CA Douai, 2e ch. sect. 2, 9 octobre 2025, n° 24/00517
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Soliman (SARL)
Défendeur :
Soliman (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbot
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Soreau
Avocats :
Me Girerd, Me David, Me Delobel-Briche
EXPOSE DES FAITS :
La société Bostick a confié à la société Gericke un marché portant sur l'étude, la livraison et l'implantation d'améliorations sur la ligne de production sur son usine d'[Localité 4].
La société [Z] [D] Etudes et Réalisations Techniques (la société [Z]), dont l'activité est l'étude et la réalisation de process industriel, s'est vu confier l'étude et la réalisation de la partie mécanique.
Au cours de l'année 2019, la société Bostik a commandé à la société [Z], pour l'amélioration de la chaîne de production de son usine d'[Localité 4], la fourniture et l'installation de plusieurs silos, des structures métalliques supportant les silos et du système de transport par tuyauterie des produits venant des silos vers la chaîne de production.
Le chantier s'est déroulé en 2021.
La société [Z] a, dans le cadre de ce chantier, fait appel à la société GC [M]-Levage Manutention (la société [M]), spécialisée dans la location de grue et d'engins de levage, pour la prestation de grutage nécessaire à l'installation des silos.
Courant août 2021, la Société Levage Industrie Manutention (la société Soliman) est intervenue en remplacement de la société GC [M], selon devis signé et accepté par cette dernière le 29 juillet 2021.
Le 4 octobre 2021, la société Soliman a sollicité auprès de la société [Z] le paiement de six factures pour un montant total de 22 529,26 euros TTC, en paiement de cette intervention.
N'ayant été réglée que de 6 000 euros, la société Soliman a assigné la société [Z] devant le tribunal de commerce de Lille Métropole en paiement, à titre principal, des 16 529,26 euros restant dus.
Par jugement du 20 décembre 2023, ce tribunal a :
Condamné la société [Z] à payer à la société Soliman la somme de 15 305,26 euros au titre du solde de ses factures, majorée des intérêts au taux légal calculés depuis la date de mise en demeure du 4 juillet 2022, avec capitalisation annuelle des intérêts ;
Débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;
- Condamné la société [Z] à payer à la société Soliman la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les entiers dépens.
Par déclaration du 5 février 2024, la société [Z] a relevé appel de l'entière décision.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 30 avril 2024, la société [Z] demande à la cour de :
Vu les articles 1101, 1113, 1118, 1119 alinéa 1, 1156 alinéa 1, 1170, 1158, 1199, 1203, 1231-1, 1231-2 du code civil, L.442-1 du code de commerce et l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déclarer son appel recevable et bien fondé ;
Y faisant droit,
Infirmer le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- Déclarer que le devis, ainsi que ses conditions particulières et générales de la Société Soliman du 29 juillet 2021 lui sont inopposables, pour défaut de transmission et d'acceptation ;
- Déclarer qu'il n'existait pas de mandat apparent confié par elle, la société [Z], à la société GC [M] pour signer le devis du 29 juillet 2021 de la société Soliman ;
- Constater l'existence du contrat « tacite » qui s'est noué entre elle, la société [Z], et la société Soliman, OU déclarer la société Soliman irrecevable en son action directe et elle-même, la société [Z] recevable dans ses demandes reconventionnelles au titre de la responsabilité extracontractuelle ;
A titre subsidiaire,
- déclarer que les conditions particulières et générales, issues du devis du 29 juillet 2021 et dont se prévaut la société Soliman à l'encontre de ses demandes à elle, société [Z], lui sont inopposables ;
- déclarer que les conditions particulières et générales, issues du devis du 29 juillet 2021 et dont se prévaut la société Soliman à l'encontre de ses demandes, sont réputées non écrites ;
En tout état de cause,
- déclarer que la créance originelle de la société Soliman doit être limitée à ses heures effectivement réalisées, soit la somme de 11 331,25 euros HT ;
- Décider que la créance de la société Soliman est de 5 331,25 euros HT ;
- Débouter la société Soliman de sa demande de dommages et intérêts de 1 500 euros pour résistance abusive ;
- Déclarer que la Société Soliman a commis plusieurs fautes et manquements lui causant un préjudice ;
- Condamner la société Soliman à lui payer la somme de 6 623,53 euros HT, au titre du coût des intérimaires qui ont dû être payés pour rattraper les retards causés par ses fautes ;
Condamner la société Soliman à lui payer la somme de 5 920 euros HT, au titre du coût des interventions de la Société CAT qui ont dû être payés pour rattraper les retards causés par les fautes de la société Soliman ;
Condamner la société Soliman à lui payer la somme de 1 600 euros HT, au titre de l'intervention de la Société Dufour pour la date du 19 août 2021 ;
Condamner la société Soliman à lui payer :
Ø 5 980 euros HT au titre des interventions de la Société DUFOUR en septembre 2021 ;
Ø 3 640 euros HT au titre des interventions de la Société STL en septembre 2021 ;
Ø 4 230 euros HT au titre des interventions de la Société CAT en septembre 2021 ;
Ø 3 500 euros HT au titre des 7 journées d'interventions du gérant en septembre 2021 ;
Ø 2 542,72 euros HT au titre des indemnités kilométriques, les frais de repas et d'hébergement du gérant pour septembre 2021 ;
condamner la société Soliman à lui payer la somme de 8 000 euros, au titre du préjudice subi par la désorganisation et la perte d'image causés par ses fautes graves ;
Condamner la société Soliman à lui payer la somme de 6 000 euros, au titre des fautes commises par la Société UFER, du non-respect de la conciliation préalable et des poursuites abusives ;
Ordonner la compensation entre les sommes qui pourraient être dues entre la Société [Z] et la société Soliman ;
Ordonner que les montants des condamnations de la société Soliman porteront intérêt de retard à compter de la décision à intervenir ;
Condamner la société Soliman à lui payer la somme de 7 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Soliman à supporter les entiers frais et dépens de procédure, en ce compris de tous ceux effectués pour parvenir au présent jugement ainsi que ceux d'un éventuel recouvrement forcé, tarifs spécifiques pratiqués par les « huissiers » de justice inclus.
Par conclusions d'intimé et d'appelant incident notifiées par la voie électronique le 26 juillet 2024, la société Soliman demande à la cour de :
Vu l'article L 441-10 du code de commerce,
Vu les articles 1103 et 1156 du code civil,
Vu le jugement du 20 décembre 2023 ;
INFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a :
Condamné la société [Z] à payer à la société Soliman la somme de 15 305, 26 euros au titre du solde des factures ;
Débouté la société Soliman de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
En conséquence,
- Dire que la facture de la société Soliman n° FH2108117 d'un montant de 1 224 euros HT est accompagnée du bon d'intervention et qu'elle est due ;
- Condamner la société [Z] à lui payer la somme de 16 529,26 euros HT au titre du solde des factures émises majorée des intérêts légaux depuis la date de la première mise en demeure, avec capitalisation des intérêts ;
- Condamner la société [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- Condamner la société [Z] à des pénalités légales de retard prévues conformément à l'article L.441-10 du code de commerce, soit le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, depuis l'échéance de chaque facture ;
- Condamner la société [Z] à lui payer la somme de 7 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Confirmer la décision déférée pour le surplus, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens ;
- Condamner la société [Z] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
MOTIVATION
I ' Sur la recevabilité des demandes en paiement de la société Soliman envers la société [Z]
La société [Z] explique que :
Fin juin 2021, la société [M] l'a informée qu'elle avait accepté un autre chantier et qu'elle s'occupait de trouver des collègues pour réaliser les opérations de levage prévues du 2 au 19 août 2021 ; elle a sous-traité ces opérations à la société Soliman, sous-traitance qui s'est faite en dehors du cadre de la loi du 31 décembre 1975 et alors qu'elle, société [Z], n'avait donné aucun mandat ou apparence de mandat ;
Le devis du 29 juillet 2021, relatif à l'intervention de la société Soliman sur le chantier Bostik en août 2021, dont elle n'a eu connaissance que fin novembre 2021, a uniquement été signé par la société [M] et ne lui a jamais été soumis pour acceptation, alors que la société Soliman, qui était déjà intervenue sur ce chantier les 1eret 2 juillet 2021, lui avait alors adressé directement ses courriels et facture ;
La société Soliman n'apporte aucun élément qui aurait pu lui faire croire qu'elle, société [Z], aurait donné mandat à la société [M] de conclure en son nom et pour son compte, ou que la société [M] aurait allégué avoir reçu mandat de sa part ; le terme de mandat n'est inscrit nulle part dans le devis du 29 juillet 2021 ;
En vertu de l'article 1158 du code civil, la société Soliman, qui avait déjà traité directement avec elle, société [Z], avait possibilité de vérifier l'existence du mandat si elle avait eu le moindre doute ;
Le devis du 29 juillet 2021 comprenait des conditions particulières et générales qui n'étaient pas présentes dans les documents contractuels relatifs à l'intervention de la société Soliman des 1er et 2 juillet 2021 ;
A défaut de transmission du devis du 29 juillet 2021, et encore moins d'acceptation par elle, aucun contrat ne s'est formé entre elle, société [Z], et la société Soliman ; la société Soliman n'est donc pas fondée à se prévaloir des conditions particulières et générales du devis du 29 juillet 2021 à son encontre ;
En l'absence de mandat apparent, soit la société Soliman entend opposer son devis du 29 juillet 2021, mais elle ne peut le faire qu'à l'égard de la société [M], et son action est irrecevable à son encontre ; soit, elle entend la poursuivre directement, et reconnaît dans ce cas l'existence d'un contrat tacite formé entre elles : elle, société [Z], n'a jamais contesté que la prestation de grutage devait être réalisée, mais seulement selon les conditions prévues dans son annexe 8 (voir p. 35 des conclusions de la société [Z]) ; contrairement à ce que prétendent les premiers juges, c'est à la société Soliman de démontrer que les conditions dont elle demande application, lui sont opposables à elle, société [Z] ;
La société Soliman réplique que :
La société [M], qui exerce la même activité, lui a demandé d'intervenir sur le chantier de la société [Z] ; elle a transmis son devis à la société [M] qui l'a signé et accepté ainsi les conditions générales ;
En précisant dans ses conclusions qu'elle avait « laissé la société [M] se débrouiller pour trouver quelqu'un pour la remplacer », la société [Z] a fait l'aveu judiciaire de la reconnaissance du mandat ;
Elle a adressé son devis à la société [M] qui s'est présentée comme mandataire de la société [Z] pour signer le devis d'intervention sur le chantier de la société Bostik ;
Elle a vu son devis et ses conditions acceptées par la société [M] et a légitimement cru que ces prestations avaient été soumises à la société [Z] ;
Elle avait reçu confirmation de cette croyance légitime chaque fois que ses bons d'intervention étaient signés de M. [Z], représentant légal de la société [Z] ; elle n'avait pas de raison de faire confirmer ce mandat, dans la mesure où elle intervenait au vu et au su de la société [Z] ; cette dernière l'a laissée entrer sur le chantier à plusieurs reprises pour exécuter ses prestations et l'a même fait figurer sur le plan de prévention prévoyant la date de son arrivée à elle, société Soliman, sur site (sa pièce 50) ;
La société [Z] n'a jamais exigé qu'elle lui présente son devis et ses conditions générales ou particulières car elle les connaissait : fin juin 2021, elle avait commandé en direct auprès d'elle, société Soliman, des prestations de levage pour les 1eret 2 juillet 2021 ; le devis du 29 juillet 2021 ainsi que les conditions générales lui sont donc parfaitement applicables ;
Elle, société Soliman, croyait légitimement que la société [M] avait mandat pour passer commande au nom de la société [Z] ;
La société [Z] ne conteste pas être la réelle destinataire et débitrice des factures litigieuses, elle n'en discute que le montant ; dans ses propositions de règlement, elle mentionne cependant le prix horaire de son intervention pour certaines conditions, ce qui démontre qu'elle a nécessairement eu connaissance du devis litigieux ;
Réponse de la cour :
L'article 1101 du code civil dispose que le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.
Il résulte par ailleurs de l'article 1199 du code civil, que le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties et que les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat, ni se voir contraints de l'exécuter, sous réserve de certaines dispositions qui ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce.
L'article 1156 du code civil prévoit que, l'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.
Lorsqu'il ignorait que l'acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité.
L'inopposabilité comme la nullité de l'acte ne peuvent plus être invoqués dès lors que le représenté l'a ratifié.
Le mandat apparent repose donc sur la croyance légitime du tiers en la réalité des pouvoirs du représentant, au moment où il contracte.
Selon la jurisprudence, il résulte des articles 1985 et 1998 du code civil qu'une personne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs (Com. 9 mars 2022, n° 19-25.704).
Dans ce cas, celui qui a laissé créer à l'égard des tiers une apparence de mandat est tenu, comme le mandant, d'exécuter les engagements contractés par le mandataire (Com. 5 déc. 1989, n° 88-14.193).
En l'espèce, la société Soliman prétend avoir légitimement cru que la société [M] avait été mandatée par la société [Z] afin de passer contrat avec elle, lors de la signature du devis du 29 juillet 2021.
Toutefois, la cour d'appel relève qu'aucune mention de ce devis ne permet de déduire que la société [M] aurait reçu pouvoir de la société [Z] pour conclure l'acte. Le destinataire inscrit par la société Soliman sur ce devis est la société [M], et non la société [Z] (pièce 1 de la société Soliman). Il a été signé par M. [M], avec le tampon de sa société, sans aucune mention faisant supposer qu'il agirait en vertu d'un pouvoir de la société [Z] ou au nom de cette dernière.
La seule mention manuscrite « chantier [Z] Bostik à [Localité 5] », dont on ne sait d'ailleurs quand elle a été inscrite sur ce devis dactylographié, ne permet pas plus de déduire que la société [M] aurait agi, ou aurait donné à croire à la société Soliman, qu'elle agissait au nom de la société [Z] plutôt qu'en son nom propre.
En tant que professionnelle, la société Soliman ne pouvait ignorer la possibilité de la société [M] de faire directement appel à elle dans le cadre d'une sous-traitance pour la remplacer.
Le fait que la société [Z] ait par ailleurs pu dire à la société [M] de « se débrouiller pour trouver quelqu'un pour la remplacer », ce qui n'est au demeurant pas prouvé, n'implique en tout état de cause pas de facto la reconnaissance d'un mandat, l'idée étant que la société [M], chargée de la mission de grutage sur ce chantier, trouve elle-même une solution pour respecter engagements à l'égard de la société [Z].
La société Soliman, qui avait déjà travaillé peu de temps auparavant sur ce même chantier, avait établi un devis le 28 juin 2021, adressé directement à la société [Z], de même que sa facture.
Ces circonstances particulières ne pouvaient donc l'autoriser à ne pas vérifier, lors de la conclusion du contrat avec la société [M], le prétendu mandat que cette dernière aurait, pour cette deuxième intervention, reçu de la société [Z], d'autant moins qu'elle reconnaît que M. [Z] était présent sur le chantier et donc facilement abordable.
Par ailleurs, que la société [Z] ait laissé entrer la société Soliman sur le chantier à plusieurs reprises pour exécuter ses prestations et l'ait fait figurer sur le plan de prévention prévoyant ses arrivées sur site, constituent des éléments postérieurs à l'acceptation du devis du 29 juillet 2021 et à la conclusion du contrat avec la société [M], qui ne peuvent donc venir au soutien du mandant apparent.
Les premières factures adressées par la société Soliman pour le paiement de ses prestations d'août 2021, l'ont d'ailleurs été, à la société [M] et non à la société [Z] (pièce 16 de la société [Z]). Elles font mention du chantier Bostik, mais aucunement de la société [Z], démontrant que la société Soliman considérait encore, à l'issue de sa prestation, que le marché passé l'était avec la société [M]. C'est seulement sur demande de cette dernière, par courriel du 2 septembre 2021, que la société Soliman a modifié ses factures en inscrivant la société [Z] comme destinataire (pièce 51 de la société [Z]).
La théorie du mandat apparent ne saurait donc s'appliquer en l'espèce.
Il en résulte que le devis du 29 juillet 2021 et les conditions générales annexées ne peuvent être opposés à la société [Z], quand bien même la société Soliman démontrerait que les conditions de ce devis étaient les mêmes que celles de son intervention précédente des 1er et 2 juillet 2021.
La décision déférée sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a dit que la situation relevait du mandat apparent et que la société [Z] était contractuellement engagée par ce devis.
Dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la société [Z] demande à la cour d'appel, à titre principal, soit de constater l'existence d'un contrat « tacite » noué entre elle et la société Soliman, soit de déclarer la société Soliman irrecevable en son action directe.
Ces demandes sont contradictoires, voire incompatible entre elles, dès lors que si un tel contrat existait, fût-il « tacite » - ce que la cour interprète comme signifiant qu'il s'agirait d'un contrat « non écrit » - la société Soliman serait recevable à agir contre la société [Z].
Cela étant, la cour d'appel est tenue d'interpréter des conclusions ambiguës.
Dans les motifs de ses conclusions, la société [Z] prétend, clairement et précisément, qu'en l'absence de transmission du devis du 29 juillet 2021 et d'acceptation de ce devis, aucun contrat ne s'est formé entre elle et la société Soliman, et que l'action de cette dernière est irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre elle (la société [Z]). Dès lors, la cour d'appel interprète les conclusions de l'appelante comme signifiant qu'en réalité, la société [Z] conteste l'existence même de tout contrat la liant à la société Soliman, fût-il non écrit, d'où sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que les demandes formées par l'intimée sont irrecevables.
En droit, il appartient à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, la cour d'appel estime que la rédaction du devis du 29 juillet 2021 et les circonstances de sa conclusion, telles que relatées ci-dessus, ne sont pas de nature à rapporter la preuve de la conclusion d'un contrat entre les sociétés Soliman et [Z].
Les demandes de la société Soliman tendant à la condamnation de la société [Z] à lui régler les sommes de 15 305,26 euros HT et 1 224 euros HT, fondées sur un contrat dont l'existence n'est pas établie, sont donc irrecevables, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les demandes subsidiaires de la société [Z].
II ' Sur les demandes tendant à déclarer que la créance de la société Soliman doit être limitée aux heures réellement réalisées, soit 11 331,25 euros HT et à décider que la créance de la société Soliman est de 5 331,25 euros HT
La société [Z] fait valoir que :
La créance originelle de la société Soliman doit être limitée à la somme de 11 331,25 euros HT, sa créance étant de 5 331,25 euros HT compte tenu de l'acompte versé de 6 000 euros ; les grues ont été réellement mises à disposition pour un ensemble de 17 jours, et seulement 11 jours ont pu être réellement travaillés à cause de fautes graves ;
Les besoins transmis par la société [M] étaient de 22 journées avec deux grues et 4 heures supplémentaires ;
Sur la facturation de la société Soliman, la différence entre le nombre d'heures facturées et le nombre d'heures réalisées est notoire ;
La société Soliman tente de surfacturer abusivement la somme de 6 700 euros HT sur des heures qui n'ont pas pu être travaillées en raison de manquements et fautes graves, dont elle atteste par des témoignages, un rapport d'incident, des calendriers de problèmes établis par son gérant à elle, société [Z], et une comparaison entre le devis du 29 juillet 2021 transmis par la société [M] d'une part, et les bons d'intervention et factures de la société Soliman, d'autre part.
La société Soliman réplique que :
Ses conditions tarifaires, fixées sur la base de 8 heures indivisibles, outre les heures supplémentaires, ont été acceptées dans le devis ;
Le devis ne prévoyait pas de date prévisionnelle d'intervention ni de durée prévisionnelle et elle n'a pas reçu de planning ; elle venait quand on le lui demandait et justifiait de ses interventions en produisant les bons d'intervention qui ont été signés par M. [Z] ; ces bons précisent que la facturation minimale est de 5 heures ; soumis à la signature de M. [Z] à la fin de chaque prestation, ils n'ont fait l'objet d'aucune contestation de ce dernier.
Réponse de la cour :
Par ces demandes, bien qu'évoquant des fautes graves de la société Soliman, la société [Z] réclame en réalité l'application du contrat passé entre la société [M] et la société Soliman, auquel elle n'est pas partie. En effet, ces demandes ne portent pas sur la réparation d'un préjudice qui résulterait pour son chantier d'heures non effectuées conformément au contrat, préjudice qu'elle n'établit pas et pour lequel elle ne demande pas condamnation, mais consistent à faire fixer la créance de la société Soliman en vertu dudit contrat, en réclamant de ne pas régler certaines heures facturées qui n'auraient pas été réalisées.
En l'absence de contrat conclu entre les parties à la présente instance, ces demandes, tendant à voir déclarer que la créance originelle de la société Soliman doit être limitée à 11 331,25 euros HT et de décider que la créance de la société Soliman, après déduction de la somme réglée de 6 000 euros, serait de 5 331,25 euros HT, ne sont pas fondées.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce que, en déboutant les parties de toutes leurs autres demandes, il a notamment rejeté cette demande indemnitaire.
III- Sur les autres demandes reconventionnelles de la société [Z]
Comme rappelé ci-dessus, le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties et les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat, ni se voir contraints de l'exécuter, en vertu de l'effet relatif de tout contrat.
Toutefois, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Cass., ass.plén., 6 octobre 2006, n° 05-13.255, publié).
Le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l'égard d'un tiers au contrat lorsqu'il cause un dommage et il importe de ne pas entraver l'indemnisation de ce dommage ; dès lors, le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu'il subit n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Cass., ass.plén., 13 janvier 2020, n°17-19.963, publié).
En l'espèce, la société [Z] demande à être déclarée recevable en ses demandes reconventionnelles au titre de la responsabilité extra contractuelle.
Il lui appartient en conséquence de prouver une inexécution contractuelle dans le cadre du contrat passé entre les sociétés Soliman et [M] le 29 juillet 2021, et le préjudice en résultant pour elle.
A cette fin, il sera rappelé qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
1- Sur les demandes de la société [Z] en condamnation de la société Soliman à lui verser les sommes de :
- 6 623,53 euros HT au titre du coût des intérimaires qui ont dû être payés pour rattraper les retards causés par la société Soliman (pièce 17 de la société [Z]) ;
- et 5 920 euros HT au titre du coût des interventions de la société CAT pour rattraper les retards causés par les fautes de la société Soliman (pièce 18 de la société [Z]).
La société [Z] fait valoir que :
Elle a contesté les conditions d'intervention de la société Soliman dès son courrier du 8 décembre 2021, réitéré le 20 décembre 2021 ; lors du chantier en août 2021, elle a appelé à de nombreuses reprises la société Soliman pour que ses manquements soient résolus ; elle était plus occupée à rattraper ces manquements qu'à écrire des lettres recommandées avec accusé de réception ; aucune règle juridique ne lui impose de devoir soulever les contestations lors du chantier sous peine d'irrecevabilité ;
Les bons d'intervention sont présentés pour valider les heures lors du chantier, jamais comme une renonciation à toutes les poursuites concernant les manquements de la société Soliman ;
La société Soliman n'a pas respecté ses dates d'intervention, ni la capacité de levage des grues, ni la mise à disposition en continu, comme il résulte des témoignages de MM. [T], [R], [N] et [J] (pièces 5, 13, 14 et 15) ;
Comme prévu au devis du 29 juillet 2021, la société [Z] avait besoin d'une grue de 70 tonnes du 3 au 19 août 2021 et une deuxième grue devait être présente du 5 au 13 août 2021 ; la société Soliman a respecté ses dates d'intervention les 4 premiers jours, puis a pris l'initiative en cours de chantier de changer de grues sans l'en informer au préalable ou lui demander son avis ; le 10 août 2021, elle a apporté une grue de 35 tonnes ce qui a empêché de travailler sur le toit de l'usine ce jour-là ; la grue de remplacement apportée en remplacement au cours de l'après-midi était également inadaptée la même faute grave a été reproduite le 12 août 2021, puis le 17 et le 18 août 2021; ces manquements lui ont fait perdre 4 jours de travail ;
La société Soliman a annoncé fautivement qu'elle ne pourrait apporter ses grues le 13 août 2021, ni celle prévue le 14 et le 16 août 2021 ; cela ressort des bons d'intervention et de la facture définitive de la société Soliman (ses pièces 8 et 16) ; alors qu'elle devait rattraper ces absences par le samedi 7 août 2021 (ses pièces 5 et 15), elle n'a mis qu'une seule grue à disposition ;
Les grues et les chauffeurs sont arrivés à de très nombreuses reprises en retard, comme en témoignent les bons d'intervention (annexes 15 et 16), l'ensemble du personnel étant dans l'attente des chauffeurs de la société Soliman pour monter les pièces sur le toit ; la société Soliman a régulièrement changé de grutier, ce qui impliquait le passage d'une formation interne d'une heure pour intervenir sur cette zone à risque chimique et d'explosion (ses pièces 5, 16, 52) ;
Les grutiers ont à plusieurs reprises refusé de travailler après 17 heures malgré les retards qui s'accumulaient (pièces 14 et 16) ;
Le grutier présent le samedi 7 août 2021 a refusé de man'uvrer la deuxième grue identique présente et pour laquelle la société Soliman n'avait envoyé aucun chauffeur au motif que ce n'était pas la sienne (pièces 5, 14 et 16) ;
La société Soliman a vraisemblablement été informée par la société [M] de la nécessité de ramener les talkies-walkies, accessoires aux prestations de levage, pour les man'uvrer, mais à plusieurs reprises ils ne fonctionnaient pas et la société Soliman connaissait l'interdiction d'utiliser les téléphones portables sur le site, comme clairement indiqué dans le plan de prévention remis à la société Soliman lors de son arrivée sur les lieux le 3 août 2021 (ses pièces 14 et 16 ' 49 et 50) ; elle a dû se priver de l'un de ses employés pour communiquer avec le grutier ;
Alors même qu'elle avait déjà fait venir 9 employés depuis [Localité 7] et 3 salariés extérieurs à partir du 4 août 2021, et 7 employés pour la semaine du 9 août 2021, elle a eu recours à 3 intérimaires en plus pour la semaine du 9 août 2021 et 2 pour la semaine du 16 août 2021 ; elle est donc en droit de demander la réparation des coûts intérimaires pour les semaines du 9 et 16 août 2021 (annexes 9, 15 et 17).
La société Soliman réplique que :
Elle a immobilisé ses grues pour les dates commandées au devis, mais ces dates ont été modifiées, ainsi qu'il résulte des bons d'intervention ; elle a dû se tenir à la disposition de la société [Z] qui commandait le chantier et n'a facturé que ses interventions effectives, sans aucune surfacturation ;
La société [Z] n'a jamais contesté la bonne intervention de sa société, ni envoyé aucune réclamation par téléphone, mail ou courrier recommandé ; elle ne s'est jamais plainte d'un mauvais tonnage des grues louées ; aucun incident n'a été porté à sa connaissance pendant la durée du chantier, les faits reprochés ayant été rapportés lorsque la procédure de recouvrement a été engagée ;
Le rapport sur l'incident de chantier devra être écarté des débats, le rapport original étant rédigé en anglais et celui traduit librement en français ne permettant pas de vérifier la véracité de son contenu ;
Elle n'est pas responsable de la sécurité sur le site, elle met à la disposition du locataire un engin avec son chauffeur ; sa prestation s'arrête là et aucune faute ne peut lui être reprochée ; elle n'est notamment pas chargée d'une prestation de services, la preuve étant que la société [Z] ne lui a délivré ni planning, ni mode opératoire, ni instructions de sécurité à respecter sur le chantier ; l'absence de fourniture de talkie-walkies ne peut lui être reprochée ;
La société [Z] ne démontre pas les manquements des grutiers loués, les retards, les refus d'exécution, les formations à refaire ; les bons d'intervention, signés de M. [Z] lui-même, ne reprennent pas ces réclamations ; elle, société Soliman, n'en a jamais été informée ;
- elle ignorait l'heure à laquelle les grutiers devaient venir sur le chantier puisqu'ils travaillaient sous la direction de la société [Z] qui ne démontre pas à quelle heure les journées débutaient ;
Les bons d'intervention régularisés permettent de constater que des heures supplémentaires ont été réalisées par les grutiers, contrairement à l'affirmation selon laquelle ils auraient refusé de travailler au-delà de 17 heures ;
La société [Z] ne démontre pas en quoi le refus évoqué d'un grutier de man'uvrer une grue, à supposer qu'il soit établi, était injustifié ;
La société [Z] ne démontre pas que les interventions des sociétés, dont il est sollicité paiement, ont été causées par ses manquements à elle, société Soliman, et n'étaient pas déjà prévues en tout état de cause ; la société [Z] a pu avoir mal estimé ses délais, ayant dû recourir à plus d'intervenants que prévu.
Réponse de la cour :
Il convient de constater que la société [Z] ne verse aux débats aucune pièce dans laquelle elle aurait adressé à la société Soliman, en cours de chantier notamment, des réclamations ou plaintes concernant le déroulement de sa prestation, les premières plaintes étant exprimées dans les courriers à la société de recouvrement Ufer les 12 et 20 décembre 2021 ou encore dans un document établi manuscritement par M. [Z] le 16 décembre 2021 (pièce 12 de la société [Z]), en réponse aux demandes de paiement de la société Soliman.
Les prétendus nombreux appels passés en cours de chantier à la société Soliman, quant à eux, ne sont corroborés par aucune pièce.
Pour apporter la démonstration des fautes reprochées à la société Soliman, la société [Z] produit une attestation de M. [T], chargé d'affaires pour la société Gericke, qui indique que « plusieurs manquements ont été constatés sur le chantier » de la part de la société Soliman, lesquels ont induit des retards dans l'avancement général du montage, obligeant la société [Z] à revenir au mois de septembre et octobre pour finir le montage.
Toutefois, cette attestation, outre qu'elle décrit de manière particulièrement vague les fautes reprochées, émane d'un chargé d'affaires de la société Gericke, dont on ne sait s'il a personnellement constaté les faits.
De plus, cette pièce ne se trouve corroborée par aucun constat, aucune réclamation ou plainte de la société [Z] ; il ne ressort notamment pas des échanges de courriels pour l'organisation des chantiers au cours du mois d'août 2021 (pièce 53 de la société [Z]) que des retards auraient été à déplorer en lien avec la prestation de grutage de la société Soliman.
La société [Z] verse également aux débats les attestations de MM. [R] et [N], respectivement « chargé d'affaires » et « man'uvre », tous deux employés de la société [Z], qui indiquent avoir travaillé avec la société Soliman pour des opérations de grutage et avoir rencontré des problèmes à cette occasion (grues inadaptées ou insuffisantes les 10, 12, 17 et 18 août 2021, refus des grutiers de travailler après 17 heures, refus de changer de grue pour l'un des grutiers).
Est également produite une attestation de M. [J], « monteur » et employé de la société SCAT, laquelle intervenait sur le chantier dirigé par la société [Z], pour le montage de la charpente. Ce dernier indique avoir rencontré se sérieux problèmes avec les grutiers (grues inadaptées ayant nécessité l'embauche de deux intérimaires supplémentaires, changement régulier de grutiers nécessitant des formations, talkies-walkies ne fonctionnant pas correctement, refus des grutiers de travailler après 17 heures notamment).
Or, il apparaît que ces attestations, qui émanent de personnes subordonnées à la société [Z], ne sont corroborées par aucun autre élément. La société [Z], professionnelle, ne communique notamment aucun courriel qu'elle aurait adressé à la société Soliman pour se plaindre du matériel livré ou du comportement des grutiers.
Ceci ne ressort pas non plus des bons d'intervention signés par M. [Z] lui-même, qui, pour deux d'entre eux, mentionnent des « temps mort à revoir » ou « à discuter », dont on ne peut déduire une quelconque faute de la société Soliman, aucun retard ou arrivées tardives n'étant notamment rapportés, les bons d'intervention faisant même état de journées achevées pour plusieurs d'entre elles après 17 heures.
Aucune pièce ne permet de déduire que les grutiers envoyés par la société Soliman devaient être chaque fois les mêmes ou que des formations supplémentaires auraient été dispensées.
De même, s'agissant du refus d'un grutier de prendre les commandes d'une grue, la société [Z] indique qu'il s'agissait d'une autre grue que celles louées à la société Soliman, ce qui justifie que le grutier ait refusé d'intervenir.
Sur la question des talkies-walkies, la société [Z] ne justifie pas avoir avisé la société Soliman de l'interdiction sur zone des téléphones portables, d'une part, ni ne démontre la nature exacte des dysfonctionnements relevés des talkies-walkies et les incidences concrètes sur le déroulement du chantier, d'autre part.
Concernant les problèmes de tonnage des grues pour les journées du 10, 12, 17 et 18 août 2021, ils ne sont mentionnés sur aucun bon d'intervention et, là de même, aucune plainte n'est produite par la société [Z] relativement à ce point. Si une facture de la société Soliman pour la journée du 17 août 2021 mentionne la fourniture d'une grue de 35 tonnes, et non de 70 tonnes produite au devis, la société [Z] ne donne toutefois aucun élément pour établir la réalité du préjudice qui en aurait résulté, étant constaté qu'elle-même a passé commande antérieurement (voir notamment sa pièce 46) et ultérieurement à la société [M] de grues d'un tonnage inférieur à 70 tonnes pour mener à bien son chantier.
Si ces bons d'intervention ne mentionnent pas de prestations de la société Soliman les vendredi 13, samedi 14 et lundi 16 août 2021, il convient cependant de constater là encore qu'aucune plainte de la société [Z] n'a été adressée à cette société, notamment aucun SMS ou courriel, et rien n'a été mentionné sur les bons d'intervention afférents aux semaines concernées.
La société [Z] indique que ces journées devaient être compensées par une intervention le samedi 7 août 2021, cet accord, antérieur aux journées des 13, 14 et 16 août, laissant présumer qu'elle avait consenti à ces absences. Il ressort en outre de la facture d'emploi des intérimaires produite par la société [Z], que ces derniers n'intervenaient pas le samedi 14 août 2021.
Par ailleurs, s'agissant du préjudice qu'elle évoque à hauteur de 6 623,53 euros HT, la société [Z] verse aux débats trois factures d'un montant respectif de 6 384,30 euros HT, 5 262,97 euros HT et 1 479,31 euros pour l'intervention de salariés « soudeur » sur le chantier du 2 au 31 août 2021.
Elle demande que son préjudice soit retenu pour le coût des salariés embauchés les semaines du 9-13 août et du 16-20 août, soit 6 623,53 euros, dont l'intervention était motivée par les retards de la société Soliman dans ses opérations de grutage.
Cependant, la société Soliman ne justifie pas des raisons pour lesquelles elle demanderait indemnisation de journées pour lesquelles une prestation a été assurée, d'une part.
D'autre part, pour les journées du 13, 14 et 16 août, la société Soliman n'a effectué aucune facturation, si bien que la société [Z] ne justifie pas du préjudice qui consisterait en une indemnisation correspondant à une journée de travail.
Enfin, la société [Z] ne justifie pas que l'embauche d'employés soudeurs soit en lien avec le préjudice qu'elle évoque, des retards de chantier pouvant avoir d'autres sources. Elle ne produit aucun élément de nature à justifier du préjudice qui découlerait directement pour elle des manquements qu'elle reproche à la société Soliman.
De même, la société [Z] demande, en réparation de son préjudice, la somme de 5 920 euros HT correspondant à la mise à disposition par la société CAT de monteurs de charpente pour la semaine du 16 au 20 août 2021, sans néanmoins démontrer les fautes alléguées à l'encontre de la société Soliman et sans établir le préjudice qui en résulterait.
Ne justifiant ni des fautes alléguées ni du préjudice qu'elle évoque, la société Soliman sera déboutée de sa demande de prise en charge des deux factures des sociétés Morgan et SCAT à hauteur de 6 623,53 euros HT et 5 920 euros HT.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce que, en déboutant les parties de toutes leurs autres demandes, il a notamment rejeté cette demande indemnitaire.
2 ' Sur la demande de la société [Z] en condamnation de la société Soliman à lui verser la somme de 1 600 euros HT au titre de l'intervention de la société Dufour le 19 août 2021
La société [Z] fait valoir que :
lorsqu'elle a monté le ton le 18 août 2021 face à la répétition et la gravité des manquements, la société Soliman a résilié de façon unilatérale le contrat et ne s'est pas présentée le 19 août 2021 ;
la société Soliman a arrêté toute intervention le mercredi 18 août 2021, alors qu'elle s'était engagée à intervenir jusqu'au 19 août 2021 ;
par l'intermédiaire de la société [M], elle a trouvé la société Dufour qui a accepté d'intervenir le 19 août 2021, bien que n'ayant qu'une grue de 50 tonnes à sa disposition.
La société Soliman réplique que :
les prestations du 16 et 19 août 2021 n'ont pas été réalisées ; elle n'a pas dû intervenir ce jour-là pour une raison qu'elle ignore ;
seules les prestations réalisées ont été facturées ; il n'y a aucune surfacturation.
Réponse de la cour :
Le devis du 29 juillet 2021 (pièce 8 de la société [Z]) prévoit une intervention de la société Soliman du 2 août au 19 août 2021 inclus.
Il n'a pas été contesté par la société Soliman qu'elle ne s'est pas présentée le 19 août 2021 et cette dernière ne justifie pas des raisons de cette absence.
La société [Z] ne produit aucune pièce émanant de la société Dufour, qui serait intervenue le 19 août en remplacement de la société Soliman, mais verse aux débats la copie d'une facture de la société [M] intitulée « commande de M. [Z], », portant sur trois bons d'intervention de grues de tonnages différents, le 19 août 2021, 13 septembre 2021 et les 14,15 et 16 septembre 2021.
La société [Z] ne justifie pas de la nature de cette commande, ni de sa date, afin de prouver que celle-ci serait en lien avec l'absence de la société Soliman le 19 août 2021, étant relevé que la société [M] était chargée des opérations de grutage sur l'entier chantier.
Par ailleurs, il apparaît, au vu des factures de la société Soliman (pièce 21 de la société [Z]), que cette dernière n'a pas réclamé le paiement de cette journée non réalisée. Le préjudice allégué ne peut donc pas correspondre au coût de location de la grue pour la journée du 19 août 2021.
La société [Z] ne démontre pas le préjudice qu'elle évoque en lien avec l'absence de la société Soliman le 19 août 2021.
Sa demande d'indemnisation par une prise en charge de la facture de la société [M] de 1 600 euros HT sera rejetée.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce que, en déboutant les parties de toutes leurs autres demandes, il a notamment rejeté cette demande indemnitaire.
3 ' Sur la demande de la société [Z] en condamnation de la société Soliman pour les interventions des sociétés Dufour, STL, CAT et « du gérant » en septembre 2021
La société [Z] fait valoir que :
son chantier pour la société Bostick devait se terminer au plus tard le 25 août 2021 (pièces 5, 8, 44, 45 53) ;
les fautes graves de la société Soliman l'ont contrainte à régler 4 jours de grutage du 13 au 16 septembre 2021 pour la somme de 5 980 euros HT à la société Dufour, la mise à disposition de trois salariés du 13 au 17 septembre 2021 pour la somme de 4 230 euros HT à la société CAT, et 2 jours de grutage les 20 et 21 septembre 2021 à la société STL pour la somme de 3 640 euros HT ;
deux courriels de la société Bostick démontrent qu'elle s'est rendue sur le chantier en septembre 2021 et que, suite aux retards de la société Soliman, elle a fini les opérations de montage le 22 septembre 2021 (pièce 55) ;
M. [Z] a dû retourner à [Localité 4] pour diriger le chantier et la bonne marche des opérations ; habituellement, elle facture 500 euros HT la journée d'intervention du gérant, soit la somme réclamée de 3 500 euros pour rattraper les 7 jours de retard causés par la société Soliman, auxquels s'ajoutent les frais de transport, de repas et d'hébergement.
La société Soliman réplique qu'il n'est pas démontré que les interventions facturées ont été causées par ses manquements et qu'elles n'étaient pas prévues en tout état de cause.
Réponse de la cour :
La société [Z] ne produit aucun élément permettant d'établir la date exacte de fin prévue initialement pour son chantier et les dates de réception des ouvrages.
Elle ne justifie pas du contrat passé avec la société [M] pour les opérations de grutage, notamment pas des tranches d'intervention prévues pour cette société sur le chantier.
A supposer un retard dans ses propres prestations, elle n'établit pas qu'il serait en lien direct avec la prestation de la société Soliman pendant les quinze jours d'août au cours desquels elle a remplacé la société [M].
Elle ne produit pas de factures de la société Dufour, mais une copie de facture de la société [M] pour des interventions en septembre 2021 mentionnant pour objet « commande de M. [Z], » et portant sur deux bons d'intervention de grues de tonnages différents, les 13 septembre 2021 et les 14,15 et 16 septembre 2021, pour la somme de 5 980 euros HT, dont il est réclamé paiement.
La société [Z] ne justifie pas de la nature de cette commande, ni de sa date, afin de prouver que celle-ci serait en lien avec les prestations de la société Soliman, plutôt qu'avec la prestation de la société [M], chargée de l'opération de grutage sur le chantier.
Elle ne justifie pas plus de ce que le retour de son gérant sur le chantier en septembre 2021 serait directement en lien avec les prestations de la société Soliman. Elle n'apporte aucun justificatif des prétendus coûts d'intervention de son gérant.
Elle ne justifie ainsi aucunement du préjudice allégué ni de son montant et sera donc déboutée de cette demande de réparation.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce que, en déboutant les parties de toutes leurs autres demandes, il a notamment rejeté cette demande indemnitaire.
4- Sur la demande de la société [Z] en condamnation de la société Soliman à lui régler la somme de 8 000 euros au titre du préjudice subi par la désorganisation et la perte d'image causé par les fautes graves de la société Soliman
La société [Z] estime que :
Les fautes graves de la société Soliman lui ont causé un préjudice d'image et de désorganisation, alors qu'elle intervenait pour la société Bostik pour un marché supérieur à 1 300 000 euros ;
Concernant le préjudice d'image, les employés de la société Soliman ont provoqué de nombreuses collisions avec les structures devant le responsable de chantier du client, notamment en raison du matériel défaillant, et un accident grave a été évité de justesse alors que la direction du client était présente sur le chantier ;
Un autre contrat similaire avait été annoncé pour installer une deuxième structure métallique et elle n'a reçu aucune commande à ce jour des sociétés Bostik et Gericke ;
Les fautes graves de la société Soliman l'ont désorganisée sur plusieurs mois.
La société Soliman réplique que :
La société [Z] n'a jamais contesté la qualité de son intervention, ni envoyé aucune réclamation par téléphone, mail ou courrier recommandé ; aucun incident n'a été porté à sa connaissance pendant la durée du chantier, les faits reprochés ayant été rapportés lorsque la procédure de recouvrement a été engagée ;
Le rapport sur l'incident de chantier devra être écarté des débats, le rapport original étant rédigé en anglais et celui traduit librement en français ne permettant pas de vérifier la véracité de son contenu ;
Si des erreurs en matière de sécurité ont été commises par les grutiers, sous réserve qu'elles soient démontrées, elles relèvent de la seule responsabilité du chef de chantier, non d'elle, société Soliman, qui a mis à la disposition de la société [Z] le matériel et le personnel loués ensemble.
Réponse de la cour :
S'agissant du rapport d'incident du 10 août 2021, produit aux débats, il convient de préciser que l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 n'impose une rédaction en langue française que des actes de procédure, et qu'il appartient au juge du fond d'apprécier, dans l'exercice de son pouvoir souverain, la force probante des autres éléments qui lui sont fournis en langue étrangère (Civ.1ère, 22 septembre 2016, n° 15-21.176).
En l'espèce, le rapport litigieux, rédigé en langue anglaise, a fait l'objet d'une traduction en langue française qui ne présente pas d'incohérences particulières.
La cour estime donc que ce document peut être retenu.
Toutefois, ce rapport de la société Bostik, qui relate un incident sur le chantier le 10 août 2021, mentionne que les raisons pour lesquelles la chaîne de la grue a fait un mouvement violent en direction de la tête de l'opérateur sont inconnues, évoquant sans le démontrer le possible manque de vigilance d'un grutier ou un coup de vent. Cette pièce ne permet donc pas de conclure à une faute de la société Soliman.
Au surplus, la société [Z] ne justifie pas du préjudice découlant de cet événement, l'accident n'ayant pas eu lieu et le comportement de ses propres équipes n'ayant pas été remises en cause dans ce rapport.
La société [Z] ne justifie pas plus de l'existence d'un nouveau marché qu'auraient offert les sociétés Gericke et Bostick pour la construction d'une deuxième charpente métallique, dont elle aurait été évincée précisément en raison de la piètre prestation de la société Soliman.
Enfin, comme il a déjà évoqué ci-dessus, la société [Z] ne démontre pas une désorganisation de son travail sur plusieurs mois, en lien avec la prestation de la société Soliman, intervenue en remplacement de la société [M] pour les quinze premiers jours du mois d'août 2021.
Sa demande de réparation de préjudice à hauteur de 8 000 euros sera rejetée
Le jugement sera dès lors confirmé en ce que, en déboutant les parties de toutes leurs autres demandes, il a notamment rejeté cette demande indemnitaire.
5 ' Sur la demande de la société [Z] en condamnation de la société Soliman à lui régler la somme de 6 000 euros au titre des fautes commises par la société UFER, du non-respect de la conciliation préalable et des poursuites abusives
La société [Z] expose que :
« la cour de céans appréciera le comportement du mandataire de la société Soliman, qui, outre le harcèlement avéré et les menaces, se permet d'extorquer des sommes qu'il sait parfaitement indues ou affirmer qu'il a le pouvoir d'assigner en justice la société [Z] pour la déclarer en liquidation judiciaire, ce qui constitue un exercice illégal de la profession d'avocat » ; la société de recouvrement Ufer, mandatée par la société Soliman pour recouvrer sa créance, a commis quatre fautes graves qui pourraient être qualifiées de délits pénaux ; « ces fautes commises par le mandataire de la société Soliman, que le mandant a pleinement approuvées » l'ont fortement troublée et lui ont fait perdre un temps considérable ;
La société Soliman n'a pas tenté la moindre négociation et a violé son obligation de conciliation préalable.
La société Soliman réplique que :
La société [Z] est irrecevable à solliciter des dommages et intérêts sur le fondement de délits pénaux qui relèvent du tribunal correctionnel et qui n'ont fait l'objet ni de poursuites ni de condamnations ;
Elle a échangé avec la société [Z] des courriers et mails qui ont permis de constater qu'aucun arrangement amiable ne pouvait être trouvé, ce pour quoi elle a pris une initiative judiciaire ;
La société [Z] ne démontre pas que sa procédure à elle, société Soliman, serait abusive.
Réponse de la cour :
La société [Z] n'a pas appelé la société de recouvrement Ufer dans la cause et ne justifie par ailleurs d'aucune plainte pénale déposée à son encontre.
Elle ne peut dès lors évoquer des fautes à son endroit, d'une part, et ne démontre pas, d'autre part, que le recours de la société Soliman à une société de recouvrement de créances serait illégale.
En tout état de cause, la société [Z] ne démontre pas que la société Soliman aurait « approuvé les fautes » commises par la société de recouvrement mandaté, ni que les poursuites engagées par cette société relèveraient d'un abus de droit.
La société [Z] justifie avoir envoyé un courrier le 20 décembre 2021 à la société Soliman, lui précisant qu'« à titre amiable », elle lui propose le règlement de la somme de 5 607,56 euros HT, soit 6 729,07 euros TTC et lui propose de résoudre le différend pour cette somme.
Elle ne démontre cependant pas le préjudice qui résulterait pour elle du fait que la société Soliman n'a pas donné suite à sa proposition, dès lors qu'il ne ressort de ce courrier aucune intention de négocier et que, jusqu'à la mise en demeure de payer de la société Soliman, le 4 juillet 2022, elle ne justifie d'aucune volonté de rapprochement ou de paiement, pour le moins, des sommes qu'elle a proposé de payer à titre amiable.
Elle ne justifie en conséquence pas du préjudice dont elle réclame réparation à hauteur de 6 000 euros et sa demande à ce titre sera rejetée.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce que, en déboutant les parties de toutes leurs autres demandes, il a notamment rejeté cette demande indemnitaire.
IV' Sur la demande de la société Soliman tendant à la condamnation de la société [Z] à lui verser la somme de 3 000 euros pour procédure abusive
La société Soliman ne justifie pas de ce que la société [Z], de mauvaise foi, aurait abusé de son droit d'ester en justice.
Sa demande de dommages et intérêts à ce titre sera donc rejetée. Le jugement sera dès lors confirmé en ce que, en déboutant les parties de toutes leurs autres demandes, il a notamment rejeté cette demande indemnitaire.
V- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Chacune d'elles succombant en ses prétentions, les parties conserveront la charge des dépens qu'elles ont exposés au titre de la première instance et de l'appel.
Les dépens, précisément listés à l'article 696 du code de procédure civile, ne comprennent pas les frais demandés par la société [Z] au titre « d'un éventuel recouvrement forcé, tarifs pratiqués par les huissiers de justice inclus », sa demande à ce titre sera rejetée.
Il n'y aura pas lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.
La décision déférée sera donc infirmée du chef des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
REJETTE la demande formée par la société [Z] [D] Etudes et Réalisations techniques (la société [Z]) contre la Société Levage Industrie Manutention (la société Soliman) tendant à :
* voir déclarer que la créance originelle de la société Soliman doit être limitée à la somme de 11 331,25 euros HT ;
* voir juger que la créance de la société Soliman est de 5 331,25 euros HT ;
DEBOUTE la société [Z] de sa demande d'indemnisation formée contre la société Soliman, au titre des coûts des intérimaires à hauteur de 6 623,53 euros HT ;
DEBOUTE la société [Z] de sa demande d'indemnisation, formée contre la société Soliman au titre des interventions de la société CAT à hauteur de 5 920 euros HT ;
DEBOUTE la société [Z] de sa demande d'indemnisation formée contre la société Soliman au titre de l'intervention de la société Dufour pour la somme de 1 600 euros HT ;
DEBOUTE la société [Z] de ses demandes d'indemnisation formées contre la société Soliman au titre des interventions, en septembre 2021, de la société Dufour à hauteur de 5 980 euros HT ;
DEBOUTE la société [Z] de ses demandes d'indemnisation formées contre la société Soliman au titre des interventions, en septembre 2021, de la société STL à hauteur de 3 640 euros HT
DEBOUTE la société [Z] de ses demandes d'indemnisation formées contre la société Soliman au titre des interventions, en septembre 2021, de la société CAT à hauteur de 4 230 euros HT ;
DEBOUTE la société [Z] de ses demandes d'indemnisation formées contre la société Soliman au titre des interventions, en septembre 2021, du gérant de la société [Z], ainsi que de ses indemnités kilométriques, frais de repas et d'hébergement ;
- DEBOUTE la société [Z] de sa demande d'indemnisation formée contre la société Soliman au titre de la désorganisation et de la perte d'image ;
- DEBOUTE la société [Z] de ses demandes d'indemnisation formée contre la société Soliman au titre des fautes commises par la société UFER, du non-respect de la conciliation préalable et des poursuites abusives ;
En conséquence,
CONFIRME la décision entreprise sauf :
en ce qu'elle condamne la société [Z] au paiement de la somme de 15 305,26 euros au titre du solde des factures de la société Soliman, outre les intérêts et la capitalisation des intérêts ;
concernant les dépens ;
et concernant l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
DECLARE irrecevables les demandes en paiement de 15 305,26 euros HT et 1 224 euros HT, ainsi que des pénalités légales de retard, formées par la Société Levage Industrie Manutention (la société Soliman) contre la société [Z] [D] Etudes et Réalisations techniques (la société [Z]) ;
DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés, ces dépens n'incluant pas les frais « d'un éventuel recouvrement forcé, tarifs pratiqués par les huissiers de justice inclus » ;
REJETTE les demandes des parties formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la première instance que de la procédure d'appel.