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Décisions

CA Nouméa, ch. soc., 9 octobre 2025, n° 24/00078

NOUMÉA

Arrêt

Autre

CA Nouméa n° 24/00078

9 octobre 2025

N° de minute : 2025/51

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 09 Octobre 2025

Chambre sociale

N° RG 24/00078 - N° Portalis DBWF-V-B7I-VG2

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Septembre 2024 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° : 23/00019)

Saisine de la cour : 30 Octobre 2024

APPELANT

Mme [O] [F]

née le 13 Avril 1977 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Frédéric DE GRESLAN de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A.S. AIR LOYAUTE, représentée par son gérant en exercice

Siège social [Adresse 1]

Représentée par Me Louise CHAUCHAT de la SARL DESWARTE CALMET-CHAUCHAT AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2025, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Hubert HANSENNE, Président de chambre, président,

Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

Monsieur Luc BRIAND, Conseiller, rapporteur,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Luc BRIAND.

25.09.2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire : - Me CHAUCHAT ;

Expéditions : - Me DE GRESLAN ;

- Mme [F] et SAS AIR LOYAUTE (LR/AR) ;

- Copie CA ; Copie TT

Greffier lors des débats : Mme Sabrina VAKIE

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Hubert HANSENNE, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

La société par actions simplifiée AIR LOYAUTE exercice une activité de transport aérien de passagers.

Le 1er mars 2010, elle a embauché Mme [O] [F] par contrat à durée indéterminée daté du 16 mars 2010, en qualité d'officier pilote de ligne (OPL), moyennant un salaire mensuel net de 300 000 francs CFP, outre une prime de 1 000 francs CFP par heure de vol commercial.

Par avenant daté du 15 mai 2015, la salariée était promue commandant de bord à compter du jour même, moyennant une rémunération mensuelle brute de 537 988 francs CFP outre 1 663 francs CFP de prime par heure de vol commercial et 73 375 francs CFP de prime en qualité d'adjoint au bureau d'étude en charge des DHC-6.

Sa rémunération mensuelle brute était modifiée par avenant daté du 1er juin 2017, étant portée à 600 000 francs CFP.

Victime d'une rupture d'anévrisme le 12 janvier 2019, elle était opérée en Australie et placée en mi-temps thérapeutique à compter du 1er avril 2019, étant affectée à un poste au sol sans avenant écrit à son contrat de travail.

Par décision datée du 5 avril 2019, le docteur [M], médecin du SMIT, déclarait Mme [F] apte avec restriction : « nécessité de mi-temps thérapeutique sur une durée de 2 mois sur un poste administratif sédentaire, pas de conduite de véhicule de service ; inapte au vol jusque décision du CEMPN. »

Elle était placée en arrêt maladie du 23 juin 2021 au 25 juin 2021, renouvelé depuis cette date.

Par courrier daté du 14 juillet 2021, Mme [F] interrogeait son employeur sur des difficultés liées à sa situation salariale (invoquant notamment un décompte inexact de jours de congés payés en mars 2021, une absence de jour de congés payés acquis depuis mars, le non règlement de ses indemnités de perte de salaire et la non émission d'attestation de perte de salaire).

Par lettre datée du 10 août 2021 adressée en recommandé avec accusé de réception, l'employeur lui répondait comme suit : « Nous accusons réception de votre courrier référencé ci-dessus demandant une régularisation de votre situation. Vous avez été sollicitée par le service Ressources Humaines en fin d'année dernière en ce sens avec la signature d'un avenant a votre contrat de travail que vous avez refusé. Nous vous proposons donc à nouveau la signature d'un avenant dans lequel seront explicitement exprimés votre statut d'employé au sol, grâce au reclassement proposé par la Compagnie, et que vous avez accepté, et les conditions associées, plus les particularités de votre restriction médicale sur le nombre d'heures mensuelles. Nous vous assurons qu'une fois cette clari'cation effectuée toutes ambiguïtés sur votre ancienneté ou sur les décomptes de jours de carences seront levées ».

Par courrier daté du 29 septembre 2021 adressé en recommandé avec accusé de réception, la direction l'informait de la suspension de son contrat de travail en qualité de navigant à compter du 1er octobre 2021, jusqu'à réception de son aptitude médicale classe 1 ou décision définitive du CMAC et s'engageait à lui proposer un avenant sur un poste au sol prenant en compte les recommandations médicales présentées (SMIT et médecin traitant).

Par acte d'huissier en date du 29 décembre 2021, complété par des conclusions orales, Mme [O] [F] a fait convoquer la société SAS AIR LOYAUTE en référé aux fins suivantes :

- condamner la société AIR LOYAUTE à lui verser à titre de provision les sommes suivantes : 386 400 francs CFP au titre des arriérés de salaires pour octobre, novembre et décembre 2021, 700 000 francs CFP au titre du préjudice moral subi ;

- enjoindre à cette société de corriger les bulletins de salaire quant aux jours de congés acquis et de lui fournir les attestations de perte de salaire pour avril, mai et juillet 2021 ;

- la condamner à lui verser la somme de 200 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance de référé du 25 février 2022, le juge a énoncé que Mme [O] [F] avait été reclassée en qualité de personnel au sol à compter du 5 avril 2019 et qu'elle bénéficiait du régime du mi-temps thérapeutique à compter de cette date. Il l'a déboutée de sa demande de production d'avis d'inaptitude au pilotage, du certificat médical classe 1 ou la décision définitive du CEMPN.

Le juge des référés a constaté qu'elle était en arrêt de travail depuis le 22 juin 2021 et que son contrat de travail était donc suspendu pour maladie dûment justifiée, et jugé que le défaut de paiement par l'employeur de la part des salaires des mois d'octobre, novembre et décembre 2021 à sa charge constituait un trouble manifestement illicite. ll a donc condamné la société AIR LOYAUTE à payer à titre de provision à Mme [F] les sommes de 386 400 francs CFP au titre des arriérés de salaires pour octobre, novembre et décembre 2021 et 350 000 francs CFP au titre du préjudice moral subi.

Par courrier daté du 1er août 2022 adressé en recommandé avec accusé de réception notifié le 19 août 2022, Mme [F] prenait acte de la rupture de son contrat de travail.

Ce courrier était rédigé comme suit : « La société AIR LOYAUTE dont vous assurez la présidence est directement et exclusivement responsable de plusieurs manquements contractuels graves qui me contraignent à vous noti'er ce jour et par la présente, la prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail. Les faits en cause sont notamment les suivants :

- Pressions quotidiennes ;

- Mise à l'écart ;

- Non-respect de mes fonctions de délégué du personnel ;

- Pressions pour imposer aux pilotes des plannings surchargés (ce qui est notoirement interdit et dangereux) ;

- Retrait volontaire de congés payés acquis et aucune prise en considération de mes multiples relances sur ce sujet ;

- Retrait de salaires et toujours aucune prise en considération des remarques (parfois même aucune réponse à mes questions) ;

- Chantage concernant la signature d'un avenant à mon contrat de travail (pour obtenir la régularisation des bulletins de salaire) ;

- Rétention des attestations de perte de salaire antérieures à l'arrêt maladie complet ;

- Rétention de I'attestation de perte de salaire complet et des fiches de salaires pendant neuf mois, nonobstant l'intervention à de multiples reprises de la DTE (ce qui m'a donc privé de ressources pendant cette période) :

Ces trop nombreux écarts ont déjà sérieusement porté atteinte à ma santé (malaise, tension artérielle trop élevée, fatigue, dépression, stress) de sorte que j'ai dû être placée en arrêt maladie.

En réaction, dès octobre 2021, vous avez cessé de verser les rémunérations auxquelles j'avais encore droit. Cette attitude vindicative devait donc également porter atteinte à mes ressources. Dans ces conditions, j'ai été contrainte d'engager une action en référé pour obtenir en urgence le paiement des arriérés de salaire, la correction de mes bulletins de salaire et la communication des attestations de perte de salaire outre des dommages et intérêts pour préjudice moral. Là encore, vous vous êtes obstinés et vous êtes opposés à toutes ces demandes sans réel fondement de sorte que Madame la présidente du Tribunal du travail de Nouméa a dû vous condamner pour vous contraindre à respecter mes droits ; ce que vous n'avait fait qu'avec de grandes réticences. Ce comportement oppressant et ces multiples fautes, ont dé'nitivement altéré la con'ance que je portais à cette entreprise et m'ont causé de nombreux préjudices. Partant, toute poursuite de notre relation de travail devient impossible.

Cette rupture est entièrement imputable à l'entreprise. Elle prendra effet à la première présentation du présent courrier recommandé. Elle sera suivie d'une requête introductive devant le Tribunal du Travail pour que mes droits y soient reconnus. Je vous demande de bien vouloir me remettre dans un délai de quinze jours, un reçu pour solde de tout compte et un certificat de travail. »

L'employeur actait la rupture du contrat de travail de Mme [F] par lettre datée du 30 août 2022 la qualifiant de démission. Cette lettre était rédigée comme suit : « Par lettre reçue au sein de nos services le 19 août 2022, vous avez pris l'initiative de rompre le contrat de travail qui nous liait depuis le 16 mars 2010.

Vous justifiez votre décision par des prétendues pressions quotidiennes, mise à l'écart, non-respect de vos fonctions de déléguée du personnel, un retrait de congés payés acquis et/ou de vos salaires, un chantage à la signature de l'avenant à votre contrat de travail ainsi que des prétendues rétentions d'attestations de perte de salaire et/ou 'ches de salaires.

Nous contestons formellement la réalité et le sérieux de tous les prétendus griefs relevés.

En aucun cas, la rupture dont vous avez pris l'initiative ne peut être nous imputable et nous en tirons ainsi toutes les conséquences juridiques et, notamment, nous sommes contraints de considérer administrativement cette prise d'acte comme une démission à compter du 19 août 2022.

Nous mettons dès aujourd'hui à votre disposition, dans les locaux de l'entreprise et le bureau des ressources humaines situés à l'aérodrome de [Localité 3] vos documents de 'n de contrat, à savoir votre certi'cat de travail, votre solde de tout compte ainsi que votre dernier bulletin de salaire. Vous voudrez bien nous restituer dans les meilleurs délais I'ensemble du matériel de l'entreprise mis à votre disposition pour l'exercice de votre mission (badge aéroportuaire, carte de membre d'équipage clés, etc). »

Par courrier du 9 septembre 2022, la compagnie AIR LOYAUTE remettait à Madame [F] son bulletin de salaire d'août 2022, son certificat de travail et son solde de tout compte.

Selon courriel du 26 septembre 2022, Madame [F] sollicitait son employeur afin d'être destinataire de son bulletin de salaire de juillet 2022.

Par requête introductive d'instance enregistrée le 15 février 2023, modifiée par conclusions ultérieures, Mme [F] a fait convoquer devant le tribunal du travail la société SAS AIR LOYAUTE et la CAFAT aux fins notamment de :

- constater que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail est imputable aux torts exclusifs de la SAS AIR LOYAUTE ;

- requalifier cette prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

- fixer la moyenne de son salaire mensuel à la somme de 600 000 francs CFP ;

- condamner AIR LOYAUTE à lui payer les sommes suivantes : 9 600 000 francs CFP au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 000 000 francs CFP au titre de l'indemnité pour licenciement vexatoire, 1 800 000 francs CFP au titre de l'indemnité de préavis, 173 077 francs CFP au titre de l'indemnité pour congés payés y afférents, 720 000 francs CFP au titre de l'indemnité de licenciement,

- ordonner que les sommes sollicitées soient augmentées des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

Selon le jugement en date du 27 septembre 2024, la juridiction saisie a statué comme suit :

'- DIT que la rupture des relations contractuelles entre Madame

[O] [F] et la SAS AIR LOYAUTE n'est pas imputable à

l'employeur ;

- DIT que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit

produire les effets d'une démission ;

- DÉBOUTE madame [F] [O] de sa demande de

requalification de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en

licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- DÉBOUTE madame [F] [O] de ses demandes

indemnitaires et salariales ;

- REJETTE la demande reconventionnelle de la SAS AIR LOYAUTE ;

- DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du

code de procédure civile ;

- REJETTE toute autre demande.'

Par requête déposée au greffe le 30 octobre 2024, Mme [F] a relevé appel de ce jugement.

Dans son mémoire ampliatif déposé le 6 février 2025 par RPVA, et suivants ses conclusions soutenues à l'audience, elle demande à la cour de :

- constater que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail est imputable aux torts exclusifs de la SAS AIR LOYAUTE ;

- requalifier cette prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

- fixer la moyenne de son salaire mensuel à la somme de 600 000 francs CFP ;

- condamner AIR LOYAUTE à lui payer les sommes suivantes : 9 600 000 francs CFP au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 000 000 francs CFP au titre de l'indemnité pour licenciement vexatoire, 1 800 000 francs CFP au titre de l'indemnité de préavis, 173 077 francs CFP au titre de l'indemnité pour congés payés y afférents, 720 000 francs CFP au titre de l'indemnité de licenciement ;

- ordonner que les sommes sollicitées soient augmentées des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- condamner la société AIR LOYAUTE aux dépens ainsi qu'à lui payer les sommes de 324 360 francs CFP et 318 000 francs CFP, respectivement pour la première instance et l'appel, au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

A l'appui de ses demandes, elle soutient que :

- son employeur a commis des manquements contractuels graves justifiant la requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- son licenciement est vexatoire.

En réplique, dans ses conclusions déposées le 15 avril 2025 par RPVA et soutenues à l'audience, la société AIR LOYAUTE demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,

-à titre subsidiaire, ramener les sommes dues à de plus justes proportions,

- condamner Mme [F] à lui payer une somme de 250 000 francs CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'aux dépens avec application de l'article 699 du même code.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

SUR CE :

Sur la demande de requalification de la prise d'acte :

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. L'existence d'un tel manquement permet de qualifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, Mme [J] invoque l'absence de rémunération et de primes et la retenue de jours de congé dûment acquis au cours de l'année 2021 (1.1), une modification unilatérale de son contrat de travail par l'employeur (1.2) et des faits de travail dissimulé (1.3).

Sur le grief tiré de l'absence de rémunération et de primes et la retenue de jours de congé dûment acquis en 2021 :

Aux termes de l'article 61 de l'accord interprofessionnel territorial conclu en application de l'ordonnance modifiée n° 85-1181 du 13 novembre 1985 relative aux principes directeurs du droit du travail et des textes pris en application de cette dernière : « Le paiement des salaires est effectué au moins une fois par mois, conformément aux dispositions des articles 5 et suivants de la délibération n° 284 du 24 février 1988 relative aux salaires, modifiée par la délibération n° 57 du 10 mai 1989. / Le paiement des salaires par virement bancaire ou postal peut être rendu obligatoire par accord d'entreprise au-delà d'un montant à préciser dans l'accord. / Le paiement du salaire mensuel doit être effectué au plus tard huit jours ouvrables après la fin du mois de travail ouvrant droit au salaire ».

Aux termes de l'article Lp. 143-6 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie : « Le paiement du salaire donne lieu à l'émission d'un bulletin de paie. / Il ne peut être exigé aucune formalité de signature ou d'émargement autre que celle établissant que la somme reçue correspond bien au montant net figurant sur ce bulletin. »

En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que si Mme [F] a certes été contrainte de saisir le juge des référés aux fins d'obtenir le paiement des salaires d'octobre, novembre et décembre 2021, son employeur a, en vertu de l'ordonnance rendue le 25 février 2022, procédé les 12 et 20 avril 2022 au versement des sommes dues à ce titre, outre les dommages et intérêts, et ainsi régularisé sa situation. Par ailleurs, aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'elle aurait été privée de sa couverture médicale jusqu'au 31 août 2023.

Ces manquements, intervenus dans le cadre du traitement de la situation professionnelle complexe de Mme [F], limités à trois mois et réparés rapidement après la signification de l'ordonnance de référé, ne peuvent être regardés comme suffisamment graves pour justifier une prise d'acte.

Enfin, la seule absence de remise du bulletin de salaire du mois de juillet 2022 ne revêt pas non plus un caractère de gravité justifiant une prise d'acte.

Sur le grief tiré de la modification unilatérale du contrat de travail :

La modification d'un élément essentiel du contrat de travail ne peut être imposée au salarié mais seulement proposée.

En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que si la SAS AIR LOYAUTE a proposé à Mme [F] de signer un avenant à son contrat de travail, celle-ci a refusé de le signer. En outre, étant rappelé Mme [F] étant en arrêt de travail à compter du 23 juin 2021 jusqu'à la prise d'acte, il n'est rapporté la preuve d'aucune réduction imposée de son temps de travail pendant les périodes litigieuses, les courriels échangés entre les parties se bornant à évaluer la nécessité d'établir un avenant dans le cadre du reclassement de cette salariée et les bulletins de salaire de l'intéressée sur l'ensemble de la période allant jusqu'à la prise d'acte mentionnant au contraire une durée du travail à temps complet, soit 169 heures par mois, pour une rémunération mensuelle brute de 600 000 francs CFP.

Par ailleurs, les affirmations selon lesquelles Mme [F] aurait été privée de tout travail et des moyens d'accomplir celui-ci ne sont corroborées par aucune pièce du dossier, l'employeur justifiant en particulier, au contraire, du maintien des communications avec sa salariée.

Le moyen doit donc être écarté.

Sur le grief tiré du travail dissimulé :

Aux termes de l'article Lp. 461-1 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie : « Sont interdits : / 1° Le travail dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles Lp. 461-3 et Lp. 461-4 ; / 2° La publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé ; / 3° Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimilé. »

Aux termes de l'article Lp. 461-3 du même code : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice habituel, à but lucratif de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne physique ou morale, qui intentionnellement ne procède pas aux formalités obligatoires d'enregistrement de cette activité ou aux déclarations fiscales, parafiscales ou sociales inhérentes à sa création ou à sa poursuite. »

Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la SAS AIR LOYAUTE n'aurait pas procédé aux formalités obligatoires d'enregistrement ou aux déclarations fiscales, parafiscales ou sociales inhérentes à l'activité professionnelle de Mme [F].

Le moyen doit donc être écarté.

Il résulte de tout ce qui précède que Mme [F] n'est pas fondée à demander la requalification de sa prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que l'ensemble de ses demandes indemnitaires doivent être rejetées.

Le jugement sera donc confirmé.

Sur la demande indemnitaire au titre du préjudice moral :

C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a rejeté la demande indemnitaire présentée par Mme [F] à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité de préavis de démission :

C'est là encore par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle présentée par la SAS AIR LOYAUTE à ce titre.

Sur les autres demandes :

Mme [J], qui succombe, versera à la SAS AIR LOYAUTE une somme de 200 000 francs CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. Elle assumera la charge des dépens d'appel, avec application de l'article 699 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement déféré ;

CONDAMNE Mme [O] [J] à payer à SAS AIR LOYAUTE la somme de 200 000 francs CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

CONDAMNE Mme [J] aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du même code au profit de la SARL DESWARTE CALMET CHAUCHAT.

Le greffier, Le président.

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