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Décisions

CA Bordeaux, ch. des référés, 9 octobre 2025, n° 25/00111

BORDEAUX

Ordonnance

Autre

CA Bordeaux n° 25/00111

9 octobre 2025

RÉFÉRÉ N° RG 25/00111 - N° Portalis DBVJ-V-B7J-OK5A

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[F], [X] [D]

c/

[B] [V], [L] [T]

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DU 09 OCTOBRE 2025

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Grosse délivrée

le :

ORDONNANCE

Rendue par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le 09 OCTOBRE 2025

Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de BORDEAUX, désignée en l'empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 17 décembre 2024, assistée de Emilie LESTAGE, Greffière,

dans l'affaire opposant :

Monsieur [F], [X] [D]

né le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant [Adresse 5]

représenté par Arnaud FITTE , avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Clémentine PARIER-VILLAR membre de la SELARL DYADE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

Demandeur en référé suivant assignation en date du 30 juin 2025,

à :

Madame [B] [V]

née le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 8], de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Yoann DELHAYE, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [L] [T]

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 9], de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Clément GERMAIN, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Frédéric CUIF membre de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

Défendeurs,

A rendu l'ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de [X] CHARTAUD, Greffier, le 25 septembre 2025 :

EXPOSE DU LITIGE

1. Selon un jugement en date du 31 janvier 2025, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- dit que M. [L] [T] a intérêt à agir à l'encontre de M. [F] [D] et Mme [B] [V]

- débouté M. [F] [D] et Mme [B] [V] de leurs demandes

- condamné solidairement M. [F] [D] et Mme [B] [V] à payer à M. [L] [T] la somme de 50.842,55 euros à titre de dommages et intérêts

- débouté M. [L] [T] du surplus de ses demandes

- condamné solidairement M. [F] [D] et Mme [B] [V] à payer à M. [L] [T] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [F] [D] et Mme [B] [V] aux dépens.

2. Mme [B] [V] a interjeté appel de cette décision selon une déclaration en date du 10 février 2025.

3. Par acte de commissaire de justice en date du 30 juin 2025, M. [F] [D] a fait assigner Mme [B] [V] et M. [L] [T] en référé aux fins de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel et d'obtenir leur condamnation aux dépens et à lui payer chacun la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

4. Dans ses dernières conclusions remises le 10 septembre 2025, et soutenues à l'audience, il maintient ses demandes.

5. Il fait valoir que sa demande est recevable puisqu'il n'est pas imposé que la procédure en arrêt de l'exécution provisoire devant le premier président soit initiée par l'appelant principal et qu'il est partie à la procédure d'appel et appelant incident.

6. Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de réformation du jugement en ce que le tribunal a retenu une rédaction imprécise du prétendu contrat de garantie de passif pour ensuite interpréter cet acte sans tenir compte des règles légales et jurisprudentielles qui régissent cette matière en considérant à tort que M. [D] et Mme [V] étaient engagés par cet acte malgré l'absence de référence explicite à cet engagement dans la convention, procédant ainsi à une interprétation au seul bénéfice du créancier. Il ajoute que M. [T] n'a jamais procédé au moindre versement au titre du prix de cession des parts sociales et que par conséquent, la condition essentielle au transfert de propriété est restée non accomplie empêchant M. [T] de revendiquer valablement la qualité d'associé ou de gérant. Elle expose que le tribunal a à tort écarté la qualification de convention de réduction de prix en s'appuyant sur le fait que « le prix de cession n'est pas un élément du contrat de garantie de passif » qui est un critère non retenu par la jurisprudence et n'a pas répondu sur les fautes de M. [T] qu'il a soulevées.

7. Concernant les conséquences manifestement excessives, il fait valoir qu'il ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour régler les condamnations dues.

8. En réponse et aux termes de ses conclusions du 17 septembre 2025, soutenues à l'audience, Mme [V] sollicite la juridiction du premier président qu'il déclare recevable l'ensemble de ses demandes, qu'elle ordonne l'arrêt de l'exécution provisoire, subsidiairement qu'elle l'autorise à consigner les sommes mises à sa charge sur le compte séquestre du bâtonnier du barreau de Bordeaux et qu'il déboute M. [L] [T] de l'ensemble de ses demandes et M. [F] [D] de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et qu'il condamne le succombant à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

9. Elle expose qu'il existe des moyens sérieux de réformation en ce que le tribunal a fait une erreur de qualification juridique du contrat. Elle précise que la jurisprudence constante considère qu'une garantie conclue au bénéfice exclusif de l'acquéreur sans possibilité d'un versement direct au profit de la société cible sera en principe qualifiée de garantie de valeur ou de révision du prix. Elle ajoute que c'est donc à tort que le tribunal retient qu'en l'absence de prix de cession la convention ne peut être analysée comme une clause de réduction de prix et que le tribunal ajoute une condition pour opérer cette qualification. Sur l'interprétation nécessaire du contenu même de la garantie, elle fait valoir que le tribunal a méconnu le principe selon lequel une obligation mise en doute s'interprète en faveur du débiteur, soit ici du garant désigné, en retenant l'application de la convention ambiguë dans l'intérêt du créancier. Elle ajoute que M. [T], qui a au surplus commis des fautes de gestion ayant contribué à son propre préjudice, n'apporte pas la preuve de l'ensemble de sommes qu'il dit avoir versé personnellement ni qu'elles ont été versées antérieurement à l'acte de cession, et soutient qu'il était au courant de la gestion imparfaite de la société en amont de la cession et n'a pas sollicité les documents juridiques et comptables de la société préalablement à la cession.

10. Concernant les conséquences manifestement excessives, elle considère que sa situation financière ne lui permet pas de régler les sommes auxquelles elle a été condamnée et que M. [T] est taisant sur sa propre situation.

11. En réponse et aux termes de ses conclusions du 24 septembre 2025, soutenues à l'audience, M. [L] [T] sollicite à titre principal que la demande de suspension de l'exécution provisoire de M. [F] [D] soit déclarée irrecevable et que M. [F] [D] soit débouté de sa demande. Subsidiairement, il sollicite de la juridiction du premier président qu'elle rejette la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par Mme [B] [V] et M. [F] [D]. En tout état de cause il demande que M. [F] [D] et Mme [V] soient condamnés aux dépens et à lui payer 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

12. Il expose que la demande de suspension de l'exécution provisoire de M. [F] [D] est irrecevable en ce qu'il n'a pas interjeté appel du jugement.

13. Il fait valoir qu'il n'existe aucun moyen sérieux de réformation de la décision déférée, car il ne suffit pas d'alléguer que le juge aurait commis une erreur d'appréciation ou d'interprétation pour remplir cette condition : il est indispensable de démontrer que celui-ci a pu commettre un excès de pouvoir et qu'en matière de référé, le premier président ne peut pas apprécier la régularité ou le bien fondé de la décision entreprise. Il ajoute que les arguments invoqués par Monsieur [F] [D] sont dénués de lien avec l'objet principal du litige, à savoir la mise en 'uvre de la garantie de passif, et qu'il n'apporte aucune preuve d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement.

14. Il expose l'absence de conséquences manifestement excessives à l'exécution de la décision, le demandeur ne rapportant pas la preuve complète de sa situation financière. Il fait également valoir que Mme [V] n'a pas exécuté le jugement sans justifier être dans l'impossibilité de le faire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

15. L'article 514-3,1er alinéa, du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs et il suppose la perspective d'un préjudice irréparable et d'une situation irréversible en cas d'infirmation.

Le moyen sérieux de réformation doit être entendu comme un moyen qui, compte tenu de son caractère pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d'appel avec des chances suffisamment raisonnables de succès.

16. S'agissant de la recevabilité de la demande, il découle du texte sus-cité que la saisine de la juridiction du premier président sur ce fondement peut émaner d'un intimé, appelant incident demandant la réformation des chefs de jugement pour lesquels il demande l'arrêt de l'exécution provisoire, celui-ci étant partie à l'instance d'appel et ayant qualité à agir. Tel est le cas en l'espèce, de sorte que la demande de M. [F] [D], par ailleurs identique à celle de Mme [B] [V], appelante principale, doit être déclarée recevable.

17. Sur le bien fondé de la demande, en l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats, notamment, les actes de cession de parts sociales en date du 21 juin 2023 et 6 juillet 2023, les procès-verbaux des décisions de l'assemblée des associés en date du 21 juin 2023 et 6 juillet 2023 et la garantie de passif liée à une cession de parts de capital de société en date du 21 juin 2023, qu'en considérant que la clause de l'acte de garantie de passif garantissant au cessionnaire le remboursement de toute dette dont l'origine serait antérieure à la signature de l'acte de cession et dont le cessionnaire n'aurait pas eu connaissance, visait les deux cédants de parts sociales de la société Sport Acess Coaching SARL, soit Mme [B] [V] et M. [F] [D] cités dans l'engagement, et trouvait à s'appliquer en raison des dépenses faites par M. [L] [T], personnellement, pour régler des dettes des cédants et cachées au cessionnaire lors de la vente de parts sociales, le tout dans la limite du montant de l'avance en compte-courant réalisée dans l'intérêt social, solde arrêté qu 31 décembre 2023 ainsi qu'en atteste l'expert comptable de la société, et alors que la convention de garantie de passif ne pouvait être considérée comme une convention de réduction de prix, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des circonstances de la cause, les fautes éventuellement commises par M. [L] [T] lors de la cession et dans la gestion de la société n'étant pas de nature à écarter l'application de la clause de garantie du passif pour les dettes ayant une origine antérieure à la cession.

18. Il s'en déduit que Mme [B] [V] et M. [F] [D] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un moyen sérieux de réformation. Par conséquent, ne rapportant pas la preuve qu'ils remplissent les conditions définies par le texte sus-cité, il convient de rejeter leur demande sans qu'il soit nécessaire d'analyser l'existence de conséquences manifestement excessives nées de l'exécution de la décision dont appel puisque, dès lors que l'une des deux conditions prévues pour prétendre à l'arrêt de l'exécution provisoire n'est pas remplie, il n'y a pas lieu d'examiner la seconde compte tenu de leur caractère cumulatif.

Sur la demande subsidiaire de consignation :

Aux termes de l'article 521 du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

Il doit être rappelé que cette possibilité d'aménagement de l'exécution provisoire relève du pouvoir discrétionnaire du premier président et n'est pas subordonnée à la condition que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

En l'espèce, les circonstances de la cause et l'importance de la condamnation justifient d'autoriser Mme [B] [V] à consigner le montant des condamnations prononcées contre elle, cette consignation étant de nature à préserver les droits de parties.

Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Mme [B] [V] et M. [F] [D], partie succombante à titre principal dans la présente instance, au sens des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, seront condamnés aux entiers dépens.

Il apparaît conforme à l'équité que chaque partie supporte la charge de leur propres frais irrépétibles, elles seront déboutées de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable la demande de M. [F] [D] recevable,

Déboute M. [F] [D] et Mme [B] [V] de leur demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire résultant du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 31 janvier 2025,

Autorise Mme [B] [V] à consigner le montant des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux sur le compte CARPA de madame la bâtonnière de l'ordre des avocats de Bordeaux/ à la Caisse de dépôts et consignations,

Déboute M. [F] [D], Mme [B] [V] et M. [L] [T] de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] [D] et Mme [B] [V] aux entiers dépens de la présente instance.

La présente ordonnance est signée par Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre et par Emilie LESTAGE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente

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