Localité 16] Petanque des loyers indument perçus par les sociétés Locam, Grenke Location, Nbb Lease, Cm-cic Leasing Solutions et Locam à compter de la date d'effet du prononcé de la caducité des contrats de location financières concernés;
Donner acte à l'association [Localité 16] Petanque de ce qu'elle tient à des dispositions des bailleurs concernés les matériels dont elle dispose dans ses locaux ;
Condamner in solidum les défenderesses à la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700du code de procédure civile ;
Condamner in solidum les défenderesses aux entiers dépens.
Par arrêt avant dire droit du 13 mai 2024, la cour a statué comme suit :
'- Ordonne la réouverture des débats,
- Invite les parties à présenter leurs observations sur la non justification par l'association [Localité 16] Pétanque et son liquidateur de la signification de la déclaration d'appel à :
* la société SMRJ (All Burotic) prise en la personne de la Selarl C. [G] représentée par maître [V] [G], liquidateur judiciaire désigné par jugement du 12 septembre 2018 du tribunal de commerce de Nanterre,
* de la société Parex LTD prise en la personne de la SCP [V] [N] représentée par maître [V] [N], liquidateur judiciaire désigné par jugement du 16 avril 2018 du tribunal de commerce de Melun. '
Aucune partie n'a conclu à la suite de l'arrêt rendu par la cour, auquel il convient de se référer pour le rappel des faits, de la procédure et des prétentions des parties.
L'ordonnance de clôture est intervenue dans ces conditions le 7 avril 2025.
MOTIVATION
Sur la caducité de l'appel
Au cours de l'audience du 22 mai 2025, l'association [Localité 16] Pétanque représentée par son liquidateur, Me [K] [U] a invoqué l'arrêt de la cour de Cassation, rendu en date du 25 février 2025, et a sollicité la caducité du contrat de location financière sans mise en cause du fournisseur.
La société Locam et la société Grenke ont soulevé l'irrégularité de ces demandes, qui n'ont pas été formalisées par des écritures. Elles ont contesté l'application de la décision en l'espèce et les demandes au fond en soutenant notamment l'inexistence d'un ensemble contractuel concernant leurs contrats respectifs.
Réponse de la cour
Dans la procédure d'appel, les prétentions des parties sont fixées dans leurs écritures, à défaut la cour n'est saisie d'aucun moyen.
Aux termes de l'article 902 du code de procédure civile, en l'absence de signification de la déclaration d'appel à l'égard de la société SMRJ représentée par son madataire liquidateur Me [G] et de la société Parex représentée par Me [N], l'appel est caduc.
Il s'ensuit que les dispositions du jugement déféré concernant ces parties sont définitives.
Au fond,
L'association [Localité 16] Petanque soutient que différents contrats de prestations ont été résiliés de plein droit, du fait du prononcé de leur liquidation judiciaire faute pour le mandataire liquidateur, d'avoir répondu à ses demandes.
Elle sollicite en conséquence la caducité des contrats de location financière souscrits auprès de la société Locam, de la société Grenke Location , de la société NBB Lease et de la société CM-CIC leasing solutions sur le fondement de l'article 1186 du code civil et de la jurisprudence.
Il convient d'examiner le bien fondé de la demande.
S'agissant du contrat conclu avec la société Locam :
L'association [Localité 16] Pétanque soutient que le contrat de location financière qu'elle a conclu avec la société Locam le 17 avril 2015 est interdépendant du contrat de maintenance souscrit entre elle et la société SMRJ portant sur le même matériel. Or, ce dernier contrat a été résilié de plein droit à la suite de la liquidation judiciaire de la société SMRJ en date du 12 septembre 2018, en application de l'article L.622-13 du code de commerce, faute pour le mandataire liquidateur d'avoir répondu à son courrier.
La société Locam, crédit- bailleur de l'association, oppose que le contrat de location conclu avec la partie appelante est bipartite, qu'il a été signé en 2015, qu'elle n'a pas financé le contrat d'entretien, qu'elle en justifie en versant au débat le contrat de location, lequel ne contient pas de contrat de maintenance. Elle précise que l'association ne produit aucune pièce probante au soutien de ses allégations. Elle ajoute au surplus que le contrat de prestation allégué mentionne avoir été signé en 2016 ce qui ne répond pas aux conditions posées par l'article 1186 précité.
Réponse de la cour
En droit ,il résulte de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en l'espèce, que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et que l'anéantissement de l'un entraîne la caducité par voie de conséquence des autres.
Si la jurisprudence répute non écrites les clauses inconciliables avec l'interdépendance des contrats, il convient de démontrer l'existence d'un contrat de maintenance et d'un contrat de location concomitant ou successif avant de pouvoir prétendre aux effets d'une résiliation de plein droit.
En l'espèce, il résulte des pièces produites qu' un contrat de location en date du 17 avril 2015, a été souscrit par l'association [Localité 16] Petanque auprès de la société Locam, par l'intermédiaire de la société Allburotic( SMRJ) et que la société SMRJ, a été placée en liquidation judiciaire le 12 septembre 2018, représentée par Me [G] liquidateur judiciaire.
La société Locam, qui conteste l'existence d'un contrat de maintenance et d'une opération d'ensemble, verse au débat le contrat de location en date du 17 avril 2015, souscrit par l'association [Localité 16] Petanque auprès de la société Locam, par l'intermédiaire de la société Allburotic( SMRJ) mentionnant la location d'un matériel : 'INEO +3110 et accessoires' sans autre mention, et produit le procès verbal de réception de la livraison de ce matériel, sans réserve, en date du 12 mai 2015. Elle a prononcé la résiliation du contrat de location pour défaut de paiement des loyers, le 16 octobre 2018.
L'association [Localité 16] Petanque ne produit pas le contrat de maintenance qu'elle allègue avoir conclu avec la société SMRJ, répondant au matériel: 'INEO+3110 et accessoires'.La numérotation de ses pièces ne correspond pas aux pièces visées, ainsi la société Locam ne figure pas sur le document produit ( pièce 8-1) en outre la pièce 4 devant se rapporter au contrat de location conclu avec Locam est illisible. Par ailleurs, elle invoque dans un courrier adressé au liquidateur, un contrat de maintenance, conclu le 6 juillet 2016 avec la société SMRJ, qu'elle ne produit pas et leditcourrier ne précise pas le nom du crédit bailleur concerné ( pièce 8-2) .
En tout état de cause, la condition de concomitance ne serait pas vérifiée dans cette dernière hypothèse. En outre, Me [G], liquidateur de la société SMRJ a conclu, en première instance, que l'association n'avait pas conclu de contrat de maintenance avec la société SMRJ. (Pièce 6)
Au regard de tous ces éléments, l'association n'établit pas qu'un contrat de maintenance ait été adossé au contrat de location conclu avec la société Locam, pour le matériel: 'INEO+3110 et accessoires', dès lors les conditions exigées par les dispositions susvisées ne sont pas remplies.
Il s'ensuit que l'association [Localité 16] Petanque est mal fondée en sa demande de caducité dirigée à l'encontre de la société Locam. En revanche compte tenu de la mise en demeure fournie par cette dernière demeurée infructueuse, c'est par des motifs pertinents que le tribunal a conclu à la résiliation de ce contrat de location. Le jugement sera confirmé de ces chefs.
S'agissant de la société Grenke /Lease Burotic :
L'association [Localité 16] Petanque se prévalant des conséquences de l'interdépendance de contrats soutient que le contrat de location doit être déclaré caduc du fait que la société Lease Burotic, aurait manqué à son devoir de conseil tant sur le plan technique par rapport au choix du matériel que sur le plan financier par rapport à ses capacités financières.
La société Grenke Location oppose que le contrat de location liant la partie appelante est un contrat strictement bipartite auquel la société Lease Burotic n'est pas partie. Elle précise qu'elle a rempli son obligation consistant à mettre à disposition le matériel loué et qu'elle n'est tenue à aucune obligation de conseil.
Réponse de la cour :
S'agissant du manquement à l'obligation de conseil, concernant le crédit bailleur, il convient de rappeler que le rôle assigné au bailleur financier est de se porter acquéreur du matériel choisi par le preneur et d'en payer le prix. En contrepartie, l'association s'engage à verser un loyer pendant une durée déterminée.
En l'espèce, la société Grenke produit un contrat de location d'un photocopieur Sharp MXC 310 souscrit par l'association [Localité 16] Petanque, le 5 août 2015, par l'intermédaire de la société Lease Burotic, de sa livraison conforme le 6 août 2015 et de la facture qu'elle a acquittée auprès du fournisseur le 6 août 2015.
Les conditions générales du contrat précisent que le locataire choisit sous sa seule responsabilité aussi bien le matériel objet du contrat, que le fournisseur. Elles mentionnent également la cession à ce dernier des droits et actions que la société Grenke détiendrait contre le fournisseur.
La société Grenke Location justifie avoir procédé à la résiliation anticipée du contrat, en application de l'article 10 des conditions générales du contrat de location, selon lettre recommandée AR transmise à l'association [Localité 16] Petanque le 18 mars 2019, faute d'avoir réglé les loyers échus.
S'agissant du manquement au devoir de conseil de la société Lease Burotic, fournisseur, le tribunal a jugé à juste titre que la preuve d'un tel manquement n'était pas rapportée en retenant notamment que l'association avait signé le procès-verbal de réception le 6 août 2015, qu'elle avait réglé les loyers durant plusieurs années et qu'elle n'apportait pas la preuve de ses allégations.
L'association [Localité 16] Petanque n'apporte pas davantage la preuve de la conclusion d'un contrat de maintenance concomitant avec la société Lease Burotic et Grenke Location. Il y a lieu de confirmer le rejet de la demande et la résiliation du contrat de location en date du 18 mars 2019.
Sur le contrat conclu avec la société NBB Lease
En l'espèce, l'association [Localité 16] Petanque et la société NBB Lease ont conclu un contrat de location portant sur un copieur. Elle verse au débat le contrat de location en date du 6 juillet 2016 ( pièce 1) souscrit par l'association [Localité 16] Petanque, sur lequel n'apparaît aucune mention relative à un contrat de maintenance. Le procès verbal de réception du matériel est en date du 18 juillet 2016.
Le 10 décembre 2018, la sas NBB LEASE France 1 adressait une mise en demeure avant résiliation du contrat de location pour défaut de paiement des loyers.
L'association [Localité 16] Petanque ne produit pas de contrat de maintenance, ou pièce se rapportant à cette location financière. Elle invoque une demande adressée auprès du liquidateur judiciaire pour connaître le sort du contrat, mais ne produit ni référence permettant d'identifier le nom du credit bailleur, ni celles de l'appareil loué en crédit -bail. Dans ces conditions, elle ne justifie pas de l'existence de contrats concomittants, ni d'une demande répondant aux conditions de l'article L622-13 du code de commerce auprès du liquidateur. Elle sera déboutée de sa demande et la résiliation du contrat de location sollicitée par la société NBB Lease sera confirmée.
Sur le contrat Parex ltd et CM-CIC leasing solutions
La société CM-CIC Leasing solutions a financé le contrat de location financière souscrit en 2017 par l'intermédiaire de la société Parex, fournisseur.
L'association [Localité 16] Petanque se prévaut du placement en liquidation judiciaire de la société Parex ltd le 16 avril 2018 et verse au débat le courrier de Me [N], liquidateur en date du 13 septembre 2018 répondant qu'il n'entendait pas poursuivre le contrat de maintenance. (Pièce 7)
Toutefois, par ordonnance du 6 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré caduc l'appel de l'association [Localité 16] pétanque à l'égard de la société CM-CIC Leasing Solutions.
Les demandes de cette association à l'égard de cette société seront donc déclarées irrecevables.
Il résulte par ailleurs des développements précédents que les demandes se rapportant à la société Parex ont été déclarées caduques et que les dispositions du jugement déféré sont définitives.
Sur le caractère excessif des clauses pénales
A titre subsidiaire, l'association [Localité 16] Petanque fait valoir que les demandes indemnitaires sont des clauses pénales manifestement excessives et doivent être modérées.
Réponse de la cour
Il sera observé à titre préliminaire que selon les propres déclarations de l'association [Localité 16] Pétanque, celle-ci n'a toujours pas restitué les matériels litigieux.
Au cas présent l'association [Localité 16] Pétanque s'est engagée à plusieurs reprises à louer des appareils de photocopies auprès de divers sociétés de financement moyennant un versement de loyers durant un laps de temps déterminé.
Les contrats stipulent,en cas de résiliation anticipée, le versement des loyers à échoir majorés de 10% résultant du non versement des loyers prévus jusqu'à leur terme à la date de résilation des contrats. Ces clauses qui prévoient en contrepartie de la résiliation anticipée une évaluation forfaitaire du préfudice subi par le loueur, constituent une clause pénale susceptible de modération si elles s'avèrent manifestement excessives.
Les résiliations anticipées susrelatées ont eu pour conséquence pour chacune des sociétés de location financière concernée, savoir la société Locam, la société Grenke et la société NBB Lease, d'entraîner objectivement un manque à gagner d'autant que la résiliation devait entraîner la restitution immédiate des biens.
Compte tenu du préjudice causé aux loueurs mais également du fait que les contrats ont été exécutés durant plusieurs années, de la nature des équipements loués, de leur dépréciation et de la situation financière des parties, il y a lieu de considérer que lesclauses pénales réclamées sont manifestement excessives. Les majorations de 10 % seront supprimées. Les indemnités de résiliation seront donc fixées ainsi qu'il suit, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt :
- pour la société Locam la somme de 3 570 euros
- pour la société Grenke la somme de 3 840 euros
- pour la société NBB Lease la somme de 9 900 euros.
Le jugement sera confirmé en ce qui concerne, d'une part, la restitution des matériels selon les modalités contractuellement stipulées et, d'autre part, les loyers échus impayés et les frais de recouvrement et intérêts y afférents, sauf à dire que les condamnations de l'association [Localité 16] Pétanque à ce titre consisteront en des fixations au passif de la procédure collective de cette association.
La créance des sociétés Locam, Grenke et NBB Lease au titre des indemnités de résiliation sera fixée au passif de la procédure collective de cette association.
Sur les frais et dépens
L'association [Localité 16] Pétanque, partie perdante, selon les dispositions de l'article 696 du code de procédure civile sera tenue aux entiers dépens, le jugement étant confirmé concernant les dépens de première instance, et d'appel.
Il convient de confirmer la condamnation prononcée par les premiers juges au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés devant la cour d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare caduc l'appel formé le 25 mars 2021 par l'association [Localité 16] Pétanque à l'égard de:
- la société SMRJ (All Burotic) représentée par Me [G], en qualité de mandataire liquidateur,
- la société Parex représentée par Me [N] , en qualité de mandataire liquidateur,
Déclare irrecevables les demandes de l'association [Localité 16] Pétanque à l'encontre de la société CM-CIC Leasing Solutions,
Confime le jugement déféré sauf à dire que les condamnations de l'association [Localité 16] Pétanque envers les sociétés Locam, Grenke Location et NBB Lease France au titre des loyers, des frais de recouvrement et des intérêts y afférents consisteront en des fixations au passif de la procédure collective de cette association, ainsi qu'en ce qui concerne le montant des indemnités de résiliation des sociétés Locam, Grenke Location et NBB Lease France ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Fixe le montant des indemnités de résiliation ainsi qu'il suit, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt :
- pour la société Locam à la somme de 3 570 euros,
- pour la société Grenke Location à la somme de 3 840 euros
- pour la société NBB Lease France à la somme de 9 900 euros,
Fixe les créances des sociétés Locam, Grenke Location, NBB Lease France au titre des indemnités de résiliation à ces montants au passif de la procédure collective de l'association [Localité 16] Pétanque;
Condamne l'assocation [Localité 16] Pétanque aux entiers dépens de la procédure d'appel;
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour.