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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. civ., 9 octobre 2025, n° 25/00133

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/00133

9 octobre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 09 OCTOBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/00133 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QQG4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 NOVEMBRE 2024

JUGE DE L'EXECUTION DE [Localité 10] N° RG 24/01255

APPELANTE :

Madame [P] [W]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 5]

Représentée par Me SELMO substituant Me Bruno BLANQUER de la SCP BLANQUER//CROIZIER/CHARPY/SELMO, avocat au barreau de NARBONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 24/11682 du 24/12/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 9])

INTIME :

Monsieur [J] [F]

né le [Date naissance 4] 1943 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Olivier TRILLES de la SELARL OLIVIER TRILLES, avocat au barreau de CARCASSONNE

Ordonnance de clôture du 19 Juin 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 JUIN 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :

Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre

Mme Virginie HERMENT, Conseillère

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'une ordonnance de référé rendue le 1er juillet 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Narbonne statuant en référé a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 1er août 2013 entre M. [J] [F] et Mme [P] [W] étaient réunies à la date du 26 septembre 2023, a ordonné en conséquence à Mme [P] [W] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la décision, a dit qu'à défaut pour Mme [P] [W] d'avoir libéré les lieux deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, M. [J] [F] pourrait procéder à son expulsion et a condamné Mme [P] [W] à payer à M. [J] [F] à titre provisionnel une somme de 12 678 euros à valoir sur les loyers et indemnités d'occupation, ainsi qu'une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 26 septembre 2023 et jusqu'à la libération des lieux, outre les dépens.

Cette ordonnance a été signifiée à Mme [P] [W] le 15 juillet 2024.

A cette date, M. [J] [F] a également fait délivrer à Mme [P] [W] un commandement de quitter les lieux.

Le 23 juillet 2024 a été dressé par un commissaire de justice à l'encontre de Mme [P] [W], à la demande de M. [J] [F], un procès-verbal d'enlèvement du véhicule de marque Peugeot modèle 2008 immatriculé [Immatriculation 8].

Ce procès-verbal a été dénoncé à Mme [P] [W] le 24 juillet 2024.

Par acte du 5 août 2024, Mme [W] a fait assigner M. [F] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Narbonne afin qu'il déclare nuls et de nul effet la saisie et l'enlèvement de son véhicule, de type Peugeot 2008, immatriculé [Immatriculation 8], survenus par acte du 23 juillet 2024 et dénoncés à sa personne le 24 juillet, qu'il dise et juge que ce véhicule est insaisissable et nécessaire à sa vie courante et qu'il en ordonne la restitution.

Aux termes d'un jugement rendu le 21 novembre 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Narbonne a débouté Mme [W] de sa demande de mainlevée de la saisie du véhicule et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 500 euros à M. [J] [F] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration en date du 7 janvier 2025, Mme [P] [W] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées le 2 juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Mme [P] [W] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de mainlevée de la saisie du véhicule et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 500 euros à M. [J] [F] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire que le véhicule de type Peugeot 2008 immatriculé [Immatriculation 8] est insaisissable comme étant absolument nécessaire à sa vie courante,

- déclarer nuls et de nul effet la saisie et l'enlèvement de ce véhicule, survenus le 23 juillet 2024, qui lui ont été dénoncés le 24 juillet 2024 par maître [E] [R], commissaire de justice,

- ordonner la restitution du véhicule,

- condamner M. [F] aux entiers dépens, qui seront recouvrés comme en matière d'aide jurdictionnelle.

Elle soutient que postérieurement au jugement, elle a fait l'objet d'une procédure de surendettement qui a été déclarée recevable par décision du 21 février 2025, mais que le fait que le véhicule ait été vendu rend sans objet l'argument qu'elle tirait de la survenance d'une décision de recevabilité, puisque celle-ci n'arrête l'exécution que postérieurement à sa date.

Elle ajoute que le fait que le véhicule ait été vendu ne rend pas sans objet la procédure d'appel et n'empêche pas la cour de statuer sur le bien fondé de la décision rendue.

De plus, elle indique que selon l'article L. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution, les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille ne peuvent être saisis. Elle expose qu'elle est très gravement malade et que la possession d'un véhicule lui est indispensable, puisqu'elle fait l'objet d'un protocole de soins impliquant de nombreux trajets.

Elle ajoute qu'elle réside à [Localité 7], qu'elle n'est pas en mesure de se rendre à [Localité 12] pour prendre les transports en commun et que son véhicule lui est nécessaire pour les actes de la vie courante.

Elle souligne également qu'elle n'est pas en mesure d'obtenir la prise en charge de ces trajets par la sécurité sociale

Elle fait valoir que contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, un véhicule peut être dans certains cas insaisissables s'il est nécessaire à la vie privée et que tel est le cas en l'espèce.

Enfin, elle indique que contrairement à ce que prétend M. [J] [F], elle n'a pas acheté le véhicule qui a été saisi. Elle ajoute qu'elle ne vit pas avec le père de son enfant, M. [B] [U], et que ce dernier n'a ni véhicule personnel ni véhicule de fonction.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées le 9 juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [J] [F] demande à la cour de:

A titre principal,

- déclarer l'appel de Mme [W] sans objet du fait de la vente du véhicule le 30 janvier 2025,

- débouter en conséquence Mme [W] de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- débouter Mme [W] de sa demande de suspension des poursuites du fait de la contestation de la recevabilité de sa demande de surendettement,

A titre infiniment subsidiaire,

- valider la saisie du véhicule automobile de type Peugeot 2008 immatriculé DE 776 BE en date du 23 juillet 2024 par la SCP AJC,

En tout état de cause,

- condamner Mme [W] à lui verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris les frais de saisie.

Il fait valoir que la contestation de Mme [W] est dépourvue d'objet, dès lors que le véhicule a été vendu le 30 janvier 2025 et que le prix lui a été distribué.

Il ajoute que la décision de recevabilité du dossier de surendettement fait l'objet d'une contestation de sa part, puisque Mme [W] n'est pas de bonne foi, ayant dépensé une somme de 27 000 euros issue d'un héritage en dépenses de pur agrément au lieu de désintéresser son bailleur et ayant utilisé le montant d'une cagnotte en ligne souscrite à son bénéfice par M. [L] pour acquérir un véhicule d'occasion et se maintenant dans son logement, alors qu'elle dispose d'un nouveau logement à [Localité 7].

Subsidiairement, il soutient qu'aux termes des articles R. 112-1, L. 112-2 et R. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution, un véhicule automobile n'est pas considéré par la loi de facto comme un bien insaisissable ou comme un bien nécessaire à la vie et au travail du débiteur.

Il précise qu'en l'espèce, Mme [W] ne travaille pas, étant bénéficiaire de l'allocation adulte handicapé, et qu'elle n'a donc pas besoin de son véhicule à ce titre.

Il ajoute que pour ses déplacements médicaux, elle bénéficie d'une prise en charge des transports par la CPAM et n'a pas besoin de son véhicule, et qu'au surplus, son état de santé ne lui permet pas de conduire.

Du reste, il fait valoir que Mme [P] [W] peut en tout état de cause emprunter le véhicule de son compagnon qui dispose d'un véhicule personnel et d'un véhicule professionnel, ou emprunter les transports en commun.

Enfin, il soutient qu'il n'était pas nécessaire à Mme [W] de disposer d'un véhicule estimé à près de 7 000 euros pour réaliser des déplacements de quelques kilomètres de temps à autre.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 546 du code de procédure civile, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.

L'existence de l'intérêt à faire appel doit s'apprécier au jour de l'appel dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances extérieures qui l'auraient rendu sans objet.

En l'espèce, Mme [P] [W] a relevé appel du jugement rendu par le juge de l'exécution le 21 novembre 2024, par déclaration en date du 7 janvier 2025.

M. [J] [F] n'est donc pas fondé à invoquer la vente du véhicule intervenue le 30 janvier 2025 qui aurait rendu l'appel sans objet.

La fin de non-recevoir soulevée par M. [J] [F] sera donc rejetée.

Aux termes de l'article L. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution, ne peuvent être saisis:

1° Les biens que la loi déclare insaisissables;

2° Les biens que la loi rend incessibles à moins qu'il n'en soit disposé autrement;

3° Les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire, sauf pour le paiement des aliments déjà fournis par le saisissant à la partie saisie;

4° Les biens disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur, sauf autorisation du juge, et, pour la portion qu'il détermine, par les créanciers postérieurs à l'acte de donation ou à l'ouverture du legs;

5° Les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement de leur prix, dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat et sous réserve des dispositions du 6°. Ils deviennent cependant saisissables s'ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement, s'ils sont des biens de valeur, en raison notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère luxueux, s'ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité ou s'ils constituent des éléments corporels d'un fonds de commerce;

6° Les biens mobiliers mentionnés au 5°, même pour paiement de leur prix, lorsqu'ils sont la propriété des bénéficiaires de prestations d'aide sociale à l'enfance prévues aux articles L. 222-1 à L. 222-7 du code de l'action sociale et des familles;

7° Les objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades.

Selon l'article R. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution, pour l'application du 5° de l'article L. 112-2, sont insaisissables comme étant nécessaires à la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille:

1° Les vêtements;

2° La literie;

3° Le linge de maison;

4° Les objets et produits nécessaires aux soins corporels et à l'entretien des lieux;

5° Les denrées alimentaires;

6° Les objets de ménage nécessaires à la conservation, à la préparation et à la consommation des aliments;

7° Les appareils nécessaires au chauffage;

8° La table et les chaises permettant de prendre les repas en commun;

9° Un meuble pour ranger le linge et les vêtements et un autre pour ranger les objets ménagers;

10° Une machine à laver le linge;

11° Les livres et autres objets nécessaires à la poursuite des études ou à la formation professionnelle;

12° Les objets d'enfants;

13° Les souvenirs à caractère personnel ou familial;

14° Les animaux d'appartement ou de garde;

15° Les animaux destinés à la subsistance du saisi ainsi que les denrées nécessaires à leur élevage;

16° Les instruments de travail nécessaires à l'exercice personnel de l'activité professionnelle;

17° Un poste téléphonique permettant l'accès au service téléphonique fixe ou mobile.

Si un véhicule automobile ne figure pas dans l'énumération faite par l'article R. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution, ceci ne signifie pas pour autant qu'il se trouve exclu des biens pouvant être déclarés insaisissables comme étant nécessaires à la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille. De plus, un véhicule est susceptible d'être considéré comme un bien indispensable aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades au sens de l'article L.112-2.

Mais, il appartient à l'appelante de démontrer que son véhicule constitue un bien nécessaire à sa vie, en ce qu'il lui est indispensable pour bénéficier de soins.

En l'espèce, il est constant que Mme [P] [W] est bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés et qu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle.

Il ressort également des pièces produites que l'appelante, âgée de 52 ans, a souffert de différents problèmes médicaux. Ainsi, elle verse aux débats un certificat médical établi le 11 mai 2022 dans lequel un médecin évoque une prise en charge de vertiges avec troubles de l'équilibre et les antécédents suivants : néoplasie utérine, ulcère doudénal opéré, anémie sévère avec arrêt cardiaque, by-pass et syndrome dépressif. Elle justifie également qu'elle a présenté en 2022 une lésion cutanée d'aspect tumoral ayant nécessité une intervention chirurgicale, au niveau de la paupière, et qu'en décembre 2023, elle a été prise en charge pour un cancer du sein.

Elle produit du reste un certificat médical établi par un psychiatre le 17 septembre 2024, dans lequel le médecin précise qu'elle présente un état de santé mentale vulnérable et fait face depuis deux années à des maladies physiques graves mettant en jeu le pronostic vital et réduisant ses capacités de subsistance et ses capacités de faire face à ses obligations sociales.

Elle verse enfin aux débats un certificat médical établi le 4 février 2025, aux termes duquel le médecin évoque la nécessité de multiples déplacements à l'hôpital et précise que certains transports sont remboursables, tels que ceux en lien avec la chimiothérapie, mais que ceux réalisés pour la neuropathie et l'hernie inguinale ne permettent pas d'obtenir une prime de transport.

Aux termes de ce dernier certificat médical, daté du 4 février 2025, il est établi que Mme [P] [W] peut bénéficier d'une prise en charge de ses déplacements par la collectivité, en application des dispositions des articles R. 322-10, R. 322-10-1 et R. 322-10-2 du code de la sécurité sociale, dans le cadre de la chimiothérapie dont elle fait l'objet. Son véhicule ne lui est donc pas indispensable pour ces soins.

Si dans le certificat médical, le médecin précise que les soins pour la neuropathie et l'hernie inguinale ne permettent pas d'obtenir une prime de transport, la cour observe que l'appelante ne justifie pas précisément d'un rejet par les organismes de sécurité sociale d'une demande de prise en charge de ces déplacements.

De plus, Mme [P] [W] ne verse aux débats aucune pièce susceptible de justifier précisément des soins dont elle bénéficiait à la date à laquelle a été mise en oeuvre la mesure d'exécution forcée, de leur fréquence et du lieu où ils pouvaient lui être prodigués, et par conséquent de son impossibilité d'être soignée sans un véhicule personnel.

Ainsi, Mme [P] [W] n'établit pas précisément qu'à la date de la mesure contestée, le véhicule de marque Peugeot modèle 2008 immatriculé [Immatriculation 8] lui était indispensable compte tenu de ses problèmes de santé.

C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que le véhicule n'était pas insaisissable et qu'il a débouté Mme [P] [W] de sa demande de mainlevée de la saisie du véhicule.

La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Mme [P] [W] succombant en sa demande, la décision déférée sera également confirmée en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant en son appel, elle sera condamnée aux dépens d'appel, sans qu'il n'y ait lieu au regard de sa situation de la condamner au paiement d'une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [J] [F],

Confirme le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [J] [F] de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [P] [W] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

le greffier la présidente

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