CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 9 octobre 2025, n° 24/15160
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 09 OCTOBRE 2025
N° 2025/
Rôle N° RG 24/15160 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BOEBA
[V] [C]
C/
[W] [C]
S.A.R.L. MISTER TACOS
S.A.S. BEST TACOS
Société EZAVIN-[O]
Copie exécutoire délivrée
le : 09 octobre 2025
à :
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Me Houria REDEAU
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal de commerce de NICE en date du 10 Décembre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 2024R00122.
APPELANT
Monsieur [V] [C]
en sa qualité d'associé de la société MISTER TACOS,
né le [Date naissance 5] 1983 à [Localité 10] (TUNISIE), demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD substituée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assisté de Me Gilles BOUCHER, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [W] [C]
en sa qualité d'associé de la société MISTER TACOS et de la société BEST TACOS
né le [Date naissance 5] 1989 à [Localité 10] (TUNISIE), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Houria REDEAU de la SELARL RTG AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
S.A.R.L. MISTER TACOS
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 7]
représentée par Me Houria REDEAU de la SELARL RTG AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
S.A.S. BEST TACOS
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 7]
représentée par Me Houria REDEAU de la SELARL RTG AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
SCP EZAVIN-THOMAS
Prise en la personne de Maître [U] [O], agissant en sa qualité de mandataire ad hoc de la société MISTER TACOS
dont le siège social est situé [Adresse 1]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Septembre 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère rapporteure
Madame Cecile BRAHIC-LAMBREY, Conseillere
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025,
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [V] [C] est associé à 50 % avec son frère M. [W] [C] de la société à responsabilité limitée Mister Tacos, société immatriculée le 18 août 2023, qui exploite un fonds de commerce de restauration rapide à [Localité 11]. M. [W] [C] a été désigné en qualité de gérant de la société.
Quelques mois plus tard, M. [W] [C] s'est également associé à 50 % avec M. [M] [L] pour créer la société par actions simplifiée Best Tacos, immatriculée le 7 novembre 2023, également spécialisée dans la restauration rapide à [Localité 11]. M. [W] [C] en est le président.
Le 1er octobre 2024 M. [V] [C] a fait assigner M. [W] [C], ainsi que les deux sociétés, devant le président du tribunal de commerce de Nice, au visa de l'article 873 du code de procédure civile, afin d'obtenir la désignation d'un administrateur provisoire pour les sociétés Best Tacos et Mister Tacos, en invoquant notamment le détournement du bail commercial dont bénéficiait la société Mister Tacos au seul profit de la société Best Tacos, et l'incapacité de M. [W] [C] à rendre compte de sa gestion de la société Mister Tacos.
M. [V] [C] a également sollicité la communication sous astreinte d'un certain nombre de documents sociaux de la société Mister Tacos.
Par ordonnance en date du 10 décembre 2024 le président du tribunal de commerce de Nice a':
- débouté M. [V] [C] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire,
- désigné la SCP Ezavin-[O] prise en la personne de [U] [O] sis [Adresse 2] en qualité de mandataire ad hoc pour une durée de trois mois, avec la mission d'enquêter sur la situation réelle de la société Mister Tacos, sur la situation administrative, et sur la nécessité de procéder à sa liquidation amiable éventuelle,
- dit qu'il sera statué sur la demande de transmission de documents à l'issue du rapport du mandataire ad hoc désigné.
- fixé la rémunération la SCP Ezavin-[O] prise en la personne de [U] [O] à 1 500 € (mille cinq cents euros),
- dit que M. [V] [C] financera cette mesure,
- dit que le mandataire ad hoc devra rendre compte de sa mission au Président du tribunal de commerce de Nice, ou à son délégataire, et solliciter la taxation de ses honoraires.
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamné les parties aux dépens partagés.
--------
Par acte en date du 19 décembre 2024 M. [V] [C] a interjeté appel de l'ordonnance.
--------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 28 mars 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [V] [C] demande à la cour de':
Vu l'article 873 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu l'ordonnance de Référé rendue le 10 décembre 2024 par le président du tribunal de Commerce de Nice,
Dire l'appel de monsieur [V] [C] recevable,
Le dire bien fondé.
A titre principal
Annuler l'ordonnance de référé rendue le 10 décembre 2024 par le président du tribunal de commerce de Nice pour excès de pouvoir.
A titre subsidiaire :
Reformer l'ordonnance de référé rendue le l0 décembre 2024 par le président du tribunal de commerce de Nice en ces chefs du dispositif de l'ordonnance critiquée qui ont :
- débouté M. [V] [C] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire,
- désigné la Scp Ezavin-[O] prise en la personne de [U] [O] sis [Adresse 2] en qualité de mandataire ad hoc pour une durée de trois mois, avec la mission d'enquêter sur la situation réelle de la société Mister Tacos, sur sa situation administrative, et sur la nécessité de procéder à sa liquidation amiable éventuelle,
- dit qu'il sera statué sur la demande de transmission de documents à l'issue du rapport du mandataire ad hoc désigné.
- fixé la rémunération la Scp Ezavin-[O] prise en la personne de [U] [O] à 1500 € (mille cinq cents euros),
- dit que M. [V] [C] financera cette mesure,
- dit que le mandataire ad hoc devra rendre compte de sa mission au président du tribunal de commerce de Nice, ou à son délégataire, et solliciter la taxation de ses honoraires,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
et ainsi débouté M. [V] [C] de ses demandes tendant à voir :
* débouter la société Mister Tacos, la société Best Tacos et monsieur [W] [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
* designer tel administrateur judiciaire qu'il plaira à la juridiction en qualité d'administrateur provisoire de la société Mister Tacos et de la société Best Tacos avec pour mission de :
- gérer et administrer la société Mister Tacos et de la société Best Tacos pour une durée d'un an, renouvelable sur autorisation de la présente juridiction par simple voie de requête.
- convoquer dans les plus brefs délais les associés de la société Mister Tacos et de la société Best Tacos une assemblée générale extraordinaire afin qu'il soit statué sur :
- les comptes de la société clos au 31 décembre 2023,
- le transfert du bail portant sur local [Adresse 8] au profit de la société Mister Tacos,
- éventuellement la dissolution anticipée de la société Best Tacos et sa mise en liquidation, la nomination d'un liquidateur charge de réaliser les actifs, apurer le passif et repartir le boni entre les associés.
- engager toute procédure en responsabilité à l'encontre de monsieur [W] [C] au vu des fautes de gestion opérés au préjudice de la société Mister Tacos.
* dire et juger que monsieur [W] [C] sera dessaisi de l'intégralité de ses pouvoirs de gérant de la société Mister Tacos et président de la societe Best Tacos à compter du prononcé de la décision à intervenir.
* condamner monsieur [W] [C], sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à remettre à monsieur [V] [C] et à l'administrateur provisoire désigné l'integra1ité des documents sociaux de la société Mister Tacos et notamment :
- concernant l'exercice 2023 : grand livre clients,grand livre fournisseurs, grand livre général, comptes annuels au 31 décembre 2023 (bilan, compte de résultat, détail et liasse fiscale),
- une situation comptable arrêtée au 30 juin 2024,
- les relevés bancaires d'août 2023 à ce jour,
- livre de paie,
- livre d'entrée et sortie du personnel,
- contrat de travail des salariés présent à ce jour dans l'entreprise
* condamner monsieur [W] [C] à régler à monsieur [V] [C] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
* condamner monsieur [W] [C] à régler les entiers dépens, en ce compris les frais de l'administrateur provisoire qui sera désigné.
Et statuant à nouveau :
Débouter la société Mister Tacos, la société Best Tacos et monsieur [W] [C] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
Désigner tel administrateur judiciaire qu'il plaira à la juridiction en qualité d'administrateur provisoire de la société Mister Tacos et de la société Best Tacos avec pour mission de :
- gérer et administrer la société Mister Tacos et de la société Best Tacos pour une durée d'un an, renouvelable sur autorisation de la présente juridiction par simple voie de requête.
- convoquer dans les plus brefs délais les associés de la société Mister Tacos et de la société Best Tacos une assemblée générale extraordinaire afn qu'il soit statué sur :
- les comptes de la société clos au 31 décembre 2023,
- le transfert du bail portant sur local [Adresse 8] au profit de la société Mister Tacos,
- éventuellement la dissolution anticipée de la société Best Tacos et sa mise en liquidation, la nomination d'un liquidateur charge de réaliser les actifs, apurer le passif et répartir le boni entre les associés.
- engager toute procédure en responsabilité à l'encontre de monsieur [W] [C] au vu des fautes de gestion opérés au préjudice de la société Mister Tacos.
- juger que monsieur [W] [C] sera dessaisi de l'intégralité de ses pouvoirs de gérant de la société Mister Tacos et président de la société Best Tacos à compter du prononcé de la décision à intervenir.
- condamner monsieur [W] [C], sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à remettre à monsieur [V] [C] et à l'administrateur provisoire désigné l'intégralité des documents sociaux de la société Mister Tacos et notamment :
- concernant l'exercice 2023 :
grand livre clients,
grand livre fournisseurs,
grand livre général,
comptes annuels au 31 décembre 2023 (bilan, compte de résultat, détail et liasse fiscale),
- une situation comptable arrêtée au 30 juin 2024,
- les relevés bancaires d'août 2023 à ce jour,
- livre de paie,
- livre d'entrée et sortie du personnel,
- contrat de travail des salariés présent à ce jour dans l'entreprise.
- condamner monsieur [W] [C] à régler à monsieur [V] [C] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens, distraits au profit de maître Sébastien Badie, de la S.c.p. Badie - Simon-Thibaud &Juston, avocats associés à la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui déclare en avoir fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Au soutien de son appel, M. [V] [C] invoque, à titre principal, la nullité de l'ordonnance attaquée en faisant valoir l'excès de pouvoir commis par le président du tribunal de commerce qui a ordonné une mesure non sollicitée par les parties, à savoir la désignation d'un mandataire ad hoc alors qu'un administrateur était demandé.
A titre subsidiaire, M. [V] [C] demande la réformation de la décision en soutenant que les motifs relevés par le premier juge lui permettaient au contraire de désigner un administrateur provisoire et il dénonce la mauvaise foi de M. [W] [C], qui n'a toujours pas convoqué les associés en vue de l'approbation des comptes sociaux et n'a pas déposé ses comptes au greffe.
-------
M. [W] [C] et les sociétés Best Tacos et Mister Tacos ont constitué avocat mais n'ont pas déposé de conclusions via le réseau privé virtuel des avocats.
La Scp Ezavin-[O], désignée en qualité de mandataire ad hoc, citée à personne morale par acte du 1er avril 2025 remis à une personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
-------
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 septembre 2025 et l'affaire a été évoquée à l'audience du même jour.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Il en résulte que M. [W] [C] et les sociétés Best Tacos et Mister Tacos, qui n'ont pas transmis leurs conclusions par voie dématérialisée via le réseau privé virtuel des avocats, sont réputés s'approprier les motifs de la décision attaquée.
Sur la nullité de l'ordonnance :
M. [V] [C] sollicite l'annulation de la décision attaquée pour «'excès de pouvoir'». Il expose que «'le premier juge a cru bon d'ordonner une mesure qui n'a été sollicitée par aucune des parties, à savoir la désignation d'un mandataire ad hoc chargé d'enquêter sur la situation de la société Mister Tacos et de la nécessité de procéder à sa liquidation amiable'». Il ne précise pas le fondement juridique de sa demande en annulation.
Sur ce, s'il est démontré que le juge a commis un excès de pouvoir par méconnaissance de l'étendue de son pouvoir de juger, il est admis que le plaignant puisse introduire, par dérogation, un appel-nullité, dans les hypothèses où la voie de l'appel ne lui est pas ouverte.
En revanche, ni la violation du principe du contradictoire prévu par l'article 16 du code de procédure civile ni la méconnaissance de l'objet du litige prévu par l'article 4 du même code ne caractérisent un excès de pouvoir.
Il en résulte qu'en l'espèce, M. [V] [C], qui disposait de la possibilité d'interjeter appel de l'ordonnance rendue par le juge des référés, est mal-fondé à invoquer de la part du premier juge un excès de pouvoir, lequel ne peut, en tout état de cause, ressortir des griefs émis à l'encontre de la décision.
Il n'en reste pas moins que, conformément à l'article 5 du code de procédure civile, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
Dès lors, le premier juge, qui a désigné un mandataire ad hoc, alors même qu'il ne ressort pas des mentions de la décision que cette mesure a été sollicitée par les parties, et qu'il ne résulte pas davantage des termes de la décision que cette mesure a été soumise à un débat contradictoire, a outrepassé l'objet du litige en statuant ultra petita.
L'ordonnance doit dès lors être infirmée de ce seul chef.
Sur la demande de désignation d'un administrateur provisoire':
Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Par ailleurs, en application de l'article 873 du même code, le président peut, dans les mêmes limites et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
A ce titre, la désignation d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent.
Ainsi, le désaccord entre associés, sauf si le fonctionnement des organes sociaux est entravé et si une atteinte précise aux intérêts de la société sont établis, est insuffisant à justifier la désignation d'un administrateur provisoire.
En l'espèce, M. [V] [C] n'est ni associé ni dirigeant de la société Best Tacos. La seule circonstance que son frère M. [W] [C] soit associé et dirigeant des deux sociétés ne saurait lui conférer un intérêt à agir dans la protection de l'intérêt social de cette société.
S'agissant de la société Mister Tacos, dont il est associé pour moitié avec M. [W] [C], également gérant, M. [V] [C] invoque'la résiliation par ce dernier du bail commercial dont est titulaire la société, et ce, au profit de la société Best Tacos, alors que ce bail constituait son seul actif.
M. [V] [C] dénonce par ailleurs l'incapacité du gérant à rendre compte de sa gestion, à tenir l'assemblée générale annuelle qui devait avoir lieu avant le 30 juin 2024 et son incapacité à déposer les comptes au greffe du tribunal de commerce.
A cet égard, il ressort des termes de la décision attaquée que l'absence de pièces relatives à la société a été constatée par le premier juge, et M. [W] [C] n'a pas davantage justifié de documents attestant de la gestion de la société, de la tenue des comptes ni de la convocation des associés aux délibérations des assemblées générales. En outre, M. [W] [C] n'a pas contesté avoir procédé à la résiliation du bail commercial de la société pour le transférer à la société Best Tacos. Cette carence est susceptible de constituer un péril pour la société en ce qu'elle traduit un désintérêt manifeste pour la défense de son intérêt social, au profit d'une autre société proposant des prestations de restauration rapide similaires à la société Mister Tacos dans les mêmes locaux commerciaux au [Adresse 9] [Localité 11].
Pour autant, après avoir constaté que le bail a été résilié le 20 octobre 2023, soit quelques mois après sa prise d'effet au 1er avril 2023, que le mail de M. [W] [C] produit par l'appelant lui-même (pièce 8) atteste que des travaux auraient été effectués, a minima, jusqu'au mois d'août 2023 dans les locaux, que la société «'n'a jamais eu de matériel, de marchandise et encore moins de clientèle étant donné que Mr [C] [V] n'a jamais tenu ses engagements' (...)'», il en résulte qu'il n'est pas démontré que la société Mister Tacos ait eu une quelconque activité en l'état des désaccords survenus entre les deux frères.
Par ailleurs, M. [V] [C] indique gérer pour sa part la société Royal Food, également spécialisée dans la restauration rapide, et installée dans la même rue que les deux autres sociétés, au numéro [Adresse 6] à [Localité 11], et que son frère indique gérer désormais la société Best Tacos au numéro 69, avec un autre associé.
En conséquence, les circonstances de l'espèce ne justifient pas la désignation d'un administrateur provisoire.
En revanche, M. [W] [C] sera tenu de transmettre à M. [V] [C] les pièces comptables visées ci-dessous considérant qu'en tout état de cause une suite doit être donnée à la poursuite d'exploitation de la société en l'absence d'élément communiqué à la cour quant à une éventuelle liquidation amiable ou judiciaire, sauf à produire une attestation par expert-comptable de nature à justifier une impossibilité de communication des pièces en tout ou partie.
Il n'y a pas lieu à astreinte eu égard aux motifs susvisés.
Sur les frais et dépens':
La nature du litige justifie que chaque partie conserve la charge de ses propres frais et dépens, tant de première instance que d'appel, sauf à préciser que les frais relatifs à la mission du mandataire ad hoc désigné, à supposer qu'il ait accompli sa mission telle que fixée par le premier juge, seront supportés par moitié entre M. [V] [C] et M. [W] [C].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
Infirme l'ordonnance rendue le 10 décembre 2024 par le président du tribunal de commerce de Nice,
Statuant à nouveau,
Déboute M. [V] [C] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire pour les sociétés Mister Tacos et Best Tacos,
Condamne M. [W] [C], en qualité de gérant de la société Mister Tacos à communiquer à M. [V] [C] l'intégralité des documents sociaux de la société Mister Tacos et notamment :
- concernant l'exercice 2023 :
grand livre clients,
grand livre fournisseurs,
grand livre général,
comptes annuels au 31 décembre 2023 (bilan, compte de résultat, détail et liasse fiscale),
- une situation comptable arrêtée au 30 juin 2024,
- les relevés bancaires d'août 2023 à ce jour,
- livre de paie,
- livre d'entrée et sortie du personnel,
- contrat de travail des salariés présent à ce jour dans l'entreprise
Sauf à produire une attestation par expert-comptable de nature à justifier une impossibilité de communication des pièces sollicitées, en totalité ou pour partie,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens, tant de première instance que d'appel, sauf à préciser que les frais relatifs à la mission du mandataire ad hoc désigné seront supportés le cas échéant par moitié entre M. [V] [C] et M. [W] [C].
La greffière La Présidente
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 09 OCTOBRE 2025
N° 2025/
Rôle N° RG 24/15160 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BOEBA
[V] [C]
C/
[W] [C]
S.A.R.L. MISTER TACOS
S.A.S. BEST TACOS
Société EZAVIN-[O]
Copie exécutoire délivrée
le : 09 octobre 2025
à :
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Me Houria REDEAU
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal de commerce de NICE en date du 10 Décembre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 2024R00122.
APPELANT
Monsieur [V] [C]
en sa qualité d'associé de la société MISTER TACOS,
né le [Date naissance 5] 1983 à [Localité 10] (TUNISIE), demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD substituée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assisté de Me Gilles BOUCHER, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [W] [C]
en sa qualité d'associé de la société MISTER TACOS et de la société BEST TACOS
né le [Date naissance 5] 1989 à [Localité 10] (TUNISIE), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Houria REDEAU de la SELARL RTG AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
S.A.R.L. MISTER TACOS
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 7]
représentée par Me Houria REDEAU de la SELARL RTG AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
S.A.S. BEST TACOS
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 7]
représentée par Me Houria REDEAU de la SELARL RTG AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
SCP EZAVIN-THOMAS
Prise en la personne de Maître [U] [O], agissant en sa qualité de mandataire ad hoc de la société MISTER TACOS
dont le siège social est situé [Adresse 1]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Septembre 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère rapporteure
Madame Cecile BRAHIC-LAMBREY, Conseillere
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025,
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [V] [C] est associé à 50 % avec son frère M. [W] [C] de la société à responsabilité limitée Mister Tacos, société immatriculée le 18 août 2023, qui exploite un fonds de commerce de restauration rapide à [Localité 11]. M. [W] [C] a été désigné en qualité de gérant de la société.
Quelques mois plus tard, M. [W] [C] s'est également associé à 50 % avec M. [M] [L] pour créer la société par actions simplifiée Best Tacos, immatriculée le 7 novembre 2023, également spécialisée dans la restauration rapide à [Localité 11]. M. [W] [C] en est le président.
Le 1er octobre 2024 M. [V] [C] a fait assigner M. [W] [C], ainsi que les deux sociétés, devant le président du tribunal de commerce de Nice, au visa de l'article 873 du code de procédure civile, afin d'obtenir la désignation d'un administrateur provisoire pour les sociétés Best Tacos et Mister Tacos, en invoquant notamment le détournement du bail commercial dont bénéficiait la société Mister Tacos au seul profit de la société Best Tacos, et l'incapacité de M. [W] [C] à rendre compte de sa gestion de la société Mister Tacos.
M. [V] [C] a également sollicité la communication sous astreinte d'un certain nombre de documents sociaux de la société Mister Tacos.
Par ordonnance en date du 10 décembre 2024 le président du tribunal de commerce de Nice a':
- débouté M. [V] [C] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire,
- désigné la SCP Ezavin-[O] prise en la personne de [U] [O] sis [Adresse 2] en qualité de mandataire ad hoc pour une durée de trois mois, avec la mission d'enquêter sur la situation réelle de la société Mister Tacos, sur la situation administrative, et sur la nécessité de procéder à sa liquidation amiable éventuelle,
- dit qu'il sera statué sur la demande de transmission de documents à l'issue du rapport du mandataire ad hoc désigné.
- fixé la rémunération la SCP Ezavin-[O] prise en la personne de [U] [O] à 1 500 € (mille cinq cents euros),
- dit que M. [V] [C] financera cette mesure,
- dit que le mandataire ad hoc devra rendre compte de sa mission au Président du tribunal de commerce de Nice, ou à son délégataire, et solliciter la taxation de ses honoraires.
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamné les parties aux dépens partagés.
--------
Par acte en date du 19 décembre 2024 M. [V] [C] a interjeté appel de l'ordonnance.
--------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 28 mars 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [V] [C] demande à la cour de':
Vu l'article 873 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu l'ordonnance de Référé rendue le 10 décembre 2024 par le président du tribunal de Commerce de Nice,
Dire l'appel de monsieur [V] [C] recevable,
Le dire bien fondé.
A titre principal
Annuler l'ordonnance de référé rendue le 10 décembre 2024 par le président du tribunal de commerce de Nice pour excès de pouvoir.
A titre subsidiaire :
Reformer l'ordonnance de référé rendue le l0 décembre 2024 par le président du tribunal de commerce de Nice en ces chefs du dispositif de l'ordonnance critiquée qui ont :
- débouté M. [V] [C] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire,
- désigné la Scp Ezavin-[O] prise en la personne de [U] [O] sis [Adresse 2] en qualité de mandataire ad hoc pour une durée de trois mois, avec la mission d'enquêter sur la situation réelle de la société Mister Tacos, sur sa situation administrative, et sur la nécessité de procéder à sa liquidation amiable éventuelle,
- dit qu'il sera statué sur la demande de transmission de documents à l'issue du rapport du mandataire ad hoc désigné.
- fixé la rémunération la Scp Ezavin-[O] prise en la personne de [U] [O] à 1500 € (mille cinq cents euros),
- dit que M. [V] [C] financera cette mesure,
- dit que le mandataire ad hoc devra rendre compte de sa mission au président du tribunal de commerce de Nice, ou à son délégataire, et solliciter la taxation de ses honoraires,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
et ainsi débouté M. [V] [C] de ses demandes tendant à voir :
* débouter la société Mister Tacos, la société Best Tacos et monsieur [W] [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
* designer tel administrateur judiciaire qu'il plaira à la juridiction en qualité d'administrateur provisoire de la société Mister Tacos et de la société Best Tacos avec pour mission de :
- gérer et administrer la société Mister Tacos et de la société Best Tacos pour une durée d'un an, renouvelable sur autorisation de la présente juridiction par simple voie de requête.
- convoquer dans les plus brefs délais les associés de la société Mister Tacos et de la société Best Tacos une assemblée générale extraordinaire afin qu'il soit statué sur :
- les comptes de la société clos au 31 décembre 2023,
- le transfert du bail portant sur local [Adresse 8] au profit de la société Mister Tacos,
- éventuellement la dissolution anticipée de la société Best Tacos et sa mise en liquidation, la nomination d'un liquidateur charge de réaliser les actifs, apurer le passif et repartir le boni entre les associés.
- engager toute procédure en responsabilité à l'encontre de monsieur [W] [C] au vu des fautes de gestion opérés au préjudice de la société Mister Tacos.
* dire et juger que monsieur [W] [C] sera dessaisi de l'intégralité de ses pouvoirs de gérant de la société Mister Tacos et président de la societe Best Tacos à compter du prononcé de la décision à intervenir.
* condamner monsieur [W] [C], sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à remettre à monsieur [V] [C] et à l'administrateur provisoire désigné l'integra1ité des documents sociaux de la société Mister Tacos et notamment :
- concernant l'exercice 2023 : grand livre clients,grand livre fournisseurs, grand livre général, comptes annuels au 31 décembre 2023 (bilan, compte de résultat, détail et liasse fiscale),
- une situation comptable arrêtée au 30 juin 2024,
- les relevés bancaires d'août 2023 à ce jour,
- livre de paie,
- livre d'entrée et sortie du personnel,
- contrat de travail des salariés présent à ce jour dans l'entreprise
* condamner monsieur [W] [C] à régler à monsieur [V] [C] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
* condamner monsieur [W] [C] à régler les entiers dépens, en ce compris les frais de l'administrateur provisoire qui sera désigné.
Et statuant à nouveau :
Débouter la société Mister Tacos, la société Best Tacos et monsieur [W] [C] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
Désigner tel administrateur judiciaire qu'il plaira à la juridiction en qualité d'administrateur provisoire de la société Mister Tacos et de la société Best Tacos avec pour mission de :
- gérer et administrer la société Mister Tacos et de la société Best Tacos pour une durée d'un an, renouvelable sur autorisation de la présente juridiction par simple voie de requête.
- convoquer dans les plus brefs délais les associés de la société Mister Tacos et de la société Best Tacos une assemblée générale extraordinaire afn qu'il soit statué sur :
- les comptes de la société clos au 31 décembre 2023,
- le transfert du bail portant sur local [Adresse 8] au profit de la société Mister Tacos,
- éventuellement la dissolution anticipée de la société Best Tacos et sa mise en liquidation, la nomination d'un liquidateur charge de réaliser les actifs, apurer le passif et répartir le boni entre les associés.
- engager toute procédure en responsabilité à l'encontre de monsieur [W] [C] au vu des fautes de gestion opérés au préjudice de la société Mister Tacos.
- juger que monsieur [W] [C] sera dessaisi de l'intégralité de ses pouvoirs de gérant de la société Mister Tacos et président de la société Best Tacos à compter du prononcé de la décision à intervenir.
- condamner monsieur [W] [C], sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à remettre à monsieur [V] [C] et à l'administrateur provisoire désigné l'intégralité des documents sociaux de la société Mister Tacos et notamment :
- concernant l'exercice 2023 :
grand livre clients,
grand livre fournisseurs,
grand livre général,
comptes annuels au 31 décembre 2023 (bilan, compte de résultat, détail et liasse fiscale),
- une situation comptable arrêtée au 30 juin 2024,
- les relevés bancaires d'août 2023 à ce jour,
- livre de paie,
- livre d'entrée et sortie du personnel,
- contrat de travail des salariés présent à ce jour dans l'entreprise.
- condamner monsieur [W] [C] à régler à monsieur [V] [C] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens, distraits au profit de maître Sébastien Badie, de la S.c.p. Badie - Simon-Thibaud &Juston, avocats associés à la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui déclare en avoir fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Au soutien de son appel, M. [V] [C] invoque, à titre principal, la nullité de l'ordonnance attaquée en faisant valoir l'excès de pouvoir commis par le président du tribunal de commerce qui a ordonné une mesure non sollicitée par les parties, à savoir la désignation d'un mandataire ad hoc alors qu'un administrateur était demandé.
A titre subsidiaire, M. [V] [C] demande la réformation de la décision en soutenant que les motifs relevés par le premier juge lui permettaient au contraire de désigner un administrateur provisoire et il dénonce la mauvaise foi de M. [W] [C], qui n'a toujours pas convoqué les associés en vue de l'approbation des comptes sociaux et n'a pas déposé ses comptes au greffe.
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M. [W] [C] et les sociétés Best Tacos et Mister Tacos ont constitué avocat mais n'ont pas déposé de conclusions via le réseau privé virtuel des avocats.
La Scp Ezavin-[O], désignée en qualité de mandataire ad hoc, citée à personne morale par acte du 1er avril 2025 remis à une personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
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La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 septembre 2025 et l'affaire a été évoquée à l'audience du même jour.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Il en résulte que M. [W] [C] et les sociétés Best Tacos et Mister Tacos, qui n'ont pas transmis leurs conclusions par voie dématérialisée via le réseau privé virtuel des avocats, sont réputés s'approprier les motifs de la décision attaquée.
Sur la nullité de l'ordonnance :
M. [V] [C] sollicite l'annulation de la décision attaquée pour «'excès de pouvoir'». Il expose que «'le premier juge a cru bon d'ordonner une mesure qui n'a été sollicitée par aucune des parties, à savoir la désignation d'un mandataire ad hoc chargé d'enquêter sur la situation de la société Mister Tacos et de la nécessité de procéder à sa liquidation amiable'». Il ne précise pas le fondement juridique de sa demande en annulation.
Sur ce, s'il est démontré que le juge a commis un excès de pouvoir par méconnaissance de l'étendue de son pouvoir de juger, il est admis que le plaignant puisse introduire, par dérogation, un appel-nullité, dans les hypothèses où la voie de l'appel ne lui est pas ouverte.
En revanche, ni la violation du principe du contradictoire prévu par l'article 16 du code de procédure civile ni la méconnaissance de l'objet du litige prévu par l'article 4 du même code ne caractérisent un excès de pouvoir.
Il en résulte qu'en l'espèce, M. [V] [C], qui disposait de la possibilité d'interjeter appel de l'ordonnance rendue par le juge des référés, est mal-fondé à invoquer de la part du premier juge un excès de pouvoir, lequel ne peut, en tout état de cause, ressortir des griefs émis à l'encontre de la décision.
Il n'en reste pas moins que, conformément à l'article 5 du code de procédure civile, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
Dès lors, le premier juge, qui a désigné un mandataire ad hoc, alors même qu'il ne ressort pas des mentions de la décision que cette mesure a été sollicitée par les parties, et qu'il ne résulte pas davantage des termes de la décision que cette mesure a été soumise à un débat contradictoire, a outrepassé l'objet du litige en statuant ultra petita.
L'ordonnance doit dès lors être infirmée de ce seul chef.
Sur la demande de désignation d'un administrateur provisoire':
Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Par ailleurs, en application de l'article 873 du même code, le président peut, dans les mêmes limites et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
A ce titre, la désignation d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent.
Ainsi, le désaccord entre associés, sauf si le fonctionnement des organes sociaux est entravé et si une atteinte précise aux intérêts de la société sont établis, est insuffisant à justifier la désignation d'un administrateur provisoire.
En l'espèce, M. [V] [C] n'est ni associé ni dirigeant de la société Best Tacos. La seule circonstance que son frère M. [W] [C] soit associé et dirigeant des deux sociétés ne saurait lui conférer un intérêt à agir dans la protection de l'intérêt social de cette société.
S'agissant de la société Mister Tacos, dont il est associé pour moitié avec M. [W] [C], également gérant, M. [V] [C] invoque'la résiliation par ce dernier du bail commercial dont est titulaire la société, et ce, au profit de la société Best Tacos, alors que ce bail constituait son seul actif.
M. [V] [C] dénonce par ailleurs l'incapacité du gérant à rendre compte de sa gestion, à tenir l'assemblée générale annuelle qui devait avoir lieu avant le 30 juin 2024 et son incapacité à déposer les comptes au greffe du tribunal de commerce.
A cet égard, il ressort des termes de la décision attaquée que l'absence de pièces relatives à la société a été constatée par le premier juge, et M. [W] [C] n'a pas davantage justifié de documents attestant de la gestion de la société, de la tenue des comptes ni de la convocation des associés aux délibérations des assemblées générales. En outre, M. [W] [C] n'a pas contesté avoir procédé à la résiliation du bail commercial de la société pour le transférer à la société Best Tacos. Cette carence est susceptible de constituer un péril pour la société en ce qu'elle traduit un désintérêt manifeste pour la défense de son intérêt social, au profit d'une autre société proposant des prestations de restauration rapide similaires à la société Mister Tacos dans les mêmes locaux commerciaux au [Adresse 9] [Localité 11].
Pour autant, après avoir constaté que le bail a été résilié le 20 octobre 2023, soit quelques mois après sa prise d'effet au 1er avril 2023, que le mail de M. [W] [C] produit par l'appelant lui-même (pièce 8) atteste que des travaux auraient été effectués, a minima, jusqu'au mois d'août 2023 dans les locaux, que la société «'n'a jamais eu de matériel, de marchandise et encore moins de clientèle étant donné que Mr [C] [V] n'a jamais tenu ses engagements' (...)'», il en résulte qu'il n'est pas démontré que la société Mister Tacos ait eu une quelconque activité en l'état des désaccords survenus entre les deux frères.
Par ailleurs, M. [V] [C] indique gérer pour sa part la société Royal Food, également spécialisée dans la restauration rapide, et installée dans la même rue que les deux autres sociétés, au numéro [Adresse 6] à [Localité 11], et que son frère indique gérer désormais la société Best Tacos au numéro 69, avec un autre associé.
En conséquence, les circonstances de l'espèce ne justifient pas la désignation d'un administrateur provisoire.
En revanche, M. [W] [C] sera tenu de transmettre à M. [V] [C] les pièces comptables visées ci-dessous considérant qu'en tout état de cause une suite doit être donnée à la poursuite d'exploitation de la société en l'absence d'élément communiqué à la cour quant à une éventuelle liquidation amiable ou judiciaire, sauf à produire une attestation par expert-comptable de nature à justifier une impossibilité de communication des pièces en tout ou partie.
Il n'y a pas lieu à astreinte eu égard aux motifs susvisés.
Sur les frais et dépens':
La nature du litige justifie que chaque partie conserve la charge de ses propres frais et dépens, tant de première instance que d'appel, sauf à préciser que les frais relatifs à la mission du mandataire ad hoc désigné, à supposer qu'il ait accompli sa mission telle que fixée par le premier juge, seront supportés par moitié entre M. [V] [C] et M. [W] [C].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
Infirme l'ordonnance rendue le 10 décembre 2024 par le président du tribunal de commerce de Nice,
Statuant à nouveau,
Déboute M. [V] [C] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire pour les sociétés Mister Tacos et Best Tacos,
Condamne M. [W] [C], en qualité de gérant de la société Mister Tacos à communiquer à M. [V] [C] l'intégralité des documents sociaux de la société Mister Tacos et notamment :
- concernant l'exercice 2023 :
grand livre clients,
grand livre fournisseurs,
grand livre général,
comptes annuels au 31 décembre 2023 (bilan, compte de résultat, détail et liasse fiscale),
- une situation comptable arrêtée au 30 juin 2024,
- les relevés bancaires d'août 2023 à ce jour,
- livre de paie,
- livre d'entrée et sortie du personnel,
- contrat de travail des salariés présent à ce jour dans l'entreprise
Sauf à produire une attestation par expert-comptable de nature à justifier une impossibilité de communication des pièces sollicitées, en totalité ou pour partie,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens, tant de première instance que d'appel, sauf à préciser que les frais relatifs à la mission du mandataire ad hoc désigné seront supportés le cas échéant par moitié entre M. [V] [C] et M. [W] [C].
La greffière La Présidente