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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 10 octobre 2025, n° 25/02192

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Heppner Société De Transports (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

M. Buffet, Mme Salord

Avocats :

Me Ribaut, Me Callede, Me Jarry, Me Schweitzer, SCP GRV Associes, SELARL Joffe & Associes, Cabinet HFW

T. com. Bobigny, 5e ch., du 21 janv. 202…

21 janvier 2025

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 21 janvier 2025 par le tribunal de commerce de Bobigny,

Vu l'appel interjeté le 5 févier 2025 par la société Heppner Société de transports,

Vu les assignations à jour fixe délivrées le 4 mars 2025 à l'entité requise allemande pour la société [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh et le 14 avril 2025 à la société [L] Worldwide Logistics par la société Heppner Société de Transports autorisée par ordonnance présidentielle du 6 février 2025 et remises au greffe le 1er avril 2025,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 mai 2025 par la société Heppner Société de transports, appelante,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 juin 2025 par les sociétés [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS, intimées,

SUR CE, LA COUR

La société Heppner Société de Transports -ci-après dénommée Heppner- est spécialisée dans les échanges internationaux au départ et à destination de la France principalement par route.

La société de droit allemand [L] Worldwide Logistics Germany & Co. [Y] -ci-après dénommée [L] Germany- exerce une activité dans le transport et la commission de transport de prestations logistiques internationales. La société [L] Worldwide Logistics-ci-après dénommée [L] France-, créée le 18 juillet 2019, exerce la même activité. Elle a pour associée unique la société [L].

A compter de 1994, la société [L] Germany a collaboré avec la société Heppner en lui confiant le soin d'assurer les échanges internationaux de marchandises aériens, routiers et maritimes de ses clients au départ et à destination de la France et la société Heppner s'est engagée à travailler avec elle pour les transports réalisés en Allemagne. La société Heppner a adhéré aux « Rules and Regulations » du « [L] Group of Partners Network », accord de coopération conclu le 17 novembre 1994.

Par lettre du 28 janvier 2019, la société Finaltra (Financière alsacienne de transports), société mère et dirigeante de la société Heppner, a notifié à la société [L] Germany sa décision de mettre fin à sa coopération avec le groupe [L] concernant les services de transports de marchandises aériens, routiers et maritimes, assortissant cette rupture de préavis de trois mois pour le transport terrestre et de six mois pour les transports maritimes et aériens.

Un engagement de non-sollicitation du personnel employé par la société Heppner a été convenu entre elle et la société [L] Germany par échanges de courriels des 25 et 26 avril 2019, à effet jusqu'au 31 août 2020, et les parties se sont accordées pour cesser définitivement leurs relations commerciales le 31 août 2019.

La société Heppner, estimant que la société [L] France n'a pas respecté cet engagement et s'est livrée à des actes de concurrence déloyale et parasitaire en embauchant ses salariés et en ouvrant des agences à proximité des siennes, lui a adressé une mise en demeure le 29 mars 2021. Elle a sollicité une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile qui a été autorisée par ordonnance du 25 mai 2021 du président du tribunal de commerce de Bobigny et exécutée le 17 juin 2021. La demande de rétraction de la société [L] a été rejetée par ordonnance du tribunal de commerce du 26 octobre 2021, confirmée par arrêt de cette cour du 14 avril 2022.

Par actes de commissaire de justice du 23 novembre 2023, la société Heppner a assigné les sociétés [Z] Germany et [Z] France devant le tribunal de commerce de Bobigny.

C'est dans ce contexte qu'a été rendu le jugement dont appel, en date du 21 janvier 2025, par lequel le tribunal de commerce de Bobigny a :

- dit l'exception d'incompétence recevable et fondée,

- s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes dirigées contre les sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics,

- invité la société Heppner Société de Transports à mieux se pourvoir,

- condamné la société Heppner Société de Transports à payer aux sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics la somme totale de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 132,07 euros TTC (dont 21,79 euros de TVA).

Par ses dernières conclusions, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 mai 2025, la société Heppner demande à la cour de :

A titre principal :

Sur la compétence :

- juger que la clause d'arbitrage invoquée par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS n'est manifestement pas applicable au litige dont Heppner a saisi le tribunal de commerce de Bobigny,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit l'exception d'incompétence recevable et fondée,

- infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes dirigées contre les sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS,

- infirmer en ce qu'il l'a invitée à mieux se pourvoir,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Heppner Société de Transports à payer aux sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- juger que le tribunal de commerce de Bobigny était compétent pour statuer sur les demandes de la société Heppner Société de Transports fondées sur les agissements concurrentiels déloyaux commis par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS exclusion faite des griefs fondés sur la violation de l'engagement de non-sollicitation,

Sur le fond :

- évoquer le fond,

- juger qu'[L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & CO. [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS ont engagé leur responsabilité envers Heppner pour violation et complicité de la violation de l'engagement de non-sollicitation de personnel souscrit par [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & CO. [Y] au bénéfice d'Heppner,

- juger qu'[L] Worldwide Logistics SAS a engagé sa responsabilité envers Heppner du fait des agissements constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire commis au détriment d'Heppner,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics à lui payer la somme de 9 700 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son gain manqué,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de ses pertes subies,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics à lui payer la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice spécifique au titre du parasitisme,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics à lui payer la somme de 1 000 000 à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral,

- juger que les demandes reconventionnelles d'[L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics qui ont trait à la rupture des relations commerciales ne relèvent pas de la compétence de la juridiction étatique,

- juger que les demandes reconventionnelles d'[L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS sont au demeurant irrecevables et en toute hypothèses infondées,

- débouter [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics de leurs demandes,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS aux dépens,

A titre subsidiaire :

Sur la compétence :

- juger que la clause d'arbitrage invoquée par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS n'est manifestement pas applicable à ses demandes fondées sur les agissements concurrentiels déloyaux commis par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS exclusion faite des griefs fondés sur la violation de l'engagement de non-sollicitation,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit l'exception d'incompétence recevable et fondée en ce qui concerne les demandes de la société Heppner Société de Transports fondées sur les agissements concurrentiels déloyaux commis par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS exclusion faite des griefs fondés sur la violation de l'engagement de non-sollicitation,

- infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes de la société Heppner Société de Transports dirigées contre les sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS fondées sur les agissements concurrentiels déloyaux commis par celles-ci, exclusion faite des griefs fondés sur la violation de l'engagement de non-sollicitation,

- infirmer le jugement en ce qu'il a invité la société Heppner Société de Transports à mieux se pourvoir concernant ses demandes fondées sur les agissements concurrentiels déloyaux commis par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS exclusion faite des griefs fondés sur la violation de l'engagement de non-sollicitation,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer aux sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- juger que le tribunal de commerce de Bobigny était compétent pour statuer sur ses demandes fondées sur les agissements concurrentiels déloyaux commis par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS exclusion faite des griefs fondés sur la violation de l'engagement de non-sollicitation,

Sur le fond :

- évoquer le fond,

- juger qu'[L] Worldwide Logistics SAS a engagé sa responsabilité envers Heppner du fait des agissements constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire commis au détriment d'Heppner,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS à lui payer la somme de 9 700 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son gain manqué,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS à lui payer a somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de ses pertes subies,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS à lui payer la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice spécifique au titre du parasitisme,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS à lui payer la somme de 1 000 000 à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral,

- juger que les demandes reconventionnelles d'[L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS qui ont trait à la rupture des relations commerciales ne relèvent pas de la compétence de la juridiction étatique,

- juger que les demandes reconventionnelles d'[L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS sont au demeurant irrecevables et en toute hypothèses infondées,

- débouter [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics de leurs demandes,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS aux dépens.

Par leurs dernières conclusions, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 juin 2025, les sociétés [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS, intimées, demandent à la cour de :

A titre principal, et sur la compétence

- confirmer le jugement en date du 21 janvier 2025 par lequel le tribunal de commerce de Bobigny :

* a dit l'exception d'incompétence recevable et fondée,

* s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes dirigées contre les sociétés [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co et [L] Worldwide Logistics SAS,

* a invité la société Heppner Société de Transports à mieux se pourvoir,

* a condamné la société Heppner Société de Transports aux dépens et à leur payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.

En conséquence,

débouter la société Heppner des demandes suivantes :

A titre principal,

- juger que la clause d'arbitrage invoquée par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS n'est manifestement pas applicable au litige dont Heppner a saisi le tribunal de commerce de Bobigny,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit l'exception d'incompétence recevable et fondée,

- infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes dirigées contre les sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS,

- infirmer le jugement en ce qu'il a invité la société Heppner Société de Transports à mieux se pourvoir,

- infirmer le jugement du 21 janvier 2025 en ce qu'il a condamné la société Heppner Société de Transports à payer aux sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & CO [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- débouter les sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS de leur exception d'incompétence et de l'intégralité de leurs prétentions,

- dire le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître des formées par la société Heppner Société DE Transports à l'encontre des sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS,

A titre subsidiaire,

- juger que la clause d'arbitrage invoquée par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS n'est manifestement pas applicable aux demandes de la société Heppner Société de Transports fondées sur les agissements concurrentiels déloyaux commis par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS exclusion faite des griefs fondés sur la violation de l'engagement de non-sollicitation,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit l'exception d'incompétence recevable et fondée en ce qui concerne les demandes de la société Heppner Société de Transports fondées sur les agissements concurrentiels déloyaux commis par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS exclusion faite des griefs fondés sur la violation de l'engagement de non-sollicitation,

- infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes de la société Heppner Société de Transports dirigées contre les sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS fondées sur les agissements concurrentiels déloyaux commis par celles-ci, exclusion faite des griefs fondés sur la violation de l'engagement de non-sollicitation,

- infirmer le jugement en ce qu'il a invité la société Heppner Société de Transports à mieux se pourvoir concernant ses demandes fondées sur les agissements concurrentiels déloyaux commis par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS exclusion faite des griefs fondés sur la violation de l'engagement de non-sollicitation,

- infirmer en ce qu'il a condamné la société Heppner Société de Transports à payer aux sociétés [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- juger que le tribunal de commerce de Bobigny était compétent pour statuer sur les demandes de la société Heppner Société de Transports fondées sur les agissements concurrentiels déloyaux commis par [L] Worldwide Logistics Germany & Co [Y] et [L] Worldwide Logistics SAS exclusion faite des griefs fondés sur la violation de l'engagement de non-sollicitation.

A titre subsidiaire, et sur le fond des demandes d'Heppner

- débouter la société Heppner de ses demandes tendant à voir juger engagée la responsabilité des sociétés [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co et [L] Worldwide Logistics SAS pour violation et complicité de violation de l'engagement de non-recrutement de personnel souscrit par [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co au bénéfice de la société Heppner Société de Transports,

- débouter la société Heppner de sa demande tendant à voir jugée que la société [L] Worldwide Logistics SAS a engagé sa responsabilité envers la société Heppner Société de Transports du fait des agissements constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire commis au détriment de la société Heppner Société de Transports,

En conséquence,

- débouter la société Heppner de sa demande de condamnation solidaire des sociétés [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co et [L] Worldwide Logistics SAS au paiement de la somme de 9 700 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son gain manqué,

- débouter la société Heppner de sa demande de condamnation solidaire des sociétés [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co et [L] Worldwide Logistics SAS au paiement de la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation des pertes subies,

- débouter la société Heppner de sa demande de condamnation solidaire des sociétés [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co et [L] Worldwide Logistics SAS au paiement de la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice spécifique au titre du parasitisme,

- débouter la société Heppner de sa demande de condamnation solidaire des sociétés [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co et [L] Worldwide Logistics SAS au paiement de la somme de 1 000 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral,

A titre subsidiaire, et sur la demande reconventionnelle d'[L]

- condamner la société Heppner Société de Transports à payer aux sociétés [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co et [L] Worldwide Logistics SAS la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 21 janvier 2025 en ce qu'il a condamné la société Heppner Société de Transports à payer aux sociétés [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co et [L] Worldwide Logistics SAS la somme totale de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- débouter la société Heppner Société de Transports de ses demandes de condamnation solidaire des sociétés [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co et [L] Worldwide Logistics SAS au paiement de la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Heppner Société de Transports de ses demandes de condamnation solidaire des sociétés [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co et [L] Worldwide Logistics SAS aux entiers dépens d'appel,

- condamner la société Heppner Société de Transports à payer aux sociétés [L] Worldwide Logistics Germany GmbH & Co et [L] Worldwide Logistics SAS la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

SUR CE

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la compétence du tribunal de commerce de Bobigny

La société Heppner soutient que la clause compromissoire figurant dans l'accord de coopération conclu le 17 novembre 1994 et opposée par les intimées est manifestement inapplicable.

En premier lieu, elle fait valoir que cette clause ne concerne pas les intimées puisque la société [L] Germany et la société [L] France, créée en 2019, n'ont pas conclu l'acte de 1994, auquel elles n'ont pas adhéré. Elle relève que cet acte a été signé par le secrétaire du « [L] Group of Partners Network », [K] [T], qui, selon les intimées, aurait agi pour le compte de la société-mère de l'époque. Selon elle, les sociétés [L] n'ont pu devenir partie à cet acte par le mécanisme de la stipulation pour autrui alors qu'il s'agit d'un code de conduite applicable aux sociétés tierces, donc aux sociétés qui ne sont pas membres du groupe [L]. Elle ajoute que la société [L] France n'a jamais été liée avec elle par un engagement contractuel et n'a jamais eu de relation commerciale avec elle.

En second lieu, la société Heppner affirme que l'acte de 1994 n'a aucun rapport avec le présent litige. Elle soutient que la clause d'arbitrage ne vise que les litiges « entre partenaires » et non entre « partenaires » et éventuels « bénéficiaires » des Rules and Regulations et qu'aucune des clauses de l'acte de 1994 ne stipule de bénéfice particulier pour les filiales du groupe [L], ni d'avantage qui serait l'objet du présent litige qui ne porte pas sur la violation d'un engagement des clauses par un partenaire du [L] Group of Partners Network. Elle ajoute que le litige porte sur des agissements postérieurs distincts puisqu'elle reproche aux intimées d'avoir « puisé » dans les effectifs de ses agences de Roissy et de [Localité 8] pour constituer deux agences concurrentes sur ces mêmes territoires, désorganisant ses agences dont elles ont détourné la clientèle, agissements réputés fautifs au visa des règles applicables en matière de concurrence déloyale, avec la circonstance aggravante qu'ils s'inscrivent pour partie en violation de la clause de non-sollicitation souscrite par la société [L] Germany en 2019. Elle relève que cette clause de non-sollicitation ne fait pas partie intégrante des Rules and Regulations, n'est entrée en vigueur qu'après la fin des relations commerciales entre elle et le groupe Heppner, soit postérieurement à la date à laquelle l'accord de 1994 a cessé de s'appliquer, et ne s'inscrit pas dans leur prolongement. La société Heppner ajoute que l'engagement de non-sollicitation a été conclu par et pour la société [L] Germany et non par le [L] Group of Partners Network et ne s'applique qu'entre elles, à l'exclusion des autres filiales du groupe [L]. Elle en conclut qu'il n'y a ni identité d'objet, ni identité de parties entre l'accord de 1994 et ce litige.

Par ailleurs, la société Heppner soutient qu'en tout état de cause, l'engagement de non-sollicitation est venu se substituer à l'acte de 1994 en ce qui concerne les circonstances de la rupture car il y déroge, tant en matière de signataires, de durée de préavis que s'agissant de l'engagement de non-sollicitation qui n'existe pas dans l'acte de 1994 et que ce nouvel engagement ne contient lui-même aucune clause compromissoire.

Les sociétés [L] répondent que la clause compromissoire n'est pas manifestement inapplicable au présent litige.

Elles prétendent que l'accord de partenariat de 1994 a été signé par M. [T] pour le compte de la société-mère de l'époque du groupe [L], la société Gebr. [L] GmbH & Co. [Y], et ses filiales et sociétés affiliées qui devaient exécuter l'accord dans leurs pays d'implantation respectifs et que la clause compromissoire porte sur tous les litiges entre les partenaires relatifs aux stipulations de l'accord.

Selon elles, en qualité de filiales du groupe [L], tant la société [L] Germany que la société [L] France sont liées par l'accord de partenariat de 1994 entre le groupe Heppner, toutes entités confondues, et le groupe [L], toutes entités confondues, puisque les opérations économiques rendues possibles par l'existence du réseau bénéficient à toutes les sociétés du groupe [L], qui l'ont intégré au fur et à mesure de leur création, et au groupe Heppner si bien que tant la société [L] Germany que la société [L] France et que la société Heppner sont dans le champ personnel de la clause compromissoire.

Elles soutiennent que le fait que la société [L] France a été créée en juillet 2019, postérieurement à la lettre de résiliation du 28 janvier 2019, n'a pas d'impact sur le fait qu'elle est fondée à se prévaloir de la clause compromissoire, qui comme les autres stipulations de l'accord de partenariat, a continué à s'appliquer jusqu'au 31 août 2019, date de la fin du préavis. Elles font valoir puisqu'en sa qualité de filiale française du groupe [L], la société [L] France est entrée au moment de sa création dans le réseau du groupe des partenaires d'[L], auquel elle devait participer sur le territoire français et dont elle a bénéficié dès sa création de telle sorte qu'elle avait connaissance, comme tout partenaire, des stipulations de l'accord de partenariat dont elle a pour mission d'assurer l'exécution en France. Elles ajoutent que la société Heppner reproche à la société [L] France une complicité dans la violation de l'engagement de non-sollicitation et qu'elle doit donc pouvoir lui opposer toutes les conditions encadrant cet engagement de non-sollicitation, en ce compris la clause compromissoire de l'accord de partenariat auquel l'engagement se rapporte. Pour les sociétés [L] France et [L] Germany, la volonté de la société Heppner était que l'engagement de non sollicitation soit pris pour toutes les sociétés du groupe [L], pour une durée d'un an à compter de sa date de sortie du réseau, et non uniquement par la société [L] Germany. Elles relèvent que la société Heppner reproche à la société [L] France d'avoir été complice de la violation de l'engagement de non-sollicitation, et demande à ce titre sa condamnation solidaire avec la société [L] Germany, au motif principal du non-respect de l'engagement de non-sollicitation convenu au moment de la résiliation de l'accord de partenariat et des relations ayant existé entre les parties.

Les intimées soutiennent que l'engagement de non-sollicitation n'est pas un engagement distinct conclu séparément par la société [L] Germany mais s'inscrit dans le cadre de la rupture du partenariat entre la société Heppner et le groupe [L]. Selon elles, cet engagement ne se substitue pas à l'accord de partenariat puisque les échanges organisent les modalités de la rupture du partenariat, et de ce fait complètent ou dérogent à certaines de ses stipulations. Elles relèvent que la société Heppner a demandé que l'accord de partenariat continue à s'appliquer au Bangladesh jusqu'au 31 décembre 2019, bien après avoir émis ses lettres de résiliation et que comme l'engagement de non-sollicitation ne contient pas de clause de compétence venant déroger à la clause compromissoire, celle-ci n'a pas été remplacée par une nouvelle expression de la volonté des parties sur la compétence juridictionnelle en cas de litige, si bien qu'il produit ses pleins effets et est applicable au présent litige.

Les sociétés [L] font valoir que l'action de la société Heppner, qui porte sur la violation d'un engagement de non sollicitation et des agissements concurrentiels déloyaux dans le contexte de la rupture de ses relations commerciales avec elles et de sa sortie du réseau, est en lien avec l'accord de partenariat contenant la clause compromissoire et relève du champ de la clause compromissoire.

Selon l'article 1448 du code de procédure civile, « lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant la juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ». Cette disposition est applicable à l'arbitrage international en vertu du renvoi opéré par l'article 1506 du même code.

Ainsi, lorsque le tribunal arbitral n'est pas saisi, comme en l'espèce, la juridiction étatique doit se déclarer incompétente sauf inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage.

Dès lors qu'un litige est en relation avec l'accord contenant la clause d'arbitrage, la convention d'arbitrage n'est pas manifestement inapplicable et le juge doit renvoyer les parties à l'arbitrage en vertu de la règle selon laquelle il appartient à l'arbitre de se prononcer, par priorité, sur sa propre compétence.

En l'espèce, l'accord contenant la clause compromissoire a été signé le 24 octobre 1994 par M. [U] [J], managing director de la société Heppner Group et le 17 novembre 1994 par M. [F], en qualité de secretary de [Z] Group of Partners Network. Il constitue un accord de partenariat entre associés dénommés « partenaires » entre d'une part, le groupe [L], ses filiales et sociétés affiliées (voir par exemple l'article 5-7 de l'accord), et d'autre part les sociétés partenaires.

L'objectif du réseau est de permettre aux partenaires d'opérer et d'organiser entre eux des transports de marchandises dans toutes les régions du monde et ils s'engagent à avoir exclusivement recours aux services des membres du réseau et à ne pas appartenir ou travailler en association avec une organisation concurrente. L'accord fixe les règles de fonctionnement entre les membres sur la base d'une répartition géographique par le biais d'objectifs, de règles et des règlements de gouvernances.

Il s'ensuit que les sociétés composant le groupe [L], comme la société [L] Germany, mettent en 'uvre l'accord et appartiennent donc au réseau.

La société Heppner ne conteste pas que cet accord lui est applicable.

Ainsi, dans le cadre ses relations commerciales avec la société [L] Germany, elle s'engageait à travailler avec cette société pour les transports réalisés en Allemagne et cette dernière lui confiait l'organisation des transports de marchandises aériens, routiers et maritimes de ses clients au départ ou à destination de la France.

Concernant la société [L] France, elle a été créée le 18 juillet 2019, alors que les sociétés Heppner et [L] Germany avaient toujours des relations commerciales qui ont cessé le 31 août 2019. Cette société appartient au groupe [L] et donc au réseau auquel elle participait et elle est impliquée directement dans l'exécution de l'accord de 1994. Il en résulte que la clause d'arbitrage ne lui est manifestement pas inapplicable

La clause compromissoire est ainsi rédigée :

« 10. Litige et Arbitrage

10.1. Tous les litiges entre les Partenaires découlant des stipulations de cet accord seront définitivement réglés conformément au règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par un ou plusieurs arbitres nommés conformément audit règlement ».

Contrairement à ce que soutient la société Heppner, l'accord de non sollicitation conclu entre elle et la société [L] Germany ne se substitue pas à l'accord du 1994 mais y ajoute une obligation particulière et en constitue un complément. Il entre donc dans le champ de la clause d'arbitrage stipulée dans l'accord de 1994.

L'accord de 1994 régit les modalités de la rupture du partenariat (article 12, résiliation de l'adhésion). Il est ainsi établi qu'en aménageant les conditions de cette rupture par le biais de l'accord de non sollicitation, les parties restaient soumises à la clause compromissoire.

Dès lors, comme l'a justement apprécié le tribunal de commerce, le litige qui porte notamment sur l'inexécution d'une obligation conclue entre les parties, est en relation avec l'accord contenant la clause d'arbitrage et cette convention d'arbitrage n'est pas manifestement inapplicable.

A titre subsidiaire, la société Heppner soutient que le jugement doit être infirmé en ce que le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'entier litige, y compris les agissements concurrentiels déloyaux et abusifs commis par les intimées lors de la constitution et du lancement des deux agences situées à proximité de Roissy et de Nantes.

Selon elle, la cour doit reconnaître la compétence de la juridiction étatique pour statuer sur les griefs fondés sur la concurrence déloyale, exclusion faite de ceux ayant trait à la violation de l'engagement de non-sollicitation. Elle fait valoir ces agissements excèdent la période temporelle d'application de l'engagement de non-sollicitation (août 2019-août 2020) et que le fait que la demande indemnitaire soit identique n'est pas le signe que le litige ne serait pas divisible dès lors que la violation de la clause de non-sollicitation n'est invoquée qu'à titre de circonstance aggravante des fautes commises par les intimées.

Les sociétés [L] répondent que la seule nature délictuelle d'une action ne permet pas d'écarter une clause compromissoire et que la distinction entre une action contractuelle pour violation d'un engagement de non-sollicitation et une action de nature délictuelle en concurrence déloyale est artificielle puisque l'appelante présente des demandes indemnitaires basées sur les deux fondements sans faire de distinction sur la nature du dommage et ne démontre pas que le litige est divisible.

Il est constant que la société Heppner reproche à la société [L] France d'avoir débauché ses salariés et, à travers ses recrutements, détourné des données confidentielles, fondant sa demande sur la concurrence déloyale. Elle sollicite la condamnation solidaire des sociétés [L] France et [L] Germany au motif que le « pillage » de ses agences et la création de la société [L] France relèvent d'une stratégie de développement définie par la société [L] Germany.

Il s'ensuit que la société Heppner poursuit les mêmes faits sur deux fondements juridiques différents qui s'inscrivent dans le contexte de la rupture des relations commerciales avec la société [L] Germany et de la fin de l'accord de partenariat, si bien que la clause compromissoire n'est pas manifestement inapplicable à la demande fondée sur la concurrence déloyale, étant relevé au surplus que le litige ne peut être scindé, ce qui aurait pour conséquence un risque de décisions contradictoires.

Le jugement sera donc confirmé, la demande d'évocation étant sans objet.

Sur les autres demandes

Le sens du présent arrêt commande de confirmer aussi les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société Heppner qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et à indemniser les frais irrépétibles que les sociétés [L] ont été contraintes d'engager dans le cadre de ce recours à hauteur de 10 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Constate que la demande d'évocation est sans objet,

Condamne la société Heppner Société de Transports aux dépens d'appel,

Condamne la société Heppner Société de Transports à payer aux sociétés [L] Worldwide Logistics Germany Gmbh & Co. [Y] et [L] Worldwide Logistics SASU ensemble la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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