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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. soc., 9 octobre 2025, n° 21/04772

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 21/04772

9 octobre 2025

ARRET n°

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre sociale

ARRET DU 09 OCTOBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04772 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PDCV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 JUILLET 2021

POLE SOCIAL DU TJ DE CARCASSONNE

N° RG18/00087

APPELANT :

Monsieur [D] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant et assisté par Me Thierry CHOPIN de la SELAS SELAS CHOPIN-PEPIN & ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE substitué à l'audience par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de Montpellier

INTIMEE :

URSSAF LANGUEDOC ROUSSILLON

[Adresse 5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me David SARDA de la SELARL SAINTE-CLUQUE - SARDA - LAURENS, avocat au barreau de CARCASSONNE, substitué à l'audience par Me Esa LAURENS de la SELARL SAINTE-CLUQUE - SARDA - LAURENS, avocat au barreau de CARCASSONNE

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 JUIN 2025,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère faisait fonction de président de chambre

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Madame Frédérique BLANC, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Audrey NICLOUX

ARRET :

- Contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;

- signé par Madame Anne MONNINI-MICHEL,Conseillère faisant fonction de président de chambre, et par Madame Audrey NICLOUX, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [D] [L] est affilié à l'URSSAF en qualité de travailleur indépendant depuis le 20 juin 2008 en qualité de gérant de la société Espace Courtage et Conseils qui a cédé son fonds de commerce par acte du 29 juillet 2015.

L'URSSAF du Languedoc-Roussillon lui a adressé quatre mises en demeures régulièrement réceptionnées pour un montant total de 10 855 euros en date du 21 août 2017, du 23 novembre 2017, du 19 janvier 2018 et du 16 février 2018 portant sur les cotisations du troisième et quatrième trimestre 2017, du premier trimestre 2018, une régularisation au titre de l'année 2017 et des majorations de retard portant sur le quatrième trimestre 2016.

Le 09 avril 2018, la caisse a émis une contrainte signifiée le 12 avril 2018 pour un montant total de 9 561 euros.

Par lettre recommandée avec avis de réception reçue au greffe le 23 avril 2018, M. [L] a formé opposition à cette contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aude.

Par jugement du 06 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne, désormais compétent, a statué comme suit':

- Déboute M. [L] de ses demandes';

- Valide la contrainte établie par L'URSSAF à l'encontre de M. [L] le 09 avril 2018 et signifiée le 12 avril 2018';

- Condamne M. [L] à payer à l'URSSAF la somme totale de 9 561 euros au titre de la contrainte du 09 avril 2018';

- Condamne M. [L] à payer à l'URSSAF la somme totale de 73,08 euros au titre de la signification de la contrainte du 09 avril 2018';

- Met les entiers dépens à la charge de M. [L].

Par déclaration électronique du 23 juillet 2021, M. [L] a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 20 juillet 2021.

La cause a été appelée à l'audience des plaidoiries du 26 juin 2025.

Au soutien de ses conclusions en date du 20 octobre 2021, et soutenues oralement à l'audience du 26 juin 2025, l'avocat de M. [L] demande à la cour de':

- Réformer en son entier le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Carcassonne le 06 juillet 2021,

En conséquence,

- Dire et juger qu'à défaut de préciser la nature et la cause des cotisations dues, la contrainte signifiée le 12 avril 2018 est imprécise et doit donc être annulée,

- Prononcer la nullité de la contrainte délivrée par L'URSSAF du Languedoc Roussillon à M. [L],

À titre subsidiaire,

- Dire et juger que M. [L] a cessé son activité professionnelle de travailleur indépendant au cours du 3ème trimestre 2015,

- Dire et juger que l'absence de déclaration de revenus de M. [L] pendant plus de deux ans était de nature à présumer cette cessation d'activité,

- Dire et juger qu'en conséquence, il appartenait à l'URSSAF de procéder à la radiation du cotisant conformément à l'article L. 613-4 du Code de la sécurité sociale,

- Dire et juger que la cessation d'activité entraîne la régularisation du montant des cotisations sociales travailleurs indépendants,

- Condamner par conséquent l'URSSAF du Languedoc Roussillon à devoir établir un nouvel échéancier de cotisations pour les périodes litigieuses,

- Débouter l'URSSAF du Languedoc Roussillon de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner l'URSSAF du Languedoc Roussillon au paiement de la somme de 2 000 euros à M. [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses écritures, l'avocat de l'URSSAF du Languedoc-Roussillon sollicite de la cour de':

- Débouter M. [L] de toutes ses demandes et prétentions,

- Confirmer le jugement du 06 juillet 2021,

- Condamner M. [L] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées par les parties pour l'audience du 26 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien-fondé de l'opposition à contrainte':

Le cotisant soulève la nullité de la contrainte émise le 09 avril 2018 en ce qu'elle ne lui permettait pas d'apprécier la nature, la cause et l'étendue de son obligation. Il indique à ce titre que la contrainte ne fait référence à aucune des mises en demeures qui lui ont été préalablement adressées et soutient qu'il y a une différence entre les sommes indiquées dans les mises en demeures et celles présentes dans la contrainte.

Il fait égaleement valoir qu'il travaillait en qualité de gérant de la société ESPACE COURTAGE ET CONSEILS avant de céder son fonds de commerce le 29 juillet 2015 et indique qu'il n'a plus réalisé de chiffre d'affaires et n'a déclaré aucun revenu à l'URSSAF depuis cette date.

Il ajoute qu'il était présumé ne plus exercer d'activité professionnelle justifiant son affiliation à la sécurité sociale en l'absence de déclaration de revenus pendant plus de deux ans conformément aux dispositions de l'article L. 613-4 du CSS.

Il soutient en conséquence que la contrainte portant sur les cotisations comprises entre le quatrième trimestre 2016 et le premier trimestre 2018 était abusive et que l'URSSAF aurait dû prononcer sa radiation.

M. [L] sollicite par ailleurs que les sommes réclamées sur les périodes visées fassent l'objet d'un nouvel échéancier tenant compte de la perte d'affiliation de l'appelant à la sécurité sociale des indépendants.

L'URSSAF de son côté objecte que la contrainte litigieuse comportait toutes les références des mises demeure auxquelles elle fait suite et dont elle reprend les mêmes informations.

Elle fait valoir que la vente d'un fonds de commerce ne peut s'interpréter comme un changement de gérant alors que l'appelant présentait toujours la qualité de gérant de la société et elle produit un procès-verbal d'assemblée générale de la société en date du 05 novembre 2021, qui mentionne M. [D] [L] en sa qualité de gérant associé.

Elle ajoute que, suite à la dissolution de la société et à sa radiation intervenue le 09 décembre 2024, l'URSSAF a procédé à la radiation du compte de M. [L] ce qui a permis de solder la contrainte litigieuse.

En application de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale (CSS), toute action ou poursuite effectuée en application de l'article L. 244-1 ou des articles L. 244-6 et L. 244-11 est obligatoirement précédée d'une mise en demeure adressée à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée, l'invitant à régulariser sa situation dans le mois.

L'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, prévoit que l'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Il est de jurisprudence constante que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation'; qu'à cette fin il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice (C. Cass., Civ 2., 3 novembre 2016 n°15-20433).

La motivation de la contrainte, qui répond aux mêmes exigences que celles issues de la jurisprudence résultant de l'arrêt du 19 mars 1992 (Soc., 19 mars 1992, no 88-11.682), peut être opérée par référence à la mise en demeure (Soc., 4 octobre 2001, pourvoi n° 00-12.757), voire à plusieurs mises en demeure (C. Cass., Civ 2., 17 septembre 2015, pourvoi n° 14-24.718) et la contrainte délivrée à la suite d'une mise en demeure doit préciser, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations réclamées et la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice (C. Cass., Civ 2., 3 novembre 2016 n°15-20433).

Il incombe à l'opposant à contrainte de rapporter la preuve du caractère infondé de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l'organisme social. (C.Cass., 2ème civ., 19. 12. 2013 pourvoi n° 12-28.075).

En l'espèce, les mises en demeure notifiées contiennent les mentions ci-après':

- Mise en demeure du 21 août 2017 n° 0060280872':

Motif de mise en recouvrement': absence de versement

Nature des cotisations': CSG, CRDS, contribution à la formation professionnelle

Période': troisième trimestre 2017

Cotisations provisionnelles': 1 009 euros

Majorations et pénalités': 54 euros

Total à payer': 1 063 euros

- Mise en demeure du 23 novembre 2017 n° 0060381077':

Motif de mise en recouvrement': absence de versement

Nature des cotisations': CSG, CRDS, contribution à la formation professionnelle

Période': quatrième trimestre 2017

Cotisations provisionnelles': 1 813 euros

Régularisation': 795 euros

Majorations et pénalités': 140 euros

Total à payer': 2 748 euros

- Mise en demeure du 19 janvier 2018 n° 0060431349':

Motif de mise en recouvrement': Mise en demeure récapitulative

Nature des cotisations': Maladie-Maternité, Allocations familiales, CSG, CRDS, contribution à la formation professionnelle

Motif': majorations de retard complémentaires

Période': quatrième trimestre 2016

Majorations et pénalité': 82 euros

Motif': Régularisation annuelle

Période': régularisation 2017

Cotisation provisionnelle': 2 524 euros

Régularisation': 2 187 euros

Majorations et pénalités': 239 euros

Versement à déduire': 284 euros

Total à payer': 4 748 euros

- Mise en demeure du 16 février 2018 n° 0060488143':

Motif de mise en recouvrement': absence de versement

Nature des cotisations': Maladie-Maternité, Allocations familiales, CSG, CRDS, contribution à la formation professionnelle

Période': premier trimestre 2018

Cotisation provisionnelle': 2 183 euros

Majorations et pénalités': 113 euros

Total à payer': 2 296 euros

La cour relève que la contrainte signifiée le 12 avril 2018 visait expressément les quatre mises en demeure préalables avec l'indication des périodes concernées et les sommes restantes dues.

Elle mentionne les mêmes sommes que celles figurant sur les mises en demeure, déduction faite de deux acomptes d'un montant total de 1 294 euros qui ont été versés par le cotisant après l'envoi des mises en demeure.

Il s'ensuit que les mises en demeure notifiées et la contrainte ont permis au cotisant d'avoir connaissance de la cause, la nature et l'étendue de ses obligations.

S'agissant du grief portant sur l'absence de prise en compte de la cessation de son activité par l'URSSAF , la cour relève que selon les dispositions de l'article L. 133-6-7-1 du CSS, devenu article L. 613-4, dans sa version applicable au litige, à défaut de chiffre d'affaires ou de recettes ou de déclaration de chiffre d'affaires ou de revenus au cours d'une période d'au moins deux années civiles consécutives, un travailleur indépendant est présumé ne plus exercer d'activité professionnelle justifiant son affiliation au régime social des indépendants. Dans ce cas, la radiation peut être décidée par l'organisme de sécurité sociale dont il relève, sauf opposition formulée par l'intéressé dans le cadre d'une procédure contradictoire dont les modalités sont précisées par décret en Conseil d'Etat. Elle prend effet au terme de la dernière année au titre de laquelle le revenu ou le chiffre d'affaires est connu.

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 311-2 et L. 311-3 11° du code de la sécurité sociale que les gérants majoritaires d'une SARL sont obligatoirement affiliés au régime social des indépendants.

Par ailleurs, l'exercice d'un mandat de gérant d'une SARL est une activité professionnelle qu'elle soit rémunérée ou pas, peu important que la société n'ait aucune activité effective dès lors qu'elle n'a pas cessé d'exister.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal d'assemblée générale produit par l'URSSAF que M. [L] a cessé ses fonctions de gérant majoritaire de la société à compter du 05 novembre 2021 au profit de celles de liquidateur.

En sa qualité de gérant de la société, l'appelant demeurait assujetti, à titre personnel, au paiement des cotisations et contributions sociales assises sur ses revenus d'activité jusqu'à la cessation de ses fonctions de gérant.

Si l'article L. 613-4 du CSS prévoit une possibilité pour l'URSSAF de procéder à la radiation d'un travailleur indépendant qui n'exercerait plus d'activité professionnelle, la cour ne peut retenir que M. [L] n'exerçait plus d'activité dès lors qu'il est établi que le cotisant a conservé ses fonctions de gérants postérieurement à la cession de son fonds de commerce étant encore précisé que si la radiation peut être décidée comme le précise l'article L. 613-4 du CSS , il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation à charge de l'URSSAF.

En conséquence c'est à juste que des cotisations sociales lui ont été réclamées au titre de son activité de gérant majoritaire.

Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Carcassonne sera donc confirmé en ses entières dispositions.

M. [L] qui sollicite par ailleurs un nouvel échéancier au titre des cotisations contestées sera débouté de sa demande, la cour n'étant pas compétente pour octroyer un échéancier alors qu'aux termes des dispositions de l'article R. 243- 21 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, seul le directeur de l'URSSAF a compétence pour accorder un échéancier.

Sur les autres demandes':

M. [L] qui succombe sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 1'500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

- Déboute M. [L] de ses demandes';

Y ajoutant,

- Condamne M. [L] aux entiers dépens';

- Condamne M. [L] à payer à l'URSSAF la somme de 1'500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

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