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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 9 octobre 2025, n° 24/12677

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/12677

9 octobre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 09 OCTOBRE 2025

N° 2025/393

Rôle N° RG 24/12677 N° Portalis DBVB-V-B7I-BN274

[C] [Y]

C/

S.A. BNP PARIBAS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Lauriane BUONOMANO

Me Anne Hélène REDE-TORT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge des contentieux de la protection de [Localité 4] en date du 01 Octobre 2024 enregistré au répertoire général sous le n° 11 23-427.

APPELANT

Monsieur [C] [Y]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Lauriane BUONOMANO de la SELEURL LAURIANE BUONOMANO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Etienne RIONDET de la SELEURL RIONDET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A. BNP PARIBAS,

immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 662 042 449,

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Me Anne Hélène REDE-TORT, avocat au barreau de MARSEILLE, assistée de Me Olivier TAMAIN, avocat au barreau de TOULOUSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Juillet 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Cécile YOUL-PAILHES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025,

Signé par Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte notarié exécutoire du 20 décembre 1999, la SA BNP Paribas (ci-après : la banque) consentait un prêt professionnel à la SCI Les Deux vignes (ci-après : la SCI), pour laquelle la société Agos et M. [C] [Y] se sont portés cautions personnelles.

Suivant jugement du 9 juin 2011, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI.

La banque déclarait sa créance au passif de la société le 31 août 2011, et par courrier du 18 mai 2020, le greffe du tribunal de commerce de Paris lui notifiait l'admission de sa créance.

Après avoir signifié en vain un commandement aux fins de saisie à M. [Y] le 18 juillet 2022, la banque, par requête en date du 11 octobre 2022, a sollicité la saisie des rémunérations de ce dernier à hauteur de 41 101,18 euros.

Les parties ont été convoquées à une audience de conciliation, à l'issue de laquelle M. [Y] a soulevé une contestation.

Par jugement en date du 01 octobre 2024, le Juge des contentieux de la protection de [Localité 4] a :

- Déclaré recevable la contestation de M. [Y],

- Constaté l'absence de prescription du titre exécutoire,

- Rejeté les demandes supplémentaires ou contraires de M. [Y],

- Ordonné la saisie de ses rémunérations entre les mains de la CARSAT et de l'AGIR ARRCO au profit de la SA BNP Paribas à concurrence de :

* 36 647,37 euros pour le principal,

* 131,46 euros pour les frais,

* 4 322,25 euros pour les intérêts, soit à concurrence de la somme de 41 101,18 euros,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [Y] aux entiers dépens de l'instance.

Vu la déclaration d'appel de M. [Y] en date du 18 octobre 2024,

Au vu de ses dernières conclusions en date du 16 mai 2025, il sollicite qu'il plaise à la cour d'appel de :

- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déclaré recevable,

Statuant à nouveau,

- Déclarer prescrite l'action de la SA BNP Paribas,

Subsidiairement,

- Limiter sa créance à la somme de 11 391,44 euros,

En tout état de cause,

- La condamner à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre principal, il fait valoir que la SCI a cessé tout remboursement du prêt litigieux à la date de sa cessation de paiement soit le 24 mars 2005 et que la banque qui est restée inactive à son encontre jusqu'à la déclaration de créance qu'elle a formalisée entre les mains du mandataire judiciaire, le 31 août 2011, doit être déclarée prescrite en son action. Il considère que le premier juge a fait une erreur d'analyse en faisant application des dispositions du code de commerce, considérant que la créance est commerciale alors que l'acte notarié a été passé au bénéfice d'une société civile et que son objet était la vente d'un bien immobilier à usage d'habitation. Les dispositions de l'article 2224 du code civil selon lesquelles les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, doivent donc s'appliquer.

La banque qui a déclaré sa créance le 31 août 2011, ne pouvait pas ignorer à cette date qu'elle devait agir contre la caution puisque le débiteur principal était défaillant. Or, la banque s'est gardée de toute action jusqu'au 11 octobre 2022. Le délai de cinq ans était donc acquis lorsqu'elle a fait procéder à la saisie de ses rémunérations.

A titre subsidiaire, il rappelle que si l'article 1353 alinéa 2 du Code civil précise que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation, il n'en reste pas moins que préalablement, le créancier doit prouver l'existence de l'obligation dont il se prévaut et dont il revendique l'exécution.

En l'espèce, dans tous les actes ou documents produits, la banque se contente de préciser que sa créance serait de 40 969,72 €, sans autres précisions. Or, le prêt a été remboursé pour une partie, en tous cas de 1999 à 2005 et la SCI a vendu aux enchères un bien immobilier. Il est établi par le compte-rendu de fin de mission du mandataire judiciaire que la SCI a versé » une somme de 74 848,15 €, alors que le prêt initial, qui se composait en réalité de deux prêts, était d'un montant global de 132 630,64 €. La banque n'a jamais produit un décompte précis de sa créance actualisée et n'a jamais averti du reste les cautions, à savoir tant la société Agos que lui même, de l'état précis de sa créance comme le prévoyait l'article L341-1 du Code de la consommation, devenu l'article 2303 du Code civil. La banque fournit un décompte des intérêts à hauteur de 4 322,25 €, soit un total d'intérêt de 29 709,74 € qui, au regard du texte précité, n'est pas dû et doit venir en déduction de la créance réclamée.

Au vu de ses dernières conclusions en date du 18 décembre 2024, la banque sollicite qu'il plaise à la cour d'appel de :

Vu les articles L.111-3 du code des procédures civiles d'exécution, 2224, 2240 du code civil et L.110-4 du code de commerce

- Débouter M. [Y] des fins de ses contestations et de l'ensemble de ses demandes,

En conséquence,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 1er octobre 2024,

Y ajoutant,

- Condamner M. [Y] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'absence de prescription, elle répond qu'elle dispose d'un titre exécutoire à l'encontre de l'appelant, que la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil et de l'article L110-4 du code de commerce s'applique ; qu'ainsi le délai de prescription a commencé à courir le 9 juin 2011, date de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire entraînant déchéance du terme du prêt et l'exigibilité anticipée de l'intégralité de sommes dues, pour se terminer le 11 juin 2016, conformément aux dispositions de la loi du 17 juin 2008, mais que ce délai a été interrompu par sa déclaration de créance dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire et par le commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié par acte de commissaire de justice en date du 18 juillet 2022. Ainsi, la prescription ne pourrait être acquise qu'au 18 juillet 2027.

Sur le quantum de la créance, elle rappelle qu'aux termes de l'article R 121-1 alinéa 2 du code de procédure civile d'exécution, le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription :

L'article L111-3 du code des procédures civiles d'exécution dispose que : « Seuls constituent des titres exécutoires : ['] 4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ; »

L'article 2224 du code civil énonce que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer.»

La Cour de cassation juge que « Il résulte de la combinaison des articles 2241, 2242 et 2246 du code civil et de l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. »

En l'espèce, au vu de l'acte de cautionnement joint à l'acte notarié de prêt revêtu de la formule exécutoire en date du 20 décembre 1999, la banque dispose d'un titre exécutoire à l'encontre de M. [Y], en sa qualité de caution solidaire.

Ce contrat est soumis à la prescription quinquennale prévu par l'article 2224 du code civil.

La SCI, débiteur principal, a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure collective le 9 juin 2011. Elle a déclaré sa créance le 31 août 2011. La procédure collective a été clôturée pour insuffisance d'actifs le 24 septembre 2020. Le délai de prescription était donc interrompu jusqu'au 24 septembre 2025.

Ainsi, la requête en saisie des rémunérations en date du 11 octobre 2022 n'est pas prescrite ainsi que l'a tranché le premier juge dont la décision sera confirmée sur ce point.

Sur le montant de la créance :

En application de l'article R121-1 du code des procédures civiles d'exécution, « Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. Toutefois, après signification du commandement ou de l'acte de saisie ['], il a compétence pour accorder un délai de grâce.»

L'article L341-1 du code de la consommation, dans sa version créée par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, applicable au litige, énonce : « Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée. »

La Cour de cassation juge qu'en application de l'article L341-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, 'toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée'. (civ. 2ème, pourvoi n° 21-19.744 du 1er mars 2023)

En l'espèce, la banque agit en vertu de l'acte notarié de prêt en date du 20 décembre 1999, qui est le titre exécutoire dont elle dispose, et non en vertu de l'admission des créances par la juge commissaire.

Le juge de l'exécution est donc parfaitement compétent pour examiner la question de la déchéance du droit aux pénalités ou intérêts de retards échus ainsi que le demande M. [Y].

En l'occurrence, la banque, qui reste taisante sur ce point, ne justifie pas avoir dûment informé la caution comme elle l'aurait dû en application de l'article L341-1 précité.

M. [Y], au terme d'un raisonnement obscur, considère que les intérêts indus en raison de la défaillance de la banque s'élevant à la somme de 29 709,74 €, sa dette est réduite à la somme de 11 391,44 euros.

Cependant, au vu de la requête en saisie des rémunérations, la banque poursuit le paiement d'une somme totale de 41 101,18 euros. Le décompte en date du 22 juin 2022, versé au débat, permet de savoir que le principal s'élève à 36 647,47 euros, les intérêts à 4 322,25 et les frais et accessoires à 131,46 euros ; il n'est pas demandé la déchéance de la banque.

La banque ayant manqué à son obligation d'information telle que définie par l'article L 341-1 précité, la somme de 4 322,25 euros représentant les intérêts doit être déduite de la créance réclamée.

La saisie rémunération sera en conséquence cantonnée à la somme de 36 647,47 euros et le jugement dont appel infirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires :

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition,

CONFIRME le jugement en date du 01 octobre 2024 du juge des contentieux de la protection de [Localité 4] en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant poursuivi par la SA BNP Paribas à l'encontre de M. [C] [Y],

Statuant à nouveau sur ce point :

CANTONNE la saisie des rémunérations de M. [C] [Y] entre les mains de la CARSAT et AGIRC ARCO au profit de la SA BNP Paribas à concurrence de la somme de trente six mille six cent quarante sept euros et 47 centimes (36 647,47 euros)

CONFIRME pour le surplus,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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