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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 9 octobre 2025, n° 24/12672

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/12672

9 octobre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 09 OCTOBRE 2025

N°2025/537

Rôle N° RG 24/12672 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BN27S

S.A.S. NASOMEYA

C/

[M] [U] épouse [G]

[R] [U] épouse [C]

Maître [B]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Florent LADOUCE

Me Joëlle MICHEL

Me Valérie CARDONA

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du TJ de [Localité 6] en date du 16 Octobre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/01482.

APPELANTE

S.A.S. NASOMEYA

dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEES

Madame [M] [U] épouse [G]

née le 08 Mai 1958 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Joëlle MICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [R] [U] épouse [C]

née le 27 Janvier 1956 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joëlle MICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTERVENANT VOLONTAIRE

Maître [O] [B],

ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS NASOMEYA,

Mandataire judiciaire dont le siège social est [Adresse 1]

représenté par Me Valérie CARDONA, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente, et Mme Paloma REPARAZ, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Angélique NETO, Présidente

Mme Séverine MOGILKA, Conseillère rapporteur

Madame Paloma REPARAZ, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.

Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte authentique en date du 7 juin 2018, monsieur [J] [U], madame [P] [L] épouse [U], madame [M] [U] épouse [G] et madame [R] [U] épouse [C] ont donné à bail commercial à la société par actions simplifiée (SAS) Nasomeya un local constituant le lot n°6 de la copropriété située [Adresse 8], moyennant le paiement d'un loyer annuel de 38 400 euros hors- taxes, payable mensuellement par terme de 3 200 euros, d'avance le premier de chaque mois, outre le paiement des charges et de la taxe foncière.

Le 1er décembre 2023, Mmes [M] et [R] [U], en leur nom personnel et venant aux droits de leurs parents décédés, ont fait délivrer à la société Nasomeya un commandement de payer la somme principale de 5 758 euros au titre du loyer de novembre 2023 et de la taxe foncière de l'année 2023, visant la clause résolutoire contenue au contrat de bail.

Par acte de commissaire de justice en date du 19 février 2024, Mmes [U] ont fait assigner la société locataire, devant le président du tribunal judiciaire de Draguignan, statuant en référé, aux fins de voir constater 1'acquisition de la clause résolutoire, ordonner son expulsion, fixer une indemnité d'occupation et obtenir sa condamnation au paiement, à titre provisionnel, de la taxe foncière et de dommages et intérêts, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire en date du 16 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail à la date du 2 janvier 2024 ;

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Nasomeya et de tout occupant et objet de son chef des lieux loués, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier et sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance pour une durée de 60 jours passée laquelle il pourrait être de nouveau fait droit ;

- condamné la société Nasomeya à payer à Mmes [U] une indemnité d'occupation provisionnelle d'un montant 4 800 euros, après majoration du montant du loyer, en application

de la clause résolutoire, à compter du 2 janvier 2024, jusqu'à la libération complète des lieux ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de délais rétroactifs et de suspension de la clause résolutoire ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision à valoir sur les dommages et intérêts ;

- condamné la société Nasomeya aux dépens, frais de commandement inclus ;

- condamné la société Nasomeya à payer à Mmes [U] une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ce magistrat a, notamment, considéré que :

- les causes du commandement n'ayant pas été réglées dans le délai d'un mois suivant la délivrance du commandement de payer, le contrat de bail était résilié par application de la clause résolutoire ;

- la bonne foi de la société Nasomeya devait être exclue de telle sorte que la suspension de la clause résolutoire subséquemment à l'octroi de délais de paiement rétroactifs se heurtait à une contestation sérieuse.

Par déclaration transmise le 18 octobre 2024, la société Nasomeya a interjeté appel de la décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dument reprises sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision à valoir sur les dommages et intérêts.

Par jugement en date du 25 novembre 2024, le tribunal de commerce de Fréjus a placé la société Nasomeya en redressement judiciaire qui a été converti en liquidation judiciaire judiciaire le 15 mars 2025 avec désignation de Maître [O] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire.

Par conclusions transmises le 26 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Maître [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Nasomeya, demande à la cour de :

- le recevoir en son intervention volontaire du fait de l'ouverture, en cours de procédure d'appel, du redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire et du principe attaché de dessaisissement du débiteur des droits et actions sur son patrimoine au profit du liquidateur judiciaire ès qualité ;

- le dire bien fondé ;

- prendre acte de la reprise du cours de l'instance en l'état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue ;

- réformer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Et statuant de nouveau, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel,

- débouter les consorts [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions tendant à voir 'constater l'acquisition de la clause résolutoire, prononcer l'expulsion, condamner la société Nasomeya à indemnité d'occupation et demandes subséquentes comme étant irrecevables, pour se heurter au principe d'interdiction des poursuites individuelles' ;

- débouter les bailleresses de leur demande actualisée tendant à voir déclarer au passif de la procédure collective de la société Nasomeya la somme de 30 101,52 euros comme étant partiellement infondée et injustifiée ;

- fixer au passif de la procédure collective de la société Nasomeya la créance des consorts [U] à hauteur de 14 101,52 euros se décomposant comme suit :

10.923,68 euros à titre privilégié (privilège du bailleur) ;

3 177,84 euros à titre chirographaire ;

- débouter les consorts [U] de toute demande plus ample et contraire ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Au soutien de ses prétentions, Maître [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Nasomeya, explique, notamment, que :

- l'action diligentée par Mmes [U] se heurte au principe d'interdiction des poursuites individuelles ;

- il n'y a pas lieu à caducité de la décision de première instance mais à réformation ;

- la créance des bailleresses doit être fixée en retenant le montant du loyer tel que prévu par le contrat de bail puisque ce contrat n'est pas résilié.

Par conclusions transmises le 6 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mmes [U] sollicitent de la cour la fixation de leur créance à la somme de 30 101,52 euros se répartissant à hauteur de 26 923,68 euros au titre du privilège spécial du bailleur et de 3 177,84 euros à titre chirographaire, et qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.

A l'appui de leurs demandes, Mmes [U] font, notamment, valoir :

- avoir déclaré leur créance dans le cadre de la procédure collective de la société Nasomeya ;

- que la procédure de redressement judiciaire implique l'arrêt des poursuites à l'encontre de la société appelante ;

- qu'elles souhaitent voir fixer le montant de leur créance.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 24 juin 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

- Sur l'intervention volontaire de Maître [O] [B], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Nasomeya :

Aux termes de l'article 66 du code de procédure civile, constitue une intervention volontaire la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires.

En vertu de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont pas été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figure en une autre qualité.

En application des dispositions de l'article 369 du code de procédure civile, l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

En l'espèce, par jugement en date du 25 novembre 2024, le tribunal de commerce de Fréjus a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Nasomeya et désigné Maître [B], en qualité de mandataire judiciaire. Cette procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire par jugement en date du 17 mars 2025. Maître [B] a été désigné en qualité de liquidateur.

L'intervention volontaire de ce dernier est, dès lors, nécessaire pour régulariser la procédure.

Elle ne peut donc qu'être déclarée recevable.

- Sur l'appel principal :

Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 621-7 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (ou) à la résolution du contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

L'article L. 622-22 du même code dispose que, sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de créance : elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Enfin, l'article L. 631-14 précise que les articles L. 622-3 à L. 622-9, à l'exception des articles L. 622-6-1, et L. 622-13 à L 622-33, sont applicables à la procédure de redressement judiciaire.

L'instance en cours visée par l'article L 622-22, précité, est celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de cette créance, de sorte que la créance faisant l'objet d'une instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, présentant un caractère provisoire et qui ne peut donc être fixée au passif, doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire. L'ouverture de la procédure collective pendant cette instance rend donc irrecevable, dans ce cadre procédural, la demande tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

En l'espèce, il résulte des pièces versées au dossier que la société Nasomeya a été placée en redressement judiciaire le 25 novembre 2024 puis en liquidation judiciaire le 17 mars 2025, donc postérieurement à la déclaration d'appel de l'ordonnance de référé entreprise.

Mmes [U] doivent donc être déclarées irrecevables en leurs demandes présentées en première instance dont il est demandé l'infirmation par le liquidateur judiciaire de la société, visant à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion de la société locataire et la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle jusqu'à complète libération des locaux loués.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée de ces chefs.

En outre, le juge des référé ne tient d'aucune disposition légale le pouvoir de fixer une créance au passif d'une procédure collective en lieu et place du juge commissaire.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur les demandes formulées de ce chef par les parties.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:

L'infirmation de la décision de première instance résulte de l'évolution du litige et plus précisément de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Nasomeya. Il s'agit donc d'un évènement postérieur au délibéré du premier juge et subi par les intimées.

Il convient d'infirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle a condamné la société Nasomeya aux dépens et à payer à Mmes [U] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétible et de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Déclare madame [M] [U] épouse [G] et madame [R] [U] épouse [C] irrecevables en leurs demandes de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, d'expulsion de la société locataire et condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle jusqu'à complète libération des locaux loués ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de fixation au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la société Nasomeya de la créance de madame [M] [U] épouse [G] et madame [R] [U] épouse [C] ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

La greffière La présidente

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