CA Nîmes, 4e ch. com., 10 octobre 2025, n° 24/03308
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Courtage-etudes-gestion-immobilier-assurance-patrimoine (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidente :
Mme Rocci
Vice-présidente :
Mme Codol
Conseillère :
Mme Vareilles
Avocats :
Me Brun, Me Herisson
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 15 octobre 2024 par la SARL Courtage-études-gestion- immobilier- assurance- patrimoine à l'encontre du jugement rendu le 2 octobre 2024 par le tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance n° RG 2024014643 ;
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 23 octobre 2024 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 20 décembre 2024 par la SARL Courtage - études -gestion- immobilier- assurance- patrimoine, appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu la signification de la déclaration d'appel délivrée le 25 octobre 2024 à Maître [I] [B], intimé, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Courtage ' études- gestion- immobilier- assurance- patrimoine et intimé à titre principal, par acte laissé à une personne qui s'est déclarée habilitée à le recevoir pour son destinataire ;
Vu la signification des conclusions de la SARL Courtage - études ' gestion- immobilier- assurance- patrimoine délivrée le 23 décembre 2024 à Maître [I] [B], intimé à titre principal, par acte laissé à une personne qui s'est déclarée habilitée à le recevoir pour son destinataire ;
Vu les conclusions du ministère public transmises par la voie électronique le 26 août 2025 ;
Vu l'ordonnance du 23 octobre 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 4 septembre 2025.
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Par jugement du 24 juillet 2024, le tribunal de commerce d'Avignon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Courtage ' études ' gestion- immobilier ' assurance, ci-après la société CEGIAP, et a désigné Maître [I] [B] en qualité de mandataire judiciaire.
La date de cessation des paiements de l'entreprise a été par ailleurs fixée provisoirement au 31 mai 2023.
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Par requête du 20 août 2024, le mandataire judiciaire a saisi, au visa de l'article L. 631-
15 II du code de commerce, le tribunal de commerce d'Avignon aux fins de conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.
Dès réception de la requête, le greffe a convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception le débiteur et le cas échéant le(s) contrôleur(s) et les représentants du comité social et économique (CSE). Ladite convocation était accompagnée d'une copie de la requête. Le mandataire judiciaire et le ministère public ont été avisés de la date d'audience à la diligence du greffier.
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Par jugement du 02 octobre 2024, le tribunal de commerce d'Avignon a statué au visa de l'article L. 631-15 II du code de commerce, et :
« Constate la non-comparution du débiteur.
Constate que le redressement est manifestement impossible.
Met fin à la période d'observation et prononce la liquidation judiciaire de :
courtage études gestion immobilier assurance patrimoine (SARL)
[Adresse 3]
[Localité 11]
courtage de valeurs mobilières et de marchandises
Maintient la date de cessation des paiements initialement fixée le 31 mai 2023.
Maintient les organes de la procédure étant précisé que le mandataire judiciaire devient désormais liquidateur.
Rappelle qu'en application de l'article L.641-9 II du code de commerce, lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale. En cas de nécessité, un mandataire peut être désigné en leur lieu et place par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public. Le siège social est réputé fixé au domicile du représentant légal de l'entreprise ou du mandataire désigné.
Invite en conséquence les dirigeants sociaux ou le cas échéant le débiteur ou à défaut le liquidateur s'il en a connaissance, à signaler ai greffe tout changement d'adresse ou de situation personnelle.
Rappelle que lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut exercer, au cours de la liquidation judiciaire, aucune des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2 du code de commerce.
Fixe à 10 mois le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée
Convoque le débiteur en présence du liquidateur à l'audience qui sera tenue par le tribunal en chambre du conseil, le 06 octobre 2025 à 15h00, aux fins de clôture de la procédure, sauf prorogation par décision motivée.
Dit que la signification de la présente décision, vaudra convocation à ladite audience de clôture.
Ordonne les mesures de publicités conformément au livre VI du code de commerce.
Constate le caractère exécutoire de plein droit de la présente décision. »
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La société CEGIAP a relevé appel le 15 octobre 2024 de ce jugement pour le voir infirmer, annuler, ou réformer en toutes ses dispositions.
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Dans ses dernières conclusions, la société CEGIAP, appelante, demande à la cour, au visa de l'article 16 du code de procédure civile, des articles L 631-1, L 640-1 et L 641-1, I, du code de commerce, et de l'article L 533-13, I, du code monétaire et financier, de :
« - Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Avignon le 02 octobre 2024, en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il :
constate la non-comparution du débiteur,
constate que le redressement est manifestement impossible,
met fin à la période d'observation et prononce la liquidation judiciaire de : Courtage études gestion immobilier assurance patrimoine (SARL) [Adresse 4], courtage de valeurs mobilières et de marchandises
- Juger que la société CEGIAP dispose des ressources nécessaires à la réalisation du passif par son actif ;
- Constater que la société CEGIAP dispose de perspectives de redressement ;
- Rejeter l'intégralité des demandes, fins et prétentions des intimés ».
Au soutien de ses prétentions, la société CEGIAP, appelante, expose que :
le principe du contradictoire n'a pas été respecté en sorte que le jugement du tribunal de commerce d'Avignon doit être annulé ;
son dirigeant M. [D] a été convoqué à son ancienne adresse, celle de l'ancien siège social de la société CEGIAP, [Adresse 5] et non à l'adresse où il réside aujourd'hui [Adresse 9] ;
elle a vendu son fonds de commerce le 24 mai 2024 à la société MT [Localité 14] et depuis , M. [D] n'a plus accès aux locaux et ne reçoit plus le courrier adressé au siège social de la société ;
Sur le fond, la société CEGIAP soutient que :
- la situation de la société ne correspond pas aux critères d'une liquidation judiciaire dés lors d'une part qu'elle ne se trouve pas en état de cessation des paiements, d'autre part que son redressement n'est pas manifestement impossible. Elle soutient à ce titre qu'elle dispose d'un actif disponible de 80 000 euros à la suite de la vente de son fonds de commerce, tandis que l'état des dettes actuel présenté par Maître [I] [B], mandataire judiciaire, permet d'établir un passif égal à la somme de 65 447,62 euros ;
- certaines dettes sont contestées par la société CEGIAP, comme la créance déclarée par la société BNP Paribas pour un montant de 6 461, 97 euros. Elle soutient à ce titre que la société BNP Paribas a manqué à son obligation de conseil ;
- la personne qui l'a assignée en redressement judiciaire en première instance a fait opposition au prix du fonds de commerce et donc sa demande initiale était nulle du fait de l'absence de dette.
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Maître [I] [B], intimé, à qui la SARL CEGIAP a fait signifier ses conclusions par acte d'huissier du 23 décembre 2024 remis à personne présente en la personne de Mme [J] [M], secrétaire, n'a pas conclu.
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Dans ses dernières conclusions, le ministère public conclut à la confirmation par la cour de la décision rendue le 2 octobre 2024 par le tribunal de commerce d'Avignon :
en ce que les convocations ont été adressées à l'adresse figurant sur le KBIS ;
en ce que le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire n'a pas été contesté et si l'appelant fait état d'un acte réitératif de cessions de fonds de commerce pour un montant de 80 000 euros, il n'est pas produit un état de la trésorerie justifié par un relevé bancaire permettant de démontrer que cette somme est bien disponible« reprendre in extenso son avis » ;
en l'absence de toute autre pièce justificative pouvant permettre de contester tant l'état de cessation des paiements constaté de manière pertinente par les premiers juges, que le caractère manifestement impossible de toute possibilité de redressement.
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Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la procédure :
Par acte du 11 septembre 2024, Maître [I] [B] a fait signifier sa requête aux fins de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire et l'assignation devant le tribunal de commerce d'Avignon à la société Courtage Etudes Gestion Immobilier Assurance patrimoine, à son siège social, situé [Adresse 3] à Orange ( 84 100).
La société soutient que son dirigeant M. [D] n'avait plus accès à cette adresse compte tenu de la cession du fonds de commerce par acte du 24 mai 2024.
L'article 690 du code de procédure civile énonce que la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement. A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir.
En l'espèce la seule adresse de la société CEGIAP figurant sur l'extrait KBIS est celle de son siège social, [Adresse 3] à [Localité 14], sans modification, en sorte que Maître [I] [B] n'était pas tenu de faire signifier sa requête à l'adresse personnelle du dirigeant.
Maître [I] [B] justifie cependant d'une convocation de M.[D] à son adresse personnelle par accusé de réception du 29 juillet 2024
En tout état de cause, le dispositif des conclusions de la société CEGIAP ne vise aucune demande d'annulation du jugement déféré pour non-respect du principe du contradictoire, en sorte que la cour n'est pas saisie de cette demande.
Sur le fond :
Aux termes de l'article L. 631-1 du code de commerce, le débiteur est en cessation des paiements lorsqu'il est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
La société CEGIAP verse aux débats ses comptes annuels pour les exercices 2020, 2021, 2022 et 2023.
Elle conteste l'état de cessation des paiements en invoquant un actif disponible de 80 000 euros à la suite de la vente de son fonds de commerce.
Il résulte des débats que la cession du fonds de commerce est antérieure à l'ouverture du redressement judiciaire. Or un état de cessation des paiements a été constaté à la date du 31 mai 2023, par le jugement d'ouverture du redressement judiciaire qui a autorité de chose jugée.
Dans son rapport, le liquidateur fait état des éléments suivants, après un contact avec le débiteur le 15 octobre 2024 :
un solde comptable disponible de 31 456, 04 euros
un passif admis à hauteur de 65 447, 62 euros
une créance superprivilégiée de 3 706 euros
une capacité d'auto-financement qui devrait être de près de 9 600 euros par an pour désintéresser l'ensemble des créanciers
le seul actif connu est un crédit-vendeur au titre duquel il subsiste 47 000 euros à recouvrer à raison de 600 euros par mois ou 7 200 euros par an
l'absence de projet du dirigeant pour relancer l'activité de son entreprise
Le rapport du mandataire judiciaire sus-visé révèle que l'actif disponible ne permet pas d'apurer le passif quand bien même une cession du fonds de commerce a eu lieu plusieurs mois auparavant, en mai 2024.
Outre l'absence de projet de relance de l'activité, il n'existe pas de perspectives d'apurement du passif par ailleurs.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Avignon du 2 octobre 2024, en ce qu'il a constaté que le redressement est manifestement impossible et en ce qu'il a prononcé la liquidation judiciaire de la société Courtage études gestion immobilier assurance patrimoine (SARL) [Adresse 4].
Sur les frais de l'instance :
La SARL Courtage-Etudes-Gestion-Immobilier-Assurance-Patrimoine, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance.
L'équité et la situation des parties commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile;
Dans la limite de la dévolution
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Dit que la SARL Courtage-Etudes-Gestion-Immobilier-Assurance-Patrimoine supportera les dépens d'appel
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.