CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 9 octobre 2025, n° 21/15740
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 09 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/15740 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BILOO
S.A.S. CHRISTOBALE
C/
S.A.S. TODEL
Copie exécutoire délivrée
le : 9 octobre 2025
à :
Me Rozenna GORLIER
Me Katia CALVINI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 16 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/02008.
APPELANTE
S.A.S. CHRISTOBALE
, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Rozenna GORLIER, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
S.A.S. TODEL
, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Katia CALVINI, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Muriel MANENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,
et Madame Laetitia VIGNON, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte sous seing privé en date du 21 juin 2016, la SAS Todel a donné à bail commercial à la SAS Christobale, un local sis [Adresse 6] à [Localité 3], composé pour 153 m² de bureaux et pour 187 m² d'un plateau de stockage, moyennant un loyer annuel de 46.000 € HT.
Le contrat de bail prévoyait une destination à usage de bureaux et d'activité professionnelle, le commerce de détail n'étant pas autorisé, dans le secteur du commerce de gros et demi-gros alimentaire.
Le bail comportait une clause d'échelle mobile ainsi qu'une clause résolutoire.
Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré à la locataire le 12 juin 2017 portant sur une somme principale de 18.720 € correspondant aux loyers des mois de mars à juin 2017.
Les causes du commandement n'ayant pas été réglées dans le délai d'un mois à compter de la notification du commandement, la SAS Todel a saisi le juge des référés aux fins de voir constater la résiliation de plein droit du bail, l'expulsion de la locataire et sa condamnation au paiement des sommes dues.
Par ordonnance en date du 25 juillet 2017, le président du tribunal de grande instance de Grasse a, pour l'essentiel:
- dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes visant la résiliation du bail et l'expulsion de la SAS Christobale,
- condamné la SAS Christobale à payer une provision de 20.000 € à valoir sur les loyers et charges arrêtés au mois de juillet 2017 outre 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile,
- accordé à la SAS Christobale des délais de paiement, l'autorisant à s'acquitter des sommes dues en 10 mensualités.
La société Christobale a quitté les lieux le 31 octobre 2017.
Par acte du 12 avril 2019, la SAS Christobale a fait assigner la SAS Todel devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de voir notamment prononcer la nullité du bail commercial en date du 21 juin 2016 et de condamner la bailleresse à lui rembourser les loyers indûment réglés outre à lui payer diverses sommes en réparation de ses préjudices.
Par jugement en date du 16 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Grasse a:
- débouté la SAS Christobale de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la SAS Christobale à payer à la SAS Todel une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Christobale au paiement des entiers dépens, distraits au profit de Me Calvini,
- dit que l'exécution provisoire est sans objet.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
- la preneuse affirme que le 1er septembre 2016, la bailleresse a faussement déclaré avoir réalisé les travaux nécessaires à l'exercice de son activité commerciale, notamment la création d'un accès pour les palettes et le cloisonnement coupe-feu,
- aux termes de l'article 22 du bail, la bailleresse s'était engagée à prendre à sa charge divers travaux,
- le 1er septembre 2016, les parties ont attesté de la réalisation des travaux prévus par le bail, étant précisé que la société Todel justifie avoir fait appel à un professionnel pour effectuer lesdits travaux qui ont été acceptés sans réserve par la SAS Christobale,
- si celle-ci produit un avis technique établi par la société Socotec qui indique que l'isolement coupe-feu de l'établissement vis-à-vis des tiers n'est pas conforme, elle ne justifie pas des manoeuvres dolosives qui auraient été pratiquées par la bailleresse, étant précisé que le quitus a été donné après la signature du bail.
Par déclaration en date du 8 novembre 2021, la SAS Christobale a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées par RPVA le 4 février 2022, la SAS Christobale demande à la cour de:
A titre principal,
Vu les articles 1134, 1116 et 1382 anciens du code civil,
- infirmer le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Grasse en ce qu'il a:
* débouté la SAS Christobale de l'intégralité de ses demandes,
* condamné la SAS Christobale à payer à la SAS Todel une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la SAS Christobale au paiement des entiers dépens, distraits au profit de Me Calvini,
Ce faisant,
- prononcer la nullité du bail commercial en date du 21 juin 2016 pour réticences dolosives,
- condamner la société Todel à la restitution des loyers indûment réglés par la société Christobale, à savoir la somme de 65.575 €,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 26.621,69 € au titre de son préjudice matériel,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 50.000 € au titre de son préjudice moral,
- condamner la société Todel à la restitution du dépôt du garantie, à savoir la somme de 7.800 €,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Todel aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Rozenna Gorlier sous affirmation de droit,
A titre subsidiaire,
Vu l'article 565 du code de procédure civile,
Vu les articles 1124, 1147 et 1184 anciens du code civil,
- infirmer le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Grasse en ce qu'il a:
* débouté la SAS Christobale de l'intégralité de ses demandes,
* condamné la SAS Christobale à payer à la SAS Todel une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la SAS Christobale au paiement des entiers dépens, distraits au profit de Me Calvini,
Ce faisant,
- prononcer la résolution judiciaire du bail commercial en date du 21 juin 2016 aux torts de la bailleresse à compter de la mise en demeure du 12 juillet 2017,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 26.621,69 € au titre de son préjudice matériel,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 50.000 € au titre de son préjudice moral,
- condamner la société Todel à la restitution du dépôt du garantie, à savoir la somme de 7.800 €,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Todel aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Rozenna Gorlier sous affirmation de droit.
La société Todel, suivant ses conclusions signifiées par RPVA le 29 avril 2022, demande à la cour de:
- confirmer le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Grasse en ce qu'il a dit et jugé que le contrat de bail commercial en cause ayant été conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, les demandes de la SAS Christobale devaient être examinées en application des articles 1134 et 1116 anciens du code civil,
- confirmer le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Grasse en ce qu'il a débouté la SAS Christobale de sa demande de nullité du bail pour dol et de ses demandes subséquentes aux fins de restitution des sommes versées aux motifs notamment que la société Todel a fait appel à un professionnel pour effectuer les travaux convenus, travaux qui ont été acceptés sans réserve par la SAS Christobale, cette dernière ne justifiant aucunement de quelconque manoeuvre de la société Todel, étant rappelé que le quitus a été donné après la signature du bail,
- débouter la SAS Christobale de sa demande de nullité du bail commercial formalisée au visa de l'article 1112-1 du code civil, cet article étant inapplicable en l'espèce, et qu'au surplus, il n'est pas démontré que la société Todel aurait agi de manière dolosive à l'endroit de son cocontractant,
En conséquence,
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions et par suite débouter la société Christobale de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Todel,
Y ajoutant,
- condamner la SAS Christobale à payer à la SAS Todel la somme de 4.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits au profit de Me Katia Calvini, avocat sous sa due affirmation de droit,
En tout état de cause,
- débouter la SAS Christobale de sa demande tendant à la résolution du bail à compter du 12 juillet 2017 aux torts exclusifs du bailleur, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Todel eu égard aux propres fautes commises par la société Christobale et à l'absence de démonstration d'un manquement de la société Todel quant à ses obligations, notamment de délivrance des locaux ou d'exécution de ses obligations, étant notamment rappelé que le local n'était destiné à recevoir du public, ayant uniquement une destination de bureaux et de stockage; par suite s'agissant de l'activité de sous-location de la société Happy Friends, il appartenait à la SAS Christobale, et non au bailleur, de procéder aux travaux de mise en conformité des locaux au regard des règles de sécurité incendie relevant des établissement recevant du jeune public, en l'espèce, l'accueil de jeunes enfants; enfin les locaux ont été pleinement utilisés par la SAS Christobale pendant toute la durée de son occupation, soit jusqu'au 31 octobre 2017,
- condamner la SAS Christobale à payer à la SAS Todel la somme de 4.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits au profit de Me Katia Calvini, avocat sous sa due affirmation de droit.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 juin 2025.
MOTIFS
Sur la nullité du contrat de bail commercial
La société Christobale sollicite la nullité du bail litigieux sur le fondement du dol, soutenant que le quitus en date du 1er septembre 2016 affirme faussement que le bailleur a réalisé les travaux listés dans la partie bureaux et la partie stockage et a été de nature à provoquer une erreur chez le preneur, qui n'aurait pas pris les locaux à bail sans un tel engagement et une telle affirmation de la part de la société Todel. Elle fait plus particulièrement valoir que la création d'un accès de 120 cm pour les palettes n'a jamais été réalisée et que le cloisonnement coupe- feu avec les surfaces mitoyennes n'est pas conforme ainsi que l'atteste l'avis Socotec, alors que de tels travaux étaient déterminants de son consentement.
Elle rappelle que cet avis technique concerne bien le local de stockage de son huile d'olive, de sorte que les allégations adverses sur le non respect de la destination des locaux loués, à savoir à destination de bureaux et de stockage, ne sont pas pertinentes.
Elle précise que si elle n'a pas réglé les loyers postérieurement à l'ordonnance de référé, elle est fondée à opposer l'exception d'inexécution, entraînant la suspension de l'exécution de son obligation de payer les loyers.
La société Todel conteste l'existence de manoeuvres frauduleuses, exposant que si aux termes du bail, elle s'était effectivement engagée à effectuer un certain nombre de travaux, leur réalisation a été constatée par les parties dans le document régularisé le 1er septembre 2016, signé par l'appelante. Elle précise qu'elle communique l'intégralité des factures de l'entreprise Tanzilli et relève que s'agissant de l'avis technique de la société Socotec, les locaux donnés à bail ne sont pas destinés à recevoir du public, de sorte qu'il appartenait au preneur et non au bailleur, de procéder aux travaux de mise en conformité des locaux aux règles de sécurité incendie pour les établissements recevant des jeunes enfants dans le cadre de la sous-location partielle qu'elle avait consentie à la société Happy Friends. Elle en conclut qu'elle n'a commis aucune manoeuvre, ni tromperie mais a bien fait réaliser les travaux convenus par un professionnel, la locataire en ayant donné quitus.
Aux termes de l'article 1116 ancien du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Le dol est donc un acte de déloyauté ( aspect délictuel du dol) dont il résulte une erreur du cocontractant l'ayant déterminé à conclure le contrat ( aspect psychologique du dol).
L'aspect délictuel du dol comporte un élément matériel, à savoir l'existence de manoeuvres, mensonges ou silence créant chez le cocontractant une fausse apparence de la réalité et, un élément intentionnel, à savoir la volonté de tromper, le cocontractant devant avoir agi en connaissance de cause.
L'aspect psychologique du dol implique que les manoeuvres, mensonges ou silence aient provoqué chez l'autre partie une erreur déterminante de son consentement.
Il convient de rappeler que le dol s'apprécie au moment de la formation du contrat, qu'il ne se présume pas et qu'il appartient à la SAS Christobale de rapporter la preuve que la SAS Todel a pratiqué des manoeuvres telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres elle n'aurait pas contracté.
Selon acte du 21 juin 2016, la société Todel a donné à bail commercial à la société Christobale, des locaux dépendant d'un ensemble immobilier à usage de bureaux et de locaux d'activités professionnelles dénommé ' Space Camp' situé [Adresse 7] à [Localité 2] se composant de bureaux pour n153 m² et d'un plateau de stockage pour 187 m².
Il est stipulé que les locaux sont exclusivement destinés à usage de bureaux et locaux d'activité professionnelle, que le commerce de détail n'est pas autorisé.
Il est également précisé que ' Le preneur pourra exercer dans les lieux les activités telles que définies à ses statuts à l'exclusion de toute autre, à savoir achat, vente gros et demis-gros détail huile et olives et tous produits alimentaires à titre ambulant. Le preneur déclare que les locaux sont parfaitement adaptés aux activités qu'il entend y exercer. Les adjonctions d'activités connexes ou complémentaires ainsi que l'exercice dans les locaux d'une ou plusieurs activités différentes que celles prévues ci-dessus ne sont possibles que dans les conditions fixées aux articles L 145-47 à L 145-55 du code de commerce. Le preneur déclare faire son affaire personnelle de l'obtention de toute autorisation administratives, de sécurité ou autre, nécessaire à l'exercice de ses activités dans les locaux'.
Aux termes de l'article 22 dudit bail, le bailleur s'est engagé à prendre intégralement à sa charge les travaux suivants:
' Dans la partie bureaux ( 153m²):
* la peinture aux murs,
* le remplacement des faux plafonds,
* l'éclairage,
* le remplacement de la moquette au sol;
Dans la partie stockage ( 187 m²):
* le revêtement de sol existant est conservé,
* les murs en cloisons seront livrés bruts,
* création d'un accès de 120 cm pour les palettes,
* installation d'un tableau électrique indépendant et 4 prises de courant,
* la mise en route de l'éclairage et cloisonnement coupe-feu avec les surfaces mitoyennes.'
Il est produit l'état des lieux d'entrée avec 'quitus de levée de réserves' concernant les locaux litigieux signé par la société Todal et la société Christobale attestant que les parties ont réalisé les travaux prévus au bail commercial et plus particulièrement que le bailleur a réalisé, à sa charge, les travaux suivants:
' - dans la partie bureaux: la peinture des murs, le remplacement des faux plafonds, l'éclairage, le système neuf de climatisation/ chauffage et le remplacement du revêtement de sol.
- dans la partie stockage: la création d'un accès de 120cm pour les palettes, l'installation d'un tableau électrique indépendant et 4 prises de courant, la mise en route de l'éclairage et le cloisonnement coupe-feu avec le surfaces mitoyennes. Le revêtement de sol existant est conservé et les murs en cloisons sont livrés bruts. L'accès extérieur a été aménagé avec une porte en aluminium neuve au droit du châssis existant. La séparation du jardin extérieur a été réalisée par une clôture rigide.'
La SAS Christobale communique un avis technique de la société Socotec en date du 20 septembre 2017 qui conclut que l'isolement coupe-feu de l'établissement vis-à-vis des tiers n'est pas conforme et qui a été établi plus d'un an après la prise d'effet du bail.
Il résulte cependant des factures produites par la SAS Todel que celle-ci a fait appel à un professionnel pour effectuer les travaux convenus, à savoir l'entreprise Tanzilli, dont la facture d'un montant de 57.676, 80 € TTC a été réglée par la bailleresse et détaille les prestations effectuées tant dans la partie bureaux que la partie stockage.
La preneuse ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe de manoeuvres qui auraient été commises au moment de la conclusion du contrat de bail par son co-contractant en ce que:
- d'une part, l'appelante a accepté sans réserve les travaux effectués en signant le document intitulé ' quitus' le 1er septembre 2016 et elle s'était nécessairement assurée que les travaux en question avaient bien été exécutés,
- d'autre part, si effectivement l'avis Socotec indique que l'isolement coupe-feu de l'établissement vis-à-vis des tiers n'est pas conforme, il n'est pas démontré que la SAS Todel, qui a mandaté un professionnel dont la facture mentionne l'installation de cloisons coupe-feu, de coques coupe-feu, de faux plafonds coupes feu et de menuiseries coupe- feu, a pu avoir connaissance d'une éventuelle difficulté sur ce point et aurait dissimulé une telle situation pour amener la preneuse à s'engager dans cette relation contractuelle.
La société appelante soutient que la création d'un accès de 120 cm pour les palettes n'a jamais été réalisée, mais ne le démontre pas , étant précisé qu'elle n'en a jamais fait part ni dans son mail du 22 mars 2017 se plaignant de problèmes de fonctionnement du site, ni dans le courrier qu'elle a adressé par l'intermédiaire de son conseil. Au demeurant, si effectivement un tel accès était inexistant, en dépit des engagement du bailleur, elle n'aurait pas manqué de s'en apercevoir lors de l'établissement de l'état des lieux d'entrée avec quitus comportant levée de réserves le 1er septembre 2016, qui mentionne pourtant que la création d'un tel aménagement a été efffectuée. Or, elle n'a jamais fait part de la moindre difficulté à ce sujet, y compris lors de l'instance pendante devant le juge des référés, mettant en évidence que l'installation ou non de cet accès pour les palettes n'était pas un élément déterminant pour elle.
C'est donc à juste titre que le premier juge a débouté la société Christobale de sa demande de nullité du bail pour dol et de ses demandes subséquentes aux fins de restitution des sommes versées.
Sur la résolution judiciaire du bail commercial aux torts du bailleur
A titre subsidiaire, la société Christobale sollicite le prononcé de la résolution judiciaire du bail aux torts du bailleur, soutenant que le local loué n'a pas pu être exploité ni en toute sécurité, ni conformément à l'usage prévu.
Selon l'article 1184 ancien du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
La société appelante s'appuie sur un courrier recommandée du 12 juillet 2017, en vertu duquel son conseil a formellement mis en demeure la SAS Todel ' d'avoir à respecter une jouissance paisible des lieux à votre locataire en procédant aux remises en état qui s'imposent:
- réparation des causes d'infiltration d'eau,
- respect des aménagements, travaux et réparations auxquels vous vous êtes engagé dans le respect de l'activité de la société Christobale et pourvoir à la jouissance des lieux'.
A ce courrier, était joint un constat d'huissier établi le 14 juin 2017.
Outre le caractère plus que vague de la formulation ' respect des aménagements, travaux et réparations auxquels vous vous être engagé ' sans aucune précision sur la nature de l'engagement qui aurait violé, le procès-verbal dressé le 14 juin 2017 est particulièrement succinct, comprend quatre pages et relate un large trou en partie basse d'une cloison de couloir, plusieurs traces de coups, un éclat important sur une dalle de sol, une différence de niveau du seuil de l'entrée , des dégradations au sol du local principal, des fils électriques non raccordés au niveau de la cloison nord, une tâche d'humidité en partie basse de la cloison de séparation et des dalles de faux plafond absentes.
S'agissant des infiltrations, ce procès-verbal fait uniquement état d'une tâche en partie basse d'une cloison et il ressort de la réponse apportée par le bailleur que la réparation des causes d'infiltrations d'eau a été effective en mars 2017, étant relevé que devant la cour, la société appelante n'en fait désormais plus état.
Le surplus des constatations met en évidence des dégradations qui sont apparues postérieurement à la prise de possession des locaux près d'un an auparavant, alors que la preneuse avait donné quitus et considéré que l'ensemble des travaux de rénovation mis à la charge du bailleur avait bien été réalisé notamment au niveau des peintures, des sols et de l'installation électrique. Au demeurant, il n'est pas établi que les défauts relevés soient de nature à nuire à l'activité de la société Christobale, ni à porter atteinte à sa jouissance paisible.
La société Christobale se prévaut, en outre, de l' avis technique émis par la société Socotec en date du 20 septembre 2017 qui conclut que l'isolement coupe- feu de l'établissement vis-à-vis des tiers n'est pas conforme. Cet avis tend à démontrer que cet isolement n'a pas été correctement fait, en ce que le bâtiment n'étant pas à direction unique, chaque établissement est considéré comme une entité à part entière et doit donc être isolé vis-à-vis des établissements tiers et qu'en l'espèce, certains dispositions constructives ne permettent pas d'assurer un coupe-feu 1 heure.
Toutefois, la preneuse ne justifie pas avoir subi une quelconque gêne dans l'exploitation de son activité pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant rappelé qu'elle a quitté les lieux le 31 octobre 2017. En effet, elle n'a jamais fait part à la société Todel de la moindre difficulté jusqu'à l'envoi de la lettre recommandée du 12 juillet 2017, auquel était joint le constat d'huissier du 14 juin 2017 dont la teneur a été évoquée et qui n'est pas de nature à établir l'existence de manquements imputables au bailleur suffisamment graves pour permettre la résolution judiciaire du bail à ses torts. Avant cette date, elle ne s'est jamais plainte à l'exception d'un courriel qu'elle a adressé le 22 mars 2017 faisant part d'infiltrations d'eau en cas de fortes pluies, de places de stationnement occupées et de l'absence d'installation d'un portail ou d'une aire de livraison, ouvrages qui n'étaient pourtant pas convenus aux termes du bail, étant précisé qu'aucune pièce ne vient étayer de telles affirmations.
Il convient, en outre de relever, que la SAS Christobale a fait état pour la première fois de difficultés quant à la jouissance des lieux alors qu'elle faisait l'objet d'une relance pour non paiement des loyers et était destinataire le 12 juin 2017 d'un commandement de payer visant la clause résolutoire et lui réclamant une somme principale de 18.720 € au titre des loyers et charges impayés à cette date.
Enfin s'il n'est pas contesté que dans le cadre du bail litigieux, la SAS Christobale a sous-loué une partie des locaux litigieux à la société Happy Friends, accueillant de jeunes enfants, elle ne produit cependant aucune pièce sur cette sous-location, ni aucun élément attestant de la moindre difficulté qu'aurait pu rencontrer cette sous-locataire.
En considération de ces éléments, la société appelante ne rapporte pas la preuve d'un manquement suffisamment grave du preneur justifiant le prononcé de la résolution judiciaire du bail aux torts du bailleur à la date du 12 juillet 2017, soit à la date de l' envoi de la lettre recommandée de son conseil.
Elle sera donc également déboutée de ses demandes indemnitaires subséquentes, en ce compris celle afférente au remboursement du dépôt de garantie qu'elle a versée à hauteur de 7.200 € en ce qu'il est justifié qu'elle ne s'est que très partiellement acquittée de la condamnation provisionnelle prononcée par le juge des référés en ne versant que 11.000 € sur un total de 21.000 €.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Déboute la SAS Christobale des fins de son recours et confirme le jugement du tribunal judiciaire de Grasse entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Christobale à payer à la SAS Todel la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Christobale aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 09 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/15740 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BILOO
S.A.S. CHRISTOBALE
C/
S.A.S. TODEL
Copie exécutoire délivrée
le : 9 octobre 2025
à :
Me Rozenna GORLIER
Me Katia CALVINI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 16 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/02008.
APPELANTE
S.A.S. CHRISTOBALE
, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Rozenna GORLIER, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
S.A.S. TODEL
, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Katia CALVINI, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Muriel MANENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,
et Madame Laetitia VIGNON, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte sous seing privé en date du 21 juin 2016, la SAS Todel a donné à bail commercial à la SAS Christobale, un local sis [Adresse 6] à [Localité 3], composé pour 153 m² de bureaux et pour 187 m² d'un plateau de stockage, moyennant un loyer annuel de 46.000 € HT.
Le contrat de bail prévoyait une destination à usage de bureaux et d'activité professionnelle, le commerce de détail n'étant pas autorisé, dans le secteur du commerce de gros et demi-gros alimentaire.
Le bail comportait une clause d'échelle mobile ainsi qu'une clause résolutoire.
Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré à la locataire le 12 juin 2017 portant sur une somme principale de 18.720 € correspondant aux loyers des mois de mars à juin 2017.
Les causes du commandement n'ayant pas été réglées dans le délai d'un mois à compter de la notification du commandement, la SAS Todel a saisi le juge des référés aux fins de voir constater la résiliation de plein droit du bail, l'expulsion de la locataire et sa condamnation au paiement des sommes dues.
Par ordonnance en date du 25 juillet 2017, le président du tribunal de grande instance de Grasse a, pour l'essentiel:
- dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes visant la résiliation du bail et l'expulsion de la SAS Christobale,
- condamné la SAS Christobale à payer une provision de 20.000 € à valoir sur les loyers et charges arrêtés au mois de juillet 2017 outre 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile,
- accordé à la SAS Christobale des délais de paiement, l'autorisant à s'acquitter des sommes dues en 10 mensualités.
La société Christobale a quitté les lieux le 31 octobre 2017.
Par acte du 12 avril 2019, la SAS Christobale a fait assigner la SAS Todel devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de voir notamment prononcer la nullité du bail commercial en date du 21 juin 2016 et de condamner la bailleresse à lui rembourser les loyers indûment réglés outre à lui payer diverses sommes en réparation de ses préjudices.
Par jugement en date du 16 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Grasse a:
- débouté la SAS Christobale de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la SAS Christobale à payer à la SAS Todel une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Christobale au paiement des entiers dépens, distraits au profit de Me Calvini,
- dit que l'exécution provisoire est sans objet.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
- la preneuse affirme que le 1er septembre 2016, la bailleresse a faussement déclaré avoir réalisé les travaux nécessaires à l'exercice de son activité commerciale, notamment la création d'un accès pour les palettes et le cloisonnement coupe-feu,
- aux termes de l'article 22 du bail, la bailleresse s'était engagée à prendre à sa charge divers travaux,
- le 1er septembre 2016, les parties ont attesté de la réalisation des travaux prévus par le bail, étant précisé que la société Todel justifie avoir fait appel à un professionnel pour effectuer lesdits travaux qui ont été acceptés sans réserve par la SAS Christobale,
- si celle-ci produit un avis technique établi par la société Socotec qui indique que l'isolement coupe-feu de l'établissement vis-à-vis des tiers n'est pas conforme, elle ne justifie pas des manoeuvres dolosives qui auraient été pratiquées par la bailleresse, étant précisé que le quitus a été donné après la signature du bail.
Par déclaration en date du 8 novembre 2021, la SAS Christobale a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées par RPVA le 4 février 2022, la SAS Christobale demande à la cour de:
A titre principal,
Vu les articles 1134, 1116 et 1382 anciens du code civil,
- infirmer le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Grasse en ce qu'il a:
* débouté la SAS Christobale de l'intégralité de ses demandes,
* condamné la SAS Christobale à payer à la SAS Todel une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la SAS Christobale au paiement des entiers dépens, distraits au profit de Me Calvini,
Ce faisant,
- prononcer la nullité du bail commercial en date du 21 juin 2016 pour réticences dolosives,
- condamner la société Todel à la restitution des loyers indûment réglés par la société Christobale, à savoir la somme de 65.575 €,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 26.621,69 € au titre de son préjudice matériel,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 50.000 € au titre de son préjudice moral,
- condamner la société Todel à la restitution du dépôt du garantie, à savoir la somme de 7.800 €,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Todel aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Rozenna Gorlier sous affirmation de droit,
A titre subsidiaire,
Vu l'article 565 du code de procédure civile,
Vu les articles 1124, 1147 et 1184 anciens du code civil,
- infirmer le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Grasse en ce qu'il a:
* débouté la SAS Christobale de l'intégralité de ses demandes,
* condamné la SAS Christobale à payer à la SAS Todel une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la SAS Christobale au paiement des entiers dépens, distraits au profit de Me Calvini,
Ce faisant,
- prononcer la résolution judiciaire du bail commercial en date du 21 juin 2016 aux torts de la bailleresse à compter de la mise en demeure du 12 juillet 2017,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 26.621,69 € au titre de son préjudice matériel,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 50.000 € au titre de son préjudice moral,
- condamner la société Todel à la restitution du dépôt du garantie, à savoir la somme de 7.800 €,
- condamner la société Todel à régler à la société Christobale la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Todel aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Rozenna Gorlier sous affirmation de droit.
La société Todel, suivant ses conclusions signifiées par RPVA le 29 avril 2022, demande à la cour de:
- confirmer le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Grasse en ce qu'il a dit et jugé que le contrat de bail commercial en cause ayant été conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, les demandes de la SAS Christobale devaient être examinées en application des articles 1134 et 1116 anciens du code civil,
- confirmer le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Grasse en ce qu'il a débouté la SAS Christobale de sa demande de nullité du bail pour dol et de ses demandes subséquentes aux fins de restitution des sommes versées aux motifs notamment que la société Todel a fait appel à un professionnel pour effectuer les travaux convenus, travaux qui ont été acceptés sans réserve par la SAS Christobale, cette dernière ne justifiant aucunement de quelconque manoeuvre de la société Todel, étant rappelé que le quitus a été donné après la signature du bail,
- débouter la SAS Christobale de sa demande de nullité du bail commercial formalisée au visa de l'article 1112-1 du code civil, cet article étant inapplicable en l'espèce, et qu'au surplus, il n'est pas démontré que la société Todel aurait agi de manière dolosive à l'endroit de son cocontractant,
En conséquence,
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions et par suite débouter la société Christobale de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Todel,
Y ajoutant,
- condamner la SAS Christobale à payer à la SAS Todel la somme de 4.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits au profit de Me Katia Calvini, avocat sous sa due affirmation de droit,
En tout état de cause,
- débouter la SAS Christobale de sa demande tendant à la résolution du bail à compter du 12 juillet 2017 aux torts exclusifs du bailleur, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Todel eu égard aux propres fautes commises par la société Christobale et à l'absence de démonstration d'un manquement de la société Todel quant à ses obligations, notamment de délivrance des locaux ou d'exécution de ses obligations, étant notamment rappelé que le local n'était destiné à recevoir du public, ayant uniquement une destination de bureaux et de stockage; par suite s'agissant de l'activité de sous-location de la société Happy Friends, il appartenait à la SAS Christobale, et non au bailleur, de procéder aux travaux de mise en conformité des locaux au regard des règles de sécurité incendie relevant des établissement recevant du jeune public, en l'espèce, l'accueil de jeunes enfants; enfin les locaux ont été pleinement utilisés par la SAS Christobale pendant toute la durée de son occupation, soit jusqu'au 31 octobre 2017,
- condamner la SAS Christobale à payer à la SAS Todel la somme de 4.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits au profit de Me Katia Calvini, avocat sous sa due affirmation de droit.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 juin 2025.
MOTIFS
Sur la nullité du contrat de bail commercial
La société Christobale sollicite la nullité du bail litigieux sur le fondement du dol, soutenant que le quitus en date du 1er septembre 2016 affirme faussement que le bailleur a réalisé les travaux listés dans la partie bureaux et la partie stockage et a été de nature à provoquer une erreur chez le preneur, qui n'aurait pas pris les locaux à bail sans un tel engagement et une telle affirmation de la part de la société Todel. Elle fait plus particulièrement valoir que la création d'un accès de 120 cm pour les palettes n'a jamais été réalisée et que le cloisonnement coupe- feu avec les surfaces mitoyennes n'est pas conforme ainsi que l'atteste l'avis Socotec, alors que de tels travaux étaient déterminants de son consentement.
Elle rappelle que cet avis technique concerne bien le local de stockage de son huile d'olive, de sorte que les allégations adverses sur le non respect de la destination des locaux loués, à savoir à destination de bureaux et de stockage, ne sont pas pertinentes.
Elle précise que si elle n'a pas réglé les loyers postérieurement à l'ordonnance de référé, elle est fondée à opposer l'exception d'inexécution, entraînant la suspension de l'exécution de son obligation de payer les loyers.
La société Todel conteste l'existence de manoeuvres frauduleuses, exposant que si aux termes du bail, elle s'était effectivement engagée à effectuer un certain nombre de travaux, leur réalisation a été constatée par les parties dans le document régularisé le 1er septembre 2016, signé par l'appelante. Elle précise qu'elle communique l'intégralité des factures de l'entreprise Tanzilli et relève que s'agissant de l'avis technique de la société Socotec, les locaux donnés à bail ne sont pas destinés à recevoir du public, de sorte qu'il appartenait au preneur et non au bailleur, de procéder aux travaux de mise en conformité des locaux aux règles de sécurité incendie pour les établissements recevant des jeunes enfants dans le cadre de la sous-location partielle qu'elle avait consentie à la société Happy Friends. Elle en conclut qu'elle n'a commis aucune manoeuvre, ni tromperie mais a bien fait réaliser les travaux convenus par un professionnel, la locataire en ayant donné quitus.
Aux termes de l'article 1116 ancien du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Le dol est donc un acte de déloyauté ( aspect délictuel du dol) dont il résulte une erreur du cocontractant l'ayant déterminé à conclure le contrat ( aspect psychologique du dol).
L'aspect délictuel du dol comporte un élément matériel, à savoir l'existence de manoeuvres, mensonges ou silence créant chez le cocontractant une fausse apparence de la réalité et, un élément intentionnel, à savoir la volonté de tromper, le cocontractant devant avoir agi en connaissance de cause.
L'aspect psychologique du dol implique que les manoeuvres, mensonges ou silence aient provoqué chez l'autre partie une erreur déterminante de son consentement.
Il convient de rappeler que le dol s'apprécie au moment de la formation du contrat, qu'il ne se présume pas et qu'il appartient à la SAS Christobale de rapporter la preuve que la SAS Todel a pratiqué des manoeuvres telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres elle n'aurait pas contracté.
Selon acte du 21 juin 2016, la société Todel a donné à bail commercial à la société Christobale, des locaux dépendant d'un ensemble immobilier à usage de bureaux et de locaux d'activités professionnelles dénommé ' Space Camp' situé [Adresse 7] à [Localité 2] se composant de bureaux pour n153 m² et d'un plateau de stockage pour 187 m².
Il est stipulé que les locaux sont exclusivement destinés à usage de bureaux et locaux d'activité professionnelle, que le commerce de détail n'est pas autorisé.
Il est également précisé que ' Le preneur pourra exercer dans les lieux les activités telles que définies à ses statuts à l'exclusion de toute autre, à savoir achat, vente gros et demis-gros détail huile et olives et tous produits alimentaires à titre ambulant. Le preneur déclare que les locaux sont parfaitement adaptés aux activités qu'il entend y exercer. Les adjonctions d'activités connexes ou complémentaires ainsi que l'exercice dans les locaux d'une ou plusieurs activités différentes que celles prévues ci-dessus ne sont possibles que dans les conditions fixées aux articles L 145-47 à L 145-55 du code de commerce. Le preneur déclare faire son affaire personnelle de l'obtention de toute autorisation administratives, de sécurité ou autre, nécessaire à l'exercice de ses activités dans les locaux'.
Aux termes de l'article 22 dudit bail, le bailleur s'est engagé à prendre intégralement à sa charge les travaux suivants:
' Dans la partie bureaux ( 153m²):
* la peinture aux murs,
* le remplacement des faux plafonds,
* l'éclairage,
* le remplacement de la moquette au sol;
Dans la partie stockage ( 187 m²):
* le revêtement de sol existant est conservé,
* les murs en cloisons seront livrés bruts,
* création d'un accès de 120 cm pour les palettes,
* installation d'un tableau électrique indépendant et 4 prises de courant,
* la mise en route de l'éclairage et cloisonnement coupe-feu avec les surfaces mitoyennes.'
Il est produit l'état des lieux d'entrée avec 'quitus de levée de réserves' concernant les locaux litigieux signé par la société Todal et la société Christobale attestant que les parties ont réalisé les travaux prévus au bail commercial et plus particulièrement que le bailleur a réalisé, à sa charge, les travaux suivants:
' - dans la partie bureaux: la peinture des murs, le remplacement des faux plafonds, l'éclairage, le système neuf de climatisation/ chauffage et le remplacement du revêtement de sol.
- dans la partie stockage: la création d'un accès de 120cm pour les palettes, l'installation d'un tableau électrique indépendant et 4 prises de courant, la mise en route de l'éclairage et le cloisonnement coupe-feu avec le surfaces mitoyennes. Le revêtement de sol existant est conservé et les murs en cloisons sont livrés bruts. L'accès extérieur a été aménagé avec une porte en aluminium neuve au droit du châssis existant. La séparation du jardin extérieur a été réalisée par une clôture rigide.'
La SAS Christobale communique un avis technique de la société Socotec en date du 20 septembre 2017 qui conclut que l'isolement coupe-feu de l'établissement vis-à-vis des tiers n'est pas conforme et qui a été établi plus d'un an après la prise d'effet du bail.
Il résulte cependant des factures produites par la SAS Todel que celle-ci a fait appel à un professionnel pour effectuer les travaux convenus, à savoir l'entreprise Tanzilli, dont la facture d'un montant de 57.676, 80 € TTC a été réglée par la bailleresse et détaille les prestations effectuées tant dans la partie bureaux que la partie stockage.
La preneuse ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe de manoeuvres qui auraient été commises au moment de la conclusion du contrat de bail par son co-contractant en ce que:
- d'une part, l'appelante a accepté sans réserve les travaux effectués en signant le document intitulé ' quitus' le 1er septembre 2016 et elle s'était nécessairement assurée que les travaux en question avaient bien été exécutés,
- d'autre part, si effectivement l'avis Socotec indique que l'isolement coupe-feu de l'établissement vis-à-vis des tiers n'est pas conforme, il n'est pas démontré que la SAS Todel, qui a mandaté un professionnel dont la facture mentionne l'installation de cloisons coupe-feu, de coques coupe-feu, de faux plafonds coupes feu et de menuiseries coupe- feu, a pu avoir connaissance d'une éventuelle difficulté sur ce point et aurait dissimulé une telle situation pour amener la preneuse à s'engager dans cette relation contractuelle.
La société appelante soutient que la création d'un accès de 120 cm pour les palettes n'a jamais été réalisée, mais ne le démontre pas , étant précisé qu'elle n'en a jamais fait part ni dans son mail du 22 mars 2017 se plaignant de problèmes de fonctionnement du site, ni dans le courrier qu'elle a adressé par l'intermédiaire de son conseil. Au demeurant, si effectivement un tel accès était inexistant, en dépit des engagement du bailleur, elle n'aurait pas manqué de s'en apercevoir lors de l'établissement de l'état des lieux d'entrée avec quitus comportant levée de réserves le 1er septembre 2016, qui mentionne pourtant que la création d'un tel aménagement a été efffectuée. Or, elle n'a jamais fait part de la moindre difficulté à ce sujet, y compris lors de l'instance pendante devant le juge des référés, mettant en évidence que l'installation ou non de cet accès pour les palettes n'était pas un élément déterminant pour elle.
C'est donc à juste titre que le premier juge a débouté la société Christobale de sa demande de nullité du bail pour dol et de ses demandes subséquentes aux fins de restitution des sommes versées.
Sur la résolution judiciaire du bail commercial aux torts du bailleur
A titre subsidiaire, la société Christobale sollicite le prononcé de la résolution judiciaire du bail aux torts du bailleur, soutenant que le local loué n'a pas pu être exploité ni en toute sécurité, ni conformément à l'usage prévu.
Selon l'article 1184 ancien du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
La société appelante s'appuie sur un courrier recommandée du 12 juillet 2017, en vertu duquel son conseil a formellement mis en demeure la SAS Todel ' d'avoir à respecter une jouissance paisible des lieux à votre locataire en procédant aux remises en état qui s'imposent:
- réparation des causes d'infiltration d'eau,
- respect des aménagements, travaux et réparations auxquels vous vous êtes engagé dans le respect de l'activité de la société Christobale et pourvoir à la jouissance des lieux'.
A ce courrier, était joint un constat d'huissier établi le 14 juin 2017.
Outre le caractère plus que vague de la formulation ' respect des aménagements, travaux et réparations auxquels vous vous être engagé ' sans aucune précision sur la nature de l'engagement qui aurait violé, le procès-verbal dressé le 14 juin 2017 est particulièrement succinct, comprend quatre pages et relate un large trou en partie basse d'une cloison de couloir, plusieurs traces de coups, un éclat important sur une dalle de sol, une différence de niveau du seuil de l'entrée , des dégradations au sol du local principal, des fils électriques non raccordés au niveau de la cloison nord, une tâche d'humidité en partie basse de la cloison de séparation et des dalles de faux plafond absentes.
S'agissant des infiltrations, ce procès-verbal fait uniquement état d'une tâche en partie basse d'une cloison et il ressort de la réponse apportée par le bailleur que la réparation des causes d'infiltrations d'eau a été effective en mars 2017, étant relevé que devant la cour, la société appelante n'en fait désormais plus état.
Le surplus des constatations met en évidence des dégradations qui sont apparues postérieurement à la prise de possession des locaux près d'un an auparavant, alors que la preneuse avait donné quitus et considéré que l'ensemble des travaux de rénovation mis à la charge du bailleur avait bien été réalisé notamment au niveau des peintures, des sols et de l'installation électrique. Au demeurant, il n'est pas établi que les défauts relevés soient de nature à nuire à l'activité de la société Christobale, ni à porter atteinte à sa jouissance paisible.
La société Christobale se prévaut, en outre, de l' avis technique émis par la société Socotec en date du 20 septembre 2017 qui conclut que l'isolement coupe- feu de l'établissement vis-à-vis des tiers n'est pas conforme. Cet avis tend à démontrer que cet isolement n'a pas été correctement fait, en ce que le bâtiment n'étant pas à direction unique, chaque établissement est considéré comme une entité à part entière et doit donc être isolé vis-à-vis des établissements tiers et qu'en l'espèce, certains dispositions constructives ne permettent pas d'assurer un coupe-feu 1 heure.
Toutefois, la preneuse ne justifie pas avoir subi une quelconque gêne dans l'exploitation de son activité pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant rappelé qu'elle a quitté les lieux le 31 octobre 2017. En effet, elle n'a jamais fait part à la société Todel de la moindre difficulté jusqu'à l'envoi de la lettre recommandée du 12 juillet 2017, auquel était joint le constat d'huissier du 14 juin 2017 dont la teneur a été évoquée et qui n'est pas de nature à établir l'existence de manquements imputables au bailleur suffisamment graves pour permettre la résolution judiciaire du bail à ses torts. Avant cette date, elle ne s'est jamais plainte à l'exception d'un courriel qu'elle a adressé le 22 mars 2017 faisant part d'infiltrations d'eau en cas de fortes pluies, de places de stationnement occupées et de l'absence d'installation d'un portail ou d'une aire de livraison, ouvrages qui n'étaient pourtant pas convenus aux termes du bail, étant précisé qu'aucune pièce ne vient étayer de telles affirmations.
Il convient, en outre de relever, que la SAS Christobale a fait état pour la première fois de difficultés quant à la jouissance des lieux alors qu'elle faisait l'objet d'une relance pour non paiement des loyers et était destinataire le 12 juin 2017 d'un commandement de payer visant la clause résolutoire et lui réclamant une somme principale de 18.720 € au titre des loyers et charges impayés à cette date.
Enfin s'il n'est pas contesté que dans le cadre du bail litigieux, la SAS Christobale a sous-loué une partie des locaux litigieux à la société Happy Friends, accueillant de jeunes enfants, elle ne produit cependant aucune pièce sur cette sous-location, ni aucun élément attestant de la moindre difficulté qu'aurait pu rencontrer cette sous-locataire.
En considération de ces éléments, la société appelante ne rapporte pas la preuve d'un manquement suffisamment grave du preneur justifiant le prononcé de la résolution judiciaire du bail aux torts du bailleur à la date du 12 juillet 2017, soit à la date de l' envoi de la lettre recommandée de son conseil.
Elle sera donc également déboutée de ses demandes indemnitaires subséquentes, en ce compris celle afférente au remboursement du dépôt de garantie qu'elle a versée à hauteur de 7.200 € en ce qu'il est justifié qu'elle ne s'est que très partiellement acquittée de la condamnation provisionnelle prononcée par le juge des référés en ne versant que 11.000 € sur un total de 21.000 €.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Déboute la SAS Christobale des fins de son recours et confirme le jugement du tribunal judiciaire de Grasse entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Christobale à payer à la SAS Todel la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Christobale aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,