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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 9 octobre 2025, n° 25/01090

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/01090

9 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2025

(n° 374 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/01090 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKUS5

Décision déférée à la cour : ordonnance du 02 décembre 2024 - président du TJ de [Localité 21] - RG n° 24/01100

APPELANTS

M. [R] [B]

[Adresse 14]

[Localité 20]

M. [A] [B]

[Adresse 7]

[Localité 19]

Mme [C] [B]

[Adresse 16]

[Localité 19]

M. [K] [B]

[Adresse 16]

[Localité 19]

M. [Z] [B]

[Adresse 18]

[Localité 19]

Représentés par Me Stéphane AMRANE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC290

INTIMÉES

S.A.R.L. SPI 4 CAPITAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 15]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Philippe CONFINO de la SELAS CABINET CONFINO, avocat au barreau de PARIS

S.C.I. FIRST TIME, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 15]

Défaillante, la déclaration d'appel ayant été signifiée le 03 mars 2025 à étude

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 septembre 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Michel RISPE, président de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 906 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Michel RISPE, président de chambre

Caroline BIANCONI-DULIN, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- RENDU PAR DÉFAUT

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Saveria MAUREL, greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

Suivant un acte authentique reçu le 29 mars 2024 par Me [H], notaire associée à [Localité 22], la société First time a vendu à la société SPI, la pleine propriété de biens stipulés 'entièrement libres de location et d'occupation ... et non exploités depuis 2021', situés [Adresse 3] [Adresse 17] et [Adresse 12], dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, s'agissant des lots suivants:

'Lot numéro cinquante-quatre (54)

Au rez-de-chaussée haut, sur la [Adresse 27] Une boutique numéro 1 du plan.

Et les quarante-quatre millièmes (44 /1000 èmes) des parties communes générales.

[...]

Lot numéro soixante-quatre (64)

Au rez-de-chaussée haut sur la [Adresse 27], une boutique en deuxième rang, numérotée 11 au plan.

Et les quarante et un millièmes (41 /1000 èmes) des parties communes générales'.

[...]

Le VENDEUR déclare que la désignation du lot 64 est actuellement: une boutique, incluant un WC et cuisine.

Lot numéro soixante-treize (73)

Un local à usage de réserve numéro 9 du plan.

Et les seize millièmes (16/1000 èmes) des parties communes générales.

Tel que le BIEN existe, avec tous droits y attachés, sans aucune exception ni réserve.

Observation étant ici faite qu'il résulte du croquis joint aux diagnostics réalisés par LLA Diagnostic et visés ci-dessous, que les lots 54 et 73 communiquent par un escalier intérieur.

Le VENDEUR déclare et garantit que les lots 54 et 73 étaient déjà réunis au jour de son acquisition en 2015, et que c'est à tort et par erreur qu'il n'a pas été précisé l'existence de la trémie entre les deux lots dans son titre de propriété'.

Selon un procès-verbal de constat dressé par un commissaire de justice le 28 mai 2024, le local correspondant aux lots n° 54 et 73 était ouvert et y étaient présents MM. [Z] et [A] [B], qui en ont refusé l'accès. Par la suite, M. [R] [B], gérant de la société Royal Poulet, a déclaré être titulaire d'un bail depuis septembre 2020.

Par actes des 24 et 28 juin 2024, la société SPI a fait assigner les consorts [B] ainsi que la société First Time devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil notamment aux fins de l'entendre :

ordonner l'expulsion au besoin avec l'assistance de la force publique de MM. [R], [A], [K], [Z] et [D] [B] et de toute personne dans les lieux, du local situé [Adresse 4] et [Adresse 10] constituant les lots n°54 et 73 (salon de coiffure) et, ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

condamner MM. [R], [A], [K], [Z] et [D] [B] in solidum ou l'un à défaut de l'autre, à payer à la société SPI, à titre de provision, une indemnité journalière d'occupation de 120 euros HT, soit 144 euros TTC par jour à compter du 30 mars 2024 et jusqu'à la libération totale du local constituant les lots n° 54 et 73 ;

condamner MM. [R], [A], [K], [Z] et [D] [B] in solidum ou l'un à défaut de l'autre, à payer à la société SPI une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire du 2 décembre 2024, le dit juge des référés a :

ordonné à défaut de restitution volontaire des lieux dans les 8 jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [D] [B] et de tout occupant de leur chef du local situé dans l'ensemble immobilier sis [Adresse 4] et [Adresse 9], constituant les lots n°54 et 73, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai et ce pendant 60 jours ;

rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

fixé l'indemnité provisionnelle mensuelle d'occupation à la somme de 1 042,09 euros due à compter du 30 mars 2024 et ce, jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux (remise volontaire des clefs ou en suite de l'expulsion), avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance et condamné M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [D] [B] à la payer à la société SPI ;

condamné in solidum M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [D] [B] à payer à la société SPI la somme provisionnelle de 7 361,86 euros au titre de l'indemnité d'occupation due du 30 mars 2024 au 31 octobre 2024 ;

ordonné la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, le point de départ de cette capitalisation étant le 14 novembre 2024 ;

condamné in solidum M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [D] [B] à payer à la société SPI la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [D] [B] de leurs demandes ;

condamné in solidum M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [D] [B] aux dépens ;

rappelé que l'ordonnance de référé est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration effectuée par voie électronique le 26 décembre 2024, les consorts [F] ont relevé appel de cette décision, élevant critiques à l'encontre de tous les chefs de son dispositif.

Par leurs uniques conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 février 2025, au visa des articles L.145-9 du code de commerce, 1103 du code civil, 145-1 et suivants du code de commerce, les consorts [B] ont demandé à la cour de:

les recevoir en leurs demandes, fins et prétentions, les déclarant recevables en leur action ;

recevoir M. [R] [B], local situé dans l'ensemble immobilier situé chez [Adresse 25] et [Adresse 10], constituant les lots n°54 et 73 en son action, en ses demandes, fins et prétentions ;

débouter la société SPI de toutes conclusions ou prétentions contraires comme injustifiées ou en tous les cas mal fondés ;

débouter la société First time de toutes conclusions ou prétentions contraires comme injustifiées ou en tous les cas mal fondés ;

infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé entreprise, notamment en ce qu'elle les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés ; ordonné à défaut de restitution volontaire des lieux dans les 8 jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [D] [B] et de tout occupant de leur chef du local situé dans l'ensemble immobilier sis [Adresse 4] et [Adresse 9], constituant les lots n°54 et 73, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai et ce pendant 60 jours ; rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ; fixé l'indemnité provisionnelle mensuelle d'occupation à la somme de 1 042,09 euros due à compter du 30 mars 2024 et ce, jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux (remise volontaire des clefs ou en suite de l'expulsion), avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance et condamné M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [D] [B] à la payer à la société SPI ; condamné in solidum M. [R], [A], [K], [Z] et Mme. [D] [B] à payer à la société SPI la somme provisionnelle de 7 361,86 euros au titre de l'indemnité d'occupation due du 30 mars 2024 au 31 octobre 2024 ; ordonné la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, le point de départ de cette capitalisation étant le 14 novembre 2024 ; condamné in solidum M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [D] [B] à payer à la société SPI la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; débouté M. [R], [A], [K], [Z] et Mme. [D] [B] de leurs demandes ; condamné in solidum M. [R], [A], [K], [Z] et Mme. [D] [B] aux dépens ;

et statuant à nouveau,

constater l'existence d'une contestation sérieuse et débouter la société SPI de ses actions, demandes, fins et prétentions ;

débouter la société SPI de ses actions, demandes, fins et prétentions ;

débouter la société First time de ses actions, demandes, fins et prétentions ;

ordonner la restitution à M. [R] [B] en ce qu'il est titulaire d'un bail commercial des lieux situés sur l'ensemble immobilier sis chez [Adresse 26] et enjoindre à la société SPI de lui transmettre les avis d'échéance pour la période à compter du mois d'avril 2024 ;

ordonner la restitution à M. [R] [B], exploitant les lieux chez [Adresse 23] [Adresse 6] [Adresse 11] ;

en tout état de cause,

prononcer la mise hors de cause de M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [C] [B], lesquels sollicitent leur mise hors de cause et l'infirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance de référé entreprise puisque le débat ne porte que sur la propriété commerciale de M. [R] [F] au titre de l'exploitation des lieux sous l'enseigne royal poulet ;

condamner in solidum la société SPI et la société First time au paiement à M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [C] [B] à chacun, la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.

Par uniques conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 17 avril 2025, au visa des articles L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, 835 du code de procédure civile, 1743, 1844-16 et 1849 du code civil, la société SPI, devenue SPI 4 Capital, a demandé à la cour de :

la recevoir en ses conclusions et l'y déclarant bien fondée,

in limine litis,

se déclarer incompétente au profit du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Créteil, pour statuer sur la demande des appelants tendant à voir ordonner « la restitution à M. [R] [B], exploitant les lieux chez [Adresse 24] [Adresse 17] et [Adresse 10] » pour le cas où l'ordonnance entreprise était infirmée ;

sur le fond, à titre principal,

confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

et, y ajoutant, ordonner pour assurer l'exécution de la décision à intervenir confirmant l'expulsion, une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux ;

débouter M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [C] [B] de leur appel et de l'intégralité de leurs demandes ;

à titre subsidiaire :

ordonner l'expulsion, au besoin avec l'assistance de la force publique, de M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [C] [B] et de toute personne dans les lieux, du local situé [Adresse 4] et [Adresse 8] à [Localité 1], constituant les lots n°54 et 73, ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

condamner in solidum ou l'un à défaut de l'autre, M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [C] [B] à payer à la société SPI, à titre de provision, une indemnité mensuelle d'occupation de 1 042,09 euros à compter du 30 mars 2024 et jusqu'à libération totale du local constituant les lots 54 et 73 ;

enjoindre à M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [C] [F], de cesser tout acte ou agissement de nature à porter atteinte au droit de propriété de la société SPI et à son droit de prendre possession du local litigieux, ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;

à titre encore plus subsidiaire, pour le cas où, par impossible, la Cour de céans infirmait l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné l'expulsion et jugeait n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expulsion formée par la société SPI :

condamner en tout état de cause, M. [R] [B] payer par provision à la société SPI, une somme de 1 042,09 euros HT par mois, TVA en sus, ce à effet rétroactivement du 30 mars 2024, soit une somme de 13 614,40 euros HT, soit 16 337,28 euros TTC, au titre de la période arrêtée au 30 avril 2025, sauf à parfaire, ladite somme devant être augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date des présentes conclusions ;

ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

enjoindre à M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [C] [B] de cesser tout acte ou agissement de nature à porter atteinte au droit de propriété de la société SPI et à son droit de prendre possession du local litigieux, ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;

en tout état de cause :

dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [C] [B] et les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

condamner M. [R], [A], [K], [Z] et Mme [C] [B] in solidum ou l'un à défaut de l'autre, à payer à la société SPI une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société First Time, à qui les consorts [B] ont fait signifier par acte du 3 mars 2025 leur déclaration d'appel, l'avis fixation et leurs conclusions, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 septembre 2025.

Sur ce,

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il sera rappelé que les demandes tendant à voir donner acte, constater, juger ou encore dire et juger, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais des moyens au soutien de celles-ci en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ces chefs.

En outre, selon une jurisprudence constante, les juges ne sont pas tenus de répondre à un simple argument, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni encore de répondre à une simple allégation dépourvue d'offre de preuve.

Sur la demande de mise hors de cause

M. [A] [B], Mme [C] [B], M. [K] [B], M. [Z] [B] font valoir qu'ils ont été vraisemblablement mis en cause par la société SPI 4 Capital dans le cadre de la procédure 'du fait qu'ils se trouvaient fortuitement dans les lieux au moment du constat par le commissaire de justice'. Ils sollicitent leur mise hors de cause.

Mais, dès lors, qu'il revient à la cour d'apprécier le bien fondé des demandes dirigées contre ceux-ci, cette demande sera rejetée.

Sur la demande d'expulsion

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835, alinéa 1er, du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend de celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Ainsi, l'occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite, alors qu'une telle perturbation s'analyse manifestement en une violation évidente de la règle de droit (cf. Cass. 3ème Civ., 21 décembre 2017, pourvoi n° 16-25.469, Bull. 2017, III, n° 145).

Selon l'article 1714 du code civil, 'On peut louer ou par écrit ou verbalement, sauf, en ce qui concerne les biens ruraux, application des règles particulières aux baux à ferme et à métayage'.

Les articles L.145-1 à L.145-60 du code de commerce régissent les baux commerciaux. En particulier, il résulte de l'article L. 145-9 de ce code que : ' Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement.

A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil.

Le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation ne cesse, au-delà de la durée de neuf ans, que par l'effet d'une notification faite six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Cette notification doit mentionner la réalisation de l'événement prévu au contrat.

S'agissant d'un bail comportant plusieurs périodes, si le bailleur dénonce le bail à la fin des neuf premières années ou à l'expiration de l'une des périodes suivantes, le congé doit être donné dans les délais prévus à l'alinéa premier ci-dessus.

Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné'.

Par ailleurs, en application de l'article 1743 du code civil, 'Si le bailleur vend la chose louée, l'acquéreur ne peut expulser le fermier, le métayer ou le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine.

Il peut, toutefois, expulser le locataire de biens non ruraux s'il s'est réservé ce droit par le contrat de bail'. Et, selon l'article 1377 du même code, 'L'acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d'un signataire, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique'.

Il en découle que, de principe, la vente du bien loué ne met pas fin au bail et que celui-ci est opposable à l'acquéreur sous certaines conditions. Mais, ces dispositions ne sont pas d'ordre public et l'acquéreur peut renoncer à se prévaloir du défaut de date certaine, de façon expresse ou tacite ( cf. Cass. Com. 5 juillet 1965: Bull. civ. III, n°423). Au demeurant, il appartient à l'acquéreur, qui ne conteste pas l'existence du bail, de rapporter la preuve des clauses ou conditions qu'il oppose au locataire (cf. Cass. Civ. 3e, 16 avril 1970 ; Bull. civ. III, n°246).

Il est acquis que lorsque l'expulsion du preneur est poursuivie par l'acquéreur qui se prévaut de l'inopposabilité du bail, il revient au juge de rechercher si ce dernier n'en avait pas été informé, avant l'acquisition, ce qui aurait pour effet d'exclure l'application de l'article 1743 ( cf. Cass. : 3ème Civ., 20 juillet 1989, pourvoi n° 88-13.413 ; 3ème Civ., 29 septembre 1999, pourvoi n° 97-22.129 ; 2ème Civ., 27 février 2020, pourvoi n° 18-19.17). De plus, si le vendeur a déclaré faussement dans l'acte de vente que l'immeuble vendu était libre de location, il engage sa responsabilité. Il en est notamment ainsi à l'égard du preneur, le défaut d'enregistrement du bail étant étranger aux obligations de ce dernier envers le bailleur (cf. Cass. 3ème Civ., 4 mai 1973, n° 72-10.273, Bull. civ. III, n° 312 ).

L'article 28, 1°, b, du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière prévoit la publication obligatoire au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles de tout 'bail pour une durée de plus de douze années, et, même pour un bail de moindre durée, quittance ou cession d'une somme équivalente à trois années de loyers ou fermages non échus'. L'article 30 de ce décret sanctionne le défaut d'une telle publication par l'inopposabilité aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés, ou ont fait inscrire des privilèges ou des hypothèques.

Au cas présent, les parties s'opposent sur l'existence d'un titre conférant à l'un des appelants, M. [R] [B], exploitant de l'établissement Royal Poulet, le droit d'occuper les lieux acquis par la société SPI 4 Capital et qui serait opposable à cette dernière.

Les appelants invoquent l'existence d'un contrat de bail commercial écrit, produit au débat, conclu pour une durée de neuf ans à effet du 1er septembre 2020 et donc antérieurement à la cession du bien immobilier, entre la société First Time, alors représentée par M. [A] [B], et M. [R] [B]. Le dit contrat désigne les lieux loués, destinés à une activité de restauration, comme s'agissant du lot 54 de l'immeuble situé [Adresse 4] et [Adresse 12], moyennant un loyer mensuel de 900 euros dont 100 euros au titre des charges.

Certes, il n'est pas discuté que ce contrat est un acte sous seing privé et n'a pas été reçu en la forme authentique. Et, comme l'a relevé le premier juge, il n'est pas justifié d'un enregistrement de celui-ci, quoique, comme le font valoir les appelants et au vu des dispositions précitées, aucune formalité d'enregistrement de ce contrat n'était obligatoire.

Mais, pour constater l'inopposabilité à la société SPI 4 Capital du titre dont se prévalent ainsi les consorts [B], il convient de rechercher si la société SPI 4 Capital en avait eu connaissance.

A cet égard, la cour relève que le premier juge a constaté qu'il n'existait pas de bail opposable à la société SPI 4 Capital alors que rien ne justifiait par ailleurs que cette dernière ait eu connaissance de ce bail et se soit engagée à le respecter avant la vente.

Les appelants se prévalent de la particulière mauvaise foi que la société SPI 4 Capital alors qu'elle prétend qu'elle n'avait pas connaissance d'une quelconque activité commerciale dans le local. Ils soulignent la présence d'une enseigne sur la devanture démontrant que le local était bien dédié à une activité et que surtout elle a pu elle-même constater 'avec son huissier' que le local faisait l'objet de travaux, et comportait à l'intérieur des locaux des matériaux démontrant que des travaux avaient lieu dans le local.

Ils produisent un procès-verbal dressé par un commissaire de justice le 23 mai 2024, qui a constaté que la présence d'un local commercial entièrement en chantier et rempli de matériaux à cette fin, outre que les agencements, meubles et mobilier de restauration sont approvisionnés et stockés sur place.

La cour relève que selon l'acte de vente du 29 mars 2024, au titre duquel la société SPI 4 Capital a acquis de la société First time la pleine propriété des biens concernés, certes, contrairement à ce qu'a constaté le commissaire de justice le 23 mai 2024 suivant, il est mentionné que ceux-ci sont 'entièrement libres de location et d'occupation ... et non exploités depuis 2021'. Cependant, il y est aussi précisé que :

'L'acquéreur est propriétaire du bien à compter de ce jour.

Il en a la jouissance à compter du même jour par la prise de possession réelle, les parties déclarant que le bien est entièrement libre de location ou occupation.

Observation étant ici faite qu'il avait été prévu aux termes de l'avant-contrat que les biens devaient être entièrement vides, notamment de tous matériels ou meubles meublants pour la signature des présentes. Le vendeur déclare que les biens n'ont finalement pas été vidés, ce que l'acquéreur accepte et déclare vouloir en faire son affaire personnelle.

Le vendeur déclare que les biens n'ont pas, avant ce jour, fait l'objet d'un congé pouvant donner lieu à l'exercice d'un droit de préemption.

Observation étant ici faite que la société First time vendeur aux présentes depuis l'acquisition des biens a exploité lesdits biens à titre commercial, savoir un salon de coiffure pour les lots 54 et 73 et un Kebab pour le lot 64.

Le vendeur déclare que les locaux ne sont plus exploités depuis 2021 (date à laquelle Monsieur [P] signataire des présentes a racheté les parts de la société) et qu'aucun congé n'a été donné aux locataires; le propriétaire étant exploitants des biens'.

Alors qu'il était ainsi fait état dans l'acte de cession, d'une part, de la présence de matériels ou meubles meublants qui auraient dû être vidés et dont l'acquéreur acceptait et déclarait vouloir en faire son affaire personnelle, d'autre part, de l'absence de congé donné aux locataires, le premier juge ne pouvait pas, sans excéder ses pouvoirs, retenir avec l'évidence requise en référé que la société SPI 4 Capital n'avait pas connaissance de ce que les locaux dont elle se portait acquéreur n'étaient pas loués à un tiers.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande d'expulsion, ni sur les demandes subséquentes notamment afin de fixation d'une indemnité d'occupation. L'ordonnance entreprise sera donc infirmée de ces chefs.

Sur la demande de restitution à M. [R] de l'ensemble immobilier

Les appelants demandent à la cour d'ordonner la restitution à M. [R] [B], exploitant les lieux 'Chez royal poulet', des lieux sis l'ensemble immobilier sis [Adresse 5] et [Adresse 9].

La société SPI 4 Capital, tout en constatant l'absence de motivation au soutien de cette prétention, demande 'in limine litis', à la cour de se déclarer incompétente pour en connaître en statuant sur l'appel interjeté d'une ordonnance de référé. Elle explique qu'en application de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, 'Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, les difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée [']' et que conformément à l'article L.111-10 du code des procédures civiles d'exécution : 'L'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire.

L'exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié'. Elle précise que l'ordonnance de référé ayant prononcé l'exécution n'a pas été exécutée et que si la cour infirme cette décision en ce qu'elle a ordonné l'expulsion, la question du rétablissement de M. [R] dans ses droits « en nature ou par équivalent », relèverait de la compétence exclusive du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Créteil, en application des dispositions précitées.

Mais, dès lors que les consorts [B] n'ont développé aucun moyen dans le corps de leurs conclusions à ce titre, la cour dira qu'il n'y a pas lieu à référé sur leur prétention énoncée au dispositif de leurs conclusions de ce chef.

Sur la demande d'injonction formée par la société SPI 4 Capital

La société SPI 4 Capital demande à la cour d'enjoindre aux appelants de ' cesser tout acte ou agissement de nature à porter atteinte au droit de propriété de la société SPI 4 Capital et à son droit de prendre possession du local litigieux, ce sous astreinte de 5.000 € par infraction constatée'.

Mais, alors que l'occupation sans droit, ni titre du local appartenant à la société SPI 4 Capital du fait des appelants, n'est pas établie avec l'évidence requise en référé, la cour dira qu'il n'y a pas lieu à référé sur cette prétention.

Sur la demande de condamnation provisionnelle formée par la société SPI 4 Capital

La cour rappelle qu'aux termes de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire statuant en référé peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Ainsi, s'il appartient au demandeur à une provision d'établir l'existence de la créance qu'il invoque, c'est au défendeur de prouver que cette créance est sérieusement contestable.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions de la partie demanderesse n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En outre, le juge des référés peut toujours tirer les conséquences des stipulations claires et précises d'un contrat ne nécessitant aucune interprétation, et ce n'est que lorsque ces conditions ne sont pas réunies qu'il n'a pas le pouvoir de trancher la contestation.

Par ailleurs, l'article 1353 du code civil dispose que :

'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.

L'article 1103 du même code civil énonce que 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.'

Enfin, selon l'article 1342-8 du code civil, 'Le paiement se prouve par tout moyen.'

Au cas d'espèce, dans l'hypothèse où la cour dirait n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expulsion, la société SPI 4 Capital sollicite la condamnation de M. [R] [B] à lui payer, par provision, la somme de 13 614,40 euros hors taxes (HT), soit 16 337,28 euros toutes taxes comprises (TTC), au titre de la période arrêtée au 30 avril 2025, sauf à parfaire, ladite somme devant être augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de ses conclusions, correspondant au montant mensuel du loyer de 1 042,09 euros HT/mois depuis le 30 mars 2024 au titre de son occupation des locaux.

Alors que, comme le fait observer la société SPI 4 Capital, M. [R] [B] revendique être le locataire du local litigieux et qu'il ne conteste pas sa qualité de propriétaire de celui-ci, ni ne soutient lui avoir réglé les loyers ainsi réclamés conformément aux prévisions du contrat de bail, il y a lieu de faire droit à la demande à ce titre.

Aussi, la cour condamnera M. [R] [B] à payer à la société SPI 4 Capital une provision au titre des loyers échus entre le 30 mars 2024 et le 30 avril 2025 d'un montant de 16 337,28 euros outre intérêts au taux légal à compter de la demande du 17 avril 2025, et avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes accessoires au titre des frais de procédure

Il sera rappelé que la définition des dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution résulte des dispositions de l'article 695 du code de procédure civile, sans qu'il appartienne au juge de la modifier ni d'y ajouter, notamment s'agissant d'y inclure tel ou tel frais, notamment s'agissant du coût d'un acte.

En application de l'article 696 alinéa 1er du même code, de principe, les dépens doivent être mis à la charge de la partie perdante.

Et, en application de l'article 700 du même code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie, la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Compte tenu du sens de l'arrêt, la décision entreprise sera infirmée dans ses dispositions afférentes aux frais et dépens.

Partie perdante dans l'essentiel de ses prétentions, la société SPI 4 Capital sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité pas plus que la situation économique des parties ne commandent qu'il soit alloué d'indemnité au titre des frais exposés dans le cadre de l'instance d'appel non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de mise hors de cause formée par M. [A] [B], Mme [C] [B], M. [K] [B], M. [Z] [B] ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expulsion formée par la société SPI 4 Capital et sur les demandes subséquentes ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de restitution de l'ensemble immobilier formée par M. [R] ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société SPI 4 Capital d'injonction de cesser tout acte ou agissement de nature à porter atteinte à son droit de propriété sous astreinte ;

Condamne M. [R] [B] à payer à la société SPI 4 Capital une provision au titre des loyers échus entre le 30 mars 2024 et 30 avril 2025 d'un montant de 16 337,28 euros outre intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2025, et avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société SPI 4 Capital aux dépens de première instance et d'appel ;

Rejette les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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