CA Paris, Pôle 6 - ch. 2, 9 octobre 2025, n° 24/15399
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2025
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/15399 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ7RA
Décision déférée à la Cour : Décision du 30 Novembre 2023 -Tribunal arbitral de PARIS - RG n° 25542
APPELANT :
Monsieur [M] [P] [V]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Michel TAMBA MBUMBA SALAMBONGO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1069
INTIMÉS :
Monsieur [W] [E]
[Adresse 5]
[Localité 3]
S.C.O.P. S.A.R.L. [11], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 6]
[Localité 3]
Tous deux représentés par Me Patrick MILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R107
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Eric LEGRIS, président
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Eric LEGRIS, président et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société [9] a été constituée le 04 mai 2012 par acte sous seing privé.
Monsieur [M] [V] et Monsieur [W] [E] en sont les deux associés fondateurs.
Monsieur [V] était associé et salarié de la société [9].
Le 22 novembre 2019, Monsieur [V] a été convoqué à un entretien préalable, qui s'est tenu le 12 décembre 2019.
Le 20 décembre 2019, Monsieur [V] a été notifié par courrier de son licenciement pour faute grave.
Le 18 décembre 2020, Monsieur [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Caen aux fins de contestation de son licenciement. La procédure est pendante devant la cour d'appel de Caen.
Diverses procédures sont également en cours devant le tribunal judiciaire de Caen et le tribunal de commerce de Toulouse.
Le 04 mai 2022, Monsieur [V] a saisi la Commission d'arbitrage des sociétés coopératives de production, conformément à la clause compromissoire prévue dans les statuts de la Société, compétente pour connaître des conflits entre associés. Il sollicite la révocation du mandat de gérance détenu par Monsieur [E] au motif de l'irrégularité du renouvellement de celui-ci, l'accès à l'intégralité des notes de frais de la gérance, déclarer les actions entreprises par le gérant à compter du 1er janvier 2019 comme irrégulières et non conformes, ainsi que diverses sommes correspondant à des dommages-intérêts.
Le 30 novembre 2023, le Tribunal arbitral a rendu la sentence suivante :
'- Rejette la demande le sursis à statuer jusqu'à ce que la décision du Tribunal de commerce de Toulouse sur la compétence rationae materiae soit définitive de la société [9]
- Se déclare incompétent rationae materiae pour les demandes de Monsieur [M] [V] en réparation de préjudices professionnels et salariaux, au titre de salaires et d'indemnités pour perte de points de retraite.
- Rejette l'exception d'incompétence relative à la compétence du Tribunal pour statuer es qualité` sur les demandes relatives à la participation des salaries soulevée par la société` [10].
- Rejette la demande de sursis à statuer en raison de l'identité` des demandes pendantes devant le tribunal de commerce de Toulouse de la société` [10]
- Constate l'intervention de la prescription extinctive de l'action sociale de Monsieur [M] [V] concernant ses demandes relatives à l'irrégularité` des décisions de l'assemblée générale en date du 30 décembre 2018 et l'annulation de ladite assemblée générale.
- Constate l'intervention de la prescription extinctive de l'action sociale de Monsieur [M] [V]
- Constate le paiement de la somme de vingt-cinq mille quatre cent vingt et un euros et quatre-vingt-deux centimes représentatives du principal et des intérêts des droits de la participation des salaries au titre de l'exercice les 30 juin 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et pour l'exercice 2019-2020 des droits proratisés du 1e juillet au 20 décembre 2019 de l'action sociale de Monsieur [M] [V]
- Rejette la demande de dissolution de la société` [10]
- Releve son incompétence en matière de cession de commerce
En conséquence,
- Déclare irrégulière la demande d'indemnités de Monsieur [M] [V] au titre des salaires et pour perte de points de retraites
- Renvoie Monsieur [M] [V] à mieux se pouvoir devant le conseil de prud'hommes de Caen - Déclare Monsieur [M] [V] irrecevable de demander l'annulation de l'assemblée générale du 30 décembre 2018
- Déclare Monsieur [M] [V] irrecevable de demander l'engagement de la responsabilité` de Monsieur [W] [E] en qualité` de gérant de la société [10]
- Dit que Monsieur [M] [V] demeure associè de de la société` [10] tant que la contestation de son licenciement pour faute grave est pendante devant le conseil de prud'hommes de Caen et jouit de toutes les prérogatives associées en cette qualité.
- Déclare Monsieur [M] [V] irrecevable à demander l'engagement de responsabilité` de Monsieur [W] [E] en qualité` d'associè de la société [10]
- Renvoie la société [10] à mieux se pouvoir
- Rejette les demandes aux fins d'écarter certaines pièces de débats
- Déboute Monsieur [M] [V] de l'ensemble de ses demandes
- Déboute la société [10]
- Déboute Monsieur [W] [H] de ses autres demandes
- Condamne Monsieur [M] [V] aux entiers dépens
- Condamne Monsieur [M] [V] à payer à la société[1] la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- Ordonne l'exécution provisoire de la décision.'
Le 26 juillet 2024, Monsieur [V] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 2 septembre 2025, Monsieur [V] demande à la cour de :
'Vu les articles 9, 32-1, 559, 564, 1442 à 1503 du code de procédure civile
Vu les articles 1231-1, 1240 et suivants, 1347 à 1348-2, 1833, 1844-14 du Code civil
Vu l'article L235-9 du Code de commerce
Vu la loi 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production ([8])
Vu la loi 47-1775 du 10/09/1947 portant statut général de la coopération
Vu les statuts de la confédération générale des [8]
Vu le règlement d'arbitrage des [8]
Vu la jurisprudence subséquente à ces textes visés dans les présentes écritures
Vu les présentes écritures et les pièces produites aux débats
- Infirmer la sentence rendue entre les parties par le tribunal arbitral de Paris le 30 novembre 2023.
- Rejeter les demandes de la société [9] et de Monsieur [W] [E] :
o de condamnation de Monsieur [M] [V] au paiement des sommes de 5 000 € en réparation du préjudice subi pour procédure abusive,
o de paiement de 56 000 € en réparation de ses préjudices financiers,
o de paiement 6 000 € à titre d'amende civile en vertu de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
o de paiement de 3 600,00 € chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
o de remboursement du matériel acquis par la scop [11] pour 4146,71 €
o Rejeter la demande de Monsieur [W] [E] de condamnation de Monsieur [M] [V] au paiement de la somme de 3 000 € en réparation du préjudice subi pour procédure abusive ;
o Rejeter l'appel incident de la société [9] et de Monsieur [W] [E] de ces chefs.
- D'annuler l'assemblée générale du 30 décembre 2018
- D'octroyer des dommages et intérêts :
1) Au bénéfice de la scop pour la participation de Monsieur [I] [E] à des activités contraires comme définies à l'article 19 et pour un montant estimé 21 000 €, soit 7000 € par année d'activité de l'entreprise de sa conjointe de 2016 à 2018, année au cours de laquelle il n'existait plus de liens entre lui et la société.
2) Au bénéfice de Monsieur [M] [P] [V] : Pour les irrégularités du gérant à son encontre et des graves préjudices qui en résultent, dont le physique : 9 408 € et une indemnité supplémentaire de 9 408 € suite à perte de points au régime de retraite.
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] au remboursement des frais engagés par Monsieur [M] [P] [V] : 1800 €.
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] aux frais de déplacements : 1200 x 0,606 = 727 €
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] aux autres frais de déplacement : 600 x 0,606 = 363 €
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] au frais d'appel téléphonique, courrier, paperasse : 150 €
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] au frais de perception de l'ensemble des sommes dues au titre de son activité au sein de la scop [11] et non réglées sur l'ensemble des exercices comptables jusqu'au 30 juin 2022 : 25 421,82 €.
- De condamner solidairement Monsieur [W] [E] et la société [10] à la restitution des éléments comptables devant être mis à disposition des associés sur les AG qui n'ont pas eu lieu sur les exercices : 2017-2018, 2018-2019 et 2019-2020
- De dire Monsieur [M] [P] [V] a le droit d'accès aux bilans, comptes de résultats et annexes, inventaire, rapport soumis aux assemblées et au procès-verbal de ces assemblées de 2019 à 2023
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] à la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions relatives à l'article 37 de la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle.
3) Au remboursement intégral du capital social de Monsieur [M] [P] [V], soit 5000 € majoré des intérêts de retard sur 5 ans au taux en vigueur...'
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 12 février 2025, la Société et Monsieur [E] demandent à la cour de :
'Vu les articles 9, 32-1, 559, 564, 1442 à 1503 du code de procédure civile
Vu les articles 1240 et suivants, 1347 à 1348-2, 1833, 1844-14 du code civil
Vu l'article L235-9 du Code de commerce
Vu la loi 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production ([8])
Vu la loi 47-1775 du 10/09/1947 portant statut général de la coopération
Vu les statuts de la confédération générale des [8]
Vu le règlement d'arbitrage des [8]
Vu la jurisprudence subséquente à ces textes visés dans les présentes écritures
Vu les présentes écritures et les pièces produites aux débats
DEBOUTER Monsieur [M] [V] de l'intégralité de ses demandes ;
CONFIRMER la sentence rendue entre les parties par le tribunal arbitral de Paris le 30 novembre 2023, sauf en ce qu'elle a :
- Rejeté les demandes de la société [9] de condamnation de Monsieur [M] [V] au paiement des sommes de 5 000 € en réparation du préjudice subi pour procédure abusive, 56 000 € en réparation de ses préjudices financiers, 6 000 € à titre d'amende civile en vertu de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- Rejeté la demande de Monsieur [W] [E] de condamnation de Monsieur [M] [V] au paiement de la somme de 3 000 € en réparation du préjudice subi pour procédure abusive ;
ACCUEILLIR l'appel incident de la société [9] et de Monsieur [W] [E] de ces chefs et, STATUANT à nouveau,
CONDAMNER Monsieur [M] [V] à payer à la société [9] la somme de 5 000 € en réparation du préjudice résultant du caractère abusif des procédures engagées
CONDAMNER Monsieur [M] [V] à payer à la société [9] la somme de 56 000 € en réparation de ses préjudices financiers
CONDAMNER Monsieur [M] [V] à payer à Monsieur [W] [E] la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral.
CONDAMNER Monsieur [M] [V] au paiement de la somme de 5 000 € à titre d'amende civile sur le fondement des dispositions des articles 32-1 et 559 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [M] [F] à payer à la société [9] et à Monsieur [W] [E] la somme de 3 600,00 € chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [M] [V] aux entiers dépens ;'
La clôture a été prononcée le 05 septembre 2025.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'annulation de l'assemblée générale du 30 décembre 2018 :
Monsieur [V] fait valoir que :
- Monsieur [E] n'a pas tenu de réunion de fin d'exercice en présence des associé, n'a pas transmis de convocation conforme d'assemblée générale, ni d'ordre du jour à Monsieur [V] et a également falsifié des documents laissant croire à sa présence. Il a ainsi violé le titre V article 27 et suivants des statuts de la Société.
- Monsieur [V] a été dans l'impossibilité de demander l'inscription à l'ordre du jour de projets de résolutions et la feuille de présence a été altérée.
- L'irrégularité de sa gérance justifie l'annulation des actes pris à compter du 1er janvier 2019.
La Société et M. [E] opposent que :
- L'action en nullité d'une délibération sociale se prescrit par trois ans à compter du jour où la délibération est prise, conformément à l'article L.235-9 du code de commerce.
- Le Tribunal arbitral a donc très justement déclaré l'action prescrite.
Sur ce,
L'article L. 235-9 du code de commerce dispose en son alinéa premier que :
'Les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, sous réserve de la forclusion prévue à l'article L. 235-6.'
En application de cet article, l'action en nullité d'une délibération sociale se prescrit, comme l'ont rappelé les premiers juges, à compter du jour ou la délibération litigieuse est prise, sauf dissimulation entraînant une impossibilité d'agir ; en cas de dissimulation, le point de départ du délai est alors reporté au jour ou la délibération est révélée à l'associé qui en demande l'annulation ; le fait pour un associé de ne pas avoir été convoqué à une assemblée générale ne suffit pas à établir la dissimulation de celle-ci, la dissimulation impliquant un élément intentionnel caractérisé par la volonté de cacher la tenue de l'assemblée à l'associé demandeur.
En l'espèce, l'assemblée générale litigieuse est celle du 30 décembre 2018. La Commission d'arbitrage a été saisie une première fois par acte en date du 26 mars 2022 ; un acte de saisine rectificatif a été reçu par ladite commission en date du 04 mai 2022.
Monsieur [V] conteste l'application du délai de trois ans prévu aux termes de l'article précité et son point de départ en invoquant une falsification de documents et une dissimulation des éléments associés à l'assemblée générale, ajoutant qu'ils n'ont été présents sur le serveur que courant février 2019.
S'il justifie avoir déposé une plainte pour faux et usage de faux devant le procureur de la République puis une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Toulouse, les intimés versent aux débats un avis de classement sans suite daté du 23 juin 2022 visant des faits de faux et il ressort des pièces produites aux débats que la plainte avec constitution de partie civile a elle-même fait l'objet d'une ordonnance de refus d'informer rendue le 30 juin 2025.
La présence sur un serveur de documents concernant cette assemblée générale, à la date du 19 février 2019, avec une mention 'modifié' à cette date, ne suffit pas à elle seule à démontrer leur dissimulation antérieure.
Les premiers juges ont justement retenu que le délai de prescription a commencé à courir à compter du 30 décembre 2018 et jusqu'au 30 décembre 2021.
En tout état de cause, à supposer que le point de départ ait été différé à compter de la date du 19 février 2019, le délai de prescription de trois ans applicable relativement à l'assemblée générale litigieuse aurait expiré au 19 février 2022, de sorte qu'il était également expiré à la date de la saisine de la Commission d'arbitrage soit le 26 mars 2022 comme le 04 mai 2022.
La sentence arbitrale rendue le 30 novembre 2023 est en conséquence confirmée en ce qu'elle a constaté l'intervention de la prescription extinctive de l'action sociale de Monsieur [G] concernant ses demandes relatives à l'irrégularité des décisions de l'assemblée générale en date du 30 décembre 2018 et à l'annulation de ladite assemblée générale.
Sur les demandes de dommages-intérêts :
Monsieur [V] fait valoir que :
- La participation de Monsieur [E] à des activités contraires à l'article 19 justifie d'abord l'octroi de 21.000 euros de dommages-intérêts au bénéfice de la [8].
- Les irrégularités commises par le gérant créent divers préjudices à l'encontre de Monsieur [V].
Un préjudice lié à l'absence d'activité salariale entre janvier 2020 et juin 2020 alors que l'activité de Monsieur [V] a produit des résultats et généré de nouveaux contrats.
Un préjudice lié à la perte de points au régime de retraite, et l'impossibilité de trouver un emploi en raison de ces préjudices.
La Société et M. [E] opposent que les accusations de Monsieur [V] sont diffamatoires et que ce dernier n'apporte aucun élément à l'appui de ses demandes. Le Tribunal arbitral a très justement rappelé que les actions contre le gérant se prescrivent par 3 ans et relevé qu'il n'était pas justifiée par Monsieur [V] de demandes postérieures au 4 mai 2019.
Sur ce,
L'article L. 223-23 du code de commerce dispose que :
'Les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans.'
L'article L.223-22 vise notamment la responsabilité des gérants envers la société ou envers les tiers, au regard soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
En l'espèce, l'appelant procède essentiellement par voie d'affirmation lorsqu'il invoque une dissimulation permanente des éléments de gestion de l'entreprise, comme de ceux des assemblées générales de clôture des exercices 2017-2018 à 2019-2020 et des compte-rendu correspondant.
Rappelant ensuite les dispositions de l'article 19 des statuts de l'entreprise selon lesquelles '(...) tout associé s'interdit, pendant la période pendant laquelle il fait partie de la [8], et pendant une période de 5 ans à compter du jour de son départ, de créer, gérer, exploiter directement ou indirectement une entreprise ayant en tout ou partie le même objet que la Société et exerçant son activité dans la zonz géographique définie (...), il se réfère à des pièces qu'il relie à un financement de l'activité de la compagne de Monsieur [E] entre le 17 août 2015 et l'année 2017, puis invoque à l'encontre de celui-ci des abus de biens sociaux et évoque leur connaissance en février 2019.
Il est d'abord observé que les intimés produisent aux débats un avis de classement sans suite du 10 mai 2022 se rapportant à une plainte déposée notamment du chef d'abus de biens sociaux.
Surtout, il est rappelé que la saisine de la Commission d'arbitrage est intervenue initialement en date du 26 mars 2022, complétée le 04 mai 2022.
Il a donc lieu de confirmer la sentence arbitrale rendue le 30 novembre 2023 en ce qu'elle a retenu l'intervention de la prescription extinctive de l'action de Monsieur [V] concernant la responsabilité de Monsieur [E] en qualité de gérant, les faits invoqués au soutien de cette demande formée devant la Commission d'arbitrage étant prescrits à la date de sa saisine.
Par ailleurs, s'agissant des demandes de dommages et intérêts et contrepartie réclamée en lien avec une activité salariale entre janvier 2020 et juin 2020 qu'il n'a pu effectuer, un préjudice lié à la perte de points au régime de retraite et l'impossibilité de trouver un emploi en raison de ces préjudices, il est rappelé qu'en application de l'article L. 1411-1 du code du travail 'le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs representants, et les salariés qu'iIs emploient' et que l'article L. 1411-4 alinéa 1 du même code dispose que :
'le conseil de prud'hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaitre des differends mentionnés au present chapitre. Toute convention contraire est réputee non écrite.
Le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaitre des litiges attribués a une autre
juridiction par Ia loi, notomment par le code de la sécurité sociale en matière d'accidents du travail et maladies professionnelles.'
Il y a donc lieu de confirmer aussi la sentence arbitrale en ce qu'elle s'est déclarée incompétente rationae materiae pour les demandes de Monsieur [V] en réparation de préjudices professionnels et salariaux et d'indemnités pour perte de points de retraite.
Sur la demande de remboursement des frais :
Monsieur [V] sollicite le remboursement des frais engagés par rapport au nombre d'heures passées à la rédaction de conclusions et à des recherches documentaires, le remboursement de ses déplacements à [Localité 7] et de ses appels téléphoniques.
La Société et M. [E] opposent qu'aucune explication ni pièce n'est fournie quant à cette demande.
Sur ce,
Si l'appelant évoque des frais de téléphone, de courrier et de transport ainsi que du temps passé avec rédaction d'argumentaires, pour la gestion de cette 'affaire', il effectue des évaluations sur des bases forfaitaires et unilatérales, sans justificatifs de dépenses, et les frais irrépétibles seront examinés dans le cadre des motifs ultérieurs. Il justifie par ailleurs d'un suivi médical sans expliciter ni justifier non plus d'un montant ni d'un lien avec la demande de remboursement formée.
Le rejet de cette demande est donc également confirmé.
Sur la demande au titre de la participation :
Monsieur [F] fait valoir qu'il a encore participé au résultat de l'entreprise après 2019 et peut donc solliciter la condamnation à des dommages et intérêts équivalente aux résultats obtenus, de 2019 jusqu'au 30 juin 2022, soit la somme de 25.421 euros.
La Société et M. [E] opposent que cette demande est nouvelle et par suite irrecevable, que le montant réclamé correspond précisément à celui qui a déjà été versé par la société à ce titre le 06 avril 2023 et que cette demande relève exclusivement de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale.
Sur ce,
Les intimés font d'abord valoir que cette demande n'apparaît pas avoir été soumise par Monsieur [V] à la commission d'arbitrage de sorte que celle-ci constitue une demande nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et, dès lors, irrecevable, puis rappelle 'surabondamment' que de telles demandes relèvent de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale.
L'article 564 du code de procédure civile dispose que ' à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'
En l'espèce, le tribunal arbitral a cependant mentionné dans sa décision, au titre des demandes de Monsieur [V], que celui-ci lui a demandé 'de percevoir l'ensemble des sommes dues au titre de son activité au sein de la société [9] et non réglées à ce jour, comme de sa participation aux résultats de la société [9] sur l'ensemble des exercices comptables jusqu'au 30 juin 2022", même s'il est observé que, contrairement aux autres chefs de demandes rappelés, il n'est pas fait mention d'un montant quantifié réclamé.
La demande reprise en cause d'appel n'est donc pas nouvelle ; elle est donc recevable.
Il est ensuite rappelé que le tribunal arbitral a constaté le paiement de la somme de vingt-cinq mille quatre cent vingt et un euros et quatre-vingt-deux centimes représentative du principal et des intérêts des droits de la participation des salaries au titre de l'exercice les 30 juin 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et pour l'exercice 2019-2020 des droits proratisés du 1er juillet au 20 décembre 2019 de l'action sociale de Monsieur [V].
Monsieur [F] soutient pour sa part que son travail en amont porte encore ses fruits au-delà de son départ.
Le tribunal arbitral a rappelé que les articles 10 et 11 de la loi du 19 juillet 1978 portant sur les [8] établissent un lien entre le contrat de travail et le contrat de société, que l'article 10 de la loi précitée dispose que 'sauf stipulations contraires des statuts, [...], toute rupture du contrat de travail entraîne la perte de la qualité d'associé [...]', l'article 11 que 'la mise à la retraite, le licenciement pour cause économique ou l'invalidité rendant I'intéressé inapte au travail n'entrainent pas la perte de la qualité d'associé' et que l'article 16.2 des statuts de la société a usé de la faculté de l'article 10 de la loi en ajoutant, relativement aux modes de rupture du contrat de travail ne faisant pas perdre la qualité d'associé, 'le licenciement lorsqu'il n'a pas un motif réel et sérieux ou dès lors que ce motifs réel et sérieux est contesté', et justement retenu, concernant la demande de Monsieur [V] quant au versement et au montant des sommes liées à sa participation aux résultats de l'entreprise, que celle-ci étant directement dépendante de la décision du conseil de prud'hommes de Caen - et désormais de la cour d'appel - concernant le licenciement dont il a fait l'objet et ne comportant pas de spécificités liées à l'application des dispositions particulières aux [8], le tribunal, en application des dispositions d'application générale des articles L. 3322-1 et suivants du code du travail, est incompétent afin de connaitre de la situation salariale de Monsieur [V] avec la société [9], cette compétence étant exclusivement attribuée au conseil de prud'hommes en application de l'article L. 1411-4 alinéa 1 de ce code précédemment cité.
La décision est confirmée sur ce point.
Sur les autres demandes :
Monsieur [V] évoque diverses autres demandes, dont le règlement du solde d'achat de son entreprise, la restitution des éléments comptables mis à disposition des associés sur les assemblées générales qui n'ont pas eu lieu sur les exercices 2017-2018 et 2018-2019, l'accès aux bilans, comptes de résultats et annexes, inventaire, rapport soumis aux assemblées et procès-verbaux de ces assemblées de 2019 à 2023.
La Société et M. [E] opposent que :
- Les demandes sont autant incompréhensibles qu'injustifiées.
- Les demandes n'ont pas été soumises au tribunal arbitral, ne relèvent pas de la compétence de ce dernier et constituent une demande nouvelle en cause d'appel et ont d'ailleurs été en partie soumises par Monsieur [V] au tribunal de commerce de Toulouse.
Sur ce,
L'appelant indique lui-même dans ses écritures que la demande de règlement du solde d'acquisition de l'entreprise de Monsieur [V] par la société [11] n'est plus d'actualité, le tribunal de commerce de Toulouse ayant reconnu, en date de juin 2025, le bien-fondé de sa demande, et que c'est à l'appui de cette demande, et pour un contrôle factuel des éléments, qu'il avait été demandé d'avoir accès aux comptes de l'entreprise sur ses premières années d'activité.
Il n'est pas non plus repris au dispositif de ses écritures de demande de restitution de matériel.
S'agissant des demandes de restitution des éléments comptables se rapportant aux exercices 2017-2018 et 2018-2019 et d'accès aux bilans, comptes de résultats et annexes, inventaire, rapport soumis aux assemblées et procès-verbaux de ces assemblées de 2019 à 2023, si la décision arbitrale avait évoqué, pour rejeter une exception de litispendance, une demande initiale du demandeur de communication de documents sociaux, l'appelant n'explicite pas suffisamment ni ne démontre en quoi ces éléments lui seraient utiles ou nécessaires, en dehors de réclamations de nature salariale, sur lesquelles le conseil de prud'hommes serait seul compétent.
Ces autres demandes de Monsieur [V] seront en conséquence rejetées.
Sur les demandes incidentes de la Société :
La Société et M. [E] font valoir que :
- L'appel de Monsieur [V] est abusif. Les écritures de celui-ci sont inintelligibles et non étayées de moyens sérieux, se contentant de formuler des demandes sans justification. Il convient donc d'octroyer à la Société des dommages-intérêts d'un montant de 5.000 euros.
- Les agissements de Monsieur [V] ont généré un préjudice financier conséquent pour la Société, entraînant un manque de productivité. De plus, les fautes commises par Monsieur [V] en qualité d'associé de la Société ont généré des frais importants pour la Société.
- Les agissements de Monsieur [V] ont généré un préjudice moral à Monsieur [H].
- Ils demandent également la condamnation de Monsieur [V] à une amende civile de 5.000 euros sur le fondement des articles 32-1 et 559 du code de procédure civile.
Monsieur [V] oppose que :
- Ses démarches sont justifiées en raison des dérives de Monsieur [E] et de la perte de son statut d'associé.
- La Société n'a pas subi de préjudice financier et souhaite faire reposer le manque de résultats sur les actions de Monsieur [V].
- Monsieur [E] n'a pas subi de préjudice moral. Il ressort du compte rendu médical qu'il ne présente pas d'antécédents. Ses problèmes de santé ne peuvent donc pas être imputés à cette situation.
- La demande d'amende civile n'est pas justifiée.
Sur ce,
L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive et les intimés ne démontrent pas l'intention de nuire qu'ils allèguent à l'encontre de Monsieur [V].
Les éléments qu'ils produisent, comme une estimation du 'temps passé' par le gérant dans le cadre du traitement du litige, l'invocation d'abus ou de déstabilisations, ou la mention d'une 'menace' pour la Société attribuée à nouveau aux litiges entre les parties, ou même l'achat ultérieur par la Société de matériels informatique ou téléphonique, sont aussi insuffisants à caractériser une faute de Monsieur [V], indépendante du seul exercice de l'action en justice, ayant causé un préjudice à la société [9].
Les pièces médicales produites aux débats - au demeurant de part et d'autre - demeurent également insuffisantes à caractériser une telle faute en lien avec le préjudice moral invoqué par Monsieur [E].
Enfin, la cour ne peut que rappeler qu'il n'appartient pas à une partie de solliciter le prononcé d'une amende civile, lequel relève du pouvoir discrétionnaire du juge et n'apparaît pas justifié en l'espèce.
En conséquence, le rejet de l'ensemble des demandes reconventionnelles de la Société sera confirmé.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de Monsieur [V], qui seront recouvrés conformément à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.
Il convient, au regard des circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais par elles exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME la sentence arbitrale rendue le 30 novembre 2023,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE Monsieur [V] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle
LAISSE à la charge de chacune des parties les frais par elles exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
La Greffière Le Président
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2025
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/15399 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ7RA
Décision déférée à la Cour : Décision du 30 Novembre 2023 -Tribunal arbitral de PARIS - RG n° 25542
APPELANT :
Monsieur [M] [P] [V]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Michel TAMBA MBUMBA SALAMBONGO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1069
INTIMÉS :
Monsieur [W] [E]
[Adresse 5]
[Localité 3]
S.C.O.P. S.A.R.L. [11], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 6]
[Localité 3]
Tous deux représentés par Me Patrick MILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R107
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Eric LEGRIS, président
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Eric LEGRIS, président et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société [9] a été constituée le 04 mai 2012 par acte sous seing privé.
Monsieur [M] [V] et Monsieur [W] [E] en sont les deux associés fondateurs.
Monsieur [V] était associé et salarié de la société [9].
Le 22 novembre 2019, Monsieur [V] a été convoqué à un entretien préalable, qui s'est tenu le 12 décembre 2019.
Le 20 décembre 2019, Monsieur [V] a été notifié par courrier de son licenciement pour faute grave.
Le 18 décembre 2020, Monsieur [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Caen aux fins de contestation de son licenciement. La procédure est pendante devant la cour d'appel de Caen.
Diverses procédures sont également en cours devant le tribunal judiciaire de Caen et le tribunal de commerce de Toulouse.
Le 04 mai 2022, Monsieur [V] a saisi la Commission d'arbitrage des sociétés coopératives de production, conformément à la clause compromissoire prévue dans les statuts de la Société, compétente pour connaître des conflits entre associés. Il sollicite la révocation du mandat de gérance détenu par Monsieur [E] au motif de l'irrégularité du renouvellement de celui-ci, l'accès à l'intégralité des notes de frais de la gérance, déclarer les actions entreprises par le gérant à compter du 1er janvier 2019 comme irrégulières et non conformes, ainsi que diverses sommes correspondant à des dommages-intérêts.
Le 30 novembre 2023, le Tribunal arbitral a rendu la sentence suivante :
'- Rejette la demande le sursis à statuer jusqu'à ce que la décision du Tribunal de commerce de Toulouse sur la compétence rationae materiae soit définitive de la société [9]
- Se déclare incompétent rationae materiae pour les demandes de Monsieur [M] [V] en réparation de préjudices professionnels et salariaux, au titre de salaires et d'indemnités pour perte de points de retraite.
- Rejette l'exception d'incompétence relative à la compétence du Tribunal pour statuer es qualité` sur les demandes relatives à la participation des salaries soulevée par la société` [10].
- Rejette la demande de sursis à statuer en raison de l'identité` des demandes pendantes devant le tribunal de commerce de Toulouse de la société` [10]
- Constate l'intervention de la prescription extinctive de l'action sociale de Monsieur [M] [V] concernant ses demandes relatives à l'irrégularité` des décisions de l'assemblée générale en date du 30 décembre 2018 et l'annulation de ladite assemblée générale.
- Constate l'intervention de la prescription extinctive de l'action sociale de Monsieur [M] [V]
- Constate le paiement de la somme de vingt-cinq mille quatre cent vingt et un euros et quatre-vingt-deux centimes représentatives du principal et des intérêts des droits de la participation des salaries au titre de l'exercice les 30 juin 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et pour l'exercice 2019-2020 des droits proratisés du 1e juillet au 20 décembre 2019 de l'action sociale de Monsieur [M] [V]
- Rejette la demande de dissolution de la société` [10]
- Releve son incompétence en matière de cession de commerce
En conséquence,
- Déclare irrégulière la demande d'indemnités de Monsieur [M] [V] au titre des salaires et pour perte de points de retraites
- Renvoie Monsieur [M] [V] à mieux se pouvoir devant le conseil de prud'hommes de Caen - Déclare Monsieur [M] [V] irrecevable de demander l'annulation de l'assemblée générale du 30 décembre 2018
- Déclare Monsieur [M] [V] irrecevable de demander l'engagement de la responsabilité` de Monsieur [W] [E] en qualité` de gérant de la société [10]
- Dit que Monsieur [M] [V] demeure associè de de la société` [10] tant que la contestation de son licenciement pour faute grave est pendante devant le conseil de prud'hommes de Caen et jouit de toutes les prérogatives associées en cette qualité.
- Déclare Monsieur [M] [V] irrecevable à demander l'engagement de responsabilité` de Monsieur [W] [E] en qualité` d'associè de la société [10]
- Renvoie la société [10] à mieux se pouvoir
- Rejette les demandes aux fins d'écarter certaines pièces de débats
- Déboute Monsieur [M] [V] de l'ensemble de ses demandes
- Déboute la société [10]
- Déboute Monsieur [W] [H] de ses autres demandes
- Condamne Monsieur [M] [V] aux entiers dépens
- Condamne Monsieur [M] [V] à payer à la société[1] la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- Ordonne l'exécution provisoire de la décision.'
Le 26 juillet 2024, Monsieur [V] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 2 septembre 2025, Monsieur [V] demande à la cour de :
'Vu les articles 9, 32-1, 559, 564, 1442 à 1503 du code de procédure civile
Vu les articles 1231-1, 1240 et suivants, 1347 à 1348-2, 1833, 1844-14 du Code civil
Vu l'article L235-9 du Code de commerce
Vu la loi 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production ([8])
Vu la loi 47-1775 du 10/09/1947 portant statut général de la coopération
Vu les statuts de la confédération générale des [8]
Vu le règlement d'arbitrage des [8]
Vu la jurisprudence subséquente à ces textes visés dans les présentes écritures
Vu les présentes écritures et les pièces produites aux débats
- Infirmer la sentence rendue entre les parties par le tribunal arbitral de Paris le 30 novembre 2023.
- Rejeter les demandes de la société [9] et de Monsieur [W] [E] :
o de condamnation de Monsieur [M] [V] au paiement des sommes de 5 000 € en réparation du préjudice subi pour procédure abusive,
o de paiement de 56 000 € en réparation de ses préjudices financiers,
o de paiement 6 000 € à titre d'amende civile en vertu de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
o de paiement de 3 600,00 € chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
o de remboursement du matériel acquis par la scop [11] pour 4146,71 €
o Rejeter la demande de Monsieur [W] [E] de condamnation de Monsieur [M] [V] au paiement de la somme de 3 000 € en réparation du préjudice subi pour procédure abusive ;
o Rejeter l'appel incident de la société [9] et de Monsieur [W] [E] de ces chefs.
- D'annuler l'assemblée générale du 30 décembre 2018
- D'octroyer des dommages et intérêts :
1) Au bénéfice de la scop pour la participation de Monsieur [I] [E] à des activités contraires comme définies à l'article 19 et pour un montant estimé 21 000 €, soit 7000 € par année d'activité de l'entreprise de sa conjointe de 2016 à 2018, année au cours de laquelle il n'existait plus de liens entre lui et la société.
2) Au bénéfice de Monsieur [M] [P] [V] : Pour les irrégularités du gérant à son encontre et des graves préjudices qui en résultent, dont le physique : 9 408 € et une indemnité supplémentaire de 9 408 € suite à perte de points au régime de retraite.
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] au remboursement des frais engagés par Monsieur [M] [P] [V] : 1800 €.
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] aux frais de déplacements : 1200 x 0,606 = 727 €
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] aux autres frais de déplacement : 600 x 0,606 = 363 €
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] au frais d'appel téléphonique, courrier, paperasse : 150 €
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] au frais de perception de l'ensemble des sommes dues au titre de son activité au sein de la scop [11] et non réglées sur l'ensemble des exercices comptables jusqu'au 30 juin 2022 : 25 421,82 €.
- De condamner solidairement Monsieur [W] [E] et la société [10] à la restitution des éléments comptables devant être mis à disposition des associés sur les AG qui n'ont pas eu lieu sur les exercices : 2017-2018, 2018-2019 et 2019-2020
- De dire Monsieur [M] [P] [V] a le droit d'accès aux bilans, comptes de résultats et annexes, inventaire, rapport soumis aux assemblées et au procès-verbal de ces assemblées de 2019 à 2023
- De condamner solidairement Monsieur [I] [E] et la société [10] à la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions relatives à l'article 37 de la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle.
3) Au remboursement intégral du capital social de Monsieur [M] [P] [V], soit 5000 € majoré des intérêts de retard sur 5 ans au taux en vigueur...'
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 12 février 2025, la Société et Monsieur [E] demandent à la cour de :
'Vu les articles 9, 32-1, 559, 564, 1442 à 1503 du code de procédure civile
Vu les articles 1240 et suivants, 1347 à 1348-2, 1833, 1844-14 du code civil
Vu l'article L235-9 du Code de commerce
Vu la loi 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production ([8])
Vu la loi 47-1775 du 10/09/1947 portant statut général de la coopération
Vu les statuts de la confédération générale des [8]
Vu le règlement d'arbitrage des [8]
Vu la jurisprudence subséquente à ces textes visés dans les présentes écritures
Vu les présentes écritures et les pièces produites aux débats
DEBOUTER Monsieur [M] [V] de l'intégralité de ses demandes ;
CONFIRMER la sentence rendue entre les parties par le tribunal arbitral de Paris le 30 novembre 2023, sauf en ce qu'elle a :
- Rejeté les demandes de la société [9] de condamnation de Monsieur [M] [V] au paiement des sommes de 5 000 € en réparation du préjudice subi pour procédure abusive, 56 000 € en réparation de ses préjudices financiers, 6 000 € à titre d'amende civile en vertu de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- Rejeté la demande de Monsieur [W] [E] de condamnation de Monsieur [M] [V] au paiement de la somme de 3 000 € en réparation du préjudice subi pour procédure abusive ;
ACCUEILLIR l'appel incident de la société [9] et de Monsieur [W] [E] de ces chefs et, STATUANT à nouveau,
CONDAMNER Monsieur [M] [V] à payer à la société [9] la somme de 5 000 € en réparation du préjudice résultant du caractère abusif des procédures engagées
CONDAMNER Monsieur [M] [V] à payer à la société [9] la somme de 56 000 € en réparation de ses préjudices financiers
CONDAMNER Monsieur [M] [V] à payer à Monsieur [W] [E] la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral.
CONDAMNER Monsieur [M] [V] au paiement de la somme de 5 000 € à titre d'amende civile sur le fondement des dispositions des articles 32-1 et 559 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [M] [F] à payer à la société [9] et à Monsieur [W] [E] la somme de 3 600,00 € chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [M] [V] aux entiers dépens ;'
La clôture a été prononcée le 05 septembre 2025.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'annulation de l'assemblée générale du 30 décembre 2018 :
Monsieur [V] fait valoir que :
- Monsieur [E] n'a pas tenu de réunion de fin d'exercice en présence des associé, n'a pas transmis de convocation conforme d'assemblée générale, ni d'ordre du jour à Monsieur [V] et a également falsifié des documents laissant croire à sa présence. Il a ainsi violé le titre V article 27 et suivants des statuts de la Société.
- Monsieur [V] a été dans l'impossibilité de demander l'inscription à l'ordre du jour de projets de résolutions et la feuille de présence a été altérée.
- L'irrégularité de sa gérance justifie l'annulation des actes pris à compter du 1er janvier 2019.
La Société et M. [E] opposent que :
- L'action en nullité d'une délibération sociale se prescrit par trois ans à compter du jour où la délibération est prise, conformément à l'article L.235-9 du code de commerce.
- Le Tribunal arbitral a donc très justement déclaré l'action prescrite.
Sur ce,
L'article L. 235-9 du code de commerce dispose en son alinéa premier que :
'Les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, sous réserve de la forclusion prévue à l'article L. 235-6.'
En application de cet article, l'action en nullité d'une délibération sociale se prescrit, comme l'ont rappelé les premiers juges, à compter du jour ou la délibération litigieuse est prise, sauf dissimulation entraînant une impossibilité d'agir ; en cas de dissimulation, le point de départ du délai est alors reporté au jour ou la délibération est révélée à l'associé qui en demande l'annulation ; le fait pour un associé de ne pas avoir été convoqué à une assemblée générale ne suffit pas à établir la dissimulation de celle-ci, la dissimulation impliquant un élément intentionnel caractérisé par la volonté de cacher la tenue de l'assemblée à l'associé demandeur.
En l'espèce, l'assemblée générale litigieuse est celle du 30 décembre 2018. La Commission d'arbitrage a été saisie une première fois par acte en date du 26 mars 2022 ; un acte de saisine rectificatif a été reçu par ladite commission en date du 04 mai 2022.
Monsieur [V] conteste l'application du délai de trois ans prévu aux termes de l'article précité et son point de départ en invoquant une falsification de documents et une dissimulation des éléments associés à l'assemblée générale, ajoutant qu'ils n'ont été présents sur le serveur que courant février 2019.
S'il justifie avoir déposé une plainte pour faux et usage de faux devant le procureur de la République puis une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Toulouse, les intimés versent aux débats un avis de classement sans suite daté du 23 juin 2022 visant des faits de faux et il ressort des pièces produites aux débats que la plainte avec constitution de partie civile a elle-même fait l'objet d'une ordonnance de refus d'informer rendue le 30 juin 2025.
La présence sur un serveur de documents concernant cette assemblée générale, à la date du 19 février 2019, avec une mention 'modifié' à cette date, ne suffit pas à elle seule à démontrer leur dissimulation antérieure.
Les premiers juges ont justement retenu que le délai de prescription a commencé à courir à compter du 30 décembre 2018 et jusqu'au 30 décembre 2021.
En tout état de cause, à supposer que le point de départ ait été différé à compter de la date du 19 février 2019, le délai de prescription de trois ans applicable relativement à l'assemblée générale litigieuse aurait expiré au 19 février 2022, de sorte qu'il était également expiré à la date de la saisine de la Commission d'arbitrage soit le 26 mars 2022 comme le 04 mai 2022.
La sentence arbitrale rendue le 30 novembre 2023 est en conséquence confirmée en ce qu'elle a constaté l'intervention de la prescription extinctive de l'action sociale de Monsieur [G] concernant ses demandes relatives à l'irrégularité des décisions de l'assemblée générale en date du 30 décembre 2018 et à l'annulation de ladite assemblée générale.
Sur les demandes de dommages-intérêts :
Monsieur [V] fait valoir que :
- La participation de Monsieur [E] à des activités contraires à l'article 19 justifie d'abord l'octroi de 21.000 euros de dommages-intérêts au bénéfice de la [8].
- Les irrégularités commises par le gérant créent divers préjudices à l'encontre de Monsieur [V].
Un préjudice lié à l'absence d'activité salariale entre janvier 2020 et juin 2020 alors que l'activité de Monsieur [V] a produit des résultats et généré de nouveaux contrats.
Un préjudice lié à la perte de points au régime de retraite, et l'impossibilité de trouver un emploi en raison de ces préjudices.
La Société et M. [E] opposent que les accusations de Monsieur [V] sont diffamatoires et que ce dernier n'apporte aucun élément à l'appui de ses demandes. Le Tribunal arbitral a très justement rappelé que les actions contre le gérant se prescrivent par 3 ans et relevé qu'il n'était pas justifiée par Monsieur [V] de demandes postérieures au 4 mai 2019.
Sur ce,
L'article L. 223-23 du code de commerce dispose que :
'Les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans.'
L'article L.223-22 vise notamment la responsabilité des gérants envers la société ou envers les tiers, au regard soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
En l'espèce, l'appelant procède essentiellement par voie d'affirmation lorsqu'il invoque une dissimulation permanente des éléments de gestion de l'entreprise, comme de ceux des assemblées générales de clôture des exercices 2017-2018 à 2019-2020 et des compte-rendu correspondant.
Rappelant ensuite les dispositions de l'article 19 des statuts de l'entreprise selon lesquelles '(...) tout associé s'interdit, pendant la période pendant laquelle il fait partie de la [8], et pendant une période de 5 ans à compter du jour de son départ, de créer, gérer, exploiter directement ou indirectement une entreprise ayant en tout ou partie le même objet que la Société et exerçant son activité dans la zonz géographique définie (...), il se réfère à des pièces qu'il relie à un financement de l'activité de la compagne de Monsieur [E] entre le 17 août 2015 et l'année 2017, puis invoque à l'encontre de celui-ci des abus de biens sociaux et évoque leur connaissance en février 2019.
Il est d'abord observé que les intimés produisent aux débats un avis de classement sans suite du 10 mai 2022 se rapportant à une plainte déposée notamment du chef d'abus de biens sociaux.
Surtout, il est rappelé que la saisine de la Commission d'arbitrage est intervenue initialement en date du 26 mars 2022, complétée le 04 mai 2022.
Il a donc lieu de confirmer la sentence arbitrale rendue le 30 novembre 2023 en ce qu'elle a retenu l'intervention de la prescription extinctive de l'action de Monsieur [V] concernant la responsabilité de Monsieur [E] en qualité de gérant, les faits invoqués au soutien de cette demande formée devant la Commission d'arbitrage étant prescrits à la date de sa saisine.
Par ailleurs, s'agissant des demandes de dommages et intérêts et contrepartie réclamée en lien avec une activité salariale entre janvier 2020 et juin 2020 qu'il n'a pu effectuer, un préjudice lié à la perte de points au régime de retraite et l'impossibilité de trouver un emploi en raison de ces préjudices, il est rappelé qu'en application de l'article L. 1411-1 du code du travail 'le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs representants, et les salariés qu'iIs emploient' et que l'article L. 1411-4 alinéa 1 du même code dispose que :
'le conseil de prud'hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaitre des differends mentionnés au present chapitre. Toute convention contraire est réputee non écrite.
Le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaitre des litiges attribués a une autre
juridiction par Ia loi, notomment par le code de la sécurité sociale en matière d'accidents du travail et maladies professionnelles.'
Il y a donc lieu de confirmer aussi la sentence arbitrale en ce qu'elle s'est déclarée incompétente rationae materiae pour les demandes de Monsieur [V] en réparation de préjudices professionnels et salariaux et d'indemnités pour perte de points de retraite.
Sur la demande de remboursement des frais :
Monsieur [V] sollicite le remboursement des frais engagés par rapport au nombre d'heures passées à la rédaction de conclusions et à des recherches documentaires, le remboursement de ses déplacements à [Localité 7] et de ses appels téléphoniques.
La Société et M. [E] opposent qu'aucune explication ni pièce n'est fournie quant à cette demande.
Sur ce,
Si l'appelant évoque des frais de téléphone, de courrier et de transport ainsi que du temps passé avec rédaction d'argumentaires, pour la gestion de cette 'affaire', il effectue des évaluations sur des bases forfaitaires et unilatérales, sans justificatifs de dépenses, et les frais irrépétibles seront examinés dans le cadre des motifs ultérieurs. Il justifie par ailleurs d'un suivi médical sans expliciter ni justifier non plus d'un montant ni d'un lien avec la demande de remboursement formée.
Le rejet de cette demande est donc également confirmé.
Sur la demande au titre de la participation :
Monsieur [F] fait valoir qu'il a encore participé au résultat de l'entreprise après 2019 et peut donc solliciter la condamnation à des dommages et intérêts équivalente aux résultats obtenus, de 2019 jusqu'au 30 juin 2022, soit la somme de 25.421 euros.
La Société et M. [E] opposent que cette demande est nouvelle et par suite irrecevable, que le montant réclamé correspond précisément à celui qui a déjà été versé par la société à ce titre le 06 avril 2023 et que cette demande relève exclusivement de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale.
Sur ce,
Les intimés font d'abord valoir que cette demande n'apparaît pas avoir été soumise par Monsieur [V] à la commission d'arbitrage de sorte que celle-ci constitue une demande nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et, dès lors, irrecevable, puis rappelle 'surabondamment' que de telles demandes relèvent de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale.
L'article 564 du code de procédure civile dispose que ' à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'
En l'espèce, le tribunal arbitral a cependant mentionné dans sa décision, au titre des demandes de Monsieur [V], que celui-ci lui a demandé 'de percevoir l'ensemble des sommes dues au titre de son activité au sein de la société [9] et non réglées à ce jour, comme de sa participation aux résultats de la société [9] sur l'ensemble des exercices comptables jusqu'au 30 juin 2022", même s'il est observé que, contrairement aux autres chefs de demandes rappelés, il n'est pas fait mention d'un montant quantifié réclamé.
La demande reprise en cause d'appel n'est donc pas nouvelle ; elle est donc recevable.
Il est ensuite rappelé que le tribunal arbitral a constaté le paiement de la somme de vingt-cinq mille quatre cent vingt et un euros et quatre-vingt-deux centimes représentative du principal et des intérêts des droits de la participation des salaries au titre de l'exercice les 30 juin 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et pour l'exercice 2019-2020 des droits proratisés du 1er juillet au 20 décembre 2019 de l'action sociale de Monsieur [V].
Monsieur [F] soutient pour sa part que son travail en amont porte encore ses fruits au-delà de son départ.
Le tribunal arbitral a rappelé que les articles 10 et 11 de la loi du 19 juillet 1978 portant sur les [8] établissent un lien entre le contrat de travail et le contrat de société, que l'article 10 de la loi précitée dispose que 'sauf stipulations contraires des statuts, [...], toute rupture du contrat de travail entraîne la perte de la qualité d'associé [...]', l'article 11 que 'la mise à la retraite, le licenciement pour cause économique ou l'invalidité rendant I'intéressé inapte au travail n'entrainent pas la perte de la qualité d'associé' et que l'article 16.2 des statuts de la société a usé de la faculté de l'article 10 de la loi en ajoutant, relativement aux modes de rupture du contrat de travail ne faisant pas perdre la qualité d'associé, 'le licenciement lorsqu'il n'a pas un motif réel et sérieux ou dès lors que ce motifs réel et sérieux est contesté', et justement retenu, concernant la demande de Monsieur [V] quant au versement et au montant des sommes liées à sa participation aux résultats de l'entreprise, que celle-ci étant directement dépendante de la décision du conseil de prud'hommes de Caen - et désormais de la cour d'appel - concernant le licenciement dont il a fait l'objet et ne comportant pas de spécificités liées à l'application des dispositions particulières aux [8], le tribunal, en application des dispositions d'application générale des articles L. 3322-1 et suivants du code du travail, est incompétent afin de connaitre de la situation salariale de Monsieur [V] avec la société [9], cette compétence étant exclusivement attribuée au conseil de prud'hommes en application de l'article L. 1411-4 alinéa 1 de ce code précédemment cité.
La décision est confirmée sur ce point.
Sur les autres demandes :
Monsieur [V] évoque diverses autres demandes, dont le règlement du solde d'achat de son entreprise, la restitution des éléments comptables mis à disposition des associés sur les assemblées générales qui n'ont pas eu lieu sur les exercices 2017-2018 et 2018-2019, l'accès aux bilans, comptes de résultats et annexes, inventaire, rapport soumis aux assemblées et procès-verbaux de ces assemblées de 2019 à 2023.
La Société et M. [E] opposent que :
- Les demandes sont autant incompréhensibles qu'injustifiées.
- Les demandes n'ont pas été soumises au tribunal arbitral, ne relèvent pas de la compétence de ce dernier et constituent une demande nouvelle en cause d'appel et ont d'ailleurs été en partie soumises par Monsieur [V] au tribunal de commerce de Toulouse.
Sur ce,
L'appelant indique lui-même dans ses écritures que la demande de règlement du solde d'acquisition de l'entreprise de Monsieur [V] par la société [11] n'est plus d'actualité, le tribunal de commerce de Toulouse ayant reconnu, en date de juin 2025, le bien-fondé de sa demande, et que c'est à l'appui de cette demande, et pour un contrôle factuel des éléments, qu'il avait été demandé d'avoir accès aux comptes de l'entreprise sur ses premières années d'activité.
Il n'est pas non plus repris au dispositif de ses écritures de demande de restitution de matériel.
S'agissant des demandes de restitution des éléments comptables se rapportant aux exercices 2017-2018 et 2018-2019 et d'accès aux bilans, comptes de résultats et annexes, inventaire, rapport soumis aux assemblées et procès-verbaux de ces assemblées de 2019 à 2023, si la décision arbitrale avait évoqué, pour rejeter une exception de litispendance, une demande initiale du demandeur de communication de documents sociaux, l'appelant n'explicite pas suffisamment ni ne démontre en quoi ces éléments lui seraient utiles ou nécessaires, en dehors de réclamations de nature salariale, sur lesquelles le conseil de prud'hommes serait seul compétent.
Ces autres demandes de Monsieur [V] seront en conséquence rejetées.
Sur les demandes incidentes de la Société :
La Société et M. [E] font valoir que :
- L'appel de Monsieur [V] est abusif. Les écritures de celui-ci sont inintelligibles et non étayées de moyens sérieux, se contentant de formuler des demandes sans justification. Il convient donc d'octroyer à la Société des dommages-intérêts d'un montant de 5.000 euros.
- Les agissements de Monsieur [V] ont généré un préjudice financier conséquent pour la Société, entraînant un manque de productivité. De plus, les fautes commises par Monsieur [V] en qualité d'associé de la Société ont généré des frais importants pour la Société.
- Les agissements de Monsieur [V] ont généré un préjudice moral à Monsieur [H].
- Ils demandent également la condamnation de Monsieur [V] à une amende civile de 5.000 euros sur le fondement des articles 32-1 et 559 du code de procédure civile.
Monsieur [V] oppose que :
- Ses démarches sont justifiées en raison des dérives de Monsieur [E] et de la perte de son statut d'associé.
- La Société n'a pas subi de préjudice financier et souhaite faire reposer le manque de résultats sur les actions de Monsieur [V].
- Monsieur [E] n'a pas subi de préjudice moral. Il ressort du compte rendu médical qu'il ne présente pas d'antécédents. Ses problèmes de santé ne peuvent donc pas être imputés à cette situation.
- La demande d'amende civile n'est pas justifiée.
Sur ce,
L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive et les intimés ne démontrent pas l'intention de nuire qu'ils allèguent à l'encontre de Monsieur [V].
Les éléments qu'ils produisent, comme une estimation du 'temps passé' par le gérant dans le cadre du traitement du litige, l'invocation d'abus ou de déstabilisations, ou la mention d'une 'menace' pour la Société attribuée à nouveau aux litiges entre les parties, ou même l'achat ultérieur par la Société de matériels informatique ou téléphonique, sont aussi insuffisants à caractériser une faute de Monsieur [V], indépendante du seul exercice de l'action en justice, ayant causé un préjudice à la société [9].
Les pièces médicales produites aux débats - au demeurant de part et d'autre - demeurent également insuffisantes à caractériser une telle faute en lien avec le préjudice moral invoqué par Monsieur [E].
Enfin, la cour ne peut que rappeler qu'il n'appartient pas à une partie de solliciter le prononcé d'une amende civile, lequel relève du pouvoir discrétionnaire du juge et n'apparaît pas justifié en l'espèce.
En conséquence, le rejet de l'ensemble des demandes reconventionnelles de la Société sera confirmé.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de Monsieur [V], qui seront recouvrés conformément à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.
Il convient, au regard des circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais par elles exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME la sentence arbitrale rendue le 30 novembre 2023,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE Monsieur [V] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle
LAISSE à la charge de chacune des parties les frais par elles exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
La Greffière Le Président