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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. civ., 9 octobre 2025, n° 25/00345

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/00345

9 octobre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 09 OCTOBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/00345 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QQUD

(jonction avec le n° RG 25/362)

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 JANVIER 2025

Tribunal Judiciaire de BEZIERS N° RG 24/00565

APPELANTE :

La SARL CALIFORNIA RESORT société à responsabilité limitée au capital de 100 000, 00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BEZIERS sous le numéro 483 505 509, dont le siège social est [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

Représentée par Me Jordan DARTIER de la SELARL ACTAH & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS

Appelante dans le dossier n° RG 25/362

INTIMES :

Madame [W] [Y]

née le 20 Août 1971 à [Localité 16]

[Adresse 9]

[Adresse 14]

[Localité 12]

Représentée par Me Clémence BAVOIL-MERCADIER de l'AARPI DBM AVOCATS, avocat au barreau de BEZIERS

intimée dans le dossier n° RG 25/362

Monsieur [M] [D]

né le 08 Juillet 1968 à [Localité 18]

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représenté par Me Clémence BAVOIL-MERCADIER de l'AARPI DBM AVOCATS, avocat au barreau de BEZIERS

intimée dans le dossier n° RG 25/362

Ordonnance de clôture du 19 Juin 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 JUIN 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :

Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre

Mme Virginie HERMENT, Conseillère

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La SARL California Resort exerce, principalement, une activité d'hôtel, café (licence V), restaurant, hébergement touristique et tout autre hébergement de courte durée et de gestion de résidence hôtelière, para-hôtelière ou résidence de vacances.

Par acte du 6 avril 2007, la SCI Cap Sud a donné à bail commercial à la SARL Natureva Gestion (devenue California Residences) un appartement de type 1C constituant le lot de copropriété n°113 (numéro commercial 207A), situé dans le bâtiment A, niveau 2 au sein de la résidence [17], située [Adresse 6] au Cap d'Agde (34300).

Aux termes de ce contrat de bail commercial, la destination convenue des locaux consiste exclusivement en l'exploitation commerciale para-hôtelière d'une résidence de tourisme, pour une durée ferme et irrévocable de 11 années entières et consécutives commençant à courir à compter du 6 avril 2007 pour s'achever le 5 avril 2018.

Le preneur garantit au bailleur, quel que soit le taux d'occupation du bien donné à bail, qu'il y ait ou non des séjours annulés, un loyer de base TTC, selon trois options choisies par le bailleur chaque début d'année, avant le 28 février.

En contrepartie du loyer de base, le propriétaire s'oblige à sous-louer à l'exploitant, hors les réservations effectuées à son usage personnel, tout ou partie des huit (8) semaines de « très haute saison THS» et « haute saison HS» définies annuellement par l'exploitant en fonction des calendriers européens de vacances scolaires et des conditions économiques du marché de la location saisonnière.

loyer TTC garanti en euros

appartement option 1 option 2 option3

Bâtiments A & B

type 1 2 650 3 975 5 300

option 1 : 4 semaines 3 THS + 1 HS

option 2 : 6 semaines 4 THS + 2 HS

option 3 : 8 semaines 5 THS + 2 HS + 1 MS

loyer complémentaire TTC en euros

appartement : THS HS MS BS

Bâtiments A & B ([Localité 19] High (High (Medium (Low

type 1 Season) Season) Season) Season)

60 57 36 30

Par acte en date du 2 février 2018, Mme [W] [Y] et M. [M] [N] [D], devenus propriétaires de l'appartement, objet du contrat de bail commercial du 6 avril 2007, ont consenti à la SARL California Residences un renouvellement du contrat de bail commercial du 6 avril 2007 pour une durée de 9 années à compter du 6 avril 2018 jusqu'au 5 avril 2027.

Par un traité de fusion en date du 25 septembre 2018, la société California Residences a été absorbée par la SARL California Resort.

Le 14 septembre 2023, Mme [Y] et M. [D] ont signifié à la société California Residences un congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d'éviction pour la date du 5 avril 2024.

Le 15 mai 2024, la société California Resort a fait constater par commissaire de justice le changement de la serrure d'accès à l'appartement des consorts [X] par la pose d'une serrure classique à clefs au lieu et place de la serrure électronique à carte préexistante.

Par acte du 13 septembre 2024, la société California Resort a assigné les consorts [Z] devant le tribunal judiciaire de Béziers afin qu'à titre principal, soit prononcée la nullité du congé portant refus de renouvellement sans paiement d'une indemnité d'éviction délivré le 14 septembre 2023 et à titre subsidiaire, soit constaté que ne sont pas remplies les conditions de l'article L145-17 du code de commerce ayant fondé le congé délivré le 14 septembre 2023, et, en conséquence, avant dire droit, soit ordonnée une mesure d'expertise judiciaire aux fins notamment de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction susceptibles d'être due.

Entre-temps, saisi par acte de commissaire de justice en date du 30 août 2024 délivré par la société California Resort aux fins de voir condamner solidairement, sous astreinte, Mme [W] [Y] et M. [M] [N] [D] à déposer la serrure classique à clefs illégalement installée et à replacer la serrure électronique à carte préexistante, le président du tribunal judiciaire de Béziers, statuant en référé, par ordonnance de référé, en date du 3 janvier 2025 a :

- débouté la société à responsabilité' limitée California Resort, prise en la personne de son représentant légal en exercice, de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société à responsabilité' limitée California Resort, prise en la personne de son représentant légal en exercice, au paiement des entiers dépens de l'instance ;

- condamné la société à responsabilité' limitée California Resort, prise en la personne de son représentant légal en exercice, a' payer à' Mme [W] [Y] et M. [M] [D] la somme de 1 500 euros (mille-cinq-cents euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres demandes ainsi que toutes demandes plus amples ou contraires.

Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a retenu que :

La société California Resort conteste le congé délivré en l'absence de mise en demeure préalable et en raison de la signification à la société California Residences dissoute.

Par ailleurs, au vu de l'article L. 145-9 du code de commerce, il existe un débat sur la régularité de ce congé, qui doit être tranché en vue de solutionner le litige, afin de déterminer si la société California Resort dispose d'un titre sur les lieux litigieux justifiant l'accès à ceux-ci. Or, ce débat nécessite de trancher une difficulté qui ne relève pas de la compétence du juge des référés comme étant le juge de l'évidence.

Ainsi, la société California Resort échoue à démontrer le caractère manifeste du trouble allégué.

La société California Resort indique que son préjudice s'élève à la somme de 21 759,89 euros au 20 août 2024 correspondant aux loyers qu'elle n'a pu percevoir à compter du 15 mai 2024.

Il appartient au juge du fond de déterminer le quantum du préjudice éventuellement subi. Contrairement à ce qu'allègue la demanderesse, la mission de l'expert se borne à donner un avis sur les chefs de mission dont il est saisi, les contestations qui pourraient s'élever entre les parties devant nécessairement être tranchées par un juge.

Ainsi, la société California Resort échoue à démontrer une utilité à sa demande et partant un motif légitime.

Enfin, aux termes de l'assignation délivrée le 13 septembre 2024 devant le juge du fond, la société California Resort sollicite la condamnation des défendeurs à l'indemnisation de ses préjudices financiers et commerciaux subis en raison de son impossibilité d'accéder au bien litigieux. Or, il est constant que, dès lors qu'une instance au fond est engagée, le juge des référés perd sa compétence au profit du juge de la mise en état.

Par déclaration reçue le 13 janvier 2025, et déclaration rectificative reçue le 14 janvier 2025, la société California Resort a relevé appel de cette ordonnance.

Par avis en date du 23 janvier 2025, les affaires ont été fixées à l'audience du 26 juin 2025 en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile.

Par conclusions du 18 juin 2025 dans chaque dossier, la société California Resort demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile et L. 145-14 et suivants du code de commerce, de :

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,

- et statuant à nouveau, recevoir l'intégralité de ses moyens et prétentions,

- à titre principal :

- condamner solidairement Mme [W] [Y] et M. [M] [N] [D] à déposer la serrure classique à clefs qu'ils ont fait illégalement installer en lieu et place de la serrure électronique à carte préexistante permettant l'accès à l'appartement 207A, lot de copropriété n°113, situé dans le bâtiment A niveau 2 au sein de la résidence [17] sise [Adresse 4] [Localité 10] et à replacer la serrure électronique à carte qui était installée précédemment pour accéder audit appartement.

- assortir cette condamnation d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours commençant à courir à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et ce pendant un délai de 3 mois,

- se réserver le droit de liquider l'astreinte ainsi ordonnée.

- à titre subsidiaire :

- l'autoriser à déposer la serrure classique à clefs illégalement installée par Mme [W] [Y] et M. [M] [N] [D] en lieu et place de la serrure électronique à carte préexistante permettant l'accès à l'appartement 207A, lot de copropriété n°113, situé dans le bâtiment A niveau 2 au sein de la résidence [17] sise [Adresse 7] à [Localité 10] et à installer une serrure électronique à carte pour accéder audit appartement,

- en tout état de cause, débouter Mme [W] [Y] et M. [M] [N] [D] de l'ensemble de leurs demandes,

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire,

- désigner pour y procéder tel expert judiciaire qu'il plaira à la cour, statuant en matière de référés, de nommer avec la mission suivante :

- convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations lors de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise

- se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

- se rendre sur les lieux du litige sis appartement 207A, lot de copropriété n°113, bâtiment A niveau 2, de la résidence [17] située [Adresse 3] [Localité 10], et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis,

- déterminer le préjudice financier et commercial subi par la société California Resort, preneur à bail, du fait de son impossibilité d'accéder au bien donné à bail commercial, de l'exploiter et d'en assurer la gestion locative,

- donner tous les éléments techniques et de fait permettant de donner son avis sur les responsabilités encourues,

- fournir tous les éléments de fait nécessaire à la résolution du litige,

- établir et adresser aux parties un document de synthèse (pré-rapport) fixant la date ultime de dépôt des observations des parties et répondre auxdites observations,

- établir et déposer un rapport définitif,

- condamner solidairement Mme [W] [Y] et M. [M] [N] [D] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner solidairement Mme [W] [Y] et M. [M] [N] [D] aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

- le contentieux de la régularité du congé de refus de renouvellement (débat pendant devant le juge du fond) est totalement étranger à l'objet de la présente instance consistant à faire cesser un trouble manifestement illicite caractérisé par le changement, effectué par les bailleurs, des serrures d'accès au local donné à bail, en violation de ses droits, puisqu'elle dispose d'un droit d'ordre public au maintien dans les lieux loués suite à la délivrance du congé litigieux en application de l'article L. 145-28,

- le conge' sans offre de renouvellement en date du 14 septembre 2023 a été' délivré à' la société California Residences alors que cette dernière ayant été' dissoute à compter du 15 avril 2019 ; il convient de constater qu'aucun congé de refus de renouvellement n'avait été notifié à la société California Resort,

- le bail commercial signé le 6 avril 2007, renouvelé le 2 février 2018 pour une période de 9 ans, expire le 5 avril 2027 et aucun congé ne lui a été régulièrement signifié,

- l'absence d'instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité de la demande formée en application de l'article 145 du code de procédure civile, doit s'apprécier à la date de saisine du juge. En l'espèce, le juge des référés a été saisi par acte du 30 août 2024 alors que le juge du fond n'a été saisi que par acte du 13 septembre 2024,

- compte tenu de l'impossibilité d'accéder au bien donné à bail et de l'exploiter à compter du 15 mai 2024, elle a d'ores et déjà subi un préjudice financier qui s'élevait au 20 août 2024 à la somme de 21 759, 89 euros correspondant aux loyers dont elle a été illégalement privée,

- le préjudice financier arrêté au mois d'août 2024 a été déterminé sur la base des loyers enregistrés par l'exploitation de l'appartement 209A (bien identique). Seul un expert, au contradictoire des parties, pourra objectivement évaluer et donner les éléments d'évaluation de ce préjudice sans que puisse être reproché une subjectivité dans ce chiffrage,

- elle n'a jamais restitué les clés du bien donné à bail. Si elle a remis deux cartes électroniques d'accès à l'appartement litigieux le 5 avril 2024, cette remise s'est faite à la demande des intimés qui souhaitaient accéder à leur logement pour un temps limité,

- la jurisprudence invoquée par les intimés est totalement étrangère aux faits de l'espèce puisqu'il n'est pas demandé au juge des référés de statuer sur le fond des contestations relatives au congé sans offre d'indemnité d'éviction

Par conclusions du 16 avril 2025, dans chaque dossier, M. [D] et Mme [Y] demandent à la cour, au visa des articles 145, 835 et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer mal fondés les appels de la société California Resort à l'encontre de l'ordonnance déférée;

- par conséquence, confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

- débouter la société California Resort de toutes ses demandes ;

- y ajoutant, condamner la société California Resort au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Ils exposent en substance que :

- un congé sans offre d'indemnité d'éviction a été délivré au preneur. Ce dernier a volontairement restitué les clés de l'appartement au bailleur, dans le prolongement du congé qui lui a été délivré, confronté aux violations manifestes du bail commercial qui lui ont été notifiées par le bailleur,

- elle ne fait état d'aucun motif légitime aux fins de désigner un expert, elle fait, elle-même, état du montant du prétendu préjudice subi,

- la société California Resort a d'ores et déjà assigné les concluants devant le juge du fond.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Les ordonnances de clôture sont en date du 19 juin 2025.

MOTIFS de la DECISION :

1- sur la jonction

Les appels formalisés par la société California Ressort, respectivement les 13 et 14 janvier 2025, portent sur le même jugement et concernent les mêmes parties, de sorte qu'il convient de prononcer leur jonction, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, sous le numéro d'enregistrement au répertoire général de la cour le plus ancien, soit le numéro RG 25/00345

2- sur le trouble manifestement illicite.

L'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Selon l'article L. 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Selon l'article L. 145-17 suivant,

I.- le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité:

1° s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ;

2° s'il est établi que l'immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d'insalubrité reconnue par l'autorité administrative ou s'il est établi qu'il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état.

II.- en cas de reconstruction par le propriétaire ou son ayant droit d'un nouvel immeuble comprenant des locaux commerciaux, le locataire a droit de priorité pour louer dans l'immeuble reconstruit, sous les conditions prévues par les articles L. 145-19 et L. 145-20.

Selon l'article L. 145-18 suivant, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail pour construire ou reconstruire l'immeuble existant, à charge de payer au locataire évincé l'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-14.

Il en est de même pour effectuer des travaux nécessitant l'évacuation des lieux compris dans un secteur ou périmètre prévu aux articles L. 313-4 et L. 313-4-2 du code de l'urbanisme et autorisés ou prescrits dans les conditions prévues audits articles.

Toutefois, le bailleur peut se soustraire au paiement de cette indemnité en offrant au locataire évincé un local correspondant à ses besoins et possibilités, situé à un emplacement équivalent.

Le cas échéant, le locataire perçoit une indemnité compensatrice de sa privation temporaire de jouissance et de la moins-value de son fonds. Il est en outre remboursé de ses frais normaux de déménagement et d'emménagement.

Lorsque le bailleur invoque le bénéfice du présent article, il doit, dans l'acte de refus de renouvellement ou dans le congé, viser les dispositions de l'alinéa 3 et préciser les nouvelles conditions de location. Le locataire doit, dans un délai de trois mois, soit faire connaître par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception son acceptation, soit saisir la juridiction compétente dans les conditions prévues à l'article L. 145-58.

Si les parties sont seulement en désaccord sur les conditions du nouveau bail, celles-ci sont fixées selon la procédure prévue à l'article L. 145-56.

Enfin selon l'article L. 145-28, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation.

Par dérogation au précédent alinéa, dans le seul cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 145-18, le locataire doit quitter les lieux dès le versement d'une indemnité provisionnelle fixée par le président du tribunal judiciaire statuant au vu d'une expertise préalablement ordonnée dans les formes fixées par décret en Conseil d'Etat, en application de l'article L. 145-56.

En l'espèce, M. [D] et Mme [Y] ont donné congé sans offre de renouvellement du bail et indemnité par acte du 14 septembre 2023 pour divers motifs énumérés au visa, notamment, de l'article L. 145-17.

Il n'est pas contesté que ce congé n'a pas été délivré à la société California Resort, preneur, mais à la société California Residences, qui a été dissoute a' compter du 15 avril 2019.

En tout état de cause, en l'absence d'offre d'une indemnité d'éviction, le locataire peut contester le congé ou demander le paiement de l'indemnité d'éviction avant l'expiration du délai de deux années prévu par l'article L. 145-60 du même code à compter de la date pour laquelle le congé a été donné, étant entendu que le droit au maintien dans les lieux est le corollaire de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction.

Tant que l'indemnité d'éviction n'est pas payée, le preneur a droit au maintien dans les lieux sous réserve qu'il se soumette aux obligations du bail.

Par acte du 13 septembre 2024, la société California Ressort a saisi le tribunal judiciaire de Béziers à titre principal, d'une demande d'annulation du congé, d'indemnisation de son préjudice découlant de l'impossibilité d'accéder au local loué sous réserve d'un sursis à statuer eu égard à la demande d'expertise sollicitée, et à titre subsidiaire, d'une demande d'indemnité d'éviction à chiffer par le biais d'une expertise.

Il en résulte que le preneur, ayant agi dans le délai requis pour contester le congé et demander une indemnité d'éviction, a droit au maintien dans les lieux.

La société California Resort démontre, en produisant un procès-verbal de constat en date du 15 mai 2024, que M. [D] et Mme [Y] ont remplacé la serrure électronique à carte existante sur la porte du local loué par une serrure «classique» à clef et une boîte à clef à codes et que, par voie de conséquence, n'ayant pas été destinataire d'un code et/ou d'une clef, elle ne dispose plus d'un accès à celui-ci.

Contrairement à ce que soutiennent les bailleurs, ce changement a été effectué sans l'accord du preneur dans la période d'un mois (du 5 avril au 5 mai 2024), pendant laquelle ceux-ci pouvaient utiliser leur bien conformément au bail et s'étaient vus remettre pour cette durée limitée deux cartes électroniques.

Il en résulte que le changement de serrure électronique à carte du local loué pendant le cours du bail, qui fait obstacle à tout usage du bien loué par le preneur, caractérise un trouble manifestement illicite, qu'il appartient au juge des référés de faire cesser par toute mesure adaptée.

En conséquence, il y a lieu d'enjoindre à M. [D] et Mme [Y] de déposer la serrure classique à clefs installée et de replacer la serrure électronique à carte préexistante permettant l'accès à l'appartement 207A, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois commençant à courir à compter de la signification du présent arrêt et ce pendant un délai de 3 mois.

L'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.

Aucun élément ne justifie qu'il soit dérogé aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution selon lesquelles la liquidation de l'astreinte relève de la compétence du juge de l'exécution, de sorte que la demande tendant à ce que la cour s'en réserve le pouvoir, sera rejetée.

3- sur la demande de mesure d'expertise

En application de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, en référé.

L'obtention de ces mesures est subordonnée à l'absence de procès devant le juge du fond et au caractère légalement admissible de la mesure sollicitée, ce qui est le cas en l'espèce, le juge du fond ayant été saisi le 13 septembre 2024, soit postérieurement à la saisine du juge des référés le 30 août 2024.

Elle est également subordonnée à l'existence d'un motif légitime et la recherche ou la conservation des preuves. Pour que le motif de l'action soit légitime, la mesure demandée doit être pertinente et avoir pour but d'établir une preuve, dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur.

Il ne peut être exigé du demandeur à la mesure d'expertise qu'il démontre les faits que la mesure d'instruction a pour objet d'établir.

En l'espèce, la société California Resort est en capacité de chiffrer son préjudice, tel qu'elle l'a effectué pour la période du 15 mai au 20 août 2024, indiquant qu'il s'élève à la somme de 21 759, 89 euros sur la base des loyers enregistrés par l'exploitation de l'appartement 209A (bien identique à l'appartement 207A des consorts [X]). Ces éléments, le cas échéant, mis à jour, pourront parfaitement être soumis au juge du fond dans le cadre d'une discussion entre les parties afin de déterminer le montant du préjudice subi, la société California Resort ne mentionnant pas quels autres éléments d'évaluation requerraient une analyse technique, relevant d'une mesure expertale.

Cette demande sera rejetée. L'ordonnance déférée sera confirmée de ce chef.

4- sur les autres demandes

M. [D] et Mme [Y], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Ordonne la jonction des procédures inscrites au répertoire général de la cour sous les numéros RG 25/00345 et 25/00362, sous le numéro RG 25/00345 ;

Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté la société California Resort de sa demande tendant à ordonner aux bailleurs sous astreinte de déposer la serrure classique à clefs installée et de replacer la serrure électronique à carte préexistante permettant l'accès à l'appartement loué et l'a condamnée aux dépens et à payer à' Mme [W] [Y] et M. [M] [D] la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne à M. [M] [D] et Mme [W] [Y] de déposer la serrure classique à clefs installée courant mai 2024 et de replacer, en lieu et place, la serrure électronique à carte préexistante permettant l'accès à l'appartement 207A, lot de copropriété n°113, situé dans le bâtiment A niveau 2 au sein de la résidence [17], située [Adresse 5] [Localité 15][Adresse 13] sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois, commençant à courir à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et ce pendant un délai de trois mois ;

Rejette la demande tendant à ce que la cour se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte ;

Confirme l'ordonnance déférée pour le surplus ;

Condamne in solidum M. [M] [D] et Mme [W] [Y] à payer à la SARL California Resort la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum à M. [M] [D] et Mme [W] [Y] aux dépens d'appel.

le greffier la présidente

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