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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 8 octobre 2025, n° 24/01479

BESANÇON

Arrêt

Autre

CA Besançon n° 24/01479

8 octobre 2025

MW/LZ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 24/01479 - N° Portalis DBVG-V-B7I-E2H5

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2025

Décision déférée à la Cour : jugement du 02 juillet 2024 - RG N°22/00241 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 3]

Code affaire : 56Z - Autres demandes relatives à un contrat de prestation de services

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

Mme Bénédicte Manteaux et M. Cédric SAUNIER, Conseillers.

Greffier : Mme Leila ZAIT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 juillet 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant M. Michel WACHTER, président, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. LES FERMETURES MARIANNE

inscrite au RCS de [Localité 3] sous le n° 847 816 089

sise [Adresse 1]

Représentée par Me Laurent HAENNIG de la SELARL SELARL AJURISS, avocat au barreau de BELFORT

ET :

INTIMÉS

Madame [M] [G]

née le 07 Juillet 1991 à [Localité 4]

de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Richard BELIN de la SELARL REFLEX NORD FRANCHE-COMTE, avocat au barreau de BELFORT

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

Monsieur [C] [B]

né le 29 Mai 1987 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Richard BELIN de la SELARL REFLEX NORD FRANCHE-COMTE, avocat au barreau de BELFORT

Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

PARTIE INTERVENANTE

Maître [F] [U]

Mandataire judiciaire désigné ès qualité de « Représentant des créanciers » de la société LES FERMETURES MARIANNE, par jugement du 17 septembre 2024 prononcé par le Tribunal de Commerce de BELFORT

[Adresse 5]

Défaillant, ayant été assigné en intervention forcée le 20 novembre 2024.

ARRÊT :

- DEFAUT

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Leila ZAIT, greffier lors du prononcé.

*************

M. [Y] [B] et Mme [M] [G] ont confié à la SAS les Fermetures Marianne des travaux d'aménagement des espaces extérieurs de leur domicile, comportant la création d'une piscine et d'une terrasse, ainsi que la pose de pavés en périphérie de la maison.

Des difficultés étant survenues en cours de chantier, les consorts [S] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Belfort qui, par ordonnance du 25 janvier 2021, a mis en oeuvre une mesure d'expertise judiciaire.

L'expert a déposé le rapport de ses opérations le 22 décembre 2021.

Par exploit du 17 mars 2022, les consorts [S] ont fait assigner la société les Fermetures Marianne devant le tribunal judiciaire de Belfort aux fins de résolution du contrat aux torts de l'entreprise et d'indemnisation de leurs préjudices, au motif qu'il résultait du rapport d'expertise que la société avait manqué à ses obligations contractuelles à tel point que les malfaçons affectant les ouvrages imposaient leur démolition.

La société les Fermetures Marianne s'est prévalue de la nullité de l'expertise judiciaire pour défaut de respect du contradictoire, et a sollicité la résolution du contrat aux torts des demandeurs, invoquant une immixtion fautive, un retard de paiement et une interdiction d'accès au chantier.

Par jugement du 2 juillet 2024, le tribunal a :

- prononcé la résolution des contrats liant, d'une part, M. [Y] [B] et Mme [M] [G], d'autre part, la SASU les Fermetures Marianne, relatifs au terrassement et à la maçonnerie d'une piscine, à la pose de pavés en périphérie de la maison et à la création d'une terrasse en dalles, outre à la construction d'un mur de soutènement et à la pose de panneaux rigides ;

- dit que M. [Y] [B] et Mme [M] [G] n'ont pas à payer le solde des factures de la SASU les Fermetures Marianne ;

- condamné la SASU les Fermetures Marianne à payer à Mme [M] [G] et M. [Y] [B] les sommes suivantes :

* 26 000,00 euros en restitution des sommes versées, avec intérêts au taux légal à compter

du présent jugement,

* 46 665,60 euros au titre de la démolition des ouvrages,

* 5 000,00 euros au titre de l'indemnisation du trouble de jouissance,

* 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procedure civile ;

- débouté Mme [M] [G] et M. [Y] [B] de leur demande en reconstruction de la piscine, du mur de soutènement et en achèvement des finitions ;

- débouté la SASU les Fermetures Marianne de sa demande au titre de l'article 700 du code de

procédure civile ;

- condamné la SASU les Fermetures Marianne aux dépens de l'instance, comprenant les dépens de l'instance en référé et le coût de l'expertise judiciaire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :

- que le principe du contradictoire avait bien été respecté, nonobstant le changement d'adresse de la société les Fermetures Marianne, laquelle avait négligé de signaler ce changement, y compris aux services postaux ; qu'elle avait pu discuter le contenu de l'expertise, et que l'expert y avait répondu ; que le manque d'objectivité de l'expert n'était pas caractérisé, celui-ci ne s'étant pas contenté de consigner les remarques des demandeurs, mais les avait systématiquement vérifiées avant de les écarter ou de les reprendre à son compte ;

- qu'en l'absence de réception, la responsabilité de la société les Fermetures Marianne ne pouvait être recherchée que sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

- qu'il résultait du rapport d'expertise judiciaire que les travaux étaient affectés de graves malfaçons ; que la défenderesse échouait à établir une immixtion des demandeurs, ainsi qu'une interdiction d'accès au chantier de la part de ceux-ci ; que les délais prévus au premier devis signé n'avaient pas été respectés, et que ceux correspondant au deuxième devis, non signé, n'étaient toujours pas achevés ;

- que les fautes commises par la société les Fermetures Marianne étaient suffisamment établies par l'expertise, et que la société ne pouvait se prévaloir du défaut de paiement, alors que les travaux relatifs au deuxième devis n'avaient pas été terminés, et que seule une somme de 5 000 euros restait due sur les travaux du premier devis, dont les finitions n'étaient pas achevées, de sorte que ce non-paiement de 20 % du prix ne constituait pas une faute suffisamment grave pour justifier la résolution aux torts des consorts [S] ;

- qu'en conséquence de la résolution, la société les Fermetures Martianne devait restituer la somme de 26 000 euros qu'elle avait perçue, les demandeurs n'étant pas tenus du paiement du solde ; que la société devait en outre remettre le site dans son état antérieur, ce qui impliquait la démolition des ouvrages selon devis retenus par l'expert ;

- que les contrats étant résolus, les demandeurs ne pouvaient solliciter le prix de leur exécution ; que les consorts [S] avaient subi un préjudice de jouissance depuis juillet 2020 pour la piscine et septembre 2020 pour la clôture, dates auxquelles ils pouvaient légitimement s'attendre à être en possession des ouvrages, de sorte qu'ils subissaient un préjudice de jouissance à hauteur de 50 euros mensuels pour les mois d'octobre à avril, et de 200 euros mensuels pour les mois de mai à septembre.

La société les Fermetures Marianne a relevé appel de cette décision le 3 octobre 2024.

Elle a fait l'objet d'un placement en redressement judiciaire le 17 septembre 2024, et de l'ouverture d'une liquidation judiciaire le 8 novembre 2024.

Les consorts [S] ont procédé le 8 octobre 2024 à la déclaration de leur créance entre les mains de Maître [F] [U], ès qualités de mandataire judiciaire, et ont fait assigner celui-ci, ès qualités, en intervention forcée par acte du 20 novembre 2024.

Par conclusions transmises le 2 janvier 2025, la société les Fermetures Marianne demande à la cour :

Vu l'article 16 du code de procédure civile,

Vu l'article 1231-3 du code civil,

Avant toute défense au fond,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il n'a pas prononcé la nullité des opérations d'expertise judiciaire ainsi menée par les maitres de l'ouvrage, Mme [G] et M. [B], savoir la nullité du pré-rapport et du rapport définitif établis par M. [W] dont se prévalent les demandeurs en l'absence du respect du contradictoire ;

Au fond,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution des contrats liant Mme [G] et M. [B], à la société les Fermetures Marianne aux tort de la société les Fermetures Marianne en retenant que Mme [G] et M. [B], n'avaient pas à s'acquitter du solde des factures de la société les Fermetures Marianne ;

- de prononcer la résolution du contrat d'entreprise liant Mme [G] et M. [B], à la société LMF aux torts de Mme [G] et M. [B], compte tenu du retard de paiement et de l'immixtion dans les travaux et enfin de l'interdiction de pénétrer dans leur propriété ;

- de dire et juger que leurs prétentions ne sont pas justifiées ;

- de débouter Mme [G] et M. [B], de leurs demandes ;

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société les Fermetures Marianne à payer les sommes suivantes :

' 26 000,00 euros en restitution des sommes versées, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

' 46 665,60 euros au titre de la démolition des ouvrages,

' 5 000,00 euros au titre de l'indemnisation du trouble de jouissance,

' 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de dire et juger que leurs prétentions ne sont pas justifiées ;

- de débouter Mme [G] et M. [B], de leurs demandes ;

En tout état de cause,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [M] [G] et M. [Y] [B] de leur demande en reconstruction de la piscine, du mur de soutènement et en achèvement des finitions ;

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SASU les Fermetures Marianne de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SASU les Fermetures Marianne aux dépens de l'instance, comprenant les dépens de l'instance en référé et le coût de l'expertise judiciaire ;

- de condamner Mme [G] et M. [B], au paiement d'une somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dans le cadre de la première instance ;

- de condamner Mme [G] et M. [B], à supporter les entiers dépens dans le cadre de la première instance et à hauteur d'appel.

Par conclusions notifiées le 28 mars 2025, les consorts [S] demandent à la cour :

Vu l'article L.641-9 du code de commerce,

Vu le jugement de liquidation judiciaire du 8 novembre 2024 emportant dessaisissement du

débiteur,

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

- de déclarer irrecevables les conclusions signifiées par la société en liquidation judiciaire sans

le concours du mandataire liquidateur ;

En conséquence et en toutes hypothèses,

- de confirmer le jugement déféré notamment en ce qu'il a prononcé la résolution des contrats liant M. [Y] [B] et Mme [M] [G] d'une part à la SASU les Fermetures Marianne, d'autre part relativement au terrassement et à la maçonnerie d'une piscine à la pose de pavés en périphérie de la maison et à la création d'une terrasse en dalles, outre la

construction d'un mur de soutènement et la pose de panneaux rigides ;

- de confirmer la décision de première instance en ce qu'il a été jugé que M. [Y] [B] et Mme [M] [G] n'auraient pas à payer le solde des factures revendiquées par la SASU les Fermetures Marianne ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a reconnu à M. [Y] [B] et Mme [M] [G] à l'égard de la SASU les Fermetures Marianne une créance de 26 000 euros en restitution des sommes versées avec intérêt au taux légal à compter du jugement, une créance de 46 665 euros au titre de la démolition des ouvrages, une créance de 5 000 euros au titre de l'indemnisation du trouble de jouissance et 1 500 euros en application de dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre une créance au titre des dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire ;

Vu les effets de la procédure de liquidation judiciaire de la SASU les Fermetures Marianne prononcée le 8 novembre 2024 par le tribunal de commerce de Belfort, de la déclaration de créance et régularisées par les intimés et de la reprise de l'instance à l'égard du

liquidateur ;

- de fixer la créance de M. [Y] [B] et Mme [M] Saltarellidans la liquidation judiciaire de la SASU les Fermetures Marianne à hauteur des sommes suivantes :

* 26 000 euros en restitution des sommes versées avec intérêt au taux légal à compter du jugement du 2 juillet 2024,

* 46 665 euros au titre de la démolition des ouvrages,

* 5 000 euros au titre de l'indemnisation du trouble de jouissance,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

* dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 3 545 euros TTC ;

- de débouter la SASU les Fermetures Marianne de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, contraires aux prétentions des concluants et notamment de sa demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire de M. [W] ;

Y ajoutant,

- de condamner la SASU les Fermetures Marianne, représentée par son liquidateur en exercice Maître [F] [U], ou subsidiairement de fixer la créance des consorts [X] dans la liquidation judiciaire de la SASU les Fermetures Marianne à hauteur de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Maître [F] [U], ès qualités, a été assigné en intervention forcée par acte du 20 novembre 2024 remis à domicile. Il n'a pas constitué avocat.

Il sera statué par arrêt de défaut.

La clôture de la procédure a été prononcée le 11 juin 2025.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Les intimés soulèvent à titre principal l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant au motif qu'elles ont été prises par la société les Fermetures Marianne, dessaisie de ses droits patrimoniaux en suite du jugement de liquidation judiciaire du 8 novembre 2024, sans l'intervention du liquidateur judiciaire.

L'appelante ne répond pas à ce moyen.

L'article L. 641-9 du code de commerce dispose que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

En l'espèce, il est constant que, par jugement du 8 novembre 2024, le tribunal de commerce de Belfort a converti le redressement judiciaire ouvert le 17 septembre 2024 à l'égard de la société les Fermetures Marianne en liquidation judiciaire.

A compter de cette date, la société appelante était donc dessaisie de l'administration et de la disposition de ses droits patrimoniaux.

Alors que le liquidateur judiciaire avait été appelé en intervention forcée par les intimés le 20 novembre 2024, sans constituer avocat, la société les Fermetures Marianne a déposé ses premières conclusions d'appelant le 2 janvier 2025, en agissant seule, sans l'intervention de son liquidateur judiciaire.

Or, les droits en jeu dans le cadre de la présente instance étant d'ordre strictement patrimonial, seul le liquidateur de la société appelante était en mesure de les exercer.

Les conclusions du 2 janvier 2025 ayant ainsi trait à des droits dont l'appelante était dessaisie, elles doivent être déclarées irrecevables.

Il en découle que la cour n'est saisie d'aucune demande ni moyen d'infirmation.

En l'absence d'appel incident, le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Maître [F] [U], ès qualités, sera condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer aux intimés la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant par défaut, après débats en audience publique,

Déclare irrecevables les conclusions transmises le 2 janvier 2025 par la SAS les Fermetures Marianne ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 juillet 2024 par le tribunal judiciaire de Belfort ;

Condamne Maître [F] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS les Fermetures Marianne, aux dépens d'appel ;

Condamne Maître [F] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS les Fermetures Marianne, à payer à M. [Y] [B] et Mme [M] [G] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

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