CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 9 octobre 2025, n° 21/20968
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2025
(n° 168/2025, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/20968 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYDO
Décision déférée à la Cour : jugement du 14 septembre 2021du tribunal judiciaire de PARIS (5ème chambre, 1ère section)- RG n° 18/09993
APPELANTE
S.C.I. LONGUE
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 18] sous le n° 477 516 595
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de Paris, toque : K0065, présente à l'audience
Avocat plaidant : Vincent DURAND de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de Lyon
INTIMÉS
M. [S] [E]
né le 03 mai 1957 à [Localité 10] (08)
[Adresse 1]
[Localité 8]
Défaillant, non constitué. Assignation devant la cour d'appel de Paris avec signification de conclusions convertie en procès-verbal article 659 du code de procédure civile en date du 04 mars 2022
S.A.R.L. [Adresse 13] GEOFFROY SAINT HILAIRE, exerçant sous le nom commercial [Localité 20] ACADEMY / ESH [Localité 17] [16] WORLD
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 19] sous le n° 527 539 001
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 8]
Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP HUVELIN & associés, avocat au barreau de Paris, toque : R285
S.A.S. THE ENTREPRENEURSHIP & INNOVATION AGENCY - TEIA
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 19] sous le n° 809 405 517
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
Défaillante, non constituée. Assignation devant la cour d'appel de Paris avec signification de conclusions convertie en procès-verbal article 659 du code de procédure civile en date du 04 mars 2022
S.A.S. BDR & ASSOCIES (anciennement SCP [M] DAUDE)
Prise en la personne de Maitre [B] [X] es qualités de mandataire liquidateur de la SAS THE ENTREPRENEURSHIP & INNOVATION AGENCY
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée et assistée par Me Maria-Christina GOURDAIN de la SCP GOURDAIN ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : D1205
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 janvier 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- M. Daniel Barlow, président de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
rendu par défaut ;
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
signé par M. Daniel Barlow, président de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 2 juillet 2013, la SCI LONGUE a donné à bail commercial à la société [Adresse 15] des locaux situés [Adresse 4] pour une durée de neuf ans à compter du 2 juillet 2013, pour l'exercice de son activité d'établissement d'enseignement et formation, moyennant un loyer annuel de 114.000 euros HT.
Par avenant du 31 janvier 2015 prenant effet à compter du 1er février 2015, la bailleresse a notamment consenti un allègement du loyer annuel, le ramenant à 96.000 euros HT pour la durée du bail restant à courir à la condition que M. [S] [E] soit majoritaire dans le capital de la SARL [Localité 12] PASCAL, directement ou indirectement au travers de la société The Entrepreneurship & Innovation Agency (TEIA) ainsi qu'un abandon de créance (13.500 euros), un dépôt de garantie de 20.000 euros étant mis à la charge du preneur. Par ailleurs, cet avenant donnait au preneur la faculté de mettre un terme de manière anticipée au bail en respectant un préavis de six mois, à compter du 1er septembre 2016, le preneur s'engageant à quitter les lieux au plus tard le 31 août 2017.
Par ordonnance du 16 octobre 2017, saisi par assignation du 3 août 2017 aux fins notamment de voir constater la résiliation du bail, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a constaté la résiliation du bail à la date du 29 juillet 2017, ordonné l'expulsion de la SARL [Adresse 15] et condamné cette dernière à payer à la SCI LONGUE la somme provisionnelle de 45.563 euros à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au mois d'août 2017. Il n'a pas été interjeté appel à l'encontre de cette décision signifiée le 26 octobre 2017.
La société [Adresse 15] représentée par son gérant Monsieur [E] a transféré ses élèves inscrits pour la rentrée scolaire 2017-2018 à la société SARL [Localité 12] ETIENNE GEOFFROY SAINT HILAIRE également représentée par son gérant Monsieur [E].
Les locaux ont été restitués le 1er décembre 2017, un procès-verbal de constat d'huissier ayant été dressé le jour même.
Par actes des 4 et 25 juillet 2018, la SCI LONGUE a assigné la SARL [Adresse 14], la SAS ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) et M. [S] [E] devant le tribunal de grande instance de Paris, sollicitant notamment la condamnation in solidum de Monsieur [E] et la société [Adresse 13] GEOFFROY SAINT HILAIRE à lui payer la somme de 70.714,58 euros à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018, ainsi qu'au paiement d'une somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Une procédure de liquidation judiciaire a également été ouverte à l'encontre de la société TEIA en 2018, la SCP BDR et associés en la personne de Maître [X] a été désignée en qualité de liquidateur.
Par jugement du 21 mai 2019, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la SARL [Adresse 15].
Par jugement du 14 septembre 2021, le Tribunal judiciaire de Paris a :
rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs ;
débouté la SCI LONGUE de sa demande en dommages-intérêts ;
débouté la SARL [Adresse 14], la SAS ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) et M. [S] [E] de leur demande reconventionnelle en dommage-intérêts pour procédure abusive ;
condamné la SCI LONGUE à payer à la SARL [Adresse 14], la SAS ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) et M. [S] [E] chacun la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
débouté les parties du surplus de leurs demandes;
condamné la SCI LONGUE aux dépens ;
ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 30 novembre 2021, la SCI LONGUE a interjeté appel du jugement.
Par une ordonnance sur incident du 27 février 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables en application de l'article 909 du code de procédure civile toutes conclusions qui viendraient à être signifiées par les parties intimées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions déposées le 21 février 2022 la SCI LONGUE, appelante, demande à la Cour de :
réformer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris le 14 septembre 2021 en ce qu'il a :
Débouté la SCI LONGUE de sa demande en dommages-intérêts,
Condamné la SCI LONGUE à payer à la SARL [Adresse 14], la SAS THE ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) et M. [S] [E] chacun la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté la SCI LONGUE du surplus de ses demandes,
Condamné la SCI LONGUE aux dépens,
Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
statuant a nouveau :
condamner in solidum Monsieur [S] [E], la société TEIA et la société [Adresse 14] à payer à la SCI LONGUE la somme de 70 714,58€ à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018,
inscrire au passif de la SAS THE ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) la créance de la SCI LONGUE à hauteur de 70 714,58 € outre intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018,
condamner in solidum Monsieur [S] [E], la société TEIA et la société [Adresse 14] à payer à la SCI LONGUE la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la SAS BRD & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B] [X], ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société THE ENTREPRENEURSHIP & INNOVATION AGENCY à verser cette même somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC.
condamner Monsieur [S] [E], la société TEIA et la société [Adresse 14] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Frédérique ETEVENARD, avocat sur son affirmation de droit.
condamner la SAS BRD & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B] [X], ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société THE ENTREPRENEURSHIP & INNOVATION AGENCY aux dépens.
L'appelante fonde ses demandes sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil.
S'agissant des fautes reprochées à Monsieur [E], elle fait notamment valoir que le dirigeant d'une société engage sa responsabilité envers les tiers s'il commet une faute séparable de ses fonctions et qui lui est imputable personnellement, particulièrement s'il commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales, que Monsieur [E] a fait perdurer l'activité de la société [Adresse 15] manifestement insolvable, débitrice à hauteur de plus de 70.000 €, sans solliciter l'ouverture d'une procédure collective, qu'il a transmis l'activité de cette société aux sociétés [Localité 12] ETIENNE GEOFFRIY SAINT HILAIRE et/ou la société TEIA, sans qu'aucun acte juridique en ce sens n'ait été porté à la connaissance des tiers, organisant ainsi l'insolvabilité de la société [Adresse 15], que le liquidateur judiciaire de cette société ayant d'ailleurs reproché à Monsieur [E] d'avoir fait de la rétention d'informations au cours de la procédure de liquidation judiciaire, détourné ou dissimulé une partie de l'actif de la société [Localité 12] PASCAL, tenté de dissimuler ses fautes en ne remettant aucun document comptable, ou encore maintenu artificiellement en vie la société [Adresse 15] pour organiser son insolvabilité, le Tribunal de commerce de Lyon a prononcé une faillite personnelle de 10 ans à l'encontre de Monsieur [E] ; que ces fautes de Monsieur [E], séparables de ses fonctions ont directement causé à la la SCI LONGUE un préjudice équivalent à la somme qui n'a pas pu être recouvrée de 70.714,58 €, qu'il convient donc de condamner Monsieur [E] in solidum avec les autres intimées, à payer cette somme à la SCI LONGUE.
S'agissant de la collusion frauduleuse reprochée à l'ensemble des intimés, l'appelante fait notamment valoir, que le juge peut renverser la charge de la preuve face à l'impossibilité de prouver un fait négatif, que le [Adresse 15] s'est volontairement séparé de son actif, le transférant à d'autres structures dirigées par Monsieur [E] avant de se placer en liquidation judiciaire, qu'en première instance les intimés d'un prêt à usage, d'un prêt de main d''uvre et d'un contrat de cession de marques , que les marques prétendument cédées n'ont jamais existé, que la contrepartie financière au transfert d'activité n'a jamais été démontrée, que ces contrats sont fictifs, que les intimées ont sciemment organisé l'insolvabilité du débiteur de la SCI LONGUE au détriment de l'appelante.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
La société [Adresse 14] et la société TEIA représentée par son liquidateur judiciaire n'ont pas conclu compte tenu de l'ordonnance précitée du 27 février 2023 déclarant irrecevables toutes conclusions qu'elles viendraient à déposer. Monsieur [E] ne s'est pas constitué.
En application de l'article 954 dernier alinéa, ils sont réputés s'être approprié les motifs du jugement déféré.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Selon l'article 1240 du code civil dont se prévaut la SCI LONGUE, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il lui incombe donc de démontrer la faute reprochée aux intimés, son préjudice et le lien de causalité entre cette faute et ce préjudice, soit en l'espèce, de démontrer que ces derniers ont organisé l'insolvabilité de la société [Adresse 15] à son préjudice ou, à tout le moins, de démontrer que leurs agissements ont permis à cette société de se soustraire au paiement de sa dette locative.
La SCI LONGUE demande pour la première fois en cause d'appel de condamner la société TEIA, qui détient des parts sociales de la société [Adresse 15], in solidum avec les autres intimés au paiement de la somme de 70.714,58 euros à titre de dommages et intérêts pour collusion frauduleuse avec ces derniers. Or, elle ne fait état d'aucun comportement fautif propre à cette société. Il convient donc de débouter la SCI LONGUE de sa demande à l'encontre de la société TEIA.
Il ressort des éléments du dossier que selon son extrait Kbis, le 29 janvier 2015 une décision de non-dissolution de la société malgré des capitaux propres devenus inférieurs à la moitié du capital a été prise par la société [Adresse 15]; que, par avenant au bail du 1er février 2015, les parties ont réduit le montant du loyer et convenu que la locataire aura la faculté de mettre un terme au bail de manière anticipée moyennant un préavis de six mois à compter du 1er septembre 2016, la locataire s'engageant à restituer les lieux au plus tard le 31 août 2017 ; que le 28 juin 2017, la SCI LONGUE a fait délivrer à la société [Adresse 15] un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail; que par ordonnance du 16 octobre 2017, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail à la date du 29 juillet 2017, ordonné l'expulsion de la locataire et sa condamnation au paiement d'une provision de 45.563 euros ; que les locaux ont été restitués le 1er décembre 2017 ; que par jugement du 21 mai 2019, la société [Localité 12] PASCAL a été placée en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 22 février 2018 ; que selon les extraits de publication sur internet relatives aux établissements en cause et les contrats dont se sont prévalus les défendeurs en première instance, le transfert de l'activité de la société [Adresse 15] à la société [Localité 12] ETIENNE ST HILAIRE s'est réalisé entre septembre et novembre 2017. Il apparaît donc que la société [Adresse 15] était déjà en difficultés financières importantes avant le transfert d'activité reproché et ne disposait plus de bail commercial lorsque ce transfert est survenu.
Dans les conclusions déposées le 3 décembre 2020 par la société [Localité 12] ETIENNE GEOFFROY SAINT HILAIRE, la société TEIA et Monsieur [E] devant le tribunal judiciaire, produites par l'appelante, les défenderesses expliquaient notamment qu'en l'absence de locaux pour la rentrée scolaire 2017/2018, ayant une douzaine d'élèves inscrits, elle a décidé de transférer son activité au COURS ETIENNE ST HILAIRE dans un établissement situé à Lyon, ce dernier devant bénéficier du chiffre d'affaires mais supporter les charges transmises, notamment les salaires. Aucun élément ne permet de démontrer que les élèves transférés auraient été plus nombreux ni qu'il résulterait de leur transfert un réel appauvrissement de la société [Adresse 15] qui, en tout état de cause, ne pouvait plus enseigner faute de locaux.
La SCI LONGUE fait état des trois contrats, dont se sont prévalus en première instance les intimés, passés entre d'une part, la société [Adresse 15] représentée par Monsieur [E] et d'autre part, la société [Localité 12] ETIENNE GEOFFROY SAINT HILAIRE représentée également par Monsieur [E], soit :
- un contrat du 5 septembre 2017 intitulé « contrat de prêt de main-d''uvre » pour la période du 5 septembre 2017 au 31 août 2018 aux termes duquel la bénéficiaire, société [Adresse 14], règle pour le compte de la prêteuse les salaires, primes et avantages individuels, congés payés afférents à la période de mise à disposition,
- un contrat du 4 septembre 2017 intitulé « contrat de prêt à usage » de la clientèle (élèves inscrits au [Localité 12] PASCAL) pour une durée d'un an à compter du 4 septembre 2017 renouvelable,
- un contrat du 6 novembre 2017 intitulé « contrat de cession de marque et de nom de domaine » moyennant un prix forfaitaire de 100.000 euros.
L'appelante fait valoir que ces contrats produits tardivement seraient fictifs, auraient été établis pour les besoins de la cause ; qu'il n'y aurait pas de marque inscrite à l'INPI par le [Localité 12] PASCAL mais simplement un domaine dont la valeur est très certainement inférieure à 100.000 euros ; que la somme de 100.000 euros n'aurait pas été effectivement payée ; que s'agissant du paiement de cette somme, les pièces produites sont contradictoires, le liquidateur judiciaire ayant écrit que les pièces comptables destinées à établir ce paiement ne sont pas convaincante et le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 2 décembre 2021 considérant qu'il reste dû un montant de 30.000 euros au titre de cet engagement.
Ces arguments, contradictoires entre eux pour certains, sont inopérants pour démontrer l'existence d'une faute préjudiciable aux créanciers de la société [Localité 12] PASCAL. La cession de marques inexistantes n'a pu être de nature à appauvrir la société [Adresse 15] au détriment de ses créanciers. L'existence d'un transfert d'élèves et des charges correspondantes n'étant pas contestée, il est indifférent de savoir si le contrat produit par les défendeurs sur ce point serait fictif. Le fondement de la créance de 100.000 euros, de même que son paiement, sont incertains.
Par ailleurs, l'appelante se prévaut du jugement rendu le 2 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Lyon prononçant la faillite personnelle de Monsieur [E] pour une durée de dix ans. Ce jugement se fonde sur le comportement fautif de ce dernier notamment en ce qu'il n'a pas coopéré avec les organes de la procédure de liquidation judiciaire de la société [Localité 12] PASCAL, qu'il n'a pas transmis d'information permettant de recouvrer le solde du prix de cession de 30.000 euros diminuant ce faisant le droit de gage général des créanciers, d'avoir privilégié le règlement des échéances du prêt dont il était caution personnelle au préjudice des autres créanciers et de ne pas avoir déclaré l'état de cessation des paiements alors qu'il avait connaissance des difficultés de l'entreprise. Il n'est pas soutenu que le liquidateur ou le ministère public aurait saisi le tribunal de commerce d'une action en comblement de passif en application des dispositions des articles L651-2 et suivant du code de commerce. Le caractère fautif de ces comportements a été retenu par le tribunal de commerce pour fonder la mise en faillite personnelle. Cependant, la démonstration n'est pas faite que les fautes ainsi commises par Monsieur [E] dans la gestion de sa société puis lors de la procédure de liquidation judiciaire auraient eu des conséquences préjudiciables à l'égard de la SCI LONGUE personnellement.
Ainsi, compte tenu des difficultés financières préexistantes de la SCI LONGUE, de son expulsion la privant de local pour exercer son activité, le transfert d'élèves et de professeurs, dont il n'est pas démontré qu'ils soient nombreux, ne permet pas de caractériser l'existence d'une manoeuvre fautive visant à détourner l'actif de la société [Adresse 15] au détriment de ses créanciers.
S'agissant du préjudice allégué, il n'est pas démontré qu'en l'absence du transfert d'activité reproché, la société [Localité 12] PASCAL, privée de locaux, aurait pu poursuivre une activité ou céder celle-ci dans des conditions permettant à son liquidateur judiciaire de disposer de fonds pour régler la créance de la SCI LONGUE. La valeur du domaine transmis par la société [Adresse 11] à la société [Localité 12] ETIENNE GEOFFROY SAINT HILAIRE est inconnue. Il n'est pas établi que cette dernière aurait tiré bénéfice de ce domaine, du nom et de la notoriété du [Adresse 15]. Le préjudice allégué n'est donc pas démontré. Au surplus, faute pour la SCI LONGUE d'avoir déclaré sa créance au passif de la société [Adresse 15], elle s'est, elle-même, privée de la possibilité d'obtenir paiement de sa créance locative dans le cadre de la liquidation judiciaire de la locataire.
La SCI LONGUE ne démontre donc pas l'existence d'un comportement fautif de Monsieur [E] et de la société [Adresse 14] ayant eu pour conséquence de la priver du paiement de sa créance locative impayée de 70.714,68 euros.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société LONGUE de sa demande de dommages et intérêts.
Il convient également de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens, au frais irrépétibles et à l'exécution provisoire.
La SCI LONGUE dont les demandes ont été rejetées sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à payer à la société [Adresse 14] représentée par la société BDR & associés es qualité de liquidateur judiciaire et la société TEIA la somme de 1.500 euros chacune.
Elle sera déboutée de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 14 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (RG 18/9993) en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Déboute la SCI LONGUE de sa demande aux fins de voir condamner la société THE ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) in solidum avec Monsieur [S] [E], et la société [Adresse 13] GEOFFROY SAINT HILAIRE à payer à la SCI LONGUE la somme de 70 714,58€ à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018,
Déboute la SCI LONGUE de sa demande aux fins de voir inscrire au passif de la société THE ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) la créance de la SCI LONGUE à hauteur de 70 714,58 € outre intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018,
Déboute la SCI LONGUE de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne la SCI LONGUE aux dépens de la procédure d'appel.
Le greffier, Le président,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2025
(n° 168/2025, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/20968 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYDO
Décision déférée à la Cour : jugement du 14 septembre 2021du tribunal judiciaire de PARIS (5ème chambre, 1ère section)- RG n° 18/09993
APPELANTE
S.C.I. LONGUE
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 18] sous le n° 477 516 595
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de Paris, toque : K0065, présente à l'audience
Avocat plaidant : Vincent DURAND de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de Lyon
INTIMÉS
M. [S] [E]
né le 03 mai 1957 à [Localité 10] (08)
[Adresse 1]
[Localité 8]
Défaillant, non constitué. Assignation devant la cour d'appel de Paris avec signification de conclusions convertie en procès-verbal article 659 du code de procédure civile en date du 04 mars 2022
S.A.R.L. [Adresse 13] GEOFFROY SAINT HILAIRE, exerçant sous le nom commercial [Localité 20] ACADEMY / ESH [Localité 17] [16] WORLD
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 19] sous le n° 527 539 001
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 8]
Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP HUVELIN & associés, avocat au barreau de Paris, toque : R285
S.A.S. THE ENTREPRENEURSHIP & INNOVATION AGENCY - TEIA
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 19] sous le n° 809 405 517
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
Défaillante, non constituée. Assignation devant la cour d'appel de Paris avec signification de conclusions convertie en procès-verbal article 659 du code de procédure civile en date du 04 mars 2022
S.A.S. BDR & ASSOCIES (anciennement SCP [M] DAUDE)
Prise en la personne de Maitre [B] [X] es qualités de mandataire liquidateur de la SAS THE ENTREPRENEURSHIP & INNOVATION AGENCY
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée et assistée par Me Maria-Christina GOURDAIN de la SCP GOURDAIN ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : D1205
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 janvier 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- M. Daniel Barlow, président de chambre
- Mme Stéphanie Dupont, conseillère
- Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
rendu par défaut ;
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
signé par M. Daniel Barlow, président de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 2 juillet 2013, la SCI LONGUE a donné à bail commercial à la société [Adresse 15] des locaux situés [Adresse 4] pour une durée de neuf ans à compter du 2 juillet 2013, pour l'exercice de son activité d'établissement d'enseignement et formation, moyennant un loyer annuel de 114.000 euros HT.
Par avenant du 31 janvier 2015 prenant effet à compter du 1er février 2015, la bailleresse a notamment consenti un allègement du loyer annuel, le ramenant à 96.000 euros HT pour la durée du bail restant à courir à la condition que M. [S] [E] soit majoritaire dans le capital de la SARL [Localité 12] PASCAL, directement ou indirectement au travers de la société The Entrepreneurship & Innovation Agency (TEIA) ainsi qu'un abandon de créance (13.500 euros), un dépôt de garantie de 20.000 euros étant mis à la charge du preneur. Par ailleurs, cet avenant donnait au preneur la faculté de mettre un terme de manière anticipée au bail en respectant un préavis de six mois, à compter du 1er septembre 2016, le preneur s'engageant à quitter les lieux au plus tard le 31 août 2017.
Par ordonnance du 16 octobre 2017, saisi par assignation du 3 août 2017 aux fins notamment de voir constater la résiliation du bail, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a constaté la résiliation du bail à la date du 29 juillet 2017, ordonné l'expulsion de la SARL [Adresse 15] et condamné cette dernière à payer à la SCI LONGUE la somme provisionnelle de 45.563 euros à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au mois d'août 2017. Il n'a pas été interjeté appel à l'encontre de cette décision signifiée le 26 octobre 2017.
La société [Adresse 15] représentée par son gérant Monsieur [E] a transféré ses élèves inscrits pour la rentrée scolaire 2017-2018 à la société SARL [Localité 12] ETIENNE GEOFFROY SAINT HILAIRE également représentée par son gérant Monsieur [E].
Les locaux ont été restitués le 1er décembre 2017, un procès-verbal de constat d'huissier ayant été dressé le jour même.
Par actes des 4 et 25 juillet 2018, la SCI LONGUE a assigné la SARL [Adresse 14], la SAS ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) et M. [S] [E] devant le tribunal de grande instance de Paris, sollicitant notamment la condamnation in solidum de Monsieur [E] et la société [Adresse 13] GEOFFROY SAINT HILAIRE à lui payer la somme de 70.714,58 euros à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018, ainsi qu'au paiement d'une somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Une procédure de liquidation judiciaire a également été ouverte à l'encontre de la société TEIA en 2018, la SCP BDR et associés en la personne de Maître [X] a été désignée en qualité de liquidateur.
Par jugement du 21 mai 2019, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la SARL [Adresse 15].
Par jugement du 14 septembre 2021, le Tribunal judiciaire de Paris a :
rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs ;
débouté la SCI LONGUE de sa demande en dommages-intérêts ;
débouté la SARL [Adresse 14], la SAS ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) et M. [S] [E] de leur demande reconventionnelle en dommage-intérêts pour procédure abusive ;
condamné la SCI LONGUE à payer à la SARL [Adresse 14], la SAS ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) et M. [S] [E] chacun la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
débouté les parties du surplus de leurs demandes;
condamné la SCI LONGUE aux dépens ;
ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 30 novembre 2021, la SCI LONGUE a interjeté appel du jugement.
Par une ordonnance sur incident du 27 février 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables en application de l'article 909 du code de procédure civile toutes conclusions qui viendraient à être signifiées par les parties intimées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions déposées le 21 février 2022 la SCI LONGUE, appelante, demande à la Cour de :
réformer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris le 14 septembre 2021 en ce qu'il a :
Débouté la SCI LONGUE de sa demande en dommages-intérêts,
Condamné la SCI LONGUE à payer à la SARL [Adresse 14], la SAS THE ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) et M. [S] [E] chacun la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté la SCI LONGUE du surplus de ses demandes,
Condamné la SCI LONGUE aux dépens,
Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
statuant a nouveau :
condamner in solidum Monsieur [S] [E], la société TEIA et la société [Adresse 14] à payer à la SCI LONGUE la somme de 70 714,58€ à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018,
inscrire au passif de la SAS THE ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) la créance de la SCI LONGUE à hauteur de 70 714,58 € outre intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018,
condamner in solidum Monsieur [S] [E], la société TEIA et la société [Adresse 14] à payer à la SCI LONGUE la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la SAS BRD & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B] [X], ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société THE ENTREPRENEURSHIP & INNOVATION AGENCY à verser cette même somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC.
condamner Monsieur [S] [E], la société TEIA et la société [Adresse 14] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Frédérique ETEVENARD, avocat sur son affirmation de droit.
condamner la SAS BRD & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B] [X], ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société THE ENTREPRENEURSHIP & INNOVATION AGENCY aux dépens.
L'appelante fonde ses demandes sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil.
S'agissant des fautes reprochées à Monsieur [E], elle fait notamment valoir que le dirigeant d'une société engage sa responsabilité envers les tiers s'il commet une faute séparable de ses fonctions et qui lui est imputable personnellement, particulièrement s'il commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales, que Monsieur [E] a fait perdurer l'activité de la société [Adresse 15] manifestement insolvable, débitrice à hauteur de plus de 70.000 €, sans solliciter l'ouverture d'une procédure collective, qu'il a transmis l'activité de cette société aux sociétés [Localité 12] ETIENNE GEOFFRIY SAINT HILAIRE et/ou la société TEIA, sans qu'aucun acte juridique en ce sens n'ait été porté à la connaissance des tiers, organisant ainsi l'insolvabilité de la société [Adresse 15], que le liquidateur judiciaire de cette société ayant d'ailleurs reproché à Monsieur [E] d'avoir fait de la rétention d'informations au cours de la procédure de liquidation judiciaire, détourné ou dissimulé une partie de l'actif de la société [Localité 12] PASCAL, tenté de dissimuler ses fautes en ne remettant aucun document comptable, ou encore maintenu artificiellement en vie la société [Adresse 15] pour organiser son insolvabilité, le Tribunal de commerce de Lyon a prononcé une faillite personnelle de 10 ans à l'encontre de Monsieur [E] ; que ces fautes de Monsieur [E], séparables de ses fonctions ont directement causé à la la SCI LONGUE un préjudice équivalent à la somme qui n'a pas pu être recouvrée de 70.714,58 €, qu'il convient donc de condamner Monsieur [E] in solidum avec les autres intimées, à payer cette somme à la SCI LONGUE.
S'agissant de la collusion frauduleuse reprochée à l'ensemble des intimés, l'appelante fait notamment valoir, que le juge peut renverser la charge de la preuve face à l'impossibilité de prouver un fait négatif, que le [Adresse 15] s'est volontairement séparé de son actif, le transférant à d'autres structures dirigées par Monsieur [E] avant de se placer en liquidation judiciaire, qu'en première instance les intimés d'un prêt à usage, d'un prêt de main d''uvre et d'un contrat de cession de marques , que les marques prétendument cédées n'ont jamais existé, que la contrepartie financière au transfert d'activité n'a jamais été démontrée, que ces contrats sont fictifs, que les intimées ont sciemment organisé l'insolvabilité du débiteur de la SCI LONGUE au détriment de l'appelante.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
La société [Adresse 14] et la société TEIA représentée par son liquidateur judiciaire n'ont pas conclu compte tenu de l'ordonnance précitée du 27 février 2023 déclarant irrecevables toutes conclusions qu'elles viendraient à déposer. Monsieur [E] ne s'est pas constitué.
En application de l'article 954 dernier alinéa, ils sont réputés s'être approprié les motifs du jugement déféré.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Selon l'article 1240 du code civil dont se prévaut la SCI LONGUE, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il lui incombe donc de démontrer la faute reprochée aux intimés, son préjudice et le lien de causalité entre cette faute et ce préjudice, soit en l'espèce, de démontrer que ces derniers ont organisé l'insolvabilité de la société [Adresse 15] à son préjudice ou, à tout le moins, de démontrer que leurs agissements ont permis à cette société de se soustraire au paiement de sa dette locative.
La SCI LONGUE demande pour la première fois en cause d'appel de condamner la société TEIA, qui détient des parts sociales de la société [Adresse 15], in solidum avec les autres intimés au paiement de la somme de 70.714,58 euros à titre de dommages et intérêts pour collusion frauduleuse avec ces derniers. Or, elle ne fait état d'aucun comportement fautif propre à cette société. Il convient donc de débouter la SCI LONGUE de sa demande à l'encontre de la société TEIA.
Il ressort des éléments du dossier que selon son extrait Kbis, le 29 janvier 2015 une décision de non-dissolution de la société malgré des capitaux propres devenus inférieurs à la moitié du capital a été prise par la société [Adresse 15]; que, par avenant au bail du 1er février 2015, les parties ont réduit le montant du loyer et convenu que la locataire aura la faculté de mettre un terme au bail de manière anticipée moyennant un préavis de six mois à compter du 1er septembre 2016, la locataire s'engageant à restituer les lieux au plus tard le 31 août 2017 ; que le 28 juin 2017, la SCI LONGUE a fait délivrer à la société [Adresse 15] un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail; que par ordonnance du 16 octobre 2017, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail à la date du 29 juillet 2017, ordonné l'expulsion de la locataire et sa condamnation au paiement d'une provision de 45.563 euros ; que les locaux ont été restitués le 1er décembre 2017 ; que par jugement du 21 mai 2019, la société [Localité 12] PASCAL a été placée en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 22 février 2018 ; que selon les extraits de publication sur internet relatives aux établissements en cause et les contrats dont se sont prévalus les défendeurs en première instance, le transfert de l'activité de la société [Adresse 15] à la société [Localité 12] ETIENNE ST HILAIRE s'est réalisé entre septembre et novembre 2017. Il apparaît donc que la société [Adresse 15] était déjà en difficultés financières importantes avant le transfert d'activité reproché et ne disposait plus de bail commercial lorsque ce transfert est survenu.
Dans les conclusions déposées le 3 décembre 2020 par la société [Localité 12] ETIENNE GEOFFROY SAINT HILAIRE, la société TEIA et Monsieur [E] devant le tribunal judiciaire, produites par l'appelante, les défenderesses expliquaient notamment qu'en l'absence de locaux pour la rentrée scolaire 2017/2018, ayant une douzaine d'élèves inscrits, elle a décidé de transférer son activité au COURS ETIENNE ST HILAIRE dans un établissement situé à Lyon, ce dernier devant bénéficier du chiffre d'affaires mais supporter les charges transmises, notamment les salaires. Aucun élément ne permet de démontrer que les élèves transférés auraient été plus nombreux ni qu'il résulterait de leur transfert un réel appauvrissement de la société [Adresse 15] qui, en tout état de cause, ne pouvait plus enseigner faute de locaux.
La SCI LONGUE fait état des trois contrats, dont se sont prévalus en première instance les intimés, passés entre d'une part, la société [Adresse 15] représentée par Monsieur [E] et d'autre part, la société [Localité 12] ETIENNE GEOFFROY SAINT HILAIRE représentée également par Monsieur [E], soit :
- un contrat du 5 septembre 2017 intitulé « contrat de prêt de main-d''uvre » pour la période du 5 septembre 2017 au 31 août 2018 aux termes duquel la bénéficiaire, société [Adresse 14], règle pour le compte de la prêteuse les salaires, primes et avantages individuels, congés payés afférents à la période de mise à disposition,
- un contrat du 4 septembre 2017 intitulé « contrat de prêt à usage » de la clientèle (élèves inscrits au [Localité 12] PASCAL) pour une durée d'un an à compter du 4 septembre 2017 renouvelable,
- un contrat du 6 novembre 2017 intitulé « contrat de cession de marque et de nom de domaine » moyennant un prix forfaitaire de 100.000 euros.
L'appelante fait valoir que ces contrats produits tardivement seraient fictifs, auraient été établis pour les besoins de la cause ; qu'il n'y aurait pas de marque inscrite à l'INPI par le [Localité 12] PASCAL mais simplement un domaine dont la valeur est très certainement inférieure à 100.000 euros ; que la somme de 100.000 euros n'aurait pas été effectivement payée ; que s'agissant du paiement de cette somme, les pièces produites sont contradictoires, le liquidateur judiciaire ayant écrit que les pièces comptables destinées à établir ce paiement ne sont pas convaincante et le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 2 décembre 2021 considérant qu'il reste dû un montant de 30.000 euros au titre de cet engagement.
Ces arguments, contradictoires entre eux pour certains, sont inopérants pour démontrer l'existence d'une faute préjudiciable aux créanciers de la société [Localité 12] PASCAL. La cession de marques inexistantes n'a pu être de nature à appauvrir la société [Adresse 15] au détriment de ses créanciers. L'existence d'un transfert d'élèves et des charges correspondantes n'étant pas contestée, il est indifférent de savoir si le contrat produit par les défendeurs sur ce point serait fictif. Le fondement de la créance de 100.000 euros, de même que son paiement, sont incertains.
Par ailleurs, l'appelante se prévaut du jugement rendu le 2 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Lyon prononçant la faillite personnelle de Monsieur [E] pour une durée de dix ans. Ce jugement se fonde sur le comportement fautif de ce dernier notamment en ce qu'il n'a pas coopéré avec les organes de la procédure de liquidation judiciaire de la société [Localité 12] PASCAL, qu'il n'a pas transmis d'information permettant de recouvrer le solde du prix de cession de 30.000 euros diminuant ce faisant le droit de gage général des créanciers, d'avoir privilégié le règlement des échéances du prêt dont il était caution personnelle au préjudice des autres créanciers et de ne pas avoir déclaré l'état de cessation des paiements alors qu'il avait connaissance des difficultés de l'entreprise. Il n'est pas soutenu que le liquidateur ou le ministère public aurait saisi le tribunal de commerce d'une action en comblement de passif en application des dispositions des articles L651-2 et suivant du code de commerce. Le caractère fautif de ces comportements a été retenu par le tribunal de commerce pour fonder la mise en faillite personnelle. Cependant, la démonstration n'est pas faite que les fautes ainsi commises par Monsieur [E] dans la gestion de sa société puis lors de la procédure de liquidation judiciaire auraient eu des conséquences préjudiciables à l'égard de la SCI LONGUE personnellement.
Ainsi, compte tenu des difficultés financières préexistantes de la SCI LONGUE, de son expulsion la privant de local pour exercer son activité, le transfert d'élèves et de professeurs, dont il n'est pas démontré qu'ils soient nombreux, ne permet pas de caractériser l'existence d'une manoeuvre fautive visant à détourner l'actif de la société [Adresse 15] au détriment de ses créanciers.
S'agissant du préjudice allégué, il n'est pas démontré qu'en l'absence du transfert d'activité reproché, la société [Localité 12] PASCAL, privée de locaux, aurait pu poursuivre une activité ou céder celle-ci dans des conditions permettant à son liquidateur judiciaire de disposer de fonds pour régler la créance de la SCI LONGUE. La valeur du domaine transmis par la société [Adresse 11] à la société [Localité 12] ETIENNE GEOFFROY SAINT HILAIRE est inconnue. Il n'est pas établi que cette dernière aurait tiré bénéfice de ce domaine, du nom et de la notoriété du [Adresse 15]. Le préjudice allégué n'est donc pas démontré. Au surplus, faute pour la SCI LONGUE d'avoir déclaré sa créance au passif de la société [Adresse 15], elle s'est, elle-même, privée de la possibilité d'obtenir paiement de sa créance locative dans le cadre de la liquidation judiciaire de la locataire.
La SCI LONGUE ne démontre donc pas l'existence d'un comportement fautif de Monsieur [E] et de la société [Adresse 14] ayant eu pour conséquence de la priver du paiement de sa créance locative impayée de 70.714,68 euros.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société LONGUE de sa demande de dommages et intérêts.
Il convient également de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens, au frais irrépétibles et à l'exécution provisoire.
La SCI LONGUE dont les demandes ont été rejetées sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à payer à la société [Adresse 14] représentée par la société BDR & associés es qualité de liquidateur judiciaire et la société TEIA la somme de 1.500 euros chacune.
Elle sera déboutée de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 14 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (RG 18/9993) en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Déboute la SCI LONGUE de sa demande aux fins de voir condamner la société THE ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) in solidum avec Monsieur [S] [E], et la société [Adresse 13] GEOFFROY SAINT HILAIRE à payer à la SCI LONGUE la somme de 70 714,58€ à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018,
Déboute la SCI LONGUE de sa demande aux fins de voir inscrire au passif de la société THE ENTREPREURSHIP AND INNOVATIVE AGENCY (TEIA) la créance de la SCI LONGUE à hauteur de 70 714,58 € outre intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018,
Déboute la SCI LONGUE de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne la SCI LONGUE aux dépens de la procédure d'appel.
Le greffier, Le président,