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Décisions

CA Douai, soc. d salle 2, 26 septembre 2025, n° 24/00317

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 24/00317

26 septembre 2025

ARRÊT DU

26 septembre 2025

N° 1396/25

N° RG 24/00317

N° Portalis DCXR-X-B7G-YHF

LB/HA

Jugement du

Conseil de Prud'Hommes de Valenciennes

en date du

11 décembre 2023

(RG F 22/0064 - section encadrement)

GROSSE :

aux avocats

le 26 septembre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [W] [T]

[Adresse 5]

[Adresse 7]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Antoine BRUFFAERTS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S. MATY

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me PELISSIER Xavier, avocat au barreau de STRASBOURG

DÉBATS : à l'audience publique du 03 juillet 2025

Tenue par Laure BERNARD

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : SENSALE Rosalia

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 septembre 2025,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 12/06/2025

EXPOSE DU LITIGE

La société Maty exerce une activité de vente de bijoux en magasin et exploite 34 fonds de commerce répartis sur le territoire national. Elle est soumise à la convention collective du commerce de détail de l'horlogerie bijouterie.

Mme [T] [W] a été engagée par la société Maty par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 février 2014, en qualité de directrice de bijouterie, statut cadre, niveau G au sein de l'établissement de [Localité 8].

Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 4 juin 2018.

Dans le cadre d'une visite de reprise du 9 juin 2021, Mme [T] [W] a été déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail avec la précision suivante : « Tout maintien de Mme [T] [W] dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».

Par courrier du 15 juin 2021, Mme [T] [W] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 25 juin 2021. Elle a été licenciée pour inaptitude par courrier du 30 juin 2021.

Le 21 mars 2022, Mme [T] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Valenciennes aux fins principalement de voir prononcer la nullité de son licenciement pour harcèlement moral et d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu le 11 décembre 2023, la juridiction prud'homale a :

- dit la demande de Mme [T] [W] mal fondée,

- dit que Mme [T] [W] n'a pas subi de harcèlement moral, de sorte que son inaptitude médicale n'en est pas la conséquence,

- dit que le licenciement de Mme [T] [W] pour inaptitude médicale avec impossibilité de reclassement repose sur une cause sérieuse,

- débouté Mme [T] [W] de toutes ses demandes,

- condamné Mme [T] [W] à payer à la société Maty, la somme de 50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [T] [W] aux entiers dépens.

Mme [T] [W] a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration du 17 janvier 2024.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 27 novembre 2024, Mme [T] [W] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- constater que son inaptitude est la conséquence de faits de harcèlement,

- dire que son licenciement est nul,

- condamner la société Maty à lui payer les sommes suivantes :

- 37 157,04 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 37 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- 9 289,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés y afférents,

- 5 674,17 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 71,22 euros au titre du remboursement de ses frais,

- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Maty aux dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 18 décembre 2024, la société Maty demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [T] [W] de toutes ses demandes,

- condamner Mme [T] [W] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la procédure d'appel,

- condamner Mme [T] [W] aux éventuels frais d'exécution du jugement à intervenir.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou

mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article L.1154-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [T] [W] exerçait depuis 2014 les fonctions de directrice de magasin au sein de l'établissement (bijouterie) de [Localité 8], sous le statut de cadre ; elle était soumise à un forfait annuel en jours.

Elle reproche à son employeur et en particulier à sa supérieure directe Mme [E] [M], nommée directrice régionale au mois de février 2018, d'avoir commis des agissements de harcèlement moral tenant à :

- une surcharge de travail : augmentation des objectifs et baisse des effectifs,

- une pression managériale : tableaux avec minutage de chaque tâche, cahier d'animation (chiffres heure par heure, météo du jour)

- des appréciations négatives sur son travail,

- des mesures vexatoires et sanctions injustifiées : temps de travail jugé insuffisant, lettre de « mise en garde » concernant le salon du mariage de [Localité 8], reproches concernant ses congés en juin 2018,

- la dépossession de ses attributions en lien avec les salons du mariage et les comités d'entreprise.

A l'appui de la matérialité des faits invoqués par la salariée, il est produit :

- un tableau de l'historique des effectifs du magasin de [Localité 8] établi par la société Maty elle-même (pièce numéro 22) dont il ressort qu'alors que l'effectif était de 4 personnes en 2017, il était de 2,9 personnes en 2018,

- des attestations d'amies ayant constaté qu'à compter d'avril 2018, Mme [T] [W], auparavant enjouée au travail, apparaissait très stressée par son travail et restait dans le magasin lors du temps de déjeuner,

- une attestation de Mme [J], ancienne conseillère de vente au sein du magasin de [Localité 8] qui indique que Mme [E] [M] faisait de nombreuses remarques négatives sur les résultats du magasin, qu'après ses entretiens avec cette dernière, Mme [T] [W] était abattue, au bord des larmes ; que le magasin était passé en sous-effectif et que Mme [T] [W] devait travailler le midi et parfois ne pouvait prendre ses jours de repos ; qu'elle a quitté l'entreprise en juillet 2018 car la nouvelle politique commerciale était insupportable, les salariés étant sous pression constante et devant même noter le temps pour changer la pile d'une montre,

- une attestation de M.[Z], ancien client/fournisseur qui indique que lors d'une visite au magasin de [Localité 8] en mai 2018, Mme [T] [W] lui a indiqué que sa direction lui avait enlevé la mission des CE et des salons de mariage, qu'elle avait l'air triste et déprimée alors qu'elle était auparavant une « working girl » joyeuse et dynamique ; qu'il a été témoin ce jour-là d'un échange téléphonique de Mme [T] [W] avec Mme [E] [M], laquelle semblait très agressive au téléphone, et qu'après avoir raccroché, Mme [T] [W] était bouleversée et à la limite de fondre en larmes,

- une copie du livret d'animation et du document de reporting à remplir quotidiennement par Mme [T] [W] dont il ressort que chaque tâche devait être minutée, et le chiffre d'affaires ainsi que le taux de transformation renseignés heure par heure, avec précision de la météo du jour ,

- une attestation de M. [D], ancien directeur de magasin Maty à [Localité 6] qui indique qu'avec l'arrivée de Mme [E] [M] au poste de directrice régionale la politique managériale et commerciale a complètement changé, avec un minutage de toutes les tâches du quotidien accompagné d'une pression permanente afin de réduire les coûts, augmenter le chiffre d'affaires et diminuer la masse salariale,

- des échanges de mails avec Mme [E] [M] datés de mars 2018 dans lesquels celle-ci demande à sa salariée de justifier de la durée de travail de la semaine précédente, qu'elle estime insuffisante,

- un courrier de « mise en garde » daté du 25 avril 2018 concernant un dysfonctionnement dans les démarches pour l'inscription de l'enseigne Maty au salon du mariage de [Localité 8],

- des échanges de mail au sujet d'une prise de congés par la salariée lors de la semaine 24 de l'année 2018 (juin).

Concernant la pression managériale que la société Maty conteste, les attestations versées aux débats par l'employeur émanant d'autres directeurs de magasin et faisant état du caractère réalisable des objectifs assignés ainsi que du caractère bienveillant du management mené par Mme [E] [M] sont impropres à contredire les éléments de preuve apportés par la salariée quant à sa propre situation professionnelle.

Les pièces produites permettent bien de retenir que :

- Mme [T] [W] a été soumise à compter de février 2018 à une forte pression managériale liée à l'impératif d'atteindre de plus hauts objectifs commerciaux en dépit d'une baisse d'effectifs au sein du magasin et caractérisée par la mise en place de nouveaux outils de reporting comportant un minutage des tâches (ouverture colis, mise en rayon, ménage...) et la précision du chiffre d'affaires et du taux de transformation (nombre de client/ nombre de vente) heure par heure ainsi que par des reproches de sa supérieure sur les résultats jugés insuffisants du magasin (mail de reproches, conversation téléphoniques à l'issue desquelles la salariée était vue au bord des larmes),

- dans ce contexte, la salariée a été contrainte d'augmenter sa durée du travail, notamment en éludant ses pauses déjeuner ou en travaillant durant ses jours de repos,

- elle s'est vue retirer début 2018 ses attributions concernant ses relations avec les organisateurs de salons du mariage et les représentants de comités d'entreprise,

- elle s'est vue reprocher une durée du travail insuffisante lors d'une semaine en mars 2018 alors qu'elle se trouvait sous le statut de cadre en forfait jours,

- la salariée s'est vue reprocher une prise de congés durant la semaine 24 de l'année 2018, alors que celle-ci avait été validée par sa supérieure, les dates de soldes privées ayant été modifiées après sa demande de congés ;

- elle s'est vue reprocher son manque de diligence pour l'inscription de l'enseigne Maty au salon du mariage de [Localité 8] (courrier de mise en garde) alors qu'elle n'était plus en charge de celle-ci et qu'elle avait donné les coordonnées de la personne référente aux nouveaux collègues en charge de cette tâche.

Il est également versé aux débats de nombreuses pièces médicales et notamment :

- des certificats médicaux faisant état à compter du 4 juin 2018 d'un syndrome anxio-dépressif, dont certains précisent que celui-ci est réactionnel à une souffrance professionnelle (22 novembre 2019, 2 juillet 2020, 7 juin 2021)

- un avis d'inaptitude du médecin du travail du 9 juin 2021 mentionnant que « Tout maintien de Mme [T] [W] dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé »,

- une décision de prise en charge de l'affection «syndrome d'épuisement professionnel » au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie du 1er juin 2023,

- un certificat médical du 15 juin 2023 du docteur [I] qui mentionne que Mme [T] [W] est en arrêt de travail depuis le 4 juin 2018 et que cet arrêt est en rapport avec une maladie professionnelle.

Si la société Maty soutient que les reproches faits à Mme [T] [W] concernaient des sujets peu importants, force est de constater que la salariée a fait l'objet d'une « mise en garde » par courrier officiel, que ces reproches sont réitérés et concentrés sur un laps de temps très court (printemps 2018), et qu'ils doivent être examinés dans leur ensemble avec les autres faits dont la matérialité est établie.

Au regard des développements qui précèdent, Mme [T] [W] rapporte bien la preuve de la matérialité d'agissements répétés, qui pris dans leur ensemble et au regard des éléments médicaux produits, laissent supposer ou présumer une situation de harcèlement moral.

Il appartient dès lors à la société Maty de démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le fait d'imposer des objectifs difficilement réalisables à Mme [T] [W] avec des effectifs à disposition réduits et de la soumettre dans le même temps à de nouveaux outils de contrôle resserrés alors qu'il ne lui avait jamais été reproché, au vu de ses évaluations individuelles et de ses bons résultats en 2017, de manque d'implication ou de problème d'organisation dans la réalisation de ses fonctions de directrice de magasin ne peut être considéré comme relevant de l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur.

De la même manière, les reproches faits à la salariée (salon du mariage, congés posés la semaine 24, durée du travail jugée insuffisante sur une semaine alors qu'elle était au forfait-jours) étaient en réalité injustifiés et ne procédaient pas d'un exercice normal par l'employeur de son pouvoir de direction.

Par leur caractère concentré et répété, ils ont pu légitimement déstabiliser la salariée, dans un contexte de forte pression managériale quant à aux résultats commerciaux du magasin.

Ainsi ces décisions et agissements n'étaient pas justifiés par des faits objectifs et étrangers à tout harcèlement.

Enfin, la société Maty n'apporte aucune explication sur le retrait des attributions de Mme [T] [W] en matière de relations avec les intervenants des salons du mariage et avec les comités d'entreprises, et ne démontre pas que cette décision étant fondée sur un motif objectif et étranger à tout harcèlement.

Il résulte de ces éléments que la société Maty ne démontre pas ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est donc caractérisé une situation de harcèlement moral dont il est résulté pour Mme [T] [W] un préjudice moral qu'il y a lieu de réparer par l'allocation de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens

Sur la nullité du licenciement

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En l'espèce, au regard de la temporalité des faits, de la nature des éléments d'ordre médicaux à l'origine des arrêts de travail de Mme [T] [W] à compter du mois de juin 2018 et jusqu'à la visite de reprise, ainsi que des termes de l'avis d'inaptitude du médecin du travail, l'inaptitude trouve son origine dans la situation de harcèlement subie.

Dans ces conditions, le licenciement motivé par l'inaptitude de Mme [T] [W] doit être déclaré nul.

Sur les conséquences du licenciement

Le licenciement pour inaptitude étant nul, Mme [T] [W] est bien fondée à obtenir, compte tenu de son ancienneté et de son statut la somme de 9 289,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 928,93 euros au titre des congés payés afférents.

Concernant l'indemnité de licenciement, Mme [T] [W] en sollicite le doublement en l'application de l'article L. 1226-14 du code du travail qui prévoit que dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 (inaptitude consécutive à une maladie professionnelle), le licenciement ouvre droit, pour le salarié notamment à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

La maladie hors tableau « syndrome d'épuisement professionnel » de la salariée a été prise en charge par la sécurité sociale par décision de la caisse primaire d'assurance maladie du 1er juin 2023.

Si cette décision a été infirmée par la commission de recours amiable à l'égard de l'employeur pour des motifs de procédure, la cour dispose de suffisamment d'éléments (temporalité des faits, nature de l'affection, pièces médicales), pour retenir, que l'inaptitude constatée par le médecin du travail est bien consécutive à la maladie professionnelle reconnue par la caisse dans sa décision du 1er juin 2023.

Ainsi, Mme [T] [W] est bien fondée à obtenir la doublement de l'indemnité de licenciement, soit un reliquat de 5 674,17 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.

Enfin, concernant l'indemnité pour nullité du licenciement, conformément à l'article L.1235-3-1 du code du travail, l'article 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes notamment à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4.

En l'espèce lors de son licenciement, Mme [T] [W] était âgée de 51 ans, bénéficiait d'une ancienneté de 7 annes complètes au sein de la société Maty et percevait un salaire mensuel de 3 096 euros en qualité de directrice de magasin (bijouterie).

Elle rencontre encore actuellement de sérieux problèmes de santé. Elle a en effet été placée en invalidité de catégorie 2 (réduction de sa capacité de travail de 2/3) et perçoit une rente annuelle de 17 200 euros.

Au regard de ces éléments, et des possibilités de Mme [T] [W] de retrouver un emploi de qualification et de rémunération équivalente, il y a lieu de lui allouer une somme de 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur le remboursement de frais

Au regard des justificatifs produits, c'est de manière justifiée que la société Maty a considéré que certaines dépenses étaient décomptées deux fois par la salariée (26,90 euros et 35,80 euros) et qu'il y avait lieu d'appliquer un plafond au remboursement des repas.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] [W] de sa demande de remboursement de reliquats de frais.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Aux termes de l'article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

La société Maty sera condamnée à rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à Mme [T] [W] du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Les dispositions du jugement déféré relatives au sort des dépens et à l'indemnité de procédure seront infirmées.

La société Maty sera condamnée au dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer Mme [T] [W] une somme totale de

3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement rendu le 11 décembre 2023 par le conseil de prud'hommes de Valenciennes, sauf en ce qu'il a débouté Mme [T] [W] de sa demande de remboursement du reliquat de frais de 71,22 euros ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme [T] [W] est nul ;

CONDAMNE la société Maty à payer à Mme [T] [W] les sommes suivantes :

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 9 289,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre

928,93 euros au titre des congés payés afférents,

- 5 674,17 euros au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

CONDAMNE la société Maty à rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à Mme [T] [W] du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

CONDAMNE la société Maty aux dépens ;

CONDAMNE la société Maty à payer à Mme [T] [W] une somme totale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL

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