CA Paris, Pôle 5 - ch. 10, 9 octobre 2025, n° 23/07429
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07429 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHP7N
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2023-TJ de [Localité 7]- RG n° 22/13141
APPELANTE
Madame [T] [B]
née le [Date naissance 1] 1697 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
INTIMÉE
Madame LE COMPTABLE PUBLIC RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DU VAL DE MARNE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Laurine SALOMONI de la SARL FRICAUDET LARROUMET SALOMONI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 333
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Juillet 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre
Monsieur Xavier BLANC, Président
Madame Solène LORANS, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Solène LORANS dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Sonia JHALLI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre, et par Madame Sonia JHALLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Capform Consultants a exercé une activité de conseil pour les affaires et autres conseils de gestion jusqu'à sa liquidation judiciaire le 27 octobre 2020, à la suite de son redressement judiciaire ouvert le 14 janvier 2020.
Mme [T] [B] a été présidente de cette société à compter du 19 octobre 2009, à la suite de M. [G] [B].
Autorisée par ordonnance du 5 octobre 2022, en application de l'article R. 267-1 du livre des procédures fiscales, Mme le comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne (ci-après « le comptable public ») a fait assigner à jour fixe Mme [B] devant le président du tribunal judiciaire de Paris, par acte du 20 octobre 2022, afin qu'elle soit déclarée solidairement responsable du paiement des impositions d'un montant de 104 031 euros et, qu'en conséquence elle soit notamment condamnée à lui payer cette somme.
Par jugement du 14 mars 2023, ce président a statué comme suit :
« Déboute Mme [T] [B] de ses demandes et contestations ;
La condamne à payer au comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne la somme de 104 031 euros ;
Condamne Mme [T] [B] aux dépens ainsi qu'à payer au comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »
Par déclaration du 20 avril 2023, Mme [B] a interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions remises au greffe le 16 avril 2025, Mme [B] demande à la cour, au visa de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, de :
« INFIRMER en toutes ses dispositions la décision entreprise en date du 14 mars 2023,
Et statuant à nouveau,
JUGER que les manquements reprochés à Mme [B] ne sont ni graves ni répétés, et qu'ils ne peuvent donc pas justifier la mise en 'uvre de l'article L 267 du LPF, ne sont pas établis.
JUGER que le Comptable du Pôle de recouvrement spécialisé n'établit pas l'existence d'un quelconque lien de causalité entre les manquements allégués et l'impossibilité de recouvrement.
DEBOUTER purement et simplement le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé du Val de Marne de toutes ses demandes, fins et prétentions.
Subsidiairement,
JUGER que le non-paiement des dettes fiscales nées au cours de la période d'observation (19.573 €) et postérieurement à la liquidation judiciaire (6.042 €) ne peut résulter d'inobservations graves et répétées de Mme [B].
RAMENER à de plus justes proportions les sommes réclamées à Madame [T] [B] par le comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé du Val de Marne, qui ne pourront pas excéder la somme de 61.866 € déterminée par le juge de l'exécution près le Tribunal Judiciaire de Créteil
En tout état de cause
CONDAMNER Madame le Comptable Public responsable du Pôle de Recouvrement Spécialisé du Val de Marne à payer à Madame [T] [B] une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
CONDAMNER Madame le Comptable Public responsable du Pôle de Recouvrement Spécialisé du Val de Marne aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Frédérique ETEVENARD, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »
Mme [B] fait notamment valoir que :
- il n'existe de sa part ni man'uvres frauduleuses ni inobservations graves et répétées des obligations fiscales et le tribunal a implicitement reconnu les circonstances économiques difficiles rencontrées par la société, sa bonne foi et son absence de faute de gestion ;
- or, les termes de l'article L.267 du LPF induisent nécessairement l'existence non seulement d'une faute de gestion (l'inobservation des obligations fiscales) mais également que ce ne soient pas les circonstances économiques difficiles, ou les dispositions légales qui, malgré la bonne foi du dirigeant, l'aient contraint à cette faute ;
- pour les dettes antérieures au redressement judiciaire, un plan de règlement avait été mis en place pour le paiement des retards de TVA de la société, dénoncé le 8 juillet 2019 ;
- les inobservations ne sont pas répétées, puisqu'après la dénonciation de ce plan et avant la déclaration de cessation des paiements le 23 décembre 2019, seule la déclaration de TVA de juillet 2019 n'a pas été payée et le prélèvement à la source a été mis en recouvrement en août 2019 puis novembre 2019, moins de 45 jours avant le dépôt le dépôt de la déclaration de cessation des paiements ;
- pour les créances nées pendant la période d'observation, soit 19 753 euros, un administrateur avait été désigné avec une mission s'étendant à tous les actes relatifs à la gestion de la société qui n'avait pas la maîtrise de ses finances, Mme [B] ne pouvait pas sans son accord et en l'absence de trésorerie payer les dettes fiscales et la banque était aussi associée au déroulement de la procédure collective ;
- si la jurisprudence citée par l'administration fiscale n'est pas transposable au cas d'espèce, celle sur l'action en comblement de passif, applicable par analogie, confirme qu'aucun manquement grave et répété n'est imputable à Mme [B] pendant la période comprise entre le redressement et la liquidation judiciaires, d'autant qu'à la mission de l'administrateur s'est ajouté le contrôle de l'ensemble des organes de la procédure et du tribunal ;
- pour la période postérieure à la liquidation judiciaire, elle a respecté la loi interdisant le paiement de toute créance née antérieurement, étant précisé qu'en matière de prestations de services, l'exigibilité de la taxe ne coïncide pas avec le fait générateur, et le non-paiement des dettes fiscales nées postérieurement, soit 6 042 euros, ne résulte pas d'inobservations graves et répétées de sa part ;
- au surplus, les diligences effectuées pour le recouvrement étaient insuffisantes et aucun lien de causalité entre les prétendus manquements et l'impossibilité de recouvrer des impositions dues par la société n'est établie ;
- tant que le plan d'étalement a été respecté, il n'y avait aucun manquement aux obligations fiscales, l'ouverture de la procédure de redressement et les défauts de déclaration ou de paiement ne suffisent pas à établir ce lien, la doctrine publiée au BOI-REC-SOLID-10-10-20 n° 350 du 3/08/2016 rappelant l'obligation de le caractériser, exigée par la jurisprudence, par des « circonstances, autres que les seuls défauts de déclaration ou de paiement, en raison desquelles le comptable public s'est trouvé dans l'impossibilité de recouvrer les impositions dues par la société » ;
- les AMR suivis de mises en demeure émis ne constituent pas des actes de poursuite et hormis cinq saisies à tiers détenteur, aucun acte de poursuite n'a été engagé après le 3 septembre 2019 donc pour les créances postérieures à décembre 2018 ;
- subsidiairement, il convient de limiter la somme réclamée selon l'ordonnance du juge de l'exécution (JEX) du 6 octobre 2022 car les prélèvements à la source ne correspondent pas à des dettes de la société vis-à-vis de l'administration fiscale et que le dirigeant ne peut être tenu pour responsable du défaut de paiement d'impositions non exigibles à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective ;
- cette demande subsidiaire est bien recevable car elle figurait au dispositif de ses conclusions de première instance et n'est pas nouvelle, tendant à la même fin que sa demande, soit l'annulation de sa mise en cause mais partiellement.
Par dernières conclusions remises au greffe le 23 janvier 2024, le comptable public demande à la cour, au visa de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, de :
« Débouter Madame [T] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Déclarer irrecevable la demande nouvelle de Madame [T] [B] de voir cantonner les demandes de l'administration fiscale à la somme de 61.866 euros et à titre subsidiaire l'en débouter ;
Confirmer le jugement rendu le 14 mars 2023 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS (RG n°22/13141) en toutes ses dispositions ;
Condamner Madame [T] [B] à payer au Comptable Public du Pôle de Recouvrement spécialisé du Val-de-Marne la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner Madame [T] [B] aux entiers dépens d'instance. »
Le comptable public fait notamment valoir que :
- les trois conditions de l'article L.267 du livre des procédures fiscales sont réunies pour engager la responsabilité solidaire de Mme [B], soit la qualité de dirigeant effectif, ses inobservations graves et répétées des obligations fiscales et l'irrécouvrabilité de la créance ;
- alors que sa présidente devait remettre chaque mois une déclaration indiquant les opérations taxables et acquitter les taxes exigibles au moment du dépôt des déclarations, la société a déposé sans paiement sept déclarations mensuelles de TVA, a commis des manquements aux prélèvements à la source de l'impôt sur le revenu, ce qui a bénéficié à Mme [B] et son époux au titre de leur propre impôt sur le revenu et la cotisation foncière des entreprises n'a pas été acquittée pendant 3 années consécutives de 2018 à 2020 ;
- l'absence de faute personnelle de gestion du dirigeant et la bonne foi sont des motifs impropres à écarter l'application de cet article L.267 et de plus, Mme [B] ne saurait prétendre être de bonne foi et à son absence de responsabilité ;
- en matière de TVA le défaut de paiement est considéré comme particulièrement grave ;
- la société ne pouvait se prévaloir d'une ignorance de ses obligations fiscales compte tenu de son objet social d'aide par tous moyens à la création et aux développements des entreprises ;
- le dirigeant ne peut s'exonérer en arguant d'un plan de règlement non respecté ;
- ledit article L.267 ne fixe aucun nombre minimum de manquements susceptible de générer son application et outre les cotisations foncières aux entreprises et les prélèvements à la source, après la dénonciation du plan d'étalement et avant la déclaration de cessation des paiements, ce sont deux déclarations de TVA qui n'ont pas été payées ;
- le jugement de redressement n'a conféré à l'administrateur qu'une mission d'assistance et non de gestion et Mme [B] devait régler les créances fiscales liées à l'activité de la société et nées régulièrement après ce jugement ;
- la créance de TVA de septembre 2020 et de cotisation foncière des entreprises de l'année 2020 que dénonce Mme [B] sont nées antérieurement au jugement de liquidation judiciaire puisque le fait générateur de TVA se produit, pour les prestations de service, lorsque la prestation est effectuée et, pour cette cotisation, au 1er janvier de l'année d'imposition ; ces créances étaient donc exigibles dès leur naissance et non dès leur mise en recouvrement ;
- le lien de causalité est suffisamment établi étant donné que tous les actes de poursuites ont été utilisés en vain, qu'il a été empêché d'agir en raison du plan d'étalement de la dette fiscale, du redressement judiciaire et de cinq saisies à tiers détenteur infructueuses, quinze mises en demeures de payer et ces cinq saisies ayant été effectuées ;
- subsidiairement, la demande subsidiaire de Mme [B] est irrecevable étant donné qu'elle n'avait pas été soulevée en première instance, et infondée, le JEX ayant considéré à tort que les prélèvements à la source n'étaient pas des dettes de la société et que les créances fiscales, au titre desquelles la TVA et ces prélèvements, n'entraient pas dans la catégorie des créances postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective générées pour les besoins de la continuation de l'activité de la société.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 juin 2025.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus pour l'exposé du surplus de leurs prétentions et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L.267 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable, dispose :
« Lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des man'uvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal judiciaire. A cette fin, le comptable public compétent assigne le dirigeant devant le président du tribunal judiciaire du lieu du siège social. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement. ['] »
La mise en 'uvre de la responsabilité fiscale instituée par cette disposition suppose que le comptable public démontre :
- l'existence de man'uvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales incombant à la société ayant rendu impossible le recouvrement de la créance fiscale ;
- l'imputabilité de ces man'uvres ou de cette inobservation grave et répétée au dirigeant, lequel devait exercer la direction effective de la société, caractérisant sa responsabilité personnelle ;
- le lien de causalité entre ces man'uvres ou cette inobservation grave et répétée des obligations fiscales imputables au dirigeant et l'impossibilité de recouvrer la créance fiscale.
Toutefois, la solidarité prévue par l'article L.267 du livre des procédures fiscales n'est pas conditionnée à la mauvaise foi du dirigeant. Par ailleurs, les difficultés financières rencontrées par la société ne font pas obstacle à son application lorsque les conditions sont réunies.
En l'espèce, il n'est pas contesté et il ressort des statuts de la société par actions simplifiée Capform Consultants déposés le 1er décembre 2009 et du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 19 octobre 2009 que Mme [B] est devenue présidente de cette société à cette date sans limitation de durée et l'est restée jusqu'à la liquidation judiciaire de ladite société le 27 octobre 2020, ce procès-verbal prévoyant que « la présidente dirige la société et la représente à l'égard des tiers. A ce titre, elle est investie de tous les pouvoirs nécessaires pour agir en toutes circonstances [']. »
En outre, en vertu des articles 287 et 1692 du code général des impôts, tout redevable de la TVA soumis au régime réel normal d'imposition est tenu de déposer mensuellement une déclaration indiquant le montant total des opérations réalisées et d'acquitter le montant des taxes exigibles au moment même où il dépose la déclaration de leurs opérations. Les articles 204 A et 1671, paragraphe 5, de ce code prévoient que les revenus imposables à l'impôt sur le revenu donnent lieu à un prélèvement prenant la forme d'une retenue à la source effectuée par le débiteur lors du paiement de ces revenus ou d'un acompte acquitté par le contribuable et que la retenue à la source est recouvrée et contrôlée selon les mêmes modalités et sous les mêmes garanties et sûretés que la TVA. Par ailleurs, selon l'article 1679 quinquies dudit code, la cotisation foncière des entreprises est recouvrée par voie de rôles suivant les modalités et sous les garanties et sanctions prévues en matière de contributions directes et donne lieu au versement d'un acompte, égal à 50 % du montant des taxes mises en recouvrement au titre de l'année précédente, avant le 1er avril de l'année courante, qui n'est pas dû si ce montant est inférieur à 3 000 euros. L'acompte est exigible le 31 mai et le versement du solde ne sera exigible qu'à partir du 1er décembre.
Les avis de mise en recouvrement et mises en demeure produits par le comptable public démontrent que la société Capform Consultants, ayant notamment pour activité le conseil pour les affaires, s'est abstenue de payer la TVA, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et la cotisation foncière des entreprises tant avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de cette société que pendant la période d'observation intervenue par jugement du 14 janvier 2020.
S'agissant, tout d'abord, de la période antérieure au 14 janvier 2020, durant laquelle Mme [B] ne conteste pas qu'elle était la dirigeante effective de la société et tenue du respect de ses obligations fiscales, cette administration établit un défaut de paiement des échéances mensuelles de TVA correspondant aux six déclarations des mois de novembre et décembre 2018, mai à juillet 2019 et octobre 2019. Si l'administration fiscale avait accepté un plan d'étalement des dettes de la TVA pour les déclarations de novembre et décembre 2018, il est constant que ce plan a été dénoncé le 8 juillet 2019 faute d'être respecté. En outre, plusieurs autres déclarations de TVA, des mois de mai à juillet et octobre 2019, notamment deux après cette dénonciation, n'ont pas donné lieu à paiement alors que la conservation de la TVA collectée et l'utilisation des sommes perçues comme moyen courant de trésorerie constitue des manquements particulièrement graves du dirigeant de société à ses obligations fiscales.
A ces manquements graves et répétés en matière de TVA, s'ajoute le non-paiement de neuf prélèvements à la source d'impôts sur le revenu pour les mois d'avril à décembre 2019 ainsi que de la cotisation foncière des entreprises à deux reprises pour les années 2018 et 2019. Au demeurant, comme le relève le comptable public, les manquements aux prélèvements à la source imputables à Mme [B] en tant que présidente de la société Capform Consultants étaient d'autant plus graves qu'elle en a tiré profit, ainsi que son mari, Mme [B] ne contestant pas que le couple a bénéficié du remboursement d'un trop-versé personnel fictif pour les années 2019 et 2020.
Concernant, ensuite, la période d'observation à compter du 14 janvier 2020, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Capform Consultants a confié à l'administrateur judiciaire désigné la « mission, outre les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion », fixé la date de cessation des paiements le 11 février 2019 et cette période d'observation à six mois. La liquidation judiciaire de cette société est intervenue le 27 octobre 2020.
Or, le comptable public justifie que la société Capforms Consultants a à nouveau déposé plusieurs déclarations de TVA et de prélèvements à la source de l'impôt sur le revenu sans effectuer de paiement durant cette période à plusieurs reprises, à savoir pour les mois d'août et septembre 2020 concernant la TVA et pour les mois de janvier, avril, juin et juillet 2020 pour ces prélèvements, alors que la société avait l'obligation d'y procéder dès lors qu'elle poursuivait son activité, étant rappelé que, selon l'article L.622-17 du code de commerce applicable à la procédure de redressement judiciaire en vertu de son article L.631-14, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance ou par privilège avant toutes les autres créances.
En outre, le tribunal a estimé à juste titre que Mme [B] n'avait pas été dessaisie de ses fonctions de dirigeante et de ses obligations fiscales par le jugement de redressement judiciaire qui n'avait confié à l'administrateur judiciaire qu'une mission d'assistance. S'il découle de l'article L. 631-2 du code de commerce qu'une mission d'assistance sans aucune restriction emporte obligation pour l'administrateur judiciaire d'assister le débiteur dans tous les actes de gestion au nombre desquels figure le fonctionnement des comptes bancaires sous leur double signature et que, dans sa mission, l'administrateur est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles, une telle mission se distingue d'une mission d'administration seul, de gestion seul, ou de représentation de la société.
Mme [B] ne saurait non plus invoquer la jurisprudence relative à l'action en comblement de passif pour s'exonérer, laquelle n'a pas la même finalité que l'action spécifique en responsabilité fiscale prévue par l'article L.267 du livre des procédures fiscales et dont les conditions sont indépendantes l'une de l'autre.
En revanche, ainsi qu'elle le soutient, le jugement prononçant la liquidation judiciaire intervenu le 27 octobre 2020 l'a bien dessaisie de ses fonctions, l'article L.641-9 du code de commerce prévoyant que ce jugement emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens et que ses droits et actions concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. De plus, en vertu de L. 641-3 du code de commerce renvoyant à l'article L. 622-7 de ce code, ce jugement lui interdisait le paiement des créances nées antérieurement.
Il s'ensuit que le comptable public démontre une suite d'inobservations graves et répétées aux obligations fiscales de la société Capform Consultants, ayant conduit à l'aggravation de sa dette fiscale, imputables à Mme [B].
Le comptable public fait état d'une créance de 104 031 euros au titre de cette dette, suivant bordereau de situation fiscale du 8 août 2022. Il fournit également les déclarations de créance, demandes d'admission au passif et décisions d'admission, notamment la déclaration de créance du 4 mars 2020 à hauteur de 85 580 euros s'agissant de la période antérieure au jugement de redressement judiciaire, ainsi qu'un certificat d'irrécouvrabilité de la SELAFA MJA, liquidateur.
Il convient d'ajouter, s'agissant de la TVA déclarée pour le mois de septembre 2020, que si, comme Mme [B] le fait valoir, l'exigibilité de cette taxe intervient lors de l'encaissement des acomptes, du prix et de la rémunération, il ressort de l'avis de mise en recouvrement du 30 octobre 2020 que ladite taxe est devenue exigible le 19 octobre 2020, date de la déclaration mensuelle de TVA pour cette période, donc avant le jugement prononçant la liquidation judiciaire. En l'absence d'élément ou de pièce de Mme [B] permettant d'établir que la date du 19 octobre 2020 serait, en pratique, erronée, ou que la date limite de paiement aurait été prorogée, sa contestation à ce titre sera rejetée.
Quant à la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2020 d'un montant de 2 634 euros, l'avis d'impôt 2020 relatif à cette cotisation mentionne qu'elle a été mise en recouvrement le 31 octobre 2020 et qu'il était possible d'opter pour un prélèvement à l'échéance jusqu'au 30 novembre 2020, étant rappelé que l'article 1679 quinquies du code général des impôts prévoit l'exigibilité du versement du solde à partir du 1er décembre. L'exigibilité de cet impôt étant intervenue postérieurement à la liquidation judiciaire, l'absence de paiement ne saurait être imputable à Mme [B].
Enfin, s'agissant du lien de causalité entre ces inobservations graves et répétées et l'impossibilité de recouvrer la créance fiscale, les pièces produites par le comptable public attestent que ses services n'ont pas fait preuve d'inertie ou de carence et qu'au contraire, ils ont mis en 'uvre très rapidement les poursuites après l'établissement de l'impôt et utilisé les moyens de poursuite se trouvant à leur disposition pour obtenir son paiement par la société avant l'ouverture de la procédure collective. Ainsi, ils ont dénoncé le plan d'étalement qu'ils avaient accepté à compter du mois de mars 2019 dès le 8 juillet 2019 après le non-respect de deux échéances, établi les avis de mise en recouvrement au fur et à mesure et adressé quinze avis de mise en demeure. En outre, ils ont pratiqué en vain cinq saisies à tiers détenteur dès la dénonciation de ce plan les 8 juillet et 3 septembre 2009 et opéré une compensation fiscale le 3 septembre 2019 afin d'appréhender le remboursement du crédit d'impôt compétitivité, permettant de récupérer un montant de 5 542 euros. Enfin, ils ont été empêchés d'agir à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective le 14 janvier 2020 rendant impossibles les poursuites individuelles comme l'a relevé le tribunal.
Il s'ensuit que les irrégularités graves et répétées des obligations fiscales de la société imputables à sa dirigeante ont rendu impossible le recouvrement de la créance fiscale et que les conditions de la solidarité fiscale exigées par l'article L.267 du livre des procédures fiscales sont réunies.
A titre subsidiaire, Mme [B] conteste le montant de la créance fiscale en demandant qu'elle soit ramenée à la somme de 61 866 euros au motif, d'une part, que le dirigeant ne peut être tenu pour responsable du défaut de paiement d'impositions non exigibles à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective et, d'autre part, que les prélèvements à la source ne correspondent pas à des dettes de la société vis-à-vis de l'administration fiscale.
Contrairement à ce que soutient le comptable public, cette demande subsidiaire est bien recevable dès lors, notamment, que les conclusions de Mme [B] devant le tribunal comportaient une demande de débouté et que ses premières conclusions d'appel déposées le 6 juillet 2023 mentionnent cette demande subsidiaire au dispositif, laquelle constitue, en tout état de cause, une défense au fond.
Pour les motifs indiqués ci-dessus, la somme de 2 634 euros au titre de la cotisation foncière des entreprises 2020, devenue exigible après le jugement de liquidation judiciaire, ne peut être mise à sa charge.
En outre, s'agissant de la créance au titre des prélèvements à la source de l'impôt sur le revenu, cette retenue est recouvrée et contrôlée selon les mêmes modalités et sous les mêmes garanties et sûretés que la TVA. Le comptable public fournit les avis de mise en recouvrement établis dont il n'est pas indiqué qu'ils ont auraient fait l'objet d'une contestation. Dès lors et en considération de l'article L.199 du livre des procédures fiscales selon lequel en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les contestations relèvent du juge administratif et de l'article 49 du code de procédure civile dont il résulte que ce n'est qu'en présence d'une difficulté sérieuse qu'il convient de lui poser une question préjudicielle, cette contestation, qui ne soulève pas de difficulté sérieuse, sera rejetée.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il condamne Mme [B] à payer la somme de 104 031 euros. Cette dernière sera condamnée à payer à l'Etat, solidairement avec la société Capform Consultants les sommes de 85 580 euros au titre des impôts précités des années 2018 et 2019 et de 15 817 euros au titre des impôts de l'année 2020, à l'exception de la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2020, concernant laquelle la demande sera rejetée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
En vertu des articles 696 et 700 du code de procédure civile et compte tenu du sens de la présente décision, le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles de première instance.
Par ailleurs, Mme [B], partie perdante pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 dudit code, cette dernière sera déboutée de sa demande d'indemnité et condamnée à verser à l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement sauf en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [T] [B] à payer à l'Etat, solidairement avec la société Capform Consultants, les sommes de :
- 85 580 euros au titre de la TVA des mois de novembre et décembre 2018, mai à juillet 2019 et octobre 2019, des prélèvements à la source de l'impôt sur le revenu des mois d'avril à décembre 2019 ainsi que de la cotisation foncière des entreprises pour les années 2018 et 2019 ;
- 15 817 euros au titre de la TVA des mois d'août et septembre 2020 et des prélèvements à la source de l'impôt sur le revenu des mois de janvier, avril, juin et juillet 2020 ;
Déboute le comptable public responsable du Pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne de sa demande en paiement la somme de 2 634 euros au titre de la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2020 ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, déboute Mme [T] [B] de sa demande et la condamne à payer à l'Etat la somme de 1 500 euros ;
Condamne Mme [T] [B] aux dépens de l'instance d'appel ;
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07429 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHP7N
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2023-TJ de [Localité 7]- RG n° 22/13141
APPELANTE
Madame [T] [B]
née le [Date naissance 1] 1697 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
INTIMÉE
Madame LE COMPTABLE PUBLIC RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DU VAL DE MARNE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Laurine SALOMONI de la SARL FRICAUDET LARROUMET SALOMONI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 333
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Juillet 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre
Monsieur Xavier BLANC, Président
Madame Solène LORANS, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Solène LORANS dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Sonia JHALLI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre, et par Madame Sonia JHALLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Capform Consultants a exercé une activité de conseil pour les affaires et autres conseils de gestion jusqu'à sa liquidation judiciaire le 27 octobre 2020, à la suite de son redressement judiciaire ouvert le 14 janvier 2020.
Mme [T] [B] a été présidente de cette société à compter du 19 octobre 2009, à la suite de M. [G] [B].
Autorisée par ordonnance du 5 octobre 2022, en application de l'article R. 267-1 du livre des procédures fiscales, Mme le comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne (ci-après « le comptable public ») a fait assigner à jour fixe Mme [B] devant le président du tribunal judiciaire de Paris, par acte du 20 octobre 2022, afin qu'elle soit déclarée solidairement responsable du paiement des impositions d'un montant de 104 031 euros et, qu'en conséquence elle soit notamment condamnée à lui payer cette somme.
Par jugement du 14 mars 2023, ce président a statué comme suit :
« Déboute Mme [T] [B] de ses demandes et contestations ;
La condamne à payer au comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne la somme de 104 031 euros ;
Condamne Mme [T] [B] aux dépens ainsi qu'à payer au comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »
Par déclaration du 20 avril 2023, Mme [B] a interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions remises au greffe le 16 avril 2025, Mme [B] demande à la cour, au visa de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, de :
« INFIRMER en toutes ses dispositions la décision entreprise en date du 14 mars 2023,
Et statuant à nouveau,
JUGER que les manquements reprochés à Mme [B] ne sont ni graves ni répétés, et qu'ils ne peuvent donc pas justifier la mise en 'uvre de l'article L 267 du LPF, ne sont pas établis.
JUGER que le Comptable du Pôle de recouvrement spécialisé n'établit pas l'existence d'un quelconque lien de causalité entre les manquements allégués et l'impossibilité de recouvrement.
DEBOUTER purement et simplement le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé du Val de Marne de toutes ses demandes, fins et prétentions.
Subsidiairement,
JUGER que le non-paiement des dettes fiscales nées au cours de la période d'observation (19.573 €) et postérieurement à la liquidation judiciaire (6.042 €) ne peut résulter d'inobservations graves et répétées de Mme [B].
RAMENER à de plus justes proportions les sommes réclamées à Madame [T] [B] par le comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé du Val de Marne, qui ne pourront pas excéder la somme de 61.866 € déterminée par le juge de l'exécution près le Tribunal Judiciaire de Créteil
En tout état de cause
CONDAMNER Madame le Comptable Public responsable du Pôle de Recouvrement Spécialisé du Val de Marne à payer à Madame [T] [B] une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
CONDAMNER Madame le Comptable Public responsable du Pôle de Recouvrement Spécialisé du Val de Marne aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Frédérique ETEVENARD, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »
Mme [B] fait notamment valoir que :
- il n'existe de sa part ni man'uvres frauduleuses ni inobservations graves et répétées des obligations fiscales et le tribunal a implicitement reconnu les circonstances économiques difficiles rencontrées par la société, sa bonne foi et son absence de faute de gestion ;
- or, les termes de l'article L.267 du LPF induisent nécessairement l'existence non seulement d'une faute de gestion (l'inobservation des obligations fiscales) mais également que ce ne soient pas les circonstances économiques difficiles, ou les dispositions légales qui, malgré la bonne foi du dirigeant, l'aient contraint à cette faute ;
- pour les dettes antérieures au redressement judiciaire, un plan de règlement avait été mis en place pour le paiement des retards de TVA de la société, dénoncé le 8 juillet 2019 ;
- les inobservations ne sont pas répétées, puisqu'après la dénonciation de ce plan et avant la déclaration de cessation des paiements le 23 décembre 2019, seule la déclaration de TVA de juillet 2019 n'a pas été payée et le prélèvement à la source a été mis en recouvrement en août 2019 puis novembre 2019, moins de 45 jours avant le dépôt le dépôt de la déclaration de cessation des paiements ;
- pour les créances nées pendant la période d'observation, soit 19 753 euros, un administrateur avait été désigné avec une mission s'étendant à tous les actes relatifs à la gestion de la société qui n'avait pas la maîtrise de ses finances, Mme [B] ne pouvait pas sans son accord et en l'absence de trésorerie payer les dettes fiscales et la banque était aussi associée au déroulement de la procédure collective ;
- si la jurisprudence citée par l'administration fiscale n'est pas transposable au cas d'espèce, celle sur l'action en comblement de passif, applicable par analogie, confirme qu'aucun manquement grave et répété n'est imputable à Mme [B] pendant la période comprise entre le redressement et la liquidation judiciaires, d'autant qu'à la mission de l'administrateur s'est ajouté le contrôle de l'ensemble des organes de la procédure et du tribunal ;
- pour la période postérieure à la liquidation judiciaire, elle a respecté la loi interdisant le paiement de toute créance née antérieurement, étant précisé qu'en matière de prestations de services, l'exigibilité de la taxe ne coïncide pas avec le fait générateur, et le non-paiement des dettes fiscales nées postérieurement, soit 6 042 euros, ne résulte pas d'inobservations graves et répétées de sa part ;
- au surplus, les diligences effectuées pour le recouvrement étaient insuffisantes et aucun lien de causalité entre les prétendus manquements et l'impossibilité de recouvrer des impositions dues par la société n'est établie ;
- tant que le plan d'étalement a été respecté, il n'y avait aucun manquement aux obligations fiscales, l'ouverture de la procédure de redressement et les défauts de déclaration ou de paiement ne suffisent pas à établir ce lien, la doctrine publiée au BOI-REC-SOLID-10-10-20 n° 350 du 3/08/2016 rappelant l'obligation de le caractériser, exigée par la jurisprudence, par des « circonstances, autres que les seuls défauts de déclaration ou de paiement, en raison desquelles le comptable public s'est trouvé dans l'impossibilité de recouvrer les impositions dues par la société » ;
- les AMR suivis de mises en demeure émis ne constituent pas des actes de poursuite et hormis cinq saisies à tiers détenteur, aucun acte de poursuite n'a été engagé après le 3 septembre 2019 donc pour les créances postérieures à décembre 2018 ;
- subsidiairement, il convient de limiter la somme réclamée selon l'ordonnance du juge de l'exécution (JEX) du 6 octobre 2022 car les prélèvements à la source ne correspondent pas à des dettes de la société vis-à-vis de l'administration fiscale et que le dirigeant ne peut être tenu pour responsable du défaut de paiement d'impositions non exigibles à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective ;
- cette demande subsidiaire est bien recevable car elle figurait au dispositif de ses conclusions de première instance et n'est pas nouvelle, tendant à la même fin que sa demande, soit l'annulation de sa mise en cause mais partiellement.
Par dernières conclusions remises au greffe le 23 janvier 2024, le comptable public demande à la cour, au visa de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, de :
« Débouter Madame [T] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Déclarer irrecevable la demande nouvelle de Madame [T] [B] de voir cantonner les demandes de l'administration fiscale à la somme de 61.866 euros et à titre subsidiaire l'en débouter ;
Confirmer le jugement rendu le 14 mars 2023 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS (RG n°22/13141) en toutes ses dispositions ;
Condamner Madame [T] [B] à payer au Comptable Public du Pôle de Recouvrement spécialisé du Val-de-Marne la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner Madame [T] [B] aux entiers dépens d'instance. »
Le comptable public fait notamment valoir que :
- les trois conditions de l'article L.267 du livre des procédures fiscales sont réunies pour engager la responsabilité solidaire de Mme [B], soit la qualité de dirigeant effectif, ses inobservations graves et répétées des obligations fiscales et l'irrécouvrabilité de la créance ;
- alors que sa présidente devait remettre chaque mois une déclaration indiquant les opérations taxables et acquitter les taxes exigibles au moment du dépôt des déclarations, la société a déposé sans paiement sept déclarations mensuelles de TVA, a commis des manquements aux prélèvements à la source de l'impôt sur le revenu, ce qui a bénéficié à Mme [B] et son époux au titre de leur propre impôt sur le revenu et la cotisation foncière des entreprises n'a pas été acquittée pendant 3 années consécutives de 2018 à 2020 ;
- l'absence de faute personnelle de gestion du dirigeant et la bonne foi sont des motifs impropres à écarter l'application de cet article L.267 et de plus, Mme [B] ne saurait prétendre être de bonne foi et à son absence de responsabilité ;
- en matière de TVA le défaut de paiement est considéré comme particulièrement grave ;
- la société ne pouvait se prévaloir d'une ignorance de ses obligations fiscales compte tenu de son objet social d'aide par tous moyens à la création et aux développements des entreprises ;
- le dirigeant ne peut s'exonérer en arguant d'un plan de règlement non respecté ;
- ledit article L.267 ne fixe aucun nombre minimum de manquements susceptible de générer son application et outre les cotisations foncières aux entreprises et les prélèvements à la source, après la dénonciation du plan d'étalement et avant la déclaration de cessation des paiements, ce sont deux déclarations de TVA qui n'ont pas été payées ;
- le jugement de redressement n'a conféré à l'administrateur qu'une mission d'assistance et non de gestion et Mme [B] devait régler les créances fiscales liées à l'activité de la société et nées régulièrement après ce jugement ;
- la créance de TVA de septembre 2020 et de cotisation foncière des entreprises de l'année 2020 que dénonce Mme [B] sont nées antérieurement au jugement de liquidation judiciaire puisque le fait générateur de TVA se produit, pour les prestations de service, lorsque la prestation est effectuée et, pour cette cotisation, au 1er janvier de l'année d'imposition ; ces créances étaient donc exigibles dès leur naissance et non dès leur mise en recouvrement ;
- le lien de causalité est suffisamment établi étant donné que tous les actes de poursuites ont été utilisés en vain, qu'il a été empêché d'agir en raison du plan d'étalement de la dette fiscale, du redressement judiciaire et de cinq saisies à tiers détenteur infructueuses, quinze mises en demeures de payer et ces cinq saisies ayant été effectuées ;
- subsidiairement, la demande subsidiaire de Mme [B] est irrecevable étant donné qu'elle n'avait pas été soulevée en première instance, et infondée, le JEX ayant considéré à tort que les prélèvements à la source n'étaient pas des dettes de la société et que les créances fiscales, au titre desquelles la TVA et ces prélèvements, n'entraient pas dans la catégorie des créances postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective générées pour les besoins de la continuation de l'activité de la société.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 juin 2025.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus pour l'exposé du surplus de leurs prétentions et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L.267 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable, dispose :
« Lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des man'uvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal judiciaire. A cette fin, le comptable public compétent assigne le dirigeant devant le président du tribunal judiciaire du lieu du siège social. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement. ['] »
La mise en 'uvre de la responsabilité fiscale instituée par cette disposition suppose que le comptable public démontre :
- l'existence de man'uvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales incombant à la société ayant rendu impossible le recouvrement de la créance fiscale ;
- l'imputabilité de ces man'uvres ou de cette inobservation grave et répétée au dirigeant, lequel devait exercer la direction effective de la société, caractérisant sa responsabilité personnelle ;
- le lien de causalité entre ces man'uvres ou cette inobservation grave et répétée des obligations fiscales imputables au dirigeant et l'impossibilité de recouvrer la créance fiscale.
Toutefois, la solidarité prévue par l'article L.267 du livre des procédures fiscales n'est pas conditionnée à la mauvaise foi du dirigeant. Par ailleurs, les difficultés financières rencontrées par la société ne font pas obstacle à son application lorsque les conditions sont réunies.
En l'espèce, il n'est pas contesté et il ressort des statuts de la société par actions simplifiée Capform Consultants déposés le 1er décembre 2009 et du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 19 octobre 2009 que Mme [B] est devenue présidente de cette société à cette date sans limitation de durée et l'est restée jusqu'à la liquidation judiciaire de ladite société le 27 octobre 2020, ce procès-verbal prévoyant que « la présidente dirige la société et la représente à l'égard des tiers. A ce titre, elle est investie de tous les pouvoirs nécessaires pour agir en toutes circonstances [']. »
En outre, en vertu des articles 287 et 1692 du code général des impôts, tout redevable de la TVA soumis au régime réel normal d'imposition est tenu de déposer mensuellement une déclaration indiquant le montant total des opérations réalisées et d'acquitter le montant des taxes exigibles au moment même où il dépose la déclaration de leurs opérations. Les articles 204 A et 1671, paragraphe 5, de ce code prévoient que les revenus imposables à l'impôt sur le revenu donnent lieu à un prélèvement prenant la forme d'une retenue à la source effectuée par le débiteur lors du paiement de ces revenus ou d'un acompte acquitté par le contribuable et que la retenue à la source est recouvrée et contrôlée selon les mêmes modalités et sous les mêmes garanties et sûretés que la TVA. Par ailleurs, selon l'article 1679 quinquies dudit code, la cotisation foncière des entreprises est recouvrée par voie de rôles suivant les modalités et sous les garanties et sanctions prévues en matière de contributions directes et donne lieu au versement d'un acompte, égal à 50 % du montant des taxes mises en recouvrement au titre de l'année précédente, avant le 1er avril de l'année courante, qui n'est pas dû si ce montant est inférieur à 3 000 euros. L'acompte est exigible le 31 mai et le versement du solde ne sera exigible qu'à partir du 1er décembre.
Les avis de mise en recouvrement et mises en demeure produits par le comptable public démontrent que la société Capform Consultants, ayant notamment pour activité le conseil pour les affaires, s'est abstenue de payer la TVA, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et la cotisation foncière des entreprises tant avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de cette société que pendant la période d'observation intervenue par jugement du 14 janvier 2020.
S'agissant, tout d'abord, de la période antérieure au 14 janvier 2020, durant laquelle Mme [B] ne conteste pas qu'elle était la dirigeante effective de la société et tenue du respect de ses obligations fiscales, cette administration établit un défaut de paiement des échéances mensuelles de TVA correspondant aux six déclarations des mois de novembre et décembre 2018, mai à juillet 2019 et octobre 2019. Si l'administration fiscale avait accepté un plan d'étalement des dettes de la TVA pour les déclarations de novembre et décembre 2018, il est constant que ce plan a été dénoncé le 8 juillet 2019 faute d'être respecté. En outre, plusieurs autres déclarations de TVA, des mois de mai à juillet et octobre 2019, notamment deux après cette dénonciation, n'ont pas donné lieu à paiement alors que la conservation de la TVA collectée et l'utilisation des sommes perçues comme moyen courant de trésorerie constitue des manquements particulièrement graves du dirigeant de société à ses obligations fiscales.
A ces manquements graves et répétés en matière de TVA, s'ajoute le non-paiement de neuf prélèvements à la source d'impôts sur le revenu pour les mois d'avril à décembre 2019 ainsi que de la cotisation foncière des entreprises à deux reprises pour les années 2018 et 2019. Au demeurant, comme le relève le comptable public, les manquements aux prélèvements à la source imputables à Mme [B] en tant que présidente de la société Capform Consultants étaient d'autant plus graves qu'elle en a tiré profit, ainsi que son mari, Mme [B] ne contestant pas que le couple a bénéficié du remboursement d'un trop-versé personnel fictif pour les années 2019 et 2020.
Concernant, ensuite, la période d'observation à compter du 14 janvier 2020, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Capform Consultants a confié à l'administrateur judiciaire désigné la « mission, outre les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion », fixé la date de cessation des paiements le 11 février 2019 et cette période d'observation à six mois. La liquidation judiciaire de cette société est intervenue le 27 octobre 2020.
Or, le comptable public justifie que la société Capforms Consultants a à nouveau déposé plusieurs déclarations de TVA et de prélèvements à la source de l'impôt sur le revenu sans effectuer de paiement durant cette période à plusieurs reprises, à savoir pour les mois d'août et septembre 2020 concernant la TVA et pour les mois de janvier, avril, juin et juillet 2020 pour ces prélèvements, alors que la société avait l'obligation d'y procéder dès lors qu'elle poursuivait son activité, étant rappelé que, selon l'article L.622-17 du code de commerce applicable à la procédure de redressement judiciaire en vertu de son article L.631-14, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance ou par privilège avant toutes les autres créances.
En outre, le tribunal a estimé à juste titre que Mme [B] n'avait pas été dessaisie de ses fonctions de dirigeante et de ses obligations fiscales par le jugement de redressement judiciaire qui n'avait confié à l'administrateur judiciaire qu'une mission d'assistance. S'il découle de l'article L. 631-2 du code de commerce qu'une mission d'assistance sans aucune restriction emporte obligation pour l'administrateur judiciaire d'assister le débiteur dans tous les actes de gestion au nombre desquels figure le fonctionnement des comptes bancaires sous leur double signature et que, dans sa mission, l'administrateur est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles, une telle mission se distingue d'une mission d'administration seul, de gestion seul, ou de représentation de la société.
Mme [B] ne saurait non plus invoquer la jurisprudence relative à l'action en comblement de passif pour s'exonérer, laquelle n'a pas la même finalité que l'action spécifique en responsabilité fiscale prévue par l'article L.267 du livre des procédures fiscales et dont les conditions sont indépendantes l'une de l'autre.
En revanche, ainsi qu'elle le soutient, le jugement prononçant la liquidation judiciaire intervenu le 27 octobre 2020 l'a bien dessaisie de ses fonctions, l'article L.641-9 du code de commerce prévoyant que ce jugement emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens et que ses droits et actions concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. De plus, en vertu de L. 641-3 du code de commerce renvoyant à l'article L. 622-7 de ce code, ce jugement lui interdisait le paiement des créances nées antérieurement.
Il s'ensuit que le comptable public démontre une suite d'inobservations graves et répétées aux obligations fiscales de la société Capform Consultants, ayant conduit à l'aggravation de sa dette fiscale, imputables à Mme [B].
Le comptable public fait état d'une créance de 104 031 euros au titre de cette dette, suivant bordereau de situation fiscale du 8 août 2022. Il fournit également les déclarations de créance, demandes d'admission au passif et décisions d'admission, notamment la déclaration de créance du 4 mars 2020 à hauteur de 85 580 euros s'agissant de la période antérieure au jugement de redressement judiciaire, ainsi qu'un certificat d'irrécouvrabilité de la SELAFA MJA, liquidateur.
Il convient d'ajouter, s'agissant de la TVA déclarée pour le mois de septembre 2020, que si, comme Mme [B] le fait valoir, l'exigibilité de cette taxe intervient lors de l'encaissement des acomptes, du prix et de la rémunération, il ressort de l'avis de mise en recouvrement du 30 octobre 2020 que ladite taxe est devenue exigible le 19 octobre 2020, date de la déclaration mensuelle de TVA pour cette période, donc avant le jugement prononçant la liquidation judiciaire. En l'absence d'élément ou de pièce de Mme [B] permettant d'établir que la date du 19 octobre 2020 serait, en pratique, erronée, ou que la date limite de paiement aurait été prorogée, sa contestation à ce titre sera rejetée.
Quant à la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2020 d'un montant de 2 634 euros, l'avis d'impôt 2020 relatif à cette cotisation mentionne qu'elle a été mise en recouvrement le 31 octobre 2020 et qu'il était possible d'opter pour un prélèvement à l'échéance jusqu'au 30 novembre 2020, étant rappelé que l'article 1679 quinquies du code général des impôts prévoit l'exigibilité du versement du solde à partir du 1er décembre. L'exigibilité de cet impôt étant intervenue postérieurement à la liquidation judiciaire, l'absence de paiement ne saurait être imputable à Mme [B].
Enfin, s'agissant du lien de causalité entre ces inobservations graves et répétées et l'impossibilité de recouvrer la créance fiscale, les pièces produites par le comptable public attestent que ses services n'ont pas fait preuve d'inertie ou de carence et qu'au contraire, ils ont mis en 'uvre très rapidement les poursuites après l'établissement de l'impôt et utilisé les moyens de poursuite se trouvant à leur disposition pour obtenir son paiement par la société avant l'ouverture de la procédure collective. Ainsi, ils ont dénoncé le plan d'étalement qu'ils avaient accepté à compter du mois de mars 2019 dès le 8 juillet 2019 après le non-respect de deux échéances, établi les avis de mise en recouvrement au fur et à mesure et adressé quinze avis de mise en demeure. En outre, ils ont pratiqué en vain cinq saisies à tiers détenteur dès la dénonciation de ce plan les 8 juillet et 3 septembre 2009 et opéré une compensation fiscale le 3 septembre 2019 afin d'appréhender le remboursement du crédit d'impôt compétitivité, permettant de récupérer un montant de 5 542 euros. Enfin, ils ont été empêchés d'agir à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective le 14 janvier 2020 rendant impossibles les poursuites individuelles comme l'a relevé le tribunal.
Il s'ensuit que les irrégularités graves et répétées des obligations fiscales de la société imputables à sa dirigeante ont rendu impossible le recouvrement de la créance fiscale et que les conditions de la solidarité fiscale exigées par l'article L.267 du livre des procédures fiscales sont réunies.
A titre subsidiaire, Mme [B] conteste le montant de la créance fiscale en demandant qu'elle soit ramenée à la somme de 61 866 euros au motif, d'une part, que le dirigeant ne peut être tenu pour responsable du défaut de paiement d'impositions non exigibles à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective et, d'autre part, que les prélèvements à la source ne correspondent pas à des dettes de la société vis-à-vis de l'administration fiscale.
Contrairement à ce que soutient le comptable public, cette demande subsidiaire est bien recevable dès lors, notamment, que les conclusions de Mme [B] devant le tribunal comportaient une demande de débouté et que ses premières conclusions d'appel déposées le 6 juillet 2023 mentionnent cette demande subsidiaire au dispositif, laquelle constitue, en tout état de cause, une défense au fond.
Pour les motifs indiqués ci-dessus, la somme de 2 634 euros au titre de la cotisation foncière des entreprises 2020, devenue exigible après le jugement de liquidation judiciaire, ne peut être mise à sa charge.
En outre, s'agissant de la créance au titre des prélèvements à la source de l'impôt sur le revenu, cette retenue est recouvrée et contrôlée selon les mêmes modalités et sous les mêmes garanties et sûretés que la TVA. Le comptable public fournit les avis de mise en recouvrement établis dont il n'est pas indiqué qu'ils ont auraient fait l'objet d'une contestation. Dès lors et en considération de l'article L.199 du livre des procédures fiscales selon lequel en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les contestations relèvent du juge administratif et de l'article 49 du code de procédure civile dont il résulte que ce n'est qu'en présence d'une difficulté sérieuse qu'il convient de lui poser une question préjudicielle, cette contestation, qui ne soulève pas de difficulté sérieuse, sera rejetée.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il condamne Mme [B] à payer la somme de 104 031 euros. Cette dernière sera condamnée à payer à l'Etat, solidairement avec la société Capform Consultants les sommes de 85 580 euros au titre des impôts précités des années 2018 et 2019 et de 15 817 euros au titre des impôts de l'année 2020, à l'exception de la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2020, concernant laquelle la demande sera rejetée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
En vertu des articles 696 et 700 du code de procédure civile et compte tenu du sens de la présente décision, le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles de première instance.
Par ailleurs, Mme [B], partie perdante pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 dudit code, cette dernière sera déboutée de sa demande d'indemnité et condamnée à verser à l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement sauf en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [T] [B] à payer à l'Etat, solidairement avec la société Capform Consultants, les sommes de :
- 85 580 euros au titre de la TVA des mois de novembre et décembre 2018, mai à juillet 2019 et octobre 2019, des prélèvements à la source de l'impôt sur le revenu des mois d'avril à décembre 2019 ainsi que de la cotisation foncière des entreprises pour les années 2018 et 2019 ;
- 15 817 euros au titre de la TVA des mois d'août et septembre 2020 et des prélèvements à la source de l'impôt sur le revenu des mois de janvier, avril, juin et juillet 2020 ;
Déboute le comptable public responsable du Pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne de sa demande en paiement la somme de 2 634 euros au titre de la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2020 ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, déboute Mme [T] [B] de sa demande et la condamne à payer à l'Etat la somme de 1 500 euros ;
Condamne Mme [T] [B] aux dépens de l'instance d'appel ;
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE