CA Versailles, ch. soc. 4-2, 9 octobre 2025, n° 23/00101
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80K
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 9 OCTOBRE 2025
N° RG 23/00101 N°Portalis DBV3-V-B7H-VTUE
AFFAIRE :
[T] [D]
C/
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 8]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : 22/00107
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Emmanuel GUYOT de la SELARL BONNA AUZAS AVOCATS
Me Carine COOPER
Me Sophie CORMARY
de la SCP HADENGUE et Associés
Le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT-CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT
Monsieur [T] [D]
Né le 27 octobre 1969 à [Localité 7] (Luxembourg)
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Emmanuel GUYOT de la SELARL BONNA AUZAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0244
Substitué à l'audience par Me Sophie GRES, avocat au barreau de PARIS
****************
INTIMÉES
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Me [I] [E] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société FOODDICI
N° SIRET : 818 851 925
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Carine COOPER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
Substituée par Me Isabelle TOLEDANO, avocat au barreau de VERSAILLES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 2 septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés devant Madame Aurélie PRACHE, présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, présidente,
Madame Laure TOUTENU, conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, conseillère,
Greffière lors des débats : Madame Victoria LE FLEM,
Greffière lors du prononcé : Madame Isabelle FIORE
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [D], co-fondateur de la société Fooddici, a été engagé par cette dernière, en qualité de directeur du développement responsable marketing/communication, niveau 7, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er octobre 2019.
Cette société exerçait l'activité de " intermédiaire dans le domaine de l'agroalimentaire, de la production et de la distribution alimentaire, création d'une plateforme internet avec mise en relation des producteurs avec les clients et consommateurs dans le cadre d'un circuit court " (cf Kbis). L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de moins de 10 salariés. La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Le 1er avril 2021, la société Fooddici a été placée en état de cessation des paiements. Par jugement du 29 juin 2021, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la société Fooddici et désigné la Selarl ML Conseils prise en la personne de M. [I] [E] en qualité de liquidateur judiciaire.
Convoqué par le liquidateur judiciaire le 30 juin 2021 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 9 juillet 2021, M [D] a été licencié le 12 juillet 2021 pour motif économique en raison de la cessation d'activité de la société Fooddici dans les termes suivants :
" Par jugement en date du 29/06/2021, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS FOODDICI, ayant pour activité intermédiaire dans le domaine de l'agroalimentaire dont le siège social est à [Adresse 10], et a désigné la SELARL ML CONSEILS en qualité de Mandataire Liquidateur.
Ce même jugement emporte de plein droit cessation immédiate de toute activité, suppression de tous les postes de travail et de tous les emplois dont le vôtre, fermeture de l'entreprise et licenciement collectif de la totalité du personnel.
Dans ces conditions, après vous avoir régulièrement reçue en entretien préalable, je suis dans l'obligation de procéder à la rupture de votre contrat à durée indéterminée, votre reclassement étant impossible en raison de la fermeture de l'entreprise. Cette rupture prendra effet le 12/07/2021.
Conformément aux dispositions de l'Article L.1233-65 du Code du Travail, il vous a été proposé le 09/07/2021, au cours de l'entretien préalable le Contrat de Sécurisation Professionnelle.
Je vous rappelle que vous avez jusqu'au 30/07/2021 pour adhérer à ce contrat, date d'expiration du délai de 21 jours calendaires.
Si vous souhaitez adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle, votre contrat de travail sera automatiquement rompu le 30/07/2021.
Afin de procéder à l'enregistrement de votre adhésion auprès du pôle emploi dont vous dépendez, vous devrez impérativement m'adresser avant la fin de ce délai, votre bulletin d'adhésion, la demande d'allocation complétée et signée, les copies de votre carte d'assurance maladie et de votre pièce d'identité ou du titre en donnant lieu, ainsi qu'un RIB.
Si à la date du 30/07/2021, vous n'avez pas fait connaître votre choix ou si vous refusez la proposition du Contrat de Sécurisation, la présente lettre constituera la notification de votre Professionnelle licenciement pour cause économique qui prendra effet le 12/07/2021.
Dans cette hypothèse, votre préavis que vous serez dispensée d'effectuer en raison des circonstances, débutera le 13/07/2021.
Que vous ayez ou non adhéré au Contrat de Sécurisation Professionnelle, le solde de votre compte vous sera réglé grâce aux avances de l'Association pour la Gestion du Régime d'Assurance des Créances des Salariés (A.G.S), Bulletin(s) de salaire, certificat de travail et toutes autres attestations qui vous seraient nécessaires, seront établis soit par l'entreprise ou en cas de carence par un expert en comptabilité salariale désigné pour cette tâche par le Tribunal de Commerce. (')"
M. [D] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, de sorte que son contrat de travail a été rompu le 30 juillet 2021.
Par requête du 23 juillet 2021, M. [D] avait saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet puis s'est désisté de cette instance, ce désistement étant constaté par une décision du 27 septembre 2021.
Par requête du 22 février 2022, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet aux fins de paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Par jugement du 12 décembre 2022, le conseil de prud'hommes de Rambouillet (section encadrement) a :
. fixé au passif de la société Fooddici, représentée par Me [E], es-qualité de mandataire liquidateur, les sommes suivantes au bénéfice de M. [D] :
- 3 368,48 euros bruts au titre de la prime conventionnelle pour l'année 2020,
- 336,85 euros au titre des congés payés y afférents,
. Ordonné la remise par la défenderesse à M. [D] des documents sociaux et le bulletin de paie de décembre 2020 conformes dans un délai de 90 jours à compter de la notification de la présente décision,
. Fixé au passif de la société Fooddici, représentée par Me [E], es-qualité de mandataire liquidateur, au versement de la somme de 1 000 euros au bénéfice de M. [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. Dit que les créances seront garanties par l'Unedic-AGS CGEA Ile-de-France ouest dans la limite fixée par les articles L.3253-6 et L.3253-8 du code du travail et D.3253-5 du code du travail,
. Ordonné l'inscription des dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici, en frais privilégiés,
. Rejeté les demandes plus amples et autres des parties.
Par déclaration adressée au greffe le 9 janvier 2023, M. [D] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 25 juin 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [D] demande à la cour de :
. Dire M. [D] recevable et bien fondé en son appel,
. Dire la société ML Conseils, es-qualité, prise en la personne de Me. [O] et l'Unédic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8] irrecevables et en tout cas mal fondées en leur appel incident,
. Rejeter l'ensemble des demandes, fins et exceptions présentées par la société ML Conseils, es-qualité, prise en la personne de Me. [O] et l'Unedic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8],
. Confirmer le jugement entreprise en ce qu'il a :
- Juger recevable l'action de M. [D],
- Fixer à son profit au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici les créances suivantes :
- 3 368,48 euros bruts au titre de la prime conventionnelle 2020,
- 336,85 euros bruts au titre des congés payés afférents à la prime conventionnelle 2020,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. Ordonner la remise à M. [D] des documents de fin de contrat et de bulletin de paie modifiées en conséquence de la condamnation prononcée,
. L'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés :
. Fixer au profit de M. [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici les créances suivantes :
- 37 680 euros au titre des heures supplémentaires,
- 3 768 euros au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires,
- 10 481 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos au titre des années 2019, 2020 et 2021,
- 1 048 euros au titre des congés payés afférents à la contrepartie en repos,
- 30 267 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- 4 033 euros à titre de remboursement des frais professionnels,
. Enjoindre à la société ML Conseils, es-qualité, prise en la personne de Me. [O] de remettre à M. [D] une attestation pôle emploi, des bulletins de salaire allant d'octobre 2019 à juillet 2021, un solde de tout compte et un certificat de travail rectifiés et conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours commençant à courir la signification dudit arrêt,
. Dire et juger l'arrêt à intervenir opposable à l'Unedic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8],
. Fixer au profit de M. [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en indemnisation des frais irrépétibles exposés par M. [D] en appel,
. Dire et juger que l'Unedic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8] devra garantir l'ensemble des créances fixées par l'arrêt à intervenir au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici au profit de M. [D] dans la limite des plafonds fixés par la loi,
. Mettre les dépens à la charge de la liquidation judiciaire.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société ML Conseils prise en la personne de M. [I] [E], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Foodici, demande à la cour de :
. Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au passif de la société Fooddici la somme de 3 368,48 euros au titre de la prime conventionnelle pour 2020 et congés payés y afférents d'un montant de 336,85 euros,
. Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rambouillet en ce qu'il a débouté M. [D] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et congés payés y afférents, des repos compensateurs et congés payés y afférents de l'indemnité pour travail dissimulé, de sa demande au titre de la prime conventionnelle et congés payés y afférents pour 2021, de sa demande en remboursement des frais professionnels,
En conséquence,
A titre principal, statuant à nouveau et y ajoutant,
. Dire et juger recevables les moyens et demandes de la société ML Conseils ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Fooddici,
. Dire et juger que la qualité de salarié ne saurait être reconnue à M. [D],
. Débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
. Condamner à titre reconventionnel M. [D] à payer entre les mains de la société ML Conseils ès-qualité la somme de 49 986,25 euros, somme avancée par les AGS,
. Condamner M. [D] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les éventuels dépens d'exécution,
A titre subsidiaire, statuant à nouveau,
. Débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
. Condamner M. [D] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les éventuels dépens d'exécution,
A titre infiniment subsidiaire,
. Réduire les montants à de plus justes proportions.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l'Unedic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8] demande à la cour de :
A titre principal,
. Juger que M. [D] n'a pas la qualité de salarié au sein de la société Fooddici,
En conséquence,
. Infirmer le jugement entrepris,
. Condamner M. [D] à rembourser à l'Unedic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8] les sommes suivantes :
- 11 597,91 euros à titre de salaires et assimilés pour la période allant du 1er mai 2021 au 9 juillet 2021,
- 8 181,08 euros à titre d'indemnités de congés payés,
- 3 545,14 euros au titre du délai de réflexion entre le 10 juillet et le 30 juillet 2021,
- 21 339,84 euros à titre du préavis CSP,
- 5 322,28 euros à titre d'indemnités de licenciement,
A titre subsidiaire,
. Juger que M. [D] ne justifie pas avoir accompli des heures supplémentaires, ni ne produit aucun élément précis à l'appui de sa demande,
. Juger que la demande de contrepartie en repos obligatoire pour l'année 2019 est prescrite au visa de l'article L.3245-1 du code du travail,
En tout état de cause,
. Juger que M. [D] ne justifie pas du principe et du montant des contreparties en repos obligatoires sollicitées de 2019 à 2021,
. Juger que M. [D] ne démontre pas que la société Fooddici aurait intentionnellement mentionné un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli,
. Juger que M. [D] ne justifie pas avoir exposé des frais professionnels à la demande de la société Fooddici et payés par lui,
En conséquence,
. Confirmer le jugement entrepris qui l'a débouté de ces chefs de demandes,
. Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de prime annuelle pour l'année 2021,
. Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire la somme de 3 376 euros au titre de la prime annuelle pour l'année 2020 outre 337 euros au titre des congés payés afférents,
. Débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes,
En tout état de cause,
. Mettre hors de cause l'AGS au titre de la demande d'astreinte et d'article 700 du code de procédure civile,
. Juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail,
. Fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,
. Dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6, L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-19 à 21 et L.3253-17 du code du travail.
MOTIFS
Sur la qualité de M. [D] de salarié de la société Fooddici
A titre liminaire la cour relève qu'alors que la qualité de salarié était contestée par le liquidateur ainsi que par les AGS, les premiers juges n'ont pas tranché cette question, pourtant préalable à l'examen des demandes de M. [D] en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, alors que cette question de l'existence d'un contrat de travail relève bien de la compétence du conseil de prud'hommes saisi par le demandeur d'une demande en paiement de sommes dues au titre de l'exécution dudit contrat.
La cour relève en outre que M. [D] ne dénie pas cette compétence et ne conclut pas à l'incompétence de la juridiction prud'homale pour trancher la contestation soulevée par les intimées dès la première instance. Il appartient donc à la cour de statuer sur la qualité de salarié de M. [D], cet examen étant préalable à l'examen de ses demandes précisément formées au titre dudit contrat.
Le liquidateur et l'AGS exposent que les premiers juges ont omis de statuer sur leur moyen de défense tiré du défaut de qualité de salarié de M. [D], co-fondateur de la société désormais liquidée, que leur contestation de cette qualité est parfaitement recevable, le conseil de prud'hommes étant la juridiction compétente pour trancher la question de l'existence ou non d'un contrat de travail, qu'en l'espèce, en présence d'un contrat de travail apparent, ils établissent l'existence d'une confusion entre la qualité d'associé et celle de salarié de M. [D] et le caractère fictif du contrat de travail conclu avec la société Fooddici dont il était associé minoritaire.
M. [D] objecte qu'il a bien la qualité de salarié sur laquelle les premiers juges ne se sont en effet pas prononcé tant l'argumentation de l'AGS est étrange (sic), qu'il existe un lien de subordination évident avec M. [H], qu'il a été contraint de réaliser de nombreuses heures supplémentaires dans le cadre de la création d'une activité et la continuation d'une société dont il a contribué au lancement, que M. [H] a privé la société de trésorerie, conduisant à sa liquidation judiciaire.
**
En présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Au cas présent, M. [D] produit le contrat de travail signé en octobre 2019 entre lui et la société, représentée par M. [H] (pièce 1 du salarié), des bulletins de paie pour la période d'octobre 2019 à avril 2021, la preuve du versement de salaires et quelques courriels sur ses activités au sein de la société Fooddici.
Il incombe donc à l'AGS et au mandataire liquidateur de la société Fooddici d'établir le caractère fictif du contrat de travail, en démontrant l'absence des trois conditions caractérisant l'existence d'un lien de subordination à la situation de M. [D], en présence d'un contrat de travail apparent.
En l'espèce, les intimées établissent d'une part que la société Fooddici a été créée en avril 2019 (commencement d'activité le 1er avril 2019 selon le K bis) et détenue à 95 % par la société Holding Sport représentée par son président, M. [H], et à 5% par M. [D] et, d'autre part, que les associés ont envisagé de conclure un pacte d'associés destiné à rééquilibrer le temps investi par M. [D] pour " faire avancer le projet " (cf pièce 2 de ML Conseils), prévoyant notamment que M. [D], qui souhaitait détenir au moins 10% du capital social, exerce " la fonction salariée de directeur du développement et de la communication " (cf pièce 3 de ML Conseils) moyennant un salaire mensuel de 4 000 euros.
Le fait que M. [D] ait souhaité obtenir une rémunération de son travail en qualité d'associé apporteur en industrie de son savoir-faire et de son expérience professionnelles, ne suffit pas, à lui seul, à établir le caractère fictif du contrat de travail, alors que le liquidateur indique lui-même dans ses écritures (p. 15) que " le caractère de l'activité n'était aucunement innovant (') la priorité était de mettre en fonctionnement la plateforme virtuelle, mission incombant à M. [D] en tant que directeur marketing mais qu'il a mis plus de deux ans à la rendre opérationnelle. "
Sur ce point, l'inexistence d'une prestation de travail de M. [D] durant la période octobre 2019 à mai 2021 n'est pas établie, dès lors qu'il n'est pas contesté que le site internet de la société, qu'il avait la charge de créer pour faire ainsi monter en puissance l'activité de la société, a été opérationnel en mars 2021. Il ressort en outre des pièces produites que M. [D] a effectué des prestations pour le compte de la société Fooddici et qu'en sa qualité de directeur, il dirigeait notamment une collaboratrice, [X] (cf sa pièce 13).
En revanche, les intimées établissent qu'il a directement sollicité le comptable de la société pour qu'il procède à une augmentation de son salaire de 0,68 euros par mois pour atteindre un compte rond de 4 000 euros net par mois, moyennant d'ailleurs remboursement par l'intéressé du différentiel, qu'il avait un accès direct aux comptes bancaires de l'entreprise, et pouvait procéder au paiement notamment des salaires de sa collaboratrice (cf pièce 5 de ML Conseils). Le fait que M. [D] soit dans l'obligation de solliciter de M. [H] le code bancaire reçu à l'occasion de chaque achat est indifférent à la caractérisation d'un lien de subordination mais s'explique par le fait que M. [H], via sa société Holding Sport, soit l'associé majoritaire de la société Fooddici et son responsable financier.
Il ressort en outre des pièces produites par M. [D] lui-même que les factures du prestataire OVHCloud (hébergeur du site internet de la société Fooddici) ont été établies au nom de M. [D] et à son adresse personnelle à [Localité 9] (cf pièce 8 de l'appelant), celle-ci étant située dans la même ville et à proximité immédiate du siège social de la société Fooddici, tandis que M. [H] était domicilié dans le Var (cf pièce 1 et 2 de ML Conseils). M. [D] figure également comme seul destinataire de l'attestation en date du 14 janvier 2021 de règlement de l'adhésion de la société Fooddici à la médecine du travail (cf pièce 10 de l'appelant).
Ensuite, l'existence d'un pouvoir de direction de la société Fooddici en la personne de son président, M. [H], ne ressort pas des pièces produites aux débats. Il ressort au contraire notamment d'un sms adressé à M. [H] par M. [D] que ce dernier se plaint de " tout assumer dans la boîte aujourd'hui pour la faire avancer sans aucun soutien moral " et qu'il " essaie depuis toujours de rebondir malgré les obstacles et de faire avancer et réussir ce projet en allant de l'avant ", M. [H] répondant à ce message que " malgré l'estime que je te porte il est évident que nous n'arrivons pas à nous entendre et qu'il va falloir trouver une solution à ce problème. Je te propose de t'en reparler au plus vite quand tu seras prêt. ". Il s'en déduit qu'il ne recevait pas de directives de M. [H]. Dans un courriel adressé à M. [H] le 8 mai 2020, M. [D] lui indique d'ailleurs " je serai de retour mardi sur le projet si tu as des questions " (cf pièce 40 de l'appelant) et dans un courriel à M. [D] du 10 décembre 2020, M. [H] lui indique " venir aux nouvelles concernant le prévisionnel ". Les autres échanges produits s'inscrivent dans le cadre de discussions entre associés sur les stratégies à adopter et les difficultés éventuelles rencontrées pour mener leur projet, peu important qu'un salarié de la société, M. [V], ait pu interpréter ces échanges comme comportant des directives de la part de M. [H].
Enfin, les " modifications " apportées au document Ordre du Jour sur la Dropbox ne s'analyse pas en des directives adressées par M. [H] à M. [D] mais comme des objectifs en vue du lancement du projet de la société (ex : " recherche de stagiaire ou contrat pro ; nouveau prestataire surtout autre que alimentaire ").
Il ressort de l'ensemble de ces constatations que, si M. [D] a indéniablement fourni un travail pour le compte de la société Fooddici dont il a contribué à la mise en place du site internet, opérationnel en mars 2021, ce travail n'a pas été réalisé sous l'autorité d'un employeur lui donnant des ordres et des directives, contrôlant l'exécution de sa prestation et sanctionnant ses manquements.
Il en résulte que le contrat de travail conclu entre les parties est fictif.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il fixe la créance de M. [D] dans la liquidation judiciaire de la société à différentes sommes, le déboute de ses autres demandes, ordonne la remise à M. [D] par le liquidateur des documents sociaux et bulletin de paie de décembre 2020, en ce qu'elle dit que les créances seront garanties par l'Unedic-AGS CGEA Ile-de-France ouest dans la limite fixée par les articles L.3253-6 et L.3253-8 du code du travail et D.3253-5 du code du travail et en en ce qu'il ordonne l'inscription des dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici, en frais privilégiés.
Sur la demande reconventionnelle de l'AGS en remboursement des sommes déjà versées au titre de sa garantie
L'AGS sollicite la condamnation de M. [D] à lui rembourser les sommes qu'elle lui a versées au titre de salaires et assimilés pour la période allant du 1er mai 2021 au 9 juillet 2021, d'indemnités de congés payés, du délai de réflexion entre le 10 juillet et le 30 juillet 2021, du préavis CSP et d'indemnités de licenciement. Elle soutient que dès lors que la qualité de salarié n'est pas reconnue à M. [D] ce remboursement est de droit.
Le salarié objecte que la demande nouvelle en appel formulée par l'AGS est à ce titre irrecevable, seule la cour étant par ailleurs compétente pour statuer sur la recevabilité d'une telle demande.
**
Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, devant les premiers juges, à l'appui de leur demande de débouté de M. [D] de sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici et de garantie de ces créances par l'AGS, celle-ci a contesté la qualité de salarié de M. [D]. Sa demande nouvelle en appel aux fins de condamnation de M. [D] à lui rembourser les sommes avancées au titre de cette garantie est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de sa demande de débouté de M. [D] de l'ensemble de ses demandes en fixation et garantie.
La demande reconventionnelle de l'AGS, nouvelle en appel, aux fins de remboursement par M. [D] des sommes qu'elle lui a avancées au titre de sa garantie est donc recevable en appel.
Les sommes dont la restitution est sollicitée par l'AGS ne sont contestées ni en leur principe ni en leur montant par M. [D], qui ne conteste pas les avoir perçues et qu'il convient en conséquence de condamner à rembourser à l'AGS la somme totale de 49 986,25 se décomposant comme suit (cf pièce 1 de l'AGS) :
- 11 597,91 euros à titre de salaires et assimilés pour la période allant du 1er mai 2021 au 9 juillet 2021,
- 8 181,08 euros à titre d'indemnités de congés payés,
- 3 545,14 euros au titre du délai de réflexion entre le 10 juillet et le 30 juillet 2021,
- 21 339,84 euros à titre du " préavis CSP ",
- 5 322,28 euros à titre d'indemnités de licenciement.
Cette condamnation rend sans objet la demande reconventionnelle du mandataire liquidateur de condamnation de M. [D] à verser entre ses mains les sommes qu'il a perçues de l'AGS pour un total de 49 986,25 euros.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Il y a lieu d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de M. [D], partie succombante.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que M. [D] n'a pas la qualité de salarié de la société Fooddici,
DEBOUTE en conséquence M. [D] de l'ensemble de ses demandes en fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici,
CONDAMNE M. [D] à restituer à l'Unedic AGS CGEA d'[Localité 8] les sommes suivantes qu'il a perçues au titre des avances effectuées par l'AGS :
- 11 597,91 euros à titre de salaires et assimilés pour la période allant du 1er mai 2021 au 9 juillet 2021,
- 8 181,08 euros à titre d'indemnités de congés payés,
- 3 545,14 euros au titre du délai de réflexion entre le 10 juillet et le 30 juillet 2021,
- 21 339,84 euros à titre du " préavis CSP ",
- 5 322,28 euros à titre d'indemnités de licenciement,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [D] aux dépens de première instance et d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Isabelle FIORE greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 80K
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 9 OCTOBRE 2025
N° RG 23/00101 N°Portalis DBV3-V-B7H-VTUE
AFFAIRE :
[T] [D]
C/
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 8]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : 22/00107
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Emmanuel GUYOT de la SELARL BONNA AUZAS AVOCATS
Me Carine COOPER
Me Sophie CORMARY
de la SCP HADENGUE et Associés
Le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT-CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT
Monsieur [T] [D]
Né le 27 octobre 1969 à [Localité 7] (Luxembourg)
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Emmanuel GUYOT de la SELARL BONNA AUZAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0244
Substitué à l'audience par Me Sophie GRES, avocat au barreau de PARIS
****************
INTIMÉES
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Me [I] [E] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société FOODDICI
N° SIRET : 818 851 925
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Carine COOPER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
Substituée par Me Isabelle TOLEDANO, avocat au barreau de VERSAILLES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 2 septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés devant Madame Aurélie PRACHE, présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, présidente,
Madame Laure TOUTENU, conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, conseillère,
Greffière lors des débats : Madame Victoria LE FLEM,
Greffière lors du prononcé : Madame Isabelle FIORE
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [D], co-fondateur de la société Fooddici, a été engagé par cette dernière, en qualité de directeur du développement responsable marketing/communication, niveau 7, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er octobre 2019.
Cette société exerçait l'activité de " intermédiaire dans le domaine de l'agroalimentaire, de la production et de la distribution alimentaire, création d'une plateforme internet avec mise en relation des producteurs avec les clients et consommateurs dans le cadre d'un circuit court " (cf Kbis). L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de moins de 10 salariés. La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Le 1er avril 2021, la société Fooddici a été placée en état de cessation des paiements. Par jugement du 29 juin 2021, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la société Fooddici et désigné la Selarl ML Conseils prise en la personne de M. [I] [E] en qualité de liquidateur judiciaire.
Convoqué par le liquidateur judiciaire le 30 juin 2021 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 9 juillet 2021, M [D] a été licencié le 12 juillet 2021 pour motif économique en raison de la cessation d'activité de la société Fooddici dans les termes suivants :
" Par jugement en date du 29/06/2021, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS FOODDICI, ayant pour activité intermédiaire dans le domaine de l'agroalimentaire dont le siège social est à [Adresse 10], et a désigné la SELARL ML CONSEILS en qualité de Mandataire Liquidateur.
Ce même jugement emporte de plein droit cessation immédiate de toute activité, suppression de tous les postes de travail et de tous les emplois dont le vôtre, fermeture de l'entreprise et licenciement collectif de la totalité du personnel.
Dans ces conditions, après vous avoir régulièrement reçue en entretien préalable, je suis dans l'obligation de procéder à la rupture de votre contrat à durée indéterminée, votre reclassement étant impossible en raison de la fermeture de l'entreprise. Cette rupture prendra effet le 12/07/2021.
Conformément aux dispositions de l'Article L.1233-65 du Code du Travail, il vous a été proposé le 09/07/2021, au cours de l'entretien préalable le Contrat de Sécurisation Professionnelle.
Je vous rappelle que vous avez jusqu'au 30/07/2021 pour adhérer à ce contrat, date d'expiration du délai de 21 jours calendaires.
Si vous souhaitez adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle, votre contrat de travail sera automatiquement rompu le 30/07/2021.
Afin de procéder à l'enregistrement de votre adhésion auprès du pôle emploi dont vous dépendez, vous devrez impérativement m'adresser avant la fin de ce délai, votre bulletin d'adhésion, la demande d'allocation complétée et signée, les copies de votre carte d'assurance maladie et de votre pièce d'identité ou du titre en donnant lieu, ainsi qu'un RIB.
Si à la date du 30/07/2021, vous n'avez pas fait connaître votre choix ou si vous refusez la proposition du Contrat de Sécurisation, la présente lettre constituera la notification de votre Professionnelle licenciement pour cause économique qui prendra effet le 12/07/2021.
Dans cette hypothèse, votre préavis que vous serez dispensée d'effectuer en raison des circonstances, débutera le 13/07/2021.
Que vous ayez ou non adhéré au Contrat de Sécurisation Professionnelle, le solde de votre compte vous sera réglé grâce aux avances de l'Association pour la Gestion du Régime d'Assurance des Créances des Salariés (A.G.S), Bulletin(s) de salaire, certificat de travail et toutes autres attestations qui vous seraient nécessaires, seront établis soit par l'entreprise ou en cas de carence par un expert en comptabilité salariale désigné pour cette tâche par le Tribunal de Commerce. (')"
M. [D] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, de sorte que son contrat de travail a été rompu le 30 juillet 2021.
Par requête du 23 juillet 2021, M. [D] avait saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet puis s'est désisté de cette instance, ce désistement étant constaté par une décision du 27 septembre 2021.
Par requête du 22 février 2022, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet aux fins de paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Par jugement du 12 décembre 2022, le conseil de prud'hommes de Rambouillet (section encadrement) a :
. fixé au passif de la société Fooddici, représentée par Me [E], es-qualité de mandataire liquidateur, les sommes suivantes au bénéfice de M. [D] :
- 3 368,48 euros bruts au titre de la prime conventionnelle pour l'année 2020,
- 336,85 euros au titre des congés payés y afférents,
. Ordonné la remise par la défenderesse à M. [D] des documents sociaux et le bulletin de paie de décembre 2020 conformes dans un délai de 90 jours à compter de la notification de la présente décision,
. Fixé au passif de la société Fooddici, représentée par Me [E], es-qualité de mandataire liquidateur, au versement de la somme de 1 000 euros au bénéfice de M. [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. Dit que les créances seront garanties par l'Unedic-AGS CGEA Ile-de-France ouest dans la limite fixée par les articles L.3253-6 et L.3253-8 du code du travail et D.3253-5 du code du travail,
. Ordonné l'inscription des dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici, en frais privilégiés,
. Rejeté les demandes plus amples et autres des parties.
Par déclaration adressée au greffe le 9 janvier 2023, M. [D] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 25 juin 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [D] demande à la cour de :
. Dire M. [D] recevable et bien fondé en son appel,
. Dire la société ML Conseils, es-qualité, prise en la personne de Me. [O] et l'Unédic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8] irrecevables et en tout cas mal fondées en leur appel incident,
. Rejeter l'ensemble des demandes, fins et exceptions présentées par la société ML Conseils, es-qualité, prise en la personne de Me. [O] et l'Unedic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8],
. Confirmer le jugement entreprise en ce qu'il a :
- Juger recevable l'action de M. [D],
- Fixer à son profit au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici les créances suivantes :
- 3 368,48 euros bruts au titre de la prime conventionnelle 2020,
- 336,85 euros bruts au titre des congés payés afférents à la prime conventionnelle 2020,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. Ordonner la remise à M. [D] des documents de fin de contrat et de bulletin de paie modifiées en conséquence de la condamnation prononcée,
. L'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés :
. Fixer au profit de M. [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici les créances suivantes :
- 37 680 euros au titre des heures supplémentaires,
- 3 768 euros au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires,
- 10 481 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos au titre des années 2019, 2020 et 2021,
- 1 048 euros au titre des congés payés afférents à la contrepartie en repos,
- 30 267 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- 4 033 euros à titre de remboursement des frais professionnels,
. Enjoindre à la société ML Conseils, es-qualité, prise en la personne de Me. [O] de remettre à M. [D] une attestation pôle emploi, des bulletins de salaire allant d'octobre 2019 à juillet 2021, un solde de tout compte et un certificat de travail rectifiés et conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours commençant à courir la signification dudit arrêt,
. Dire et juger l'arrêt à intervenir opposable à l'Unedic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8],
. Fixer au profit de M. [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en indemnisation des frais irrépétibles exposés par M. [D] en appel,
. Dire et juger que l'Unedic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8] devra garantir l'ensemble des créances fixées par l'arrêt à intervenir au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici au profit de M. [D] dans la limite des plafonds fixés par la loi,
. Mettre les dépens à la charge de la liquidation judiciaire.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société ML Conseils prise en la personne de M. [I] [E], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Foodici, demande à la cour de :
. Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au passif de la société Fooddici la somme de 3 368,48 euros au titre de la prime conventionnelle pour 2020 et congés payés y afférents d'un montant de 336,85 euros,
. Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rambouillet en ce qu'il a débouté M. [D] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et congés payés y afférents, des repos compensateurs et congés payés y afférents de l'indemnité pour travail dissimulé, de sa demande au titre de la prime conventionnelle et congés payés y afférents pour 2021, de sa demande en remboursement des frais professionnels,
En conséquence,
A titre principal, statuant à nouveau et y ajoutant,
. Dire et juger recevables les moyens et demandes de la société ML Conseils ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Fooddici,
. Dire et juger que la qualité de salarié ne saurait être reconnue à M. [D],
. Débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
. Condamner à titre reconventionnel M. [D] à payer entre les mains de la société ML Conseils ès-qualité la somme de 49 986,25 euros, somme avancée par les AGS,
. Condamner M. [D] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les éventuels dépens d'exécution,
A titre subsidiaire, statuant à nouveau,
. Débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
. Condamner M. [D] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les éventuels dépens d'exécution,
A titre infiniment subsidiaire,
. Réduire les montants à de plus justes proportions.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l'Unedic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8] demande à la cour de :
A titre principal,
. Juger que M. [D] n'a pas la qualité de salarié au sein de la société Fooddici,
En conséquence,
. Infirmer le jugement entrepris,
. Condamner M. [D] à rembourser à l'Unedic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8] les sommes suivantes :
- 11 597,91 euros à titre de salaires et assimilés pour la période allant du 1er mai 2021 au 9 juillet 2021,
- 8 181,08 euros à titre d'indemnités de congés payés,
- 3 545,14 euros au titre du délai de réflexion entre le 10 juillet et le 30 juillet 2021,
- 21 339,84 euros à titre du préavis CSP,
- 5 322,28 euros à titre d'indemnités de licenciement,
A titre subsidiaire,
. Juger que M. [D] ne justifie pas avoir accompli des heures supplémentaires, ni ne produit aucun élément précis à l'appui de sa demande,
. Juger que la demande de contrepartie en repos obligatoire pour l'année 2019 est prescrite au visa de l'article L.3245-1 du code du travail,
En tout état de cause,
. Juger que M. [D] ne justifie pas du principe et du montant des contreparties en repos obligatoires sollicitées de 2019 à 2021,
. Juger que M. [D] ne démontre pas que la société Fooddici aurait intentionnellement mentionné un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli,
. Juger que M. [D] ne justifie pas avoir exposé des frais professionnels à la demande de la société Fooddici et payés par lui,
En conséquence,
. Confirmer le jugement entrepris qui l'a débouté de ces chefs de demandes,
. Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de prime annuelle pour l'année 2021,
. Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire la somme de 3 376 euros au titre de la prime annuelle pour l'année 2020 outre 337 euros au titre des congés payés afférents,
. Débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes,
En tout état de cause,
. Mettre hors de cause l'AGS au titre de la demande d'astreinte et d'article 700 du code de procédure civile,
. Juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail,
. Fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,
. Dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6, L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-19 à 21 et L.3253-17 du code du travail.
MOTIFS
Sur la qualité de M. [D] de salarié de la société Fooddici
A titre liminaire la cour relève qu'alors que la qualité de salarié était contestée par le liquidateur ainsi que par les AGS, les premiers juges n'ont pas tranché cette question, pourtant préalable à l'examen des demandes de M. [D] en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, alors que cette question de l'existence d'un contrat de travail relève bien de la compétence du conseil de prud'hommes saisi par le demandeur d'une demande en paiement de sommes dues au titre de l'exécution dudit contrat.
La cour relève en outre que M. [D] ne dénie pas cette compétence et ne conclut pas à l'incompétence de la juridiction prud'homale pour trancher la contestation soulevée par les intimées dès la première instance. Il appartient donc à la cour de statuer sur la qualité de salarié de M. [D], cet examen étant préalable à l'examen de ses demandes précisément formées au titre dudit contrat.
Le liquidateur et l'AGS exposent que les premiers juges ont omis de statuer sur leur moyen de défense tiré du défaut de qualité de salarié de M. [D], co-fondateur de la société désormais liquidée, que leur contestation de cette qualité est parfaitement recevable, le conseil de prud'hommes étant la juridiction compétente pour trancher la question de l'existence ou non d'un contrat de travail, qu'en l'espèce, en présence d'un contrat de travail apparent, ils établissent l'existence d'une confusion entre la qualité d'associé et celle de salarié de M. [D] et le caractère fictif du contrat de travail conclu avec la société Fooddici dont il était associé minoritaire.
M. [D] objecte qu'il a bien la qualité de salarié sur laquelle les premiers juges ne se sont en effet pas prononcé tant l'argumentation de l'AGS est étrange (sic), qu'il existe un lien de subordination évident avec M. [H], qu'il a été contraint de réaliser de nombreuses heures supplémentaires dans le cadre de la création d'une activité et la continuation d'une société dont il a contribué au lancement, que M. [H] a privé la société de trésorerie, conduisant à sa liquidation judiciaire.
**
En présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Au cas présent, M. [D] produit le contrat de travail signé en octobre 2019 entre lui et la société, représentée par M. [H] (pièce 1 du salarié), des bulletins de paie pour la période d'octobre 2019 à avril 2021, la preuve du versement de salaires et quelques courriels sur ses activités au sein de la société Fooddici.
Il incombe donc à l'AGS et au mandataire liquidateur de la société Fooddici d'établir le caractère fictif du contrat de travail, en démontrant l'absence des trois conditions caractérisant l'existence d'un lien de subordination à la situation de M. [D], en présence d'un contrat de travail apparent.
En l'espèce, les intimées établissent d'une part que la société Fooddici a été créée en avril 2019 (commencement d'activité le 1er avril 2019 selon le K bis) et détenue à 95 % par la société Holding Sport représentée par son président, M. [H], et à 5% par M. [D] et, d'autre part, que les associés ont envisagé de conclure un pacte d'associés destiné à rééquilibrer le temps investi par M. [D] pour " faire avancer le projet " (cf pièce 2 de ML Conseils), prévoyant notamment que M. [D], qui souhaitait détenir au moins 10% du capital social, exerce " la fonction salariée de directeur du développement et de la communication " (cf pièce 3 de ML Conseils) moyennant un salaire mensuel de 4 000 euros.
Le fait que M. [D] ait souhaité obtenir une rémunération de son travail en qualité d'associé apporteur en industrie de son savoir-faire et de son expérience professionnelles, ne suffit pas, à lui seul, à établir le caractère fictif du contrat de travail, alors que le liquidateur indique lui-même dans ses écritures (p. 15) que " le caractère de l'activité n'était aucunement innovant (') la priorité était de mettre en fonctionnement la plateforme virtuelle, mission incombant à M. [D] en tant que directeur marketing mais qu'il a mis plus de deux ans à la rendre opérationnelle. "
Sur ce point, l'inexistence d'une prestation de travail de M. [D] durant la période octobre 2019 à mai 2021 n'est pas établie, dès lors qu'il n'est pas contesté que le site internet de la société, qu'il avait la charge de créer pour faire ainsi monter en puissance l'activité de la société, a été opérationnel en mars 2021. Il ressort en outre des pièces produites que M. [D] a effectué des prestations pour le compte de la société Fooddici et qu'en sa qualité de directeur, il dirigeait notamment une collaboratrice, [X] (cf sa pièce 13).
En revanche, les intimées établissent qu'il a directement sollicité le comptable de la société pour qu'il procède à une augmentation de son salaire de 0,68 euros par mois pour atteindre un compte rond de 4 000 euros net par mois, moyennant d'ailleurs remboursement par l'intéressé du différentiel, qu'il avait un accès direct aux comptes bancaires de l'entreprise, et pouvait procéder au paiement notamment des salaires de sa collaboratrice (cf pièce 5 de ML Conseils). Le fait que M. [D] soit dans l'obligation de solliciter de M. [H] le code bancaire reçu à l'occasion de chaque achat est indifférent à la caractérisation d'un lien de subordination mais s'explique par le fait que M. [H], via sa société Holding Sport, soit l'associé majoritaire de la société Fooddici et son responsable financier.
Il ressort en outre des pièces produites par M. [D] lui-même que les factures du prestataire OVHCloud (hébergeur du site internet de la société Fooddici) ont été établies au nom de M. [D] et à son adresse personnelle à [Localité 9] (cf pièce 8 de l'appelant), celle-ci étant située dans la même ville et à proximité immédiate du siège social de la société Fooddici, tandis que M. [H] était domicilié dans le Var (cf pièce 1 et 2 de ML Conseils). M. [D] figure également comme seul destinataire de l'attestation en date du 14 janvier 2021 de règlement de l'adhésion de la société Fooddici à la médecine du travail (cf pièce 10 de l'appelant).
Ensuite, l'existence d'un pouvoir de direction de la société Fooddici en la personne de son président, M. [H], ne ressort pas des pièces produites aux débats. Il ressort au contraire notamment d'un sms adressé à M. [H] par M. [D] que ce dernier se plaint de " tout assumer dans la boîte aujourd'hui pour la faire avancer sans aucun soutien moral " et qu'il " essaie depuis toujours de rebondir malgré les obstacles et de faire avancer et réussir ce projet en allant de l'avant ", M. [H] répondant à ce message que " malgré l'estime que je te porte il est évident que nous n'arrivons pas à nous entendre et qu'il va falloir trouver une solution à ce problème. Je te propose de t'en reparler au plus vite quand tu seras prêt. ". Il s'en déduit qu'il ne recevait pas de directives de M. [H]. Dans un courriel adressé à M. [H] le 8 mai 2020, M. [D] lui indique d'ailleurs " je serai de retour mardi sur le projet si tu as des questions " (cf pièce 40 de l'appelant) et dans un courriel à M. [D] du 10 décembre 2020, M. [H] lui indique " venir aux nouvelles concernant le prévisionnel ". Les autres échanges produits s'inscrivent dans le cadre de discussions entre associés sur les stratégies à adopter et les difficultés éventuelles rencontrées pour mener leur projet, peu important qu'un salarié de la société, M. [V], ait pu interpréter ces échanges comme comportant des directives de la part de M. [H].
Enfin, les " modifications " apportées au document Ordre du Jour sur la Dropbox ne s'analyse pas en des directives adressées par M. [H] à M. [D] mais comme des objectifs en vue du lancement du projet de la société (ex : " recherche de stagiaire ou contrat pro ; nouveau prestataire surtout autre que alimentaire ").
Il ressort de l'ensemble de ces constatations que, si M. [D] a indéniablement fourni un travail pour le compte de la société Fooddici dont il a contribué à la mise en place du site internet, opérationnel en mars 2021, ce travail n'a pas été réalisé sous l'autorité d'un employeur lui donnant des ordres et des directives, contrôlant l'exécution de sa prestation et sanctionnant ses manquements.
Il en résulte que le contrat de travail conclu entre les parties est fictif.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il fixe la créance de M. [D] dans la liquidation judiciaire de la société à différentes sommes, le déboute de ses autres demandes, ordonne la remise à M. [D] par le liquidateur des documents sociaux et bulletin de paie de décembre 2020, en ce qu'elle dit que les créances seront garanties par l'Unedic-AGS CGEA Ile-de-France ouest dans la limite fixée par les articles L.3253-6 et L.3253-8 du code du travail et D.3253-5 du code du travail et en en ce qu'il ordonne l'inscription des dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici, en frais privilégiés.
Sur la demande reconventionnelle de l'AGS en remboursement des sommes déjà versées au titre de sa garantie
L'AGS sollicite la condamnation de M. [D] à lui rembourser les sommes qu'elle lui a versées au titre de salaires et assimilés pour la période allant du 1er mai 2021 au 9 juillet 2021, d'indemnités de congés payés, du délai de réflexion entre le 10 juillet et le 30 juillet 2021, du préavis CSP et d'indemnités de licenciement. Elle soutient que dès lors que la qualité de salarié n'est pas reconnue à M. [D] ce remboursement est de droit.
Le salarié objecte que la demande nouvelle en appel formulée par l'AGS est à ce titre irrecevable, seule la cour étant par ailleurs compétente pour statuer sur la recevabilité d'une telle demande.
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Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, devant les premiers juges, à l'appui de leur demande de débouté de M. [D] de sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici et de garantie de ces créances par l'AGS, celle-ci a contesté la qualité de salarié de M. [D]. Sa demande nouvelle en appel aux fins de condamnation de M. [D] à lui rembourser les sommes avancées au titre de cette garantie est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de sa demande de débouté de M. [D] de l'ensemble de ses demandes en fixation et garantie.
La demande reconventionnelle de l'AGS, nouvelle en appel, aux fins de remboursement par M. [D] des sommes qu'elle lui a avancées au titre de sa garantie est donc recevable en appel.
Les sommes dont la restitution est sollicitée par l'AGS ne sont contestées ni en leur principe ni en leur montant par M. [D], qui ne conteste pas les avoir perçues et qu'il convient en conséquence de condamner à rembourser à l'AGS la somme totale de 49 986,25 se décomposant comme suit (cf pièce 1 de l'AGS) :
- 11 597,91 euros à titre de salaires et assimilés pour la période allant du 1er mai 2021 au 9 juillet 2021,
- 8 181,08 euros à titre d'indemnités de congés payés,
- 3 545,14 euros au titre du délai de réflexion entre le 10 juillet et le 30 juillet 2021,
- 21 339,84 euros à titre du " préavis CSP ",
- 5 322,28 euros à titre d'indemnités de licenciement.
Cette condamnation rend sans objet la demande reconventionnelle du mandataire liquidateur de condamnation de M. [D] à verser entre ses mains les sommes qu'il a perçues de l'AGS pour un total de 49 986,25 euros.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Il y a lieu d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de M. [D], partie succombante.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que M. [D] n'a pas la qualité de salarié de la société Fooddici,
DEBOUTE en conséquence M. [D] de l'ensemble de ses demandes en fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Fooddici,
CONDAMNE M. [D] à restituer à l'Unedic AGS CGEA d'[Localité 8] les sommes suivantes qu'il a perçues au titre des avances effectuées par l'AGS :
- 11 597,91 euros à titre de salaires et assimilés pour la période allant du 1er mai 2021 au 9 juillet 2021,
- 8 181,08 euros à titre d'indemnités de congés payés,
- 3 545,14 euros au titre du délai de réflexion entre le 10 juillet et le 30 juillet 2021,
- 21 339,84 euros à titre du " préavis CSP ",
- 5 322,28 euros à titre d'indemnités de licenciement,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [D] aux dépens de première instance et d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Isabelle FIORE greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La Présidente