CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 9 octobre 2025, n° 21/15892
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 09 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/15892 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIMAU
[I] [J]
C/
S.A.S. CAPO ROSSO
Copie exécutoire délivrée
le : 9 Octobre 2025
à :
Me Véronique ALDEMAR
Me Jean-louis BOISNEAULT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 5] en date du 16 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/08037.
APPELANT
Monsieur [I] [J]
né le 18 Août 1944 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Véronique ALDEMAR, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.S. CAPO ROSSO
à l'enseigne MARINELLA
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-louis BOISNEAULT, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,
et Madame Laetitia VIGNON, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 26 septembre 2008, M. [I] [J] a donné à bail à la société Capo Rosso un local commercial sis [Adresse 1] à [Localité 6].
Les lieux étaient destinés exclusivement 'aux activités de restauration, débit de boissons, location de salles pour banquets, séminaires ou événements professionnels ou non professionnels, salle de sport et de loisirs et détente'.
Ledit bail prévoit qu'en cas de vente par le preneur de son fonds de commerce, il restera solidairement tenu avec son acquéreur des obligations du bail et ce jusqu'à son expiration.
Le 20 décembre 2013, la société Capo Rosso a cédé son fonds de commerce à la société 2 FH Capo Rosso.
La société 2FH Capo Rosso a connu des difficultés d'ordre administratif dans l'exploitation de son fonds de commerce et elle a fait assigner la société Capo Rosso devant le tribunal de commerce de Marseille en nullité de la vente. Par jugement en date du 9 février 2017, confirmé par un arrêt de cette cour du 7 décembre 2017, la société 2 FH a été déboutée de ses demandes.
La société 2 FH Capo Rosso a cessé de régler les loyers et elle a été assignée le 22 mars 2017 par M. [J] devant le juge des référés. La société 2 FH Capo Rosso a appelé en la cause la société Capo Rosso. Par ordonnance en date du 10 juillet 2017, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire mais en a suspendu les effets en octroyant des délais à la société 2 FH Capo Rosso.
Cette dernière n'a procédé à aucun règlement et M. [J] a repris ses locaux le 13 octobre 2017.
Par ordonnance de référé en date du 23 mai 2018, la société Capo Rosso a été condamnée, sur la base de la clause de solidarité figurant dans l'acte de vente du fonds de commerce et dans le bail, à régler à M. [J] une somme de 22.938,79 € au titre des loyers impayés outre une indemnité de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Cette décision a été confirmée par un arrêt du 4 juillet 2019 de la cour d'appel de céans.
Par acte d'huissier en date du 9 juillet 2019, la société Capo Rosso a fait assigner M. [I] [J] devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de le voir condamner au paiement d'une somme principale de 30.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Par jugement en date du 16 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a:
- condamné M. [J] à payer à la société Capo Rosso la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté toute autre demande des parties.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
- dans le procès ayant opposé la société Capo Rosso à la société 2FH Capo Rosso en nullité de la vente du fonds de commerce, cette dernière a produit, au soutien de son argumentation, une lettre de M. [J] relatant que le mari de la gérante de la société Capo Rosso lui avait dit que la salle-de-sport située au rez-de-chaussée du restaurant, objet du bail, avait été transformée en salle de réception louée pour différents événements et des soirées à thème,
- le caractère mensonger de telles déclarations a été reconnu par l'arrêt de la cour du 7 décembre 2017 en ce qu'il a été définitivement jugé que les travaux en question ont été réalisés deux ans après la cession du fonds de commerce,
- M. [J] a toutefois persisté à maintenir les termes de cette déclaration et par là à soutenir l'action du cessionnaire, démontrant l'existence d'une concertation fautive avec la société 2FH afin d'obtenir le paiement par la société Capo Rosso des loyers dus par la société 2 FH.
Par déclaration en date du 10 novembre 2021, M. [J] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 4 juin 2025, M. [I] [J] demande à la cour de:
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a:
* condamné M. [J] à payer à la société Capo Rosso la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné M. [J] aux dépens,
* ordonné l'exécution provisoire,
Et statuant à nouveau,
- débouter la société Capo Rosso-Marinella de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de M. [I] [J],
- condamner la société Capo Rosso-Marinella à payer à M. [I] [J]:
* en plus des condamnations par lui obtenues par ordonnance de référé du 23 mai 2018, confirmée par arrêt du 4 juillet 2019, la somme de 5.143 € correspondant au montant des loyers et charges lui restant dus, en l'absence de déduction du dépôt de garantie,
* la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,
* et celle de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamner la société Capo Rosso-Marinella aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La SARL Capo Rosso, à l'enseigne Marinella, suivant ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 6 juin 2025, demande à la cour de:
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Marseille le 16 septembre 2021,
- condamner M. [J] à verser à la société Capo Rosso, à l'enseigne Marinella la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [J] aux entiers dépens, distraits au profit de Me Jean-Louis Boisneault de l'AARPI Boisneault- Cardella, avocats au barreau de Marseille.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 juin 2025.
MOTIFS
Sur la demande principale de la société Capo Rosso
La société Capo Rosso a introduit la présente procédure reprochant à M. [J] d'avoir commis des fautes qui l'ont privée du bénéfice de la subrogation légale en ce qu'elle a perdu des chances de pouvoir prendre des mesures conservatoires contre la société 2FH Capo Rosso, destinées à récupérer, du moins en partie, les sommes versées dans le cadre de la garantie solidaire des loyers impayés.
Elle fait plus particulièrement grief à M. [J]:
- d'une part, d'avoir participé à l'entreprise frauduleuse de sa locataire, la société 2FH Capo Rosso, à l'origine de la cessation des paiements du loyer, violant son devoir d'exécuter le contrat de bonne foi,
- d'autre part, d'avoir fait preuve de déloyauté et de négligence à son égard, en n'accomplissant pas toutes les diligences requises pour obtenir du cessionnaire l'exécution de ses obligations contractuelles.
M. [J] conteste avoir commis un quelconque manquement, estimant ne pas avoir tardé à diligenter une procédure à l'encontre de la société 2 FH Capo Rosso en paiement des loyers et qu'il ne peut lui être reproché un défaut d'information du garant en ce qu'il ignorait le lieu de son nouveau siège social et le fait qu'elle avait changé de dénomination pour y a jouter le terme ' Marinella'. Il fait par ailleurs grief au premier juge, d'avoir retenu qu'il avait délivré à la société 2FH Capo Rosso une attestation mensongère dans le but de permettre à cette dernière d'obtenir une condamnation pécuniaire à l'encontre de son vendeur pour réaliser des aménagements au rez-de-chaussée du bien loué et en tirer une plus-value alors que:
- cette attestation n'en est pas une et constitue tout au plus un simple courrier, dont le contenu n'est aucunement mensonger,
- l'allégation de concertation frauduleuse entre le bailleur et la cessionnaire relève de la fiction.
Le contrat de bail régularisé le 26 septembre 2018 entre M. [I] [J] et la société Capo Rosso comporte une clause intitulée ' jouissance des lieux' qui stipule que ' En cas de vente du fonds de commerce, le preneur restera solidairement tenu avec son acquéreur des obligations du bail et ce jusqu'à son expiration (...)'.
Il n'est pas contesté que, par acte sous seing privé en date du 20 décembre 2013, la société Capo Rosso a vendu son fonds de commerce à la société 2FH Capo Rosso.
Il est par ailleurs établi que cette dernière a cessé de régler les loyers et que par ordonnance de référé en date du 23 mai 2018, confirmée par un arrêt de cette cour du 4 juillet 2019, la société Capo Rosso a été condamnée à payer à M. [I] [J] la somme provisionnelle de 22.938,79 €, sur le fondement de la clause de solidarité figurant au bail, au titre de l'arriéré locatif dû par la société 2 FH Capo Rosso.
En vertu de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Selon l'article L 145-16-1 du code de commerce, si la cession du bail commercial est accompagnée d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, ce dernier informe le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci.
Cet article, issu de la loi n° 2016-626 du 18 juin 2014, est d'application immédiate et est entré en vigueur le 20 juin 2014, s'applique aux baux conclus ou renouvelés à compter de cette date mais non pas aux baux en cours.
Il n'en demeure pas moins que la société cédante est fondée à invoquer la négligence fautive du bailleur, qui en n'avertissant pas le garant du non paiement des loyers par le cessionnaire et qui laisse s'accumuler une dette sans agir est susceptible de voir sa responsabilité contractuelle engagée en ce que le poids de sa faute n'a pas à peser sur le cédant alors même que le bailleur bénéficie dans le bail d'une clause résolutoire.
En d'autres termes, l'engagement de garantie solidaire qu'exige le bailleur du cédant en cas de vente du fonds de commerce en cours de bail, ne doit pas l'amener à se désintéresser de l'exécution ultérieure du contrat par le cessionnaire.
En outre, la société Capo Rosso peut se prévaloir d'une violation par le bailleur de son devoir d'exécuter de bonne foi le contrat.
Il ressort des pièces produites que par assignation à jour fixe en date du 20 décembre 2016, la société 2FH Capo Rosso a fait citer la société Capo Rosso devant le tribunal de commerce de Marseille, en résiliation de l'acte de cession du fonds de commerce du 20 décembre 2013 aux torts de la cédante, au motif d'une impossibilité d'exploitation du fonds de commerce faute de délivrance des autorisations nécessaires. Il était précisé dans cette assignation que la cessionnaire n'avait pas eu d'autre choix que de fermer l'établissement.
Par jugement du 9 février 2017, confirmé par un arrêt de cette cour du 7 décembre 2017, la société 2FH Capo Rosso a été déboutée de ses demandes.
Dans le cadre de cette procédure, la société 2FH Capo Rosso s'était notamment prévalue d'un courrier de M. [J] qui précisait que ' En tant que propriétaire des murs du local situé [Adresse 1], je vous confirme que M. [K] ( le mari de la gérante de la société Capo Rosso) nous avait informés que la salle de sport du rez-de-chaussée du restaurant, avait été transformée en salle de réception qu'il pouvait louer pour différents événements et que des soirées à thème s'y déroulaient (...).'
Ce témoignage de M. [J] s'est avéré parfaitement inexact en ce que cette instance a permis d'établir que la société 2FH Capo Rosso avait fait réaliser elle-même les travaux afin de transformer en salle de réception le rez-de-chaussée, ce qui a eu pour effet d'augmenter la capacité d'accueil de l'établissement en le faisant passer dans une catégorie d'EPR nécessitant des travaux de mise en conformité au plan de la sécurité.
Le bailleur a ainsi soutenu l'action du cessionnaire alors que pendant ce temps là, le loyer n'était plus réglé par la société 2 FH Capo Rosso et ce depuis plusieurs mois, cette dernière ayant d'ailleurs expressément indiqué dans son assignation, qu'elle n'exploitait plus les lieux.
M. [J] a attendu le 21 février 2017, soit après le prononcé du jugement du tribunal de commerce de Marseille du 9 février 2017 déboutant la société 2FH Capo Rosso de ses demandes à l'encontre de la société Capo Rosso, pour délivrer à la cessionnaire un commandement de payer visant la clause résolutoire, alors qu'il résulte des différents décomptes que le loyer n'était plus réglé depuis le mois de septembre 2016.
Il a ainsi mis plus de six mois à réagir et ne justifie pas avoir tenté auparavant une quelconque démarche auprès de son nouveau locataire pour obtenir le règlement des sommes dues, ni d'avoir informé la société Capo Rosso de l'existence d'impayés.
De même, il a fait choix de diligenter son action devant le juge des référés, par acte du 23 mars 2017, uniquement à l'égard de la société 2FH Capo Rosso et non pas le garant, qui n'en a été avisé que par l'assignation qui lui a été délivrée le 31 mai 2017, par la société 2 FH Capo Rosso, au visa de la garantie solidaire.
En outre, dans le cadre de cette instance en référé, M. [J] n'a pas sollicité la mise en oeuvre de la clause de garantie solidaire à l'encontre de la société Capo Rosso, préférant attendre le 8 février 2018 pour l'assigner en paiement, alors que la dette locative n'avait fait que s'accroître depuis la première ordonnance de référé du 10 juillet 2017 condamnant uniquement la société 2 FH Capo Rosso tout en lui octroyant des délais de paiement, échéancier que celle-ci n'a pas respecté, puisqu'aucun versement n'a été effectué.
Or, durant cette période, M. [J] n'a pas davantage averti le garant de l'absence de règlement par la locataire et par là de l'aggravation de l'arriéré locatif.
En laissant s'accroître, pendant plusieurs mois, la dette de loyers de la société 2 FH Capo Rosso, cessionnaire du droit au bail, sans prendre aucune initiative, ni agir, en temps utile contre cette dernière, ni contre le co-débiteur solidaire, comme lui permettaient pourtant les stipulations du contrat de bail, M. [J] a eu une attitude fautive envers la société Capo Rosso, dont la dette
s'est trouvée alourdie et s'est retrouvée privée des chances de pouvoir prendre des mesure conservatoires à l'encontre de la cessionnaire, afin de lui permettre de récupérer, au moins en partie, les sommes à verser dans le cadre de la garantie solidaire des loyers.
En outre, le bailleur a été d'une grande inertie dans la mise en jeu de la garantie solidaire de la société Capo Rosso, tout en soutenant, dans le même temps, l'action du cessionnaire à l'encontre du cédant, en acceptant d'écrire un courrier au contenu mensonger, faisant également preuve de mauvaise foi dans l'exécution de ses obligations envers son cocontractant.
La société Capo Rosso justifie que la société 2 FH Capo Rosso était notamment titulaire d'une licence IV, dont la valeur aurait pu couvrir une grande partie des impayés de loyers au moment de son assignation par M. [J] en mars 2017 devant le juge des référés, sans qu'il ne fasse le choix de jouer la clause de solidarité. L'intimée établit que la licence a été vendue en octobre 2017, soit avant que le bailleur ne fasse jouer la clause de solidarité à son encontre dans le cadre de la deuxième procédure en référé, de sorte que la principale garantie avait disparu, étant précisé que la société 2FH Capo Rosso avait également cédé les éléments corporels de son fonds de commerce en 2017 avant d'être placée en liquidation judiciaire par jugement du 31 octobre 2018.
M. [J] a donc commis une faute à l'origine d'un préjudice dont il doit réparation. Compte tenu des éléments d'appréciation qui lui sont soumis, notamment le montant du loyer annuel ( 27.600 €), la cour est en mesure d'évaluer ce préjudice à 13.800 €.
L'appelant sera donc condamné à verser cette somme à la société Capo Rosso.
Sur les demandes reconventionnelles de M. [J]
Celui-ci réclame en premier lieu la somme de 5.143 € correspondant au montant du loyer et des charges lui restant dû par la société Capo Rosso, en l'absence de déduction du dépôt de garantie.
Il expose que le juge des référés puis cette cour ont injustement déduit de la somme qu'il réclamait à l'encontre de l'intimé, à savoir 28.081,79 €, le dépôt de garantie de 5.143 €. Il considère que cette soustraction viole les termes du bail commercial.
La société intimée lui oppose en premier l'irrecevabilité de cette demande, au visa de l'article 70 du code de procédure civile, faute de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Toutefois, la demande formée par M. [J] concernant les sommes dont il soutient que la société Capo Rosso reste redevable au titre de la garantie solidaire du bail se rattache suffisamment à la prétention originaire de cette dernière tendant à voir constater qu'il a engagé sa responsabilité contractuelle dans la mise en oeuvre de cette garantie.
Cette demande reconventionnelle est donc recevable.
M. [J] prétend que si la société 2 FH Capo Rosso a restitué les lieux libres de toute occupation, elle ne l'a pas fait après avoir notifié un congé régulier mais par suite d'une décision de justice ayant constaté la résolution du bail.
Le bail litigieux comporte une clause intitulée 'dépôt de garantie' qui stipule notamment que celui-ci 'n'est remboursable par le bailleur qu'en cas de congé régulier du preneur et de remise des lieux libres de toute occupation'.
Or, une telle restriction ne s'applique qu'en cas de départ intempestif du locataire ou de congé irrégulier donné par celui-ci mais non lorsque le bailleur prend l'initiative de la résiliation du bail comme en l'espèce, en faisant délivrer un commandement visant la clause résolutoire au preneur avant de l'assigner en constat de la résiliation du bail et expulsion.
Le bailleur ajoute que le preneur n'a pas rempli son obligation contractuelle relative à la réalisation des travaux de mises aux normes et qu'il résulte du procès-verbal de reprise des lieux du 13 octobre 2017 que ceux-ci étaient dégradés par des infiltrations.
La cour observe que:
- M. [J] n'est pas en mesure de caractériser quels travaux visant à adapter les locaux aux normes en vigueur et réclamés par l'autorité administrative n'auraient pas été accomplis par le locataire,
- le procès-verbal de constat dressé le 13 octobre 2017 mentionne lors de la reprise des lieux que les locaux sont en état d'usage et fait état de traces d'infiltrations dans la salle principale au rez-de-chaussée sans que ces seules constatations ne permettent de démontrer l'origine de ces désordres et par là de les imputer au preneur.
L'appelant sera donc débouté de ce chef de demande.
Ce dernier sollicite également la condamnation de la société Capo Rosso à lui verser une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.
Au regard de la solution apportée au présent litige, cette prétention ne peut qu'être rejetée.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Marseille en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M. [I] [J] à payer à la société Capo Rosso la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne M. [I] [J] à payer à la société Capo Rosso, à l'enseigne Marinella , la somme de 13.800 € à titre de dommages et intérêts,
Y ajoutant,
Déboute M. [I] [J] de ses demandes au titre du dépôt de garantie et en paiement de dommages et intérêts,
Condamne M. [I] [J] à payer à la société Capo Rosso à l'enseigne Marinella, la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [I] [J] aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 09 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/15892 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIMAU
[I] [J]
C/
S.A.S. CAPO ROSSO
Copie exécutoire délivrée
le : 9 Octobre 2025
à :
Me Véronique ALDEMAR
Me Jean-louis BOISNEAULT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 5] en date du 16 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/08037.
APPELANT
Monsieur [I] [J]
né le 18 Août 1944 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Véronique ALDEMAR, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.S. CAPO ROSSO
à l'enseigne MARINELLA
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-louis BOISNEAULT, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,
et Madame Laetitia VIGNON, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 26 septembre 2008, M. [I] [J] a donné à bail à la société Capo Rosso un local commercial sis [Adresse 1] à [Localité 6].
Les lieux étaient destinés exclusivement 'aux activités de restauration, débit de boissons, location de salles pour banquets, séminaires ou événements professionnels ou non professionnels, salle de sport et de loisirs et détente'.
Ledit bail prévoit qu'en cas de vente par le preneur de son fonds de commerce, il restera solidairement tenu avec son acquéreur des obligations du bail et ce jusqu'à son expiration.
Le 20 décembre 2013, la société Capo Rosso a cédé son fonds de commerce à la société 2 FH Capo Rosso.
La société 2FH Capo Rosso a connu des difficultés d'ordre administratif dans l'exploitation de son fonds de commerce et elle a fait assigner la société Capo Rosso devant le tribunal de commerce de Marseille en nullité de la vente. Par jugement en date du 9 février 2017, confirmé par un arrêt de cette cour du 7 décembre 2017, la société 2 FH a été déboutée de ses demandes.
La société 2 FH Capo Rosso a cessé de régler les loyers et elle a été assignée le 22 mars 2017 par M. [J] devant le juge des référés. La société 2 FH Capo Rosso a appelé en la cause la société Capo Rosso. Par ordonnance en date du 10 juillet 2017, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire mais en a suspendu les effets en octroyant des délais à la société 2 FH Capo Rosso.
Cette dernière n'a procédé à aucun règlement et M. [J] a repris ses locaux le 13 octobre 2017.
Par ordonnance de référé en date du 23 mai 2018, la société Capo Rosso a été condamnée, sur la base de la clause de solidarité figurant dans l'acte de vente du fonds de commerce et dans le bail, à régler à M. [J] une somme de 22.938,79 € au titre des loyers impayés outre une indemnité de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Cette décision a été confirmée par un arrêt du 4 juillet 2019 de la cour d'appel de céans.
Par acte d'huissier en date du 9 juillet 2019, la société Capo Rosso a fait assigner M. [I] [J] devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de le voir condamner au paiement d'une somme principale de 30.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Par jugement en date du 16 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a:
- condamné M. [J] à payer à la société Capo Rosso la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté toute autre demande des parties.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
- dans le procès ayant opposé la société Capo Rosso à la société 2FH Capo Rosso en nullité de la vente du fonds de commerce, cette dernière a produit, au soutien de son argumentation, une lettre de M. [J] relatant que le mari de la gérante de la société Capo Rosso lui avait dit que la salle-de-sport située au rez-de-chaussée du restaurant, objet du bail, avait été transformée en salle de réception louée pour différents événements et des soirées à thème,
- le caractère mensonger de telles déclarations a été reconnu par l'arrêt de la cour du 7 décembre 2017 en ce qu'il a été définitivement jugé que les travaux en question ont été réalisés deux ans après la cession du fonds de commerce,
- M. [J] a toutefois persisté à maintenir les termes de cette déclaration et par là à soutenir l'action du cessionnaire, démontrant l'existence d'une concertation fautive avec la société 2FH afin d'obtenir le paiement par la société Capo Rosso des loyers dus par la société 2 FH.
Par déclaration en date du 10 novembre 2021, M. [J] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 4 juin 2025, M. [I] [J] demande à la cour de:
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a:
* condamné M. [J] à payer à la société Capo Rosso la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné M. [J] aux dépens,
* ordonné l'exécution provisoire,
Et statuant à nouveau,
- débouter la société Capo Rosso-Marinella de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de M. [I] [J],
- condamner la société Capo Rosso-Marinella à payer à M. [I] [J]:
* en plus des condamnations par lui obtenues par ordonnance de référé du 23 mai 2018, confirmée par arrêt du 4 juillet 2019, la somme de 5.143 € correspondant au montant des loyers et charges lui restant dus, en l'absence de déduction du dépôt de garantie,
* la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,
* et celle de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamner la société Capo Rosso-Marinella aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La SARL Capo Rosso, à l'enseigne Marinella, suivant ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 6 juin 2025, demande à la cour de:
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Marseille le 16 septembre 2021,
- condamner M. [J] à verser à la société Capo Rosso, à l'enseigne Marinella la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [J] aux entiers dépens, distraits au profit de Me Jean-Louis Boisneault de l'AARPI Boisneault- Cardella, avocats au barreau de Marseille.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 juin 2025.
MOTIFS
Sur la demande principale de la société Capo Rosso
La société Capo Rosso a introduit la présente procédure reprochant à M. [J] d'avoir commis des fautes qui l'ont privée du bénéfice de la subrogation légale en ce qu'elle a perdu des chances de pouvoir prendre des mesures conservatoires contre la société 2FH Capo Rosso, destinées à récupérer, du moins en partie, les sommes versées dans le cadre de la garantie solidaire des loyers impayés.
Elle fait plus particulièrement grief à M. [J]:
- d'une part, d'avoir participé à l'entreprise frauduleuse de sa locataire, la société 2FH Capo Rosso, à l'origine de la cessation des paiements du loyer, violant son devoir d'exécuter le contrat de bonne foi,
- d'autre part, d'avoir fait preuve de déloyauté et de négligence à son égard, en n'accomplissant pas toutes les diligences requises pour obtenir du cessionnaire l'exécution de ses obligations contractuelles.
M. [J] conteste avoir commis un quelconque manquement, estimant ne pas avoir tardé à diligenter une procédure à l'encontre de la société 2 FH Capo Rosso en paiement des loyers et qu'il ne peut lui être reproché un défaut d'information du garant en ce qu'il ignorait le lieu de son nouveau siège social et le fait qu'elle avait changé de dénomination pour y a jouter le terme ' Marinella'. Il fait par ailleurs grief au premier juge, d'avoir retenu qu'il avait délivré à la société 2FH Capo Rosso une attestation mensongère dans le but de permettre à cette dernière d'obtenir une condamnation pécuniaire à l'encontre de son vendeur pour réaliser des aménagements au rez-de-chaussée du bien loué et en tirer une plus-value alors que:
- cette attestation n'en est pas une et constitue tout au plus un simple courrier, dont le contenu n'est aucunement mensonger,
- l'allégation de concertation frauduleuse entre le bailleur et la cessionnaire relève de la fiction.
Le contrat de bail régularisé le 26 septembre 2018 entre M. [I] [J] et la société Capo Rosso comporte une clause intitulée ' jouissance des lieux' qui stipule que ' En cas de vente du fonds de commerce, le preneur restera solidairement tenu avec son acquéreur des obligations du bail et ce jusqu'à son expiration (...)'.
Il n'est pas contesté que, par acte sous seing privé en date du 20 décembre 2013, la société Capo Rosso a vendu son fonds de commerce à la société 2FH Capo Rosso.
Il est par ailleurs établi que cette dernière a cessé de régler les loyers et que par ordonnance de référé en date du 23 mai 2018, confirmée par un arrêt de cette cour du 4 juillet 2019, la société Capo Rosso a été condamnée à payer à M. [I] [J] la somme provisionnelle de 22.938,79 €, sur le fondement de la clause de solidarité figurant au bail, au titre de l'arriéré locatif dû par la société 2 FH Capo Rosso.
En vertu de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Selon l'article L 145-16-1 du code de commerce, si la cession du bail commercial est accompagnée d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, ce dernier informe le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci.
Cet article, issu de la loi n° 2016-626 du 18 juin 2014, est d'application immédiate et est entré en vigueur le 20 juin 2014, s'applique aux baux conclus ou renouvelés à compter de cette date mais non pas aux baux en cours.
Il n'en demeure pas moins que la société cédante est fondée à invoquer la négligence fautive du bailleur, qui en n'avertissant pas le garant du non paiement des loyers par le cessionnaire et qui laisse s'accumuler une dette sans agir est susceptible de voir sa responsabilité contractuelle engagée en ce que le poids de sa faute n'a pas à peser sur le cédant alors même que le bailleur bénéficie dans le bail d'une clause résolutoire.
En d'autres termes, l'engagement de garantie solidaire qu'exige le bailleur du cédant en cas de vente du fonds de commerce en cours de bail, ne doit pas l'amener à se désintéresser de l'exécution ultérieure du contrat par le cessionnaire.
En outre, la société Capo Rosso peut se prévaloir d'une violation par le bailleur de son devoir d'exécuter de bonne foi le contrat.
Il ressort des pièces produites que par assignation à jour fixe en date du 20 décembre 2016, la société 2FH Capo Rosso a fait citer la société Capo Rosso devant le tribunal de commerce de Marseille, en résiliation de l'acte de cession du fonds de commerce du 20 décembre 2013 aux torts de la cédante, au motif d'une impossibilité d'exploitation du fonds de commerce faute de délivrance des autorisations nécessaires. Il était précisé dans cette assignation que la cessionnaire n'avait pas eu d'autre choix que de fermer l'établissement.
Par jugement du 9 février 2017, confirmé par un arrêt de cette cour du 7 décembre 2017, la société 2FH Capo Rosso a été déboutée de ses demandes.
Dans le cadre de cette procédure, la société 2FH Capo Rosso s'était notamment prévalue d'un courrier de M. [J] qui précisait que ' En tant que propriétaire des murs du local situé [Adresse 1], je vous confirme que M. [K] ( le mari de la gérante de la société Capo Rosso) nous avait informés que la salle de sport du rez-de-chaussée du restaurant, avait été transformée en salle de réception qu'il pouvait louer pour différents événements et que des soirées à thème s'y déroulaient (...).'
Ce témoignage de M. [J] s'est avéré parfaitement inexact en ce que cette instance a permis d'établir que la société 2FH Capo Rosso avait fait réaliser elle-même les travaux afin de transformer en salle de réception le rez-de-chaussée, ce qui a eu pour effet d'augmenter la capacité d'accueil de l'établissement en le faisant passer dans une catégorie d'EPR nécessitant des travaux de mise en conformité au plan de la sécurité.
Le bailleur a ainsi soutenu l'action du cessionnaire alors que pendant ce temps là, le loyer n'était plus réglé par la société 2 FH Capo Rosso et ce depuis plusieurs mois, cette dernière ayant d'ailleurs expressément indiqué dans son assignation, qu'elle n'exploitait plus les lieux.
M. [J] a attendu le 21 février 2017, soit après le prononcé du jugement du tribunal de commerce de Marseille du 9 février 2017 déboutant la société 2FH Capo Rosso de ses demandes à l'encontre de la société Capo Rosso, pour délivrer à la cessionnaire un commandement de payer visant la clause résolutoire, alors qu'il résulte des différents décomptes que le loyer n'était plus réglé depuis le mois de septembre 2016.
Il a ainsi mis plus de six mois à réagir et ne justifie pas avoir tenté auparavant une quelconque démarche auprès de son nouveau locataire pour obtenir le règlement des sommes dues, ni d'avoir informé la société Capo Rosso de l'existence d'impayés.
De même, il a fait choix de diligenter son action devant le juge des référés, par acte du 23 mars 2017, uniquement à l'égard de la société 2FH Capo Rosso et non pas le garant, qui n'en a été avisé que par l'assignation qui lui a été délivrée le 31 mai 2017, par la société 2 FH Capo Rosso, au visa de la garantie solidaire.
En outre, dans le cadre de cette instance en référé, M. [J] n'a pas sollicité la mise en oeuvre de la clause de garantie solidaire à l'encontre de la société Capo Rosso, préférant attendre le 8 février 2018 pour l'assigner en paiement, alors que la dette locative n'avait fait que s'accroître depuis la première ordonnance de référé du 10 juillet 2017 condamnant uniquement la société 2 FH Capo Rosso tout en lui octroyant des délais de paiement, échéancier que celle-ci n'a pas respecté, puisqu'aucun versement n'a été effectué.
Or, durant cette période, M. [J] n'a pas davantage averti le garant de l'absence de règlement par la locataire et par là de l'aggravation de l'arriéré locatif.
En laissant s'accroître, pendant plusieurs mois, la dette de loyers de la société 2 FH Capo Rosso, cessionnaire du droit au bail, sans prendre aucune initiative, ni agir, en temps utile contre cette dernière, ni contre le co-débiteur solidaire, comme lui permettaient pourtant les stipulations du contrat de bail, M. [J] a eu une attitude fautive envers la société Capo Rosso, dont la dette
s'est trouvée alourdie et s'est retrouvée privée des chances de pouvoir prendre des mesure conservatoires à l'encontre de la cessionnaire, afin de lui permettre de récupérer, au moins en partie, les sommes à verser dans le cadre de la garantie solidaire des loyers.
En outre, le bailleur a été d'une grande inertie dans la mise en jeu de la garantie solidaire de la société Capo Rosso, tout en soutenant, dans le même temps, l'action du cessionnaire à l'encontre du cédant, en acceptant d'écrire un courrier au contenu mensonger, faisant également preuve de mauvaise foi dans l'exécution de ses obligations envers son cocontractant.
La société Capo Rosso justifie que la société 2 FH Capo Rosso était notamment titulaire d'une licence IV, dont la valeur aurait pu couvrir une grande partie des impayés de loyers au moment de son assignation par M. [J] en mars 2017 devant le juge des référés, sans qu'il ne fasse le choix de jouer la clause de solidarité. L'intimée établit que la licence a été vendue en octobre 2017, soit avant que le bailleur ne fasse jouer la clause de solidarité à son encontre dans le cadre de la deuxième procédure en référé, de sorte que la principale garantie avait disparu, étant précisé que la société 2FH Capo Rosso avait également cédé les éléments corporels de son fonds de commerce en 2017 avant d'être placée en liquidation judiciaire par jugement du 31 octobre 2018.
M. [J] a donc commis une faute à l'origine d'un préjudice dont il doit réparation. Compte tenu des éléments d'appréciation qui lui sont soumis, notamment le montant du loyer annuel ( 27.600 €), la cour est en mesure d'évaluer ce préjudice à 13.800 €.
L'appelant sera donc condamné à verser cette somme à la société Capo Rosso.
Sur les demandes reconventionnelles de M. [J]
Celui-ci réclame en premier lieu la somme de 5.143 € correspondant au montant du loyer et des charges lui restant dû par la société Capo Rosso, en l'absence de déduction du dépôt de garantie.
Il expose que le juge des référés puis cette cour ont injustement déduit de la somme qu'il réclamait à l'encontre de l'intimé, à savoir 28.081,79 €, le dépôt de garantie de 5.143 €. Il considère que cette soustraction viole les termes du bail commercial.
La société intimée lui oppose en premier l'irrecevabilité de cette demande, au visa de l'article 70 du code de procédure civile, faute de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Toutefois, la demande formée par M. [J] concernant les sommes dont il soutient que la société Capo Rosso reste redevable au titre de la garantie solidaire du bail se rattache suffisamment à la prétention originaire de cette dernière tendant à voir constater qu'il a engagé sa responsabilité contractuelle dans la mise en oeuvre de cette garantie.
Cette demande reconventionnelle est donc recevable.
M. [J] prétend que si la société 2 FH Capo Rosso a restitué les lieux libres de toute occupation, elle ne l'a pas fait après avoir notifié un congé régulier mais par suite d'une décision de justice ayant constaté la résolution du bail.
Le bail litigieux comporte une clause intitulée 'dépôt de garantie' qui stipule notamment que celui-ci 'n'est remboursable par le bailleur qu'en cas de congé régulier du preneur et de remise des lieux libres de toute occupation'.
Or, une telle restriction ne s'applique qu'en cas de départ intempestif du locataire ou de congé irrégulier donné par celui-ci mais non lorsque le bailleur prend l'initiative de la résiliation du bail comme en l'espèce, en faisant délivrer un commandement visant la clause résolutoire au preneur avant de l'assigner en constat de la résiliation du bail et expulsion.
Le bailleur ajoute que le preneur n'a pas rempli son obligation contractuelle relative à la réalisation des travaux de mises aux normes et qu'il résulte du procès-verbal de reprise des lieux du 13 octobre 2017 que ceux-ci étaient dégradés par des infiltrations.
La cour observe que:
- M. [J] n'est pas en mesure de caractériser quels travaux visant à adapter les locaux aux normes en vigueur et réclamés par l'autorité administrative n'auraient pas été accomplis par le locataire,
- le procès-verbal de constat dressé le 13 octobre 2017 mentionne lors de la reprise des lieux que les locaux sont en état d'usage et fait état de traces d'infiltrations dans la salle principale au rez-de-chaussée sans que ces seules constatations ne permettent de démontrer l'origine de ces désordres et par là de les imputer au preneur.
L'appelant sera donc débouté de ce chef de demande.
Ce dernier sollicite également la condamnation de la société Capo Rosso à lui verser une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.
Au regard de la solution apportée au présent litige, cette prétention ne peut qu'être rejetée.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Marseille en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M. [I] [J] à payer à la société Capo Rosso la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne M. [I] [J] à payer à la société Capo Rosso, à l'enseigne Marinella , la somme de 13.800 € à titre de dommages et intérêts,
Y ajoutant,
Déboute M. [I] [J] de ses demandes au titre du dépôt de garantie et en paiement de dommages et intérêts,
Condamne M. [I] [J] à payer à la société Capo Rosso à l'enseigne Marinella, la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [I] [J] aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,